Esaïe 56 - 1 et 6-7
1 Ainsi parle le SEIGNEUR : Veillez à l'équité,
agissez selon la justice ; car mon salut est près d'arriver, ma justice
est sur le point de se dévoiler.
2 Heureux l'homme qui fait cela, l'être humain qui s'y
tient, observant le sabbat, pour ne pas le profaner, et gardant sa main de
toute action mauvaise !
3 Que l'étranger qui s'attache au SEIGNEUR ne dise
pas : Le SEIGNEUR me séparera de son peuple ! Que l'eunuque ne dise
pas : Je suis un arbre sec !
4 Car voici ce que dit le SEIGNEUR aux eunuques qui
observent mes sabbats, qui choisissent ce à quoi je prends plaisir et qui
demeurent fermes dans mon alliance :
5 Je leur donnerai dans ma maison et dans mes murs un
monument et un nom meilleurs que des fils et des filles ; je leur donnerai
un nom pour toujours, il ne sera jamais retranché.
6 Quant aux étrangers qui s'attacheront au SEIGNEUR
afin d'officier pour lui, qui aimeront le nom du SEIGNEUR au point de devenir
ses serviteurs, tous ceux qui observeront le sabbat en se gardant de le
profaner, et qui demeureront fermes dans mon alliance,
7 je les amènerai dans ma montagne
sacrée et je les réjouirai dans ma maison de prière ; leurs holocaustes et
leurs sacrifices seront agréés sur mon autel ; car ma maison sera
appelée« Maison de prière pour tous les peuples ».
L’espérance est sans doute un des mots clé de la Bible. Quelque soit le regard que nous portions sur la Bible et en dépit des
récits les plus violents qu’on y trouve,
il y a toujours une note d’espérance qui
engage l’humanité en recherche de
Dieu, à s’impliquer dans la construction d’un avenir heureux pour tous.
Aujourd’hui nous cueillons cette note
d’espérance sur la bouche du prophète Esaïe qui par ailleurs n’avait pas
l’habitude de mâcher ses mots pour fustiger un peuple rebelle à Dieu car il cherchait les voies de son avenir en pratiquant une politique contraire à la volonté divine et sa pratique
du culte n’était pas toujours en accord avec les vérités reçues de Dieu. Chacun croyait fermement que s’il s’appliquait
à pratiquer extérieurement les exigences de la Loi de Moïse, Dieu le conforterait comme peuple privilégié à la face des
nations. Or ça ne marchait pas.
Il faut dire
que Ia loi de Moïse n’était pas vraiment respectée, le droit et la
justice étaient bafoués. Le désir de puissance habitait leurs dirigeants et les plus riches parmi eux ne cherchaient
qu’à s’enrichir au détriment du partage avec les déshérités. Le message des
prophètes qui ne cessaient de rappeler à
tous la volonté de Dieu était pourtant assez simple. Il s’agissait de changer d’attitude, de se convertir, de
voir les choses autrement et l’avenir s’ouvrirait à nouveau. Se répandait
alors l’idée que si les choses ne se passaient pas comme on l’aurait
voulu c’est que Dieu était jaloux, sévère, parfois injuste et versatile. L’idée
a perduré jusqu’à nos jours au point que
les peuples d’aujourd’hui se détournent de ce Dieu et qu’ils le ravalent au rayon des produits dépassés issus de
l’héritage d’une antiquité disparues à jamais.
Mais
qui prétend cela oublie qu’une
autre lecture des textes est toujours
possible, C’est celle que fit Jésus et que firent de nombreux prophètes
avant lui, notamment Esaïe. Ils ont affirmés, textes à l’appui, qu’avant d’être le Dieu redoutable que l’on craint, Dieu est d’abord un
pourvoyeur de vie pour les hommes qui le cherchent. Il veut orienter leurs pas et il s’offre à eux pour
construire des projets qui font vivre. Cependant
Dieu
ne cautionne pas n’importe quel
projet et ne s’inscrit pas dans ceux des
hommes qui cherchent à obtenir de lui la garantie de leurs privilèges et le
maintien de leurs avantages, car c’est ce que cherchent d’abord la plupart des humains.
S’ils sont forts et puissants, ils cherchent
à s’imposer par la force ou la conviction et aussi par la violence et réclament
l’aide de Dieu parce qu’ils se
considèrent dans leur bon droit. S’ils
sont faibles, ils considèrent que Dieu pourrait
s’associer à leurs projets en les favorisant par rapport à ceux dont ils espèrent rejoindre les rangs de privilégiés. Il est en effet dans notre nature humaine de
chercher à supplanter les autres et à se mettre dans une situation plus
avantageuse que la leur. Quand ils y arrivent ils remercient Dieu d’avoir fait
d’eux ce qu’ils sont devenus. Mais Dieu y est-il pour quelque chose ? Par
contre, quand le sort se retourne contre eux, ils accusent Dieu d’injustice,
lui reprochent de ne pas se soucier des hommes et d’être injuste envers eux.
