1 Samuel 16/ 1,6-7 et 12-13 Onction de David. Dimanche 30 mars 2014
1 Le Seigneur dit à Samuel :
« T'affligeras-tu encore longtemps au sujet de Saül, alors que moi-même je
l'ai rejeté et qu'il ne pourra plus être roi d'Israël ? Prends de l'huile
et mets-toi en route. Je t'envoie chez Jessé, à Bethléem, car j'ai choisi parmi
ses fils le roi qu'il me faut. » — 2 « Comment faire ? demanda
Samuel. Si j'y vais, Saül l'apprendra et me tuera. » — « Prends avec
toi un veau, dit le Seigneur. Tu diras que tu viens m'offrir un sacrifice, 3 et
tu inviteras Jessé à la cérémonie. Je t'apprendrai ce que tu auras à
faire : tu consacreras roi à mon service celui que je t'indiquerai. »
4 Samuel obéit et se rendit à Bethléem. Les anciens de
la ville, tout inquiets, vinrent au-devant de lui et demandèrent :
« Ta venue annonce-t-elle quelque chose d'heureux ? » — 5 « Oui,
répondit-il. Je suis venu offrir un sacrifice au Seigneur. Purifiez-vous pour
la cérémonie et venez ensuite avec moi. » Samuel invita aussi Jessé et ses
fils à se purifier et à participer au sacrifice. 6 Lorsque ceux-ci arrivèrent, Samuel aperçut Éliab et se dit :
« C'est certainement lui que le Seigneur a choisi. » 7 Mais le
Seigneur lui dit : « Ne te laisse pas impressionner par sa mine et sa
taille imposante, car je ne l'ai pas choisi. Je ne juge pas de la même manière
que les hommes ; les hommes s'arrêtent aux apparences, mais moi je vois
jusqu'au fond du cœur. »
8 Jessé appela ensuite Abinadab et le fit passer
devant Samuel, qui déclara : « Le Seigneur n'a pas non plus choisi
celui-ci. » 9 Jessé fit passer Chamma, mais Samuel répéta : « Le
Seigneur n'a pas non plus choisi celui-ci. » 10 Jessé fit ainsi passer sept de ses fils devant Samuel, mais Samuel
lui dit : « Le Seigneur n'a choisi aucun d'eux. » 11 Puis il
ajouta : « Sont-ils tous là ? » — « Non, répondit
Jessé ; il y a encore le plus jeune, David, qui garde les moutons. »
— « Envoie-le chercher, ordonna Samuel. Nous ne commencerons pas le repas
sacrificiel avant qu'il soit là. »
12 Jessé le fit donc venir. Le jeune homme avait le teint clair, un regard
franc et une mine agréable. Le Seigneur dit alors à Samuel : « C'est
lui, consacre-le comme roi. » 13 Samuel prit l'huile et en versa sur la
tête de David pour le consacrer, en présence de ses frères. L'Esprit du
Seigneur s'empara de David et fut avec lui dès ce jour-là. Ensuite Samuel s'en
retourna à Rama.
Voila une belle histoire comme nous les
aimons. Elle nous rappelle que Dieu a
besoin des hommes pour gérer le monde, mais qu’il n’agit pas à leur place.
Il leur indique la route à suivre, mais
il ne les force pas à suivre les chemins qu’il leur trace. Ce refus de Dieu à ne pas intervenir dans le
cours des choses a perturbé les auteurs bibliques qui n’en ont pas toujours tenu compte dans le
rapport qu’ils ont faits des événements. C’est ainsi qu’ils ont prêté parfois à Dieu des comportements cruels et
incompréhensibles qui relèvent surtout de l’appréciation des événements par les
auteurs plutôt que de
l’action propre de Dieu. C’est ce
que nous allons voir
La faveur de Dieu va donc à un jeune homme, encore un enfant, pour qu’il ait autorité sur Israël en
remplacement du roi régnant que Dieu a
désavoué. Samuel qui joue tous les
rôles, celui de prophète, de stratège, de conseiller politique sert ici
d’entremetteur clairvoyant, car il faut être fin connaisseur de Dieu et des
hommes pour découvrir que son choix est tombé sur un jeune homme qui en dépit
de ses beaux yeux n’a pas grands atouts pour être roi. De plus, Il a même été
oublié par son père quand Samuel a
convoqué toute la famille au sacrifice. On a un peu l’impression de vivre par
anticipation l’épopée du roi Arthur
revue corrigée par Wall Disney.
