(Ce sermon
vous a déjà été proposé pour le 15 mars
2012. J’y ai apporté quelques légères corrections. )
20 Il y avait quelques Grecs parmi les gens qui étaient montés pour adorer
pendant la fête. 21 S'étant approchés de Philippe, qui était de Bethsaïda, en
Galilée, ils lui demandaient : Seigneur, nous voudrions voir Jésus.
22Philippe vient le dire à André ; André et Philippe viennent le dire à
Jésus.
23 Jésus leur répond : L'heure
est venue où le Fils de l'homme doit être glorifié. 24 Amen, amen, je vous le
dis, si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il demeure seul ;
mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. 25 Celui qui tient à sa vie la
perd, et celui qui déteste sa vie dans ce monde la gardera pour la vie
éternelle. 26 Si quelqu'un veut me servir, qu'il me suive, et là où moi, je
suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu'un veut me servir, c'est le Père
qui l'honorera.
27 Maintenant je suis troublé. Et
que dirai-je ? Père, sauve-moi de cette heure ? Mais c'est pour cela
que je suis venu en cette heure. 28 Père, glorifie ton nom ! Une voix vint
donc du ciel : Je l'ai glorifié et je le glorifierai encore. 29 La foule
qui se tenait là et qui avait entendu disait que c'était le tonnerre. D'autres
disaient : Un ange lui a parlé. 30 Jésus reprit : Ce n'est pas à
cause de moi que cette voix s'est fait entendre, mais à cause de vous. 31 C'est
maintenant le jugement de ce monde ; c'est maintenant que le prince de ce
monde sera chassé dehors. 32 Et moi, quand j'aurai été élevé de la terre,
j'attirerai tous les hommes à moi. 33 Il disait cela pour signifier de quelle
mort il allait mourir.
Il y a un art de voir qui ne relève pas du bon
fonctionnement de nos yeux mais qui relève de notre âme. Il y a une faculté de
sentir les choses qui ne relève pas de nos sens mais d’une perception
intérieure de tout notre être qui nous met en contact avec des réalités que
nous ne soupçonnons pas. La réalité de Dieu s’impose à nous sans qu’il soit
nécessaire de voir quoi que ce soit ou d’entendre quelque chose. Les certitudes
qui nous habitent ne viennent pas de ce que nous voyons, mais de ce que nous
croyons.
Les mystères de l’âme humaine n’ont pas encore
vraiment été explorés, car ils ne relèvent d’aucune investigation scientifique.
Ils relèvent de l’expérience que chacun fait avec Dieu. Il ne faut pas entendre
par le mot âme un principe surnaturel et éternel qui serait la partie noble de
notre être en opposition à tout ce qui est matériel et sensible. Il faut
comprendre par cette expression tout ce qui relève de notre vie intérieure et
qui reste inaccessible aux techniques d’investigation des hommes.
Celui qui cherche Dieu pense souvent qu’il pourra le
rencontrer au moyen de ses sens. Il se tient en alerte pour écouter afin
d’entendre. Il lit les théologiens ou les philosophes et espère en
s’appropriant leurs expériences trouver un contact avec le sacré. Il s’imprègne
de musique à laquelle il se croit sensible et croit alors qu’il entendra peut
être Dieu dans le jeu sublime des instruments et des interprètes. Il contemple
le soleil qui se couche sur l’océan et croit comprendre par ce spectacle tout
le mystère de la création et de la grandeur de Dieu ! En fait, il n’en est
rien, cela ne relève que des techniques que l’expérience humaine a déjà
éprouvées depuis longtemps. Elles nous prédisposent sans doute à une ouverture
à Dieu, mais elles ne nous révèlent pas Dieu.
Un tel comportement rejoint celui de ces grecs qui
dans notre passage veulent voir Jésus et que Jésus laissent sans réponse. Ils
espèrent en le voyant se rapprocher de Dieu et Jésus les détourne de ce projet.
Il ne se montre pas à eux car le fait de voir ou de ne pas voir n’éclairera en
rien leur demande de foi. Sans doute font-ils une démarche louable, et ils s’y
prennent bien. Ils s’adressent à Philippe, puis à André dont les noms révèlent
qu’ils sont eux aussi, sans doute d’origine grecque. Ils viennent de Bethsaïda,
de l’autre côté du lac qui est perçu comme une terre païenne. Ils considèrent que
les deux disciples grecs sont les plus qualifiés pour les introduire en
présence du Seigneur, mais Jésus ne permet pas à la démarche d’aboutir et nous
restons, comme eux sur notre faim.
