samedi 1 mars 2014

Exode 17:3-7 Moïse et le rocher



Exode 17:3-7 - Moïse et le rocher - Dimanche 23 mars 2014


 3 Là, le peuple avait soif, le peuple maugréait contre Moïse. Il disait : Pourquoi donc nous as-tu fait monter d'Egypte, si tu nous fais mourir de soif, moi, mes fils et mes troupeaux ? 4 Moïse cria vers le SEIGNEUR : Que dois-je faire pour ce peuple ? Encore un peu, et ils me lapideront ! 5 Le SEIGNEUR dit à Moïse : Passe devant le peuple et prends avec toi des anciens d'Israël ; prends aussi ton bâton, avec lequel tu as frappé le Nil, et tu t'avanceras. 6 Quant à moi, je me tiens là, devant toi, sur le rocher, en Horeb ; tu frapperas le rocher, il en sortira de l'eau, et le peuple boira. Moïse fit ainsi, sous les yeux des anciens d'Israël. 7 Il appela ce lieu du nom de Massa (« Provocation ») et Meriba (« Querelle »), parce que les Israélites avaient cherché querelle, et parce qu'ils avaient provoqué le SEIGNEUR, en disant : Le SEIGNEUR est-il parmi nous ou non ?




Ce peuple harassé par sa marche, en pleine asthénie à cause de la soif manque-il vraiment de foi vis-à-vis de Dieu qui a fait naître en lui le désir de liberté par l’entremise de Moïse ? Dieu serait-il un dieu pervers qui attendrait des actes de foi prodigieux pour stimuler les hommes qui se réclament de lui en les culpabilisant ? C’est ce que suscite en nous une lecture trop superficielle de ce texte, et tout être raisonnable serait donc amené  à se détourner d’une telle divinité. Mais ce n’est pas ainsi que nos ancêtres huguenots  ont compris ce texte. C’est pourtant au nom de ce Dieu que beaucoup d’entre eux ont risqué leur vie, se sont fait prendre par les dragons du roi et sont allés mourir aux galères. Dieu ne leur a pas envoyé ces épreuves pour tester leur foi, mais il a donné, à ceux qui n’ont pas succombé sous les coups la force de vivre et d’avancer vers la liberté et nul n’aurait osé dire qu’ils avaient manqué de foi.

C’est avec cette image des peuples avides de liberté et qui n’ont pas forcément réussi à la concrétiser que nous aborderons ce texte aujourd’hui.

On a retenu de cet événement que Dieu, après avoir compris le poids de la détresse et de l’oppression d’un peuple réduit en esclavage a décidé de s’attacher à lui et d’organiser sa délivrance à son corps défendant. L’histoire a fait de cette histoire  le signe même  de l’action de Dieu au milieu des hommes. Elle a servie de motivation aux esclaves  américains,  aux Huguenots en France et  de justificatif à la théologie de la libération. C’est ainsi que pour  pousser ce peuple   dans  l’aventure. Dieu a donné à Moïse vocation de provoquer en lui le désir de liberté, et c’est lui  qui l’ a accompagné ce sur les routes du désert dans l’attente de voir se réaliser son rêve de s’installer  sur  une terre où coule le lait et le miel. Pourtant, c’est une longue période d’errance et de déception qui s’ouvrira  sous  les pas de  ce peuple gonflé d’espérance avant qu’il atteigne son but.


Une telle histoire  aussi exaltante n’a cessée de se reproduire depuis des siècles dans toutes les  sociétés avides de changement. Les itinéraires  n’étaient  pas les mêmes, mais les enjeux sont restés les mêmes. Le désert qu’il fallait traverser à dos de chameaux est devenu de nos jours une mer,  qu’il faut affronter sur de précaires coquilles de noix. La terre d’accueil où les demandeurs de mieux être, espèrent partager l’abondance des pays nantis, devient un mirage et s’éloigne de ceux qui espèrent. Les lieux de refuge deviennent plus inhumains que  la terre de départ. Croyant fuir l’esclavage, ils tombent dans la misère et comme sur la terre qu’ils ont quittée, ils restent des  peuples exploités.

Il n’est pas difficile de faire un parallèle entre la situation des réfugiés actuels et la situation des Hébreux qui se sentaient abandonnés par  ce Dieu qui avait provoqué leur libération. Cette histoire, malgré tout banale, en comparaison des drames que vivent les réfugiés modernes, semble mettre Dieu en accusation.  Certes le peuple libéré de l’esclavage n’avait pas demandé qu’il agisse en leur faveur. Trop exploités, ils n’avaient pas les moyens de redresser la tête ni d’imaginer une délivrance quelconque. Un peuple sans espérance n’a pas les moyens de se révolter. Depuis des siècles il subissait son  sort sans  broncher.

Pourtant l’espérance qui semblait impossible s’est quand même  produite. Les intrigues de cour du moment ont provoqué une rivalité entre princes. La libération de ce peuple opprimé devint l’enjeu du défi qu’ils se jetèrent l’un à l’autre. Ce fut le début de l’histoire : «  Laisse partir mon peuple, Let my  people go. » Ce n’est pas pour s’approprier le pouvoir que le prince qui défendait les esclaves s’opposait au prince régnant,  c’est pour une question de philosophie : le droit à la liberté.