Bien évidemment, c’est cet adolescent que les
hommes n’ont pas remarqué, qui semble tout indiqué pour avoir les faveurs de Dieu. Que le lecteur attendri par cette belle
histoire se souvienne cependant que c’est la deuxième fois que Samuel a été
invité à choisir un roi pour Israël. Le premier choix a tourné à la
catastrophe. Qui de Dieu ou de Samuel a mal apprécié la situation ?
Quelques années plus tôt, Samuel qui avait tous les pouvoirs en en main avait comprit que Dieu voulait instaurer une monarchie et lui demanda de désigner le futur roi. L’esprit divin lui désigna un jeune
homme, grand et beau fils de Qish qui
était à la recherche des ânesses
fugitives de son père et qui lui avait demandé l’hospitalité. Samuel, l’oignit discrètement,
comme il le fera plus tard pour David.
Après
cela et après des événements que l’on n’a pas lieu de raconter ici, Saül fut proclamé roi sur le front des troupes. Il
avait toutes les qualités pour accomplir cette tâche, mais il perdit la faveur de Dieu parce
qu’il lui offrit un sacrifice
alors que c’est Samuel qui n’était pas plus prêtre que lui, qui
aurait du le faire. Faute minime
direz-vous, faute accablante dit le récit. Dieu le rejeta. A
partir de ce moment Saül désespéré de la
défaveur de Dieu devint fou.
C’est là que commence l’histoire de David.
Elle commence sur un fond de violence et on a du mal à
reconnaître l’action de Dieu
dans toute cette histoire car c’est à lui que l’on attribue les
massacres qui ont eu lieu et c’est à lui aussi qui serait attribué la
cause de la folie du roi. A peine David est-il
désigné, que les textes changent de ton à son sujet, il est alors dépeint comme
un beau et grand jeune homme, comme l’était
Saül jadis. On le retrouve alors
comme écuyer du roi qu’il séduit par sa beauté et son intelligence
et qu’il apaise par sa manière de jouer
de la harpe. A la suite de combats
violents, d’embrouilles familiales et de rivalités en tous genres, David monta
sur le trône à la mort du roi dont il était devenu le gendre.
Sans doute, les auteurs de ce récit ont
utilisé des sources diverses pour
alimenter leurs informations. On sent fortement l’influence de courants antimonarchistes derrières les récits concernant Saül. Les auteurs en faveur de la dynastie de David, quant à eux, ont apporté leur contribution à l’élaboration
du portrait du roi et ont pris le pas sur les autres. Les époques aux quelles ont été produit ces différents
textes ne sont pas les mêmes non plus. On peut y percevoir l’atmosphère de
l’époque du retour de l’exil quand on n’espérait plus de restauration
monarchique, mais on peut y repérer aussi des courants favorables à la monarchie propres au Deutéronome exaltant le
roi Josias et à travers lui, le roi David.
Malgré un récit aussi composite il est cependant possible d’y retrouver la trame d’une parole de Dieu et de découvrir
comment elle s’y exprime. On constatera que Dieu ait fait le choix de deux candidats
au trône, la défaveur du premier ne
paraît pas justifier le choix du second.
