Jean 3/16-18
16 Car Dieu a tant aimé le monde
qu'il a donné son fils unique, afin que quiconque croit en lui, ne périsse pas,
mais qu'il ait la vie éternelle.
17 Dieu en effet n’a pas envoyé son fils dans le monde pour juger le monde,
mais pour que le monde soit sauvé par lui.
18 Celui qui croit en lui n’est pas jugé ; mais celui qui ne croit pas
est déjà jugé parce qu’il n’a pas cru u nom du fils unique de Dieu
Pour peu que l’on
fasse une pause de quelques instants pour contempler ce monde dans lequel nous
vivons, nous finirons bien vite par découvrir qu’il est surprenant. Il est
surprenant par sa beauté et par sa variété, il est surprenant par sa complexité
aussi. Pour s’en rendre compte, il suffit de songer au nombre des espèces qui
cohabitent sur notre terre? Il est fantastique. Le monde de l’infiniment petit
est aussi stupéfiant que le monde de l’infiniment grand. Le microscope le plus
sophistiqué n’arrive pas à rendre compte des structures les plus secrètes de la
matière. Le télescope le plus puissant ne parvient pas non plus à atteindre les
limites des galaxies. Que l’on s’émerveille ou que l’on s’en étonne, on aura
cependant du mal à répondre à la question : à quoi tout cela sert-il ?
Si cela est le fruit
du hasard, on peut considérer que c’est bien fait, et s’il y a un créateur à
l’origine de tout cela on peut alors se demander quel intérêt il y trouve.
Depuis toujours les êtres humains retournent ces questions sans vraiment
trouver de réponse satisfaisante. Chose curieuse cependant, l’être humain est
le seul à pouvoir se poser de telles questions. Cette simple remarque
change-t-elle quelque chose au problème ?
Bien sûr que non
répondent les uns, tandis que les autres, avec la même logique, affirment le
contraire. En fait le seul fait de pouvoir s’interroger sur le sens des choses
du monde suffit à justifier l’hypothèse selon laquelle tout cela a du sens. Il
suffit qu’un seul être se mette à penser pour que tout ce système devienne
cohérent. Ainsi, à peine l’esprit humain se me-il en mouvement que l’univers
entier se met à prendre du sens, comme si notre pensée devait servir de moteur
au monde.
L’univers serait
absurde, s’il n’y avait personne pour prendre conscience de sa réalité. Mais
une fois ce constat établi, peut-on aller plus loin ? Le monde est-il soumis au
hasard d’une évolution complexe ou y a-t-il un être supérieur qui oriente son
devenir ? L’harmonie de tout cet ensemble pourrait bien être alors liée au
mélange des deux. L’observateur rationnel ne peut aller plus loin dans son
constat. Mais sa pensée, toujours en mouvement le pousse alors à formuler des
théories plus ou moins élaborées pour aller plus loin.
Pourtant, alors que
les lois de l’évolution le poussent à constater que la raison du plus fort est
toujours la meilleure et que c’est toujours le dominant qui a raison du plus
faible, force est pour l’homme de réaliser qu’il est habité par un sentiment
contraire. En effet, il est entraîné par une force mystérieuse à s’intéresser à
ses semblables et, chose encore plus étrange, à prendre partie pour ce qui est
faible et à protéger ce qui est vulnérable. Il a vite fait de constater que ce
sentiment qu’on appelle l’amour et qui préside aux règles de la reproduction va
plus loin encore. Il ne le pousse pas à s’attacher aux autres seulement pour assouvir
ses pulsions sexuelles, mais son intérêt
pour les autres l’entraîne à aller plus loin. Là est peut être la clé de l’énigme.
Comment peut-on
éprouver de l’intérêt pour les autres, si ce n’est pour assouvir ses instincts
? Ce sentiment n’étant pas naturel à l’homme, il lui vient forcément d’ailleurs.
C’est en creusant ce mystère que les hommes font la découverte selon laquelle
il existe une réalité, au-delà d’eux-mêmes qui ne se confond pas avec le monde,
puisqu’elle leur inspire des sentiments contraires aux règles de la survie des
espèces. Il y a donc antagonisme entre cette réalité qu’ils découvrent peu à
peu et les lois qui semblent présider à l’évolution du monde.
Dieu, puisqu’il faut
bien l’appeler ainsi, ne se confond pas avec le monde, puisqu’il s’oppose à lui
et semble vouloir le faire évoluer dans une direction qui ne lui serait pas
naturel.
