.Marc 12 :28-34
Le premier de tous les commandements -
28 Un des scribes, qui
les avait entendus débattre et voyait qu'il leur avait bien répondu, vint lui
demander : Quel est le premier de tous les commandements ? 29 Jésus
répondit : Le premier, c'est : Ecoute, Israël ! Le Seigneur,
notre Dieu, le Seigneur est un, 30 et tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout
ton cœur, de toute ton âme, de toute ton intelligence et de toute ta force. 31
Le second, c'est : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas
d'autre commandement plus grand que ceux-là.
32 Le scribe lui
dit : C'est bien, maître ; tu as dit avec vérité qu'il est un et
qu'il n'y en a pas d'autre que lui, 33 et que l'aimer de tout son cœur, de
toute son intelligence et de toute sa force, et aimer son prochain comme
soi-même, c'est plus que tous les holocaustes et les sacrifices. 34 Jésus,
voyant qu'il avait répondu judicieusement, lui dit : Tu n'es pas loin du
royaume de Dieu. Et personne n'osait plus l'interroger.
Que serait le monde sans
amour ? Les poètes l’ont chanté, les peintres l’ont représenté et notre
tête est remplie de souvenirs d’amours passées qui subsistent peut être encore
et qui enchantent notre mémoire. Sans amour, l’humanité disparaîtrait dans l’oubli et dans la mort.
Comment pourrait-on vivre si personne n’éprouvait l’ombre d’un sentiment pour
nous ou si nous n’éprouvions aucun sentiment pour personne. Jésus a bien vu que
les hommes ne peuvent vivre sans l’amour qu’ils échangent avec leurs
semblables, c’est pourquoi à la demande d’un jeune scribe sympathique il a
extrait des 613 articles de la loi deux commandements dont l’un parle de l’amour de Dieu et l’autre
de l’amour du prochain.
L’amour est un sentiment que
l’on a du mal à analyser. Il provient du plus profond de nous-mêmes et fait
vibrer notre âme d’une manière exquise sans que l’on sache vraiment quels en
sont les causes. Cependant chacun de ses
effets embellit tellement la vie
qu’elle se trouve radicalement transformée. L’amour fonctionne comme un moteur qui fait avancer
notre vie sur la voie du bonheur. Il se cache dans tous les recoins de l’être
et arrache de notre cœur des sentiments d’extase et d’exaltation pour une autre
personne qui ne provoque apparemment pas les mêmes émotions chez les autres. Au
lieu de s’en tenir à ces constatations bucoliques, les chercheurs ont voulu aller plus loin et
ils ont édulcoré la beauté du sentiment. Ils ont parlé de phéromones et
d’autres substances chimiques qui seraient à l’origine du phénomène. Mais peu
importe, contentons-nous de constater que ce phénomène fonctionne et que nous
profitons de ses effets.
L’Amour n’est pas seulement suscité par d’autres
personnes au contact desquelles nous nous trouvons. Il peut être provoqué en
nous par toutes sortes de choses. C’est ainsi qu’on aime certaines musiques,
qu’on s’attache à certaines peintures, que l’on apprécie le confort d’une
maison ou d’une voiture, c’est pourquoi on se laisse aller à dire que nous aimons tel objet, voire même telle
situation. Ce sentiment s’empare tellement de notre vie qu’on arrive même à ne
plus l’écrire ou le décrire. On a fini
par le représenter par des icônes en
forme de cœurs. On l’imprime même sur nos tees shirts pour dire que l’on ne
peut vivre sans amour.
Conscients de la nécessité de
ce sentiment et du bien qu’il nous procure, nous nous engageons cependant sur
les chemins de la vie en laissant sur notre passage des sentiments
d’indifférence, d’hostilité ou de haine qui mettent à mal toute cette quiétude que nous venons
d’évoquer. Nous nous comportons comme si
nous avions comme un malin plaisir à abimer ce qui nous fait du bien. Nous véhiculons sur notre passage des
comportements qui désenchantent notre vie, alors que tout devrait fonctionner pour la rendre belle et ouverte à l’avenir. On a donc raison
de dire que l’homme est un être bizarre qui connaît la marche à suivre pour
être heureux mais qui délibérément en utilise une autre.
Ce serait aller un peu vite en
besogne que de dire que tout cela est la cause du péché, même si nous serons
amenés à considérer à la fin de notre
propos que c’est la seule réponse possible. Il me semble avant tout que l’on
exclue de notre comportement celui qui, à l’origine, est l’inventeur de
l’amour : Dieu. En effet, quand on prononce le nom de Dieu, ce n’est
pas au sentiment d’amour que l’on pense
en premier, sauf exception. Quand on
pense à Dieu, on fait référence à des
notions de toute puissance, de création, de péché, mais on ne pense au mot «amour» que si on est un
pratiquant de la foi chrétienne, et encore ce sentiment n’arrive pas en tête
dans l’ ordre des valeurs concernant Dieu.
Or Jésus va consacrer toute sa
vie à nous dire que ce sentiment doit
être premier et qu’il ne peut y avoir de relation à Dieu sans amour. C’est par là que l’on doit commencer quand on
veut parler de Dieu aux hommes. Pourtant, la plupart du temps, ce n’est pas
par-là que l’on commence. Où est donc
l’origine de ce dysfonctionnement ?
C’est sans doute notre
tradition qu’il faut incriminer parce qu’elle
présente les préceptes de la Bible comme des commandements. Elle
considère que la pratique de l’amour
doit-être soumise à un ordre venu d’en haut : « tu aimeras »
est-il dit. Or l’amour est un sentiment que l’on ne commande pas. On ne peut nullement aimer sur ordre, même sur
ordre de Dieu. On a cependant considéré depuis toujours que le terme de
« commandement » était le mieux approprié pour parler de notre
relation à Dieu. Pourtant, le Livre du Deutéronome parle plus volontiers de
« paroles » que de « commandements ». Ce mot de parole, derrière lequel se
cache le pouvoir créateur de Dieu,
exprime plus un souhait de sa part qu’un
ordre. En effet, notre relation avec Dieu relève plus du désir de vivre
ensemble que de l’obligation de le
faire. Notre désir se portera d’autant plus vers Dieu que nous nous sentirons
libres de le faire.
Mais on ne change pas aussi
facilement des siècles de tradition. Jésus s’y est attaqué en nous présentant
Dieu sous un autre visage que celui du maître exigeant et contraignant. Il a
préféré celui du Père aimant, soucieux du mieux-être de ses enfants, mais
curieusement, les évangélistes qui nous ont rapporté son enseignement ont
conservé un mot grec qu’il est d’usage de traduire par
« commandement ». Nous ne dérogerons pas à cette règle à notre tour,
mais nous nous souviendrons intérieurement que
Jésus en appelle d’abord à la qualité de nos sentiments envers Dieu et
envers les autres.
A peine ce premier obstacle
levé, en voici un autre qui se dresse sous nos pas. Il s’agit de ce celui
provoqué par Dieu lui-même. Jacques Brel dans une de ses chansons célèbres
disait : « Que connais-tu de Dieu grand Jacques ?... Tu ne
connais rien de lui. » Jacques Brel sans le vouloir avait soulevé un
obstacle majeur. On ne peut aimer Dieu
que si on le connaît, or on ne le
connaît pas vraiment. Certes, on nous a parlé de lui, on nous l’a décrit comme
un Dieu tout puissant et maître de l’univers,
un Dieu qui prononce le premier et le dernier mot de toute vie. Un tel
Dieu provoque la crainte et le respect, mais ne suscite aucun sentiment
d’amour. Pour l’aimer, il faut le connaître, pour le connaître, il faut le
rencontrer.
Toute la Bible nous parle de
rencontre avec Dieu. Ce fut d’abord celle d’Abraham qui parlait face à face
avec lui. Ce fut aussi Jacob qui lutta avec lui ou Moïse qui le reconnut dans
un buisson de feu. Une telle rencontre doit aussi devenir la nôtre. Elle peut
se faire de mille façons, mais la plus part du temps, elle se fait dans
l’intimité de sa vie personnelle. Cela peut avoir lieu dans le secret d’une
descente à l’intérieur de nous-mêmes,
dans l’intimité de notre cœur, là où Dieu nous attend et développe avec nous
une relation intime qui lentement devient de l’amour et nous rend dépendants
l’un de l’autre.
Si cette vie intime avec Dieu
nous comble de bien être, Jésus nous révèle que ça ne peut pas s’arrêter là et
que l’amour avec Dieu perdra de sa vigueur au risque de s’éteindre
définitivement si nous ne
l’accompagnons pas d’actes concrets à l’égard des autres. Ce sont ces actes qui
réjouissent Dieu et qui alimentent son amour pour nous. C’est ce que Jésus nous
rappelle dans le deuxième commandement. Le prochain devient pour nous celui en
qui se réalisent nos gestes d’amour pour Dieu, car Dieu cache son visage
derrière celui de ceux que nous rencontrons. Dieu et notre prochain confondent
leur visage en un seul et Dieu ne peut être vraiment connu que dans la mesure
où on l’a reconnu dans l’autre.
Quand Jésus nous demande
d’aimer notre prochain, il ne nous demande pas de faire un effort particulier,
il nous invite simplement à exprimer par des actes à l’égard des autres les
sentiments que Dieu provoque lui-même en nous. L’amour des autres devient
automatiquement la conséquence de l'amour que nous avons pour Dieu
La réciproque n’est pas
forcément vraie. Certains ont conservé par devers eux une image tellement altérée de Dieu à cause
des violences que les hommes pratiquent entre eux qu’ils peinent à éliminer cette image que des siècles
d’histoire leur ont transmise. Les guerres que les hommes se sont faites au nom
de Dieu et qu’ils continuent à se faire,
ont grandement contribué à
altérer son image si bien que ces
gens peuvent aimer les autres sans que
cet amour fasse naître en eux un sentiment pour Dieu. Il nous faut donc
travailler à rendre crédible cette image de Dieu qui abandonne sa toute- puissance
au profit de sa relation paternelle avec chacune et chacun de nous. Si par
contre, notre relation avec les autres
hommes n’est pas bonne et se détériore, c’est que notre relation à Dieu n’est
pas bonne non plus. Notre relation avec les autres s’améliorera forcément du
fait que nous nous attacherons à améliorer notre relation à Dieu.
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