Les fautes commises par Saül ne semblent pas aussi graves que les fautes
commises plus tard par David et les repentirs exprimés par Saül valent bien
ceux exprimés par David. Les auteurs de
ce texte, en fonction de ce que nous
avons déjà dit, sont de parti pris en faveur de David. Comment alors lire une parole de Dieu dans tout cela?
En dépit des différents courants qui
traversent ce texte. Il semblerait que
l’on peut dire que l’ambiguïté des événements accrédite la thèse selon laquelle
Dieu inspire les acteurs de l’histoire, mais n’intervient pas directement dans
l’histoire. Dans le récit qui nous intéresse aujourd’hui, on constate
que Dieu a choisi un premier candidat au trône, et que ce choix a été confirmé par le peuple
qui lui confie la couronne de roi. Les
auteurs tentent alors d’interpréter les échecs de Saül par la défaveur qu’il subit. C’est pourquoi Dieu ne serait pas intervenu quand les événements
se sont retournés contre lui. Pour ce qui concerne les récits
concernant David nous avons compris qu’ils sont produits par des courants
qui soutiennent sa dynastie. Ils insistent
sur la défaveur de Saül et insistent sur la faveur de David. Telle est
l’opinion des narrateurs, mais quand on cherche à cerner de plus près le caractère des
personnages on constate que malgré l’opinion des auteurs qui le valorisent,
David ne se révèle ni meilleur ni plus
méritant que Saül.
C’est maintenant que nous allons essayer de
voir quel rôle Dieu joue dans cette affaire.
Les partisans de David diront que
David a eu la faveur de Dieu parce qu’il a su écouter Dieu. En fait, il n’a
pas rien fait par lui-même, ce sont les
conseillers du Roi qui ont su discerner la volonté de Dieu et la transmettre au
risque de leur vie au roi qui les a
écoutés. Ce fut le cas de Nathan qui par deux fois intervint auprès du roi ( 2 Sam 1
et 2 Sam 12).
Ces récits nous montrent que l’action de Dieu
reste toujours la même. Il inspire la bonne attitude aux acteurs mais il
n’intervient pas, c’est ainsi qu’à la fin de la monarchie, les rois,
suivant leurs intuitions personnelles et leurs mauvais conseillers ont entrainé la chute du
régime sans que Dieu réagisse.
Bien évidemment les écrivains bibliques ont essayé de maintenir dans leurs écrits le portrait d’un Dieu
interventionniste qui se manifesterait
dans le cours de l’histoire en faveur de
la dynastie de David. Dans ce cas, il se serait trompé lors de son premier
choix en faveur de Saül! Nous comprenons
bien évidemment que les narrateurs, favorables à David ont orienté leurs récits dans ce sens. Malgré
tout, c’est une autre image de Dieu qui transparaît pour quiconque essaye de
lire les textes d’une manière critique. L’image d’un Dieu qui reste fidèle à
lui-même et qui inspire les hommes de pouvoir, mais qui n’intervient pas pour modifier le cours de l’histoire quand les hommes l’ont mal enclenchée. Cela semble être une constante dans l’Ecriture.
Dans l’aventure qui nous concerne Dieu ne
corrige pas l’histoire en appelant David en remplacement de Saül disgracié. Ce
sont les hommes favorables à David qui
en insistant sur les échecs de Saül, issu de la tribu de Benjamin, ont conclu à
sa disgrâce pour favoriser la dynastie
de David issue de celle de Juda. Si Dieu choisit un autre roi, c’est que la
première dynastie s’étant effondrée il
fallait bien en susciter une autre.
Dieu
se présente ainsi comme celui qui inspire l’histoire. En n’intervenant
pas, il se résigne à ce que les hommes ne respectent
pas l’évolution qu’il espère pour eux. On pourra sans doute
nous reprocher d’avoir manipulé les textes pour en faire jaillir notre vérité. Mais
si cela est vrai, on se demandera si les
textes n’ont pas été plus gravement malmenés avant que nous le faisions par les
auteurs qui nous les ont transmis ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire