La résurrection de Jésus - Dimanche de Pâques - 20 avril 2014 ( déjà publié en 2012)
Jean 20 :1Le premier jour de la semaine, Marie-Madeleine vient au tombeau
dès le matin, alors qu'il fait encore sombre, et elle voit que la pierre a été
enlevée du tombeau. 2 Elle court trouver Simon Pierre et l'autre disciple,
l'ami de Jésus, et elle leur dit : On a enlevé le Seigneur du tombeau, et nous
ne savons pas où on l'a mis!
3 Pierre et l'autre disciple sortirent donc pour venir au
tombeau. 4 Ils couraient tout deux ensemble. Mais l'autre disciple courut plus
vite que Pierre et arriva le premier au tombeau ; 5 il se baisse, voit les
bandelettes qui gisent là ; pourtant il n'entra pas. 6 Simon Pierre, qui le
suivait, arrive. Entrant dans le tombeau, il voit les bandelettes qui gisent là
7 et le linge qui était sur la tête de Jésus ; ce linge ne gisait pas avec les
bandelettes, mais il était roulé à part, dans un autre lieu. 8 Alors l'autre
disciple, qui était arrivé le premier au tombeau, entra aussi ; il vit et il
crut. 9 Car ils n'avaient pas encore compris l'Ecriture, selon laquelle il
devait se relever d'entre les morts. 10 Les disciples s'en retournèrent donc
chez eux.
« L’autre disciple qui était arrivé le premier entra dans le
tombeau, il vit et il cru. »
Ce
sermon va être un véritable parcours du combattant. Nous allons passer tout
notre temps à courir avec deux hommes dans un marathon spécial vers la vie.
Sans doute en sortirons-nous essoufflés, à la limite de nos pensées humaines,
mais régénérés par le souffle de l’esprit. Malgré la clarté du matin qui est en
train de naître, c’est encore l’obscurité qui emplit les pensées de nos deux
amis désemparés, comme elle emplit aussi les nôtres à cause du mystère qu’elle
recouvre.
Pourquoi ces deux là courent-ils ? Où
vont-ils alors qu’il ne fait pas encore jour ? Un bruit s’est fait entendre
dans la nuit, une rumeur est parvenue jusqu’à eux : le tombeau est ouvert. Les
voilà partis, l’un à la suite de l’autre, l’un devançant l’autre et l’autre se
faisant rattraper pour être devancé à son tour. Course de deux hommes qui
cherchent à échapper à leur propre nuit. Deux hommes qui cherchent à comprendre
l’incompréhensible.
Leur course dans la nuit de l’incompréhension est aussi la nôtre. Nous allons, nous
aussi, courir avec eux à la recherche de la vérité sur la vie, car le mort
n’est plus à sa place, la mort est remise en question. Celui qu’ils croyaient
mort n’était plus là où ils l’avaient mis, tout est remis en cause. Nous nous
mettons à jouer avec les mots résurrection, vie éternelle, pour dire encore
aujourd’hui, et aujourd’hui encore plus que jadis, nos interrogations sur le
vrai sens de la mort et corollairement pour nous interroger sur le sens de la
vie ?.
Ces deux hommes courent à la recherche de ce qu’ils ne savent pas formuler. Ils
espèrent une réponse à une question qu’ils ne savent pas poser. Quand ils
arrivent au tombeau, là où habite la mort, il n’y a plus de mort. L’un entre et
l’autre n’entre pas. La situation est cependant la même pour l’un, comme pour
l’autre. Le premier voit les bandelettes et n’entre pas et Simon qui le suivait
entra et vit les bandelettes. Il y a absence du mort aussi bien à l’intérieur
qu’à l’extérieur du tombeau.
Une idée nouvelle est en train de jaillir en eux, mais n’a pas encore pris forme.
C’est cette idée qui nous rejoint, nous aussi, mais tout reste encore trop
obscure dans notre entendement. Ce qu’ils considéraient comme une vérité
absolue sur la mort semble ne plus l’être. Dieu est en train visiter leur vie
intérieure. Il emprunte les chemins de l’émotion et nos deux amis découvrent
que la mort est une autre réalité, car la mort est ailleurs.
Cette course qu’ils sont en train de faire dans le petit matin, n’est pas seulement
une expérience physique. Elle nous raconte aussi l’expérience intérieure qu’ils
sont en train de vivre. Nous sommes nous-aussi invités à faire cette expérience
intérieure. La provocation insupportable qu’ils ont subie après la mort de leur
Seigneur est en train d’ouvrir pour eux un chemin vers une autre vérité.
Ainsi en est-il de nous tous en ce matin de Pâques. On est venu à l’Eglise parce que
l’on croit ce qu’on ne voit pas. On est venu pour conjuguer encore une fois
tous ensemble ce même verbe croire : je crois, tu crois, nous croyons, puis
chacun retournera chez soi. Mais sans doute différent de ce qu’il était quand
il est venu. Telle sera la journée du
croyant. Ce sera une commémoration du jour où on s’est mis à croire que la mort
avait cessé d’être le terme de la vie. Ce vide du tombeau est devenu une autre
réalité non seulement pour Jésus qui l’a subi mais aussi pour nous qui croyons.
