dimanche 11 juin
11 juin 2023: Jean 6/51-58 : le pain descendu du ciel: dimanche 11 juin 2020
51 C'est moi qui suis le pain vivant descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra pour toujours ; et le pain que, moi, je donnerai, c'est ma chair, pour la vie du monde.
52 Les Juifs se querellaient entre eux ; ils disaient : Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger ?
53 Jésus leur dit : Amen, amen, je vous le dis, si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n'avez pas de vie en vous. 54 Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le relèverai au dernier jour. 55 Car ma chair est vraie nourriture, et mon sang est vraie boisson. 56 Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, comme moi en lui. 57 Comme le Père, qui est vivant, m'a envoyé, et comme moi, je vis par le Père, ainsi celui qui me mange vivra par moi. 58 Voici le pain descendu du ciel. Il n'est pas comme celui qu'ont mangé les pères : ils sont morts. Celui qui mange ce pain vivra pour toujours.
Que nous faut-il aujourd’hui pour vivre ? A une telle question l’homme moderne répond en formulant quelques sigles qui n’ont de valeur que pour cette génération. Il va parler de RSA ou de SMIG tout en sachant que ces sigles n’expriment qu’un minimum que d’aucun juge insuffisant. Si on veut être plus précis, on dira encore que pour vivre normalement il faut un logement décent, un emploi stable et une voiture capable de transporter toute la famille, mais on dira peu de choses quant à la nourriture. Dans l’antiquité on était plus prosaïque, c’est en parlant de pain que l’on estimait le revenu acceptable pour une famille normale. Il fallait avoir assez de pain chaque jour pour nourrir tous les membres de sa famille. Les critères ne sont plus les mêmes.
Ainsi la valeur du pain n’était pas la même pour nos ancêtres de l’antiquité que pour nous. Si pour nous, la notion de pain représente une valeur symbolique, pour eux elle avait une valeur vitale. Quand Jésus prononce le mot pain ce mot prend une résonance bien réelle. Aujourd’hui, il faut s’appuyer sur d’autres valeurs, pour parler de niveau de vie, on est obligé de parler de RSA. Mais les termes utilisés dans l’antiquité étaient plus significatifs. Le mot pain était associé au mot vie. Cela signifiait que la vie dépendait du pain. Sans pain, on ne pouvait vivre. En s’identifiant au pain Jésus montre qu’il s’associe à la nécessité vitale de chacun.
Selon notre manière actuelle de voir les choses, quand on associe la notion de pain, à celle de vie, nous avons tendance à spiritualiser les choses et à les associer au corps sacramentel de Jésus, si bien qu’en donnant au pain une valeur spirituelle il perd son sens de nécessité vitale immédiate pour prendre une valeur sacrée. Il dépasse sa signification matérielle pour devenir le pain de la cène. Il pend alors une valeur toute spéciale, si bien que dans certaines églises les théologiens en ont déduit qu'il n’était pas destiné à tout le monde : on ne peut le donner, ni aux non convertis, ni au non baptisés, le pain du ciel devient une chose réservée aux initiés. C’est ainsi qu’on passe à côté, de ce que Jésus avait l’intention de nous faire comprendre, car si le pain de vie est pour lui vraiment porteur de vie, il est destiné à tout le monde et il a une valeur immédiate afin que tous aient la même chance dans l’existence.
En s’identifiant au pain comme il le fait Jésus veut dire que Dieu est aussi présent et aussi nécessaire que la nourriture quotidienne. Dieu n’est pas une réalité mystique qui nécessite une longue pratique ou un long enseignement pour s’approcher de lui. Dieu est aussi facile à approcher qu’un morceau de pain et sa présence est aussi nécessaire à la vie que le plus modeste élément de nourriture. C’est dans ce sens que Jésus espère être compris. Chacun doit trouver en lui une réalité qui pourra lui permettre de donner de la valeur à sa vie. Nous avons à la fois besoin d’éléments matériels comme la nourriture et nous avons en même temps besoin d’éléments spirituels comme la présence de Dieu pour vivre
Comme notre corps a besoin d’éléments extérieurs à lui-même pour se nourrir et vivre, de même notre être spirituel a besoin d’éléments extérieurs à lui-même pour se nourrir et vivre. Mais curieusement, nous ne semblons pas en être persuadés. Nos contemporains ont pour la plupart d’entre eux l’impression qu’ils se suffisent à eux-mêmes sur le plan spirituel. Beaucoup estiment qu’il leur suffit de penser par eux-mêmes, ou de s’intéresser à l’art ou à la philosophie pour avoir une vie spirituelle. Ils estiment qu’ils sont eux-mêmes producteurs de leur nourriture spirituelle et maîtres de leur propre salut, à supposer que dans ce contexte la notion de salut ait une valeur quelconque.