Voila qui est nouveau. Le droit à la liberté n’est pas une invention des philosophes du dix huitième siècle, c’est un principe qui remonte à la nuit des temps et dont l’origine serait en Dieu, c’est en tout cas ce qui ressort de ce texte.  Les théologiens et les historiens se battent entre eux  pour dater l’origine de ce récit. Qu’importe la date ! Il est clair qu’au cinquième siècle avant Jésus Christ, date de rédaction de ce texte, l’affaire était pliée. Ainsi la première action attribuée à  Dieu  dans l’histoire, le fait apparaître comme un pourvoyeur de liberté. On l’oubliera par la suite.

La notion de liberté et la notion de vie sont toutes proches l’une de l’autre. C’est en vertu de ce principe que  l’enfant expulsé de la prison du ventre de sa mère en sort pour affronter la vie. Le poussin enfermé lui aussi dans son œuf doit casser la coquille qui le retient à l’intérieur pour en sortir et  se préparer à vivre. Le peuple hébreu, séduit par ce prince qui ne revendiquait pas le pouvoir pour lui-même mais qui risquait sa vie pour réclamer le droit à la liberté, fut conquis par son  enthousiasme. Cet enthousiasme lui donna la force  de bousculer le joug qui l’opprimait.  Tels des  poussins brisant leur coquille, ils trouvèrent leur raison de vivre et d’espérer  en Moïse dont ils adoptèrent  le Dieu comme libérateur.

Sur le plan théologique et sur le plan spirituel, tout cela prend du sens et vient alimenter notre foi. Mais on ne peut pas s’en tenir là et se satisfaire de ces principes sans poser la question : pourquoi, cela ne marche-t-il pas, ou pourquoi cela ne marche-t-il que rarement?  C’est en formulant cette question  que nous retrouvons les Hébreux en plein désert, crevant de soif. La dureté du moment a asséché leur espérance. Moïse qui les conduisait n’avait pas vraiment de solution de rechange. Etait-ce la fin de l’expérience ? Etait-ce l’échec de l’entreprise ? Moïse s’était-il  fourvoyé, le Dieu qui était à l’origine de tout cela n’était-il que du vent  sans  pouvoir ? Cette question  revient  d’une façon lancinante.  Pourquoi Dieu qui est à l’origine de tout cela attendit-il si longtemps  pour répondre à leur nécessité immédiate ?  La seule bonne réponse était-elle celle d’un miracle  en dernier recours ?

L’auteur du texte suggère sans le dire (1) qu’ils avaient manqué de foi, qu’ils étaient ingrats et toujours revendicateurs, qu’ils étaient un peuple insatisfait  qui fatiguait  ceux qui leur voulaient leur  bien, à commencer par Dieu. Mais l’espérance en Dieu, face à l’échec apparent ne finit-elle pas par mourir ?  En effet, l’espérance est quelque chose qui vit en nous et pour  qu’elle vive quand plus rien ne nous retient dans la vie,  il faudrait un miracle. L’auteur a compris  que sans l’intervention de Dieu l’histoire allait  tourner court et s’arrêter là, c’est pourquoi sous la plume du narrateur, il a suffi d’un coup de baguette pour que se produise le miracle.  L’histoire repartit  alors et le peuple fut accusé de manquer de foi ! Mais c’était trop facile. Et c’est désespérant pour tous ceux qui ont échoué.

Dans les histoires modernes,  Dieu dispose rarement de  baguettes pour faire évoluer les situations de manière heureuse et surtout il ne dispose pas forcément de mains fermes, telles celles de Moïse pour manier la baguette pourvoyeuse de solutions propices.

Bien qu’audacieux et entreprenant au départ, le dynamisme des peuples en marche perd son énergie à mesure que se succèdent les échecs. Ils perdent l’audace qui les fait avancer.  Si la bonne solution  réside  dans le miracle qui regonflera leur dynamisme, il faut se demander qui aura la force de saisir la baguette que Dieu tend aux hommes pour apporter la solution souhaitée ? La réponse est dans la question ! elle se trouve dans le cœur de celui qui se sent concerné pour faire le geste que Dieu attend des hommes pour réaliser le miracle. Déjà Jésus qui a passé sa vie  à nous motiver, tend le doigt dans notre direction et espère une réponse de ceux qui ont compris son Évangile.


Il lui faut des mains capables de  tenir la baguette et désireuses de collaborer avec Dieu à l’amélioration du monde. Jésus appelle tous les hommes en aussi grand nombre que nécessaire pour que, autant de miracles que possibles,  se produisent. Ce ne sont pas de  grands miracles qui sont souvent demandés. Ici, ce ne sont  que quelques gouttes d’eau pour assouvir la soif qui rendront  l’espérance et permettront  à ceux qui sont en manque d’avancer, car Dieu a besoin des hommes, de tous ces croyants que nous sommes, pour qu’un avenir meilleur s’ouvre devant les pas de  ceux qui espèrent en lui.  

(1)  Voir aussi le texte parallèle de  Nb 20 :13

(2)   Illustrations: Eglise Notre Dame de Beaulieu Briatexte  – Nicolaï Grechny 

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