Les hommes se fabriquent ainsi un Dieu à leur
propre image. Ils voudraient qu’il soit le reflet de leurs propres désirs. C’est avec cet esprit qu’ils ouvrent les
Livres sacrés et qu’ils les interprètent selon leurs convenances. C’est ainsi
que l’image d’un Dieu injuste, versatile et violent s’impose à eux quand ils ne bénéficient pas
des privilèges qu’ils voudraient se voir accordés. Chose curieuse, c’est à partir de ces mêmes textes que Jésus a fait de Dieu une
approche radicalement différente et qu’il a pu nous le présenter
sous les traits d’un Dieu paternel rempli d’amour pour les hommes,
toujours prompt à les faire progresser dans la voie de l’espérance.
Puisque l’image que nous nous faisons de Dieu
est grandement une projection des désirs de l’homme sur le divin, puisqu’il ne
nous est pas possible de voir Dieu
autrement qu’à travers les lunettes déformantes de notre humanité, interrogeons-nous alors sur nous-mêmes.
L’être humain est un prédateur redoutable, il
ne se satisfait qu’en assouvissant son instinct de domination. Certes, tous n’entrent
pas dans cette réalité, parce que tous ne le peuvent pas. Mais tous sont en situation de se sentir désireux de
supplanter les autres. Parmi eux les croyants cherchent à utiliser les faveurs de Dieu pour atteindre
ce but. Ceux qui sont au faîte de la pyramide sociale remercient Dieu de les y
avoir amenés et lui demandent de les y
maintenir. Les autres considèrent que Dieu,
dans sa grande bonté pourrait contribuer
à leur élévation sociale. Les premiers pensent que leur privilège relève de la faveur de Dieu, les autres
pensent que leur ascension relève de sa justice. Quant à l’immense masse
de ceux
qui se considèrent comme victimes
de l’injustice de Dieu et de l’injustice des hommes tout à la fois, tout le
monde les plaint sans faire vraiment le
nécessaire pour changer leur sort.
C’est alors que l’oreille attentive entendra
la voix du Seigneur qui s’exprime par la bouche du prophète : «
Observez le droit, pratiquez la justice, car mon salut est sur le point
d’arriver ». Le mot de
« justice » ici est associé à la notion de salut. Le salut, c’est la conscience que porte en
lui, le croyant qui sait qu’il est en accord avec Dieu. Il sait que la notion de justice qu’il
exprime dans le moindre de ses actes reçoit l’aval de Dieu s’il s’apparente à
ce que Jésus appelle l’amour. Le « comportement juste » est le
comportement, de celui qui cherche à donner à chacun la qualité de vie qui lui permettra d’exister
d’une manière plus heureuse dans une vie qui ne sera pas privilégiée, mais
équitable.
Bien évidemment quand plusieurs siècles avant
Jésus Christ, le prophète tenait un tel raisonnement, il n’a pas plu et il fut
malmené par ses contemporains qui ont continué
à chercher la voie de leur salut dans l’acquisition
d’avantages qui les rendaient privilégiés par rapport aux autres. Bien des
siècles ont passé sans que rien ne réussisse à étouffer cette voix et c’est Jésus qui a
nouveau l’a faite retentir. Il promettait à tous de leur ouvrir la voie du salut
s’ils cherchaient à s’accorder
avec la notion de justice selon
la conception de Dieu. Cette notion consistait à préconiser pour tous la même qualité de vie en se donnant
pour seule règle, celle de l’amour qui consiste à aimer les autres voire même
ses ennemis plus que soi-même.
En cherchant à aimer les autres comme
Jésus l’a enseigné, chacun doit se
donner pour règle de vie de ne pas laisser ses instincts de
domination prendre le dessus au
détriment des autres. C’est ainsi qu’avec Jésus on pourra entreprendre la
construction de son Royaume de paix et d’espérance. Il est évident que pour réussir, une telle
entreprise ne doit pas rester celle d’individus particuliers dont le comportement
fait aujourd’hui l’admiration de tous. Mais elle doit être celle de toutes les Eglises.
Elle doit prendre priorité dans leur enseignement et leur comportement. En se
comportant ainsi et en enseignant à le faire, les églises ne croîtront pas forcément, mais elles auront
la satisfaction d’être fidèles à leur Seigneur. C’est là que se trouve leur
vocation.
Illustrations de Georges Paul François Laugée, et Julien Dupré
Illustrations de Georges Paul François Laugée, et Julien Dupré
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