Mais comme pour la nourriture matérielle, l’homme ne peut se suffire à lui-même, il faut que sa vie spirituelle soit alimentée par quelque chose qui lui vienne d’ailleurs, qui lui soit extérieure. En raison de cette logique il paraît impossible d’avoir une vie spirituelle sans Dieu.
En fait je ne pense pas que ça se passe ainsi ! Nous absorbons des nourritures matérielles pour vivre sans vraiment nous en rendre compte puisque, comme nous l’avons vu tout à l’heure, nos critères d’existence ne sont plus liés à la nourriture, mais plutôt au confort, de même la vie spirituelle se nourrit elle aussi de tous les apports extérieurs dont elle a besoin, sans que nous prenions le temps de nous interroger sur leur origine. Nous ne prenons pas le temps de repérer la présence de Dieu dans tout ce qui fait vibrer notre vie intérieure, pourtant, sans que nous nous en rendions compte, Dieu est présent en nous.
Il est donc nécessaire que nous marquions une pause pour réfléchir à la manière dont nous vivons. La présence de Dieu ne devient vraiment efficace pour nous que si nous en prenons conscience et que nous lui laissions une place. Il nous faut donc chercher à repérer les traces de Dieu dans notre vie, mais la plupart des hommes le cherchent dans l’irrationnel et dans le merveilleux.
Nous demandons à Dieu de se manifester dans des actions où nous ne croyons pas vraiment qu’il puisse agir. Nous voudrions qu’il intervienne sur la météo, qu'il supprime les sécheresse ou les incendies de forêt, qu’il supprime le mal et impose la justice, qu’il n’y aient plus de catastrophes naturelles, et qu'il n'y aient plus de guerres et que la covid 19 n’ait plus d’emprise sur nous. En raisonnant ainsi, nous n’entrons pas dans la logique de Dieu.
En effet, si nous pensons que Dieu est à l’origine du monde, pourquoi changerait-il les modes de fonctionnement qu’il aurait mis lui-même en place ? S’il en est ainsi, nos questions n’ont pas beaucoup de pertinence en face d’un Dieu que nous estimons tout puissant et créateur et auquel nous ne cesserions de contester les défauts de sa toute puissance et de lui demander de corriger continuellement sa création. Ce n’est pas non plus parce que la science n’apporte pas de réponses à nos questions qu’il faut en conclure à l’absence de Dieu !
Si ces préoccupations ne nous apportent pas de réponses, d’autres questions se posent alors à nous : Pourquoi éprouvons-nous des émotions ? Pourquoi l’amour ? Pourquoi les passions ? Toutes aussi irrationnelles, ces sensations ne sont possibles que parce qu’elles nous viennent d’ailleurs. Nous ne pouvons pas aimer sans un vis à vis, car c’est bien de l’extérieur de nous-mêmes que vient ce sentiment. Le problème c’est que nous cherchons Dieu ailleurs que là où il se manifeste et que nous ne savons pas le repérer quand il agit au fond de nous-mêmes.
Si donc Dieu vient se manifester en nous et qu’il a un lien évident avec nos émotions, sans que nous ne nous en apercevions. S’il pilote les pulsions de vie qui font vibrer notre âme, s’il nourrit notre esprit sans que nous le sachions, qu’adviendra-t-il de nous quand nous le découvrions vraiment ? Quelle qualité de vie aurons-nous alors si nous découvrons que Dieu est à l’œuvre en nous ?
Face à un tel questionnement, Jésus nous apprend alors qu’il suffit de regarder en nous-mêmes pour voir Dieu agir. C’est alors que nous accepterons de savourer ce qui se passe dans notre existence, et que nous découvrirons avec joie ce qu’il nous donne. Son esprit qui ne cesse de nous visiter deviendra vraiment efficace en nous. Ainsi nourris par lui, nous nous surprendrons nous-mêmes à faire les actes que, en d’autres temps nous lui demanderions de faire, si bien que c’est nous qui accompliront les miracles que nous attendions de lui pour croire !
C’est parce que nous sommes habités par son esprit que nous devenons meilleurs, altruistes, généreux. Grâce à ces qualités que Dieu améliore en nous par sa présence, le monde se met à évoluer d’une autre manière. On rencontre alors des Mère Thérésa, des Henri Dunan, des Albert Schweitzer, des Martin Luther King, des Nelson Mandela qui chacun, là où il est ou là où elle est, transforme le monde et agit au cœur de l’égoïsme des peuples pour faire jaillir l’espérance.
Illustrations Bernard Frackowiak :" le vieil homme et le pain"
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