Depuis que les hommes
ont développé leur capacité de penser, ils ont en même temps découvert qu’ils
étaient habités par un sentiment qui ne leur était pas naturel et qui les
poussait parfois à agir dans une direction qui ne servait pas leurs intérêts
mais les intérêts des autres. C’est à partir de ce constat que certains ont
compris le sens de leur présence au monde. Ils ont pris conscience qu’ils étaient
des instruments que Dieu avait choisis pour infléchir le sens de l’évolution du
monde et pour agir sur lui. Ils recevaient vocation de modifier les règles
naturelles de l’évolution car à force de vouloir sans cesse dominer les plus
faibles, les plus forts finiraient par détruire ceux qu’ils dominent et
disparaîtraient à leur tour, faute d’avoir plus personne à dominer.
Arrivés à ce constat,
nous recevons de l’Evangile cette affirmation selon laquelle Dieu a tant aimé
le monde, qu’il a donné son fils unique afin que quiconque croit en lui, ne
périsse pas mais reçoive la vie éternelle.
Il a fallu des
siècles, il a fallu des interventions multiples de Dieu dans le cœur des
hommes, il a fallu beaucoup d’incompréhensions, des erreurs nombreuses, des
échecs de toutes sortes pour que l’espèce humaine comprenne que la règle qui
doit présider à l’évolution est liée au respect de la vie des autres. Darwin,
n’avait pas compris cela. C’était pourtant inscrit dans l’ordre de la
révélation, mais les chrétiens l’ont combattu au lieu d’aller encore plus loin
que lui dans ses déductions.
Aujourd’hui, a-t-on
vraiment compris cela ? Un simple regard sur nos sociétés nous laisse
comprendre qu’il y a encore un long chemin à faire, car une telle idée ne fait
toujours pas partie du mode de pensée de la majorité des humains - de la
majorité des chrétiens pourrais-je dire-. La logique, si non la vertu, semble
nous dire que c’est dans ce sens qu’il faut aller sous peine de disparition de
notre espèce. Si l’espèce humaine venait à disparaître, le monde n’aurait plus
de sens, puisqu’il n’y aurait plus personne, en tout cas sur terre, pour penser
à son sujet.
A la lumière de ce
constat, l’Evangile nous laisse entendre que Dieu prend un gros risque en
proposant une évolution de l’humanité en contradiction avec les règles du
monde. Il se jette dans cette aventure sans avoir prévu de plan de sauvegarde
en cas d’échec. C’est ce que veut signifier Jésus quand il dit que Dieu a donné
son fils unique. Cela veut dire que Dieu s’est donné tout entier dans ce
programme d’amour et qu’il n’y a pas d’autre solution au cas où l’amour ne
permettrait pas une évolution harmonieuse de nos sociétés. Jésus montre par-là,
la dimension de la confiance que Dieu fait aux hommes en faisant le pari de
l’amour comme unique programme d’évolution possible pour l’humanité.
Dieu croit en l’homme
au point de tout lui sacrifier, y compris l’avenir du monde. C’est à croire
même, qu' en cas d’échec de l’humanité à réaliser une évolution harmonieuse,
Dieu lui-même en pâtirait au point de ne plus exister. La fin de l’humanité
signifierait du même coup la fin de Dieu, en tout cas tel que nous le
connaissons, et par voie de conséquence ce serait vraiment la fin du monde.
Tout cela nous amène
à nous situer d’une façon nouvelle par rapport à la théologie traditionnelle
qui place en l’homme l’origine de tous les maux et qui fait du péché la rupture
entre Dieu et l’humanité. Il a donc fallu a Jésus une audace considérable pour
prendre à rebours la théologie traditionnelle de son temps et de lancer l’idée
selon laquelle, Dieu ferait de l’homme son collaborateur pour donner du sens au
monde. Selon cette approche, le péché n’est plus ce qui entraînerait le monde à
sa perte, le péché serait désormais ce qui empêche l’homme d’entrer dans le
programme que Dieu lui propose pour le salut du monde.
Dieu inscrit l’homme
dans un projet de vie dans lequel il doit entrer pour que le monde soit sauvé.
La condition essentielle pour que ce projet aboutisse est liée à l’amour que
les hommes sauront se manifester les uns pour les autres. Dieu a fait le pari
fou de croire que ce projet peut se réaliser.
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