Mais nous avons couru trop vite, nous avons dépassé le bien aimé qui pour l’instant
se contente de croire ce qu’il ne voit pas. Comme lui, nous sommes heureux de
croire. Mais croire qui ? Ou croire quoi ou croire en quoi? La plus part du
temps on n’en dit pas plus. On se contente d’affirmer que l’on croit ? Il est
important de croire, dit-on, comme si le verbe croire était une fin en soi.
Mais ce n’est sans doute pas suffisant il faut faire encore un pas de plus
Le fait de croire pour le chrétien correspond à une adhésion personnelle à une
vérité qui le dépasse. Mais de quelle vérité s’agit-il, d’autant plus que cette
vérité peut en contenir plusieurs autres qui peuvent s’emboîter l’une dans
l’autre, comme des poupées russes : « Je crois en Dieu, je crois en la vie
après la mort, je crois en la résurrection de Jésus, je crois en ma propre
résurrection, je crois à la vie éternelle. » Toutes ces affirmations se
complètent et recouvrent les démarches intérieures de notre foi.
Rejoignons les deux hommes qui courent et continuons à mettre nos pas dans les leurs. Ils
sont à la recherche d’un signe qui leur permettra de mettre des mots sur
l’événement qu’ils sont en train de vivre et qu’ils n’ont toujours pas compris.
Dans ce cheminement spirituel, s’opère un glissement qui va du visible vers
l’invisible, car la foi va jaillir en eux. La foi va jaillir non pas à partir
de ce qu’ils voient, puisqu’il n’y a rien à voir mais de ce qu’ils ne voient pas.
Nous en sommes au même point..
Les deux hommes qui courent dans la nuit sont dépassés par leur raison. S’ils vont
à la tombe en pleine nuit, c’est à la suite des propos d’une femme dont tout le
monde sait qu’elle était dérangée, Marie Madeleine. S’ils ont réagi ainsi,
c’est qu’ils espéraient déjà, sans le savoir, un événement qui allait les
bousculer. Leur raison a été ébranlée par quelque chose qui ne leur venait pas
d’eux-mêmes. Dieu était déjà à l’œuvre dans leur doute. A l’énoncé des paroles
de Marie l’espérance a fait surgir en eux comme une lumière dans leur nuit.
Bousculant ce qui est rationnel en eux, ils se sont mis à espérer en quelque
chose d’irrationnel.
Ces deux hommes étaient certains que le Dieu de leurs Pères, le Dieu de Jésus,
était maître de tout, qu’il avait tout pouvoir et qu’il pouvait faire surgir la
vie là où la mort avait fait son œuvre. On avait beau le savoir, c’était quand
même du jamais vu ! L’espérance faisait son chemin en eux et ils ne le savaient
pas encore.
Il y a des passages obligatoires sur le chemin de la foi. L’espérance en est un.
C’est le moment où notre âme est travaillée à l’intérieur de nous-mêmes par une
proposition que notre raison réfute, mais qui provoque un sursaut d’énergie en
nous. Cette proposition se heurte à notre intelligence qui développe toute
sorte d’arguments raisonnables pour nous dire que ça ne tient pas la route, que
ça ne peut être vrai et que ça relève de l’absurde ou du rêve.
Ceux qui vivent ce type d’expérience disent qu’ils sont ébranlés. Ils perçoivent
déjà que la vérité sur toute chose se situe au-delà d’eux-mêmes, dans une
réalité que Dieu seul peut rendre accessible. Le disciple que Jésus aimait en
est là. Il est ébranlé, car il découvre que la vérité qu'il sent frémir en lui
est de l’ordre de l’invisible, de la vie intérieure.
En fait nous aimerions garder le
contrôle de nos émotions, même de nos émotions religieuses et en limiter la
portée. Mais nous ne sommes pas maîtres de la situation qui nous dépasse. Si
notre raison a été ébranlée, si l’espérance nous a provoqués, si nous y avons
pris de l’intérêt, c’est que cette puissance qui a surgi en nous et qui a
bousculé notre manière de comprendre est à l’œuvre en nous. Elle ne nous
lâchera pas. Mais, nous ne sommes pas encore arrivés au terme de notre course.
Dieu qui a mis tout cet émoi en éveil a l’intention d’aller encore plus loin et de
venir réguler le cours de notre vie. Il désire habiter nos pensées et inspirer
nos projets. Pour cela il nous réserve encore, l’expérience d’un face à face personnel
avec le ressuscité. Ainsi contrairement à ce qui est écrit, après cela les deux
hommes n’ont pas fini leur course, ils ne sont pas retournés tranquillement
dans leur maison. Dieu, en la personne de Jésus, s’est imposé à eux, d'une
manière personnelle, comme celui qui avait franchi le passage vers l’éternité
et qui avait ouvert pour eux un chemin jusque là ignoré. C’est alors qu’ils
feront la rencontre du ressuscité. Jésus deviendra le compagnon invisible de
leur vie et leur vie en sera changée.
Chaque année à Pâques nous refaisons ensemble cet itinéraire de la foi, nous nous
souvenons que Dieu habitait en Jésus Christ et qu’il se propose encore
d’habiter en nous pour que toute chose devienne nouvelle. A Pâques, c’est le
moment où chacun prend conscience que Dieu habite en lui et qu’il est devenu le
partenaire incontournable de sa vie.
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