Les gens qui cherchent à développer leur spiritualité
croient bien souvent qu’en essayant de voir, ils parviendront à croire. «
Montre-nous le Père » dira un peu plus loin Thomas et Jésus le renverra à sa
vie intérieure : « Il y a si longtemps que je suis avec vous et tu n’as
toujours pas compris ! » Ni Thomas, ni nous-mêmes n’avons compris que nos sens
nous trahissent et nous entraînent à croire ce qui n’a pas lieu d’être. La foi
n’est pas de l’ordre de ce qui se voit.
Jésus fait dire à ces amis grecs qui cherchent à le
voir, que si ils veulent comprendre quelque chose à son message, c’est dans ce
qui ne se voit pas qu’ils le trouveront, car c’est dans la mort de Jésus que se
tient tout le mystère de la vie en Dieu. Ce mystère oriente nos regards vers
l’événement de Pâques qui contient en lui tout ce qu’il nous faut savoir pour
comprendre Dieu.
Le récit de l’événement de Pâques occupe plus du 1/4
de chaque évangile. Il s’achève sur un non-événement,
car la résurrection est un événement qui ne se voit pas. C’est un non-événement
puisque le récit est présenté comme s’il n’avait pas eu lieu. Les gardes
dormaient devant le tombeau et ne s’aperçurent de rien, les disciples qui se
terraient dans leurs maisons n’étaient pas là, les femmes affairées dès le
petit matin arrivèrent trop tard et ne découvrirent que le tombeau vide. Ce vide
n’est pas le vide du néant sans quoi on aurait trouvé un corps pour attester
qu’il était bien mort. L’absence du corps se constate, mais ne se voit pas,
elle est beaucoup plus troublante que sa présence. S’il y a quelque chose à
comprendre, ce n’est pas dans ce qu’il y a à voir que cela se situe, puisqu’il
n’y a rien à voir.
Mais Ils ont bien vu le ressuscité par la suite ! Sans
doute ! Mais dans un premier temps, quand ils l’ont vu ils n’ont pas cru que
c’était lui. Marie Madeleine l’a pris pour le jardinier et les disciples
d’Emmaüs ne réalisèrent que c’était lui réalisent qu’après son départ quand ils
ne le voyaient plus. Bien sûr, plus tard, ils le verront tous, à l’exception de
Thomas, mais ce sera trop tard car la réalité de la résurrection s’était déjà
imposée à eux dans le non-événement qui constitue l’épisode du tombeau vide,
car la résurrection elle aussi ne se voit pas. C’est à cause de cela que les
peintres n’ont jamais pu en rendre vraiment compte.
Même une réalité aussi nécessaire à notre foi que la
résurrection ne parvient pas à nous par les sens. Cette réalité parvient à nous
par des itinéraires intérieurs qui nous bousculent. L’individu que nous sommes
n’entre pas dans le mystère de Dieu par des moyens humains, c’est Dieu qui
vient vers lui par des itinéraires divins. Cela n’est pas réservé à quelques
initiés, cela est le fait de tout un chacun. Dieu se rend disponible à tous.
Mais nous ne pourrons pas comprendre Dieu si nous occultons les manifestations
de son esprit par toutes sortes d’artifices humains qui au lieu de le révéler
risquent de lui barrer le chemin.
Nous devons prendre en compte qu’il existe en nous une
autre dimension de l’individu qui n’est pas faite de chair et de sang mais qui
est faite d’esprit et de sentiments, et c’est là que Dieu se plaît à venir
habiter. C’est au niveau de ce qui est insaisissable en nous que Dieu révèle à
chacun le mystère d’une vie qui nous dépasse et qui reste insaisissable par les
sens. Cette vie dépasse ce qui est matériel et nous révèle qu’au delà de l’être
physique que nous sommes il y a une réalité profonde que beaucoup de
soupçonnent même pas mais à qui Dieu confère une valeur d’éternité.
Jadis, dans une société aujourd’hui révolue, on disait de celui dont la vie intérieure était perceptible à l’extérieur qu’il était une belle âme. Cette réalité ne se voit pas mais elle se perçoit. Il en va de même pour la réalité de Dieu, il ne se voit pas mais il se perçoit et cette perception s’impose à nous comme une conviction. Celui qui prétend chercher Dieu et qui se plaint de ne pas le trouver se trompe car en fait Dieu est déjà installé en lui depuis longtemps et il n’attend pour se manifester que l’on se rende disponible.
Il attend que nous cessions de nous agiter et de
tenter de faire des expériences spirituelles pour découvrir au fond de
nous-mêmes ce Dieu qui est déjà au rendez-vous. C’est alors qu’il nous sera
possible non pas de voir Dieu mais de le percevoir. Sa Parole, sans faire
vibrer les ondes sonores deviendra clairement perceptible dans les Ecritures
qui nous parlent de lui et où les propos de Jésus prennent du sens.
Cette Parole retentit en nous comme un encouragement à
vivre avec intensité la vie présente puisque cette vie s’enrichit déjà de
l’éternité. Pour en arriver là il faudra que chacun prenne sur lui de
considérer que la vraie vie en Dieu n’est perceptible que pour ceux qui
acceptent d’orienter leur méditation vers ce lieu de mort qu’est la croix et ce
lieu de vide qu’est le tombeau. La vérité sur Dieu se fera alors manifeste au fond
de nous pour nous révéler que la mort est dépassée par la vie qui repose déjà
en nous et que Dieu concrétise en nous par la foi.
Si j’ai choisi d’illustrer ce sermon en utilisant des
images du Retable d’Issenheim peint par Grunwald de 1512 à 1516, c’est parce
que cette peinture rend compte de l’invisible à travers le visible.
La souffrance et la mort donnent le ton à ce tableau,
mais pourtant, dans cette atmosphère délétère, on sent doucement poindre la
vie. Le désespoir des vivants ainsi que le cadavre pendu au bois laissent
transparaître la réalité d’une autre vie à partir du personnage de Jean
Baptiste qui occupe toute la droite du tableau. Venu d’au-delà de la mort, il
témoigne de la vie qui surgit des Ecritures dont il tient le livre dans la
main gauche et qu’il transmet par son doigt pointé sur le corps sans vie du
Seigneur. La vie nouvelle de la résurrection devient réalité alors que tout
suggère la mort. Il faut être croyant pour comprendre cela.
Dans quelques jours, je vous proposerai un sermon sur
Jérémie 31 :31-34 . Cet autre texte est également proposé dans la liste de
lectures pour le 22 mars.
1 commentaire:
Sans vouloir offencer personne, voici comment nous autres orhrodoxes comprenons ce passage :
Les Grecs demandent àvoir Jésus car ils sont en quête spirituelle, ouverts et curieux des autres peuples.
Ils montent d'Antioche, la cité grecque, capitale politique de la région (les Romains s'appuient sur l'administration grecque mise en place par Alexandre) à Jérusalem, la capitale religieuse juive.
Ils y vont pour adorer (proskinèsein) c'est à dire participer à la célébration de la pâque juive, alors qu'ils ne sont oas Juifs, et que les rabins voient cette promiscuité culturelle d'un mauvaie oeil (révolte des Macchabés).
Ils ont entendu parler de Jésus, et leur ouverture d'esprit et leur curiosité hellénique les pousse à demander à le rencontrer.
Il semble q'il y ait rupture dans le récit car le christ réagit à l'annonce de la présence de ces Grecs par l'annonce de la venue de l'heure de gloire, de la Passion.
Mais la phrase suivante explique cette annonce. Le double amen annonce une parole divine prophétique.
Jésus se compare à une graine qui doit tomber et mourrir pour donner des fruits nombreux. Mais il doit tomber sur un terre fertile, comme nous le dit la parabole du semeur.
Un terre aride, des ronces, des rocailles et la graine je donne pas de fruits.
La parabole du semeur dit explicitement que chacune de ces terres est un peuple et que l'acceuil qu'il feront au christ donnera une Eglise plus ou moins florissante.
Il est donc évident que la tout première terre destinée à recevoir la toute oremière graine, ce sont les Grecs.
Grace à leur présence le salut peut s'ouvrir aux autres nations. Et il c'est pourquoi l'Evangile dit 'il n'y a plus ni Grec ni Juif, ni homme ni femme, ni libre ni esclave, ni riche ni pauvre, mais tous sont un en Jésus christ.
Et nous savons que Jésus ne s'est pas trompé. Les Juifs et les Grecs de l'empire Romain se sont empressés de répandre la bonne nouvelle, l'empire est devenu chrétien, et ils ont porté l'Evangile au delà de l'empire.
Saint Denis, premier évèque de Gaule, plus précisément saint Denysios, n'était-il pas un Athénien?
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