samedi 24 mai 2014

Matthieu 10:26-33 - le moteur de la Création - dimanche 22 juin 2014



L’opposition entre les êtres et les choses est le moteur de la création



Texte :Matthieu 10/26-33 :



Ne les craignez donc pas ! Rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est secret qui ne sera connu. Ce que je vous dis dans l’ombre, dites-le au grand jour ; ce que vous entendez dans le creux de l’oreille proclamez-le sur les terrasses. Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne peuvent tuer l’âme. ; craignez bien plutôt celui qui peut faire périr âme et corps dans la géhenne. Est-ce que l’on ne vend pas deux  moineaux pour un sou ? Pourtant pas un d’entre eux ne tombe à terre indépendamment de votre Père.



Quant à vous, même vos cheveux sont tous comptés Soyez donc sans crainte, vous valez mieux, vous, que tous les moineaux. Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, je me déclarerai moi aussi pour lui devant mon Père qui est aux cieux ; mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierais moi aussi devant mon Père qui est aux cieux.



N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive. Oui, je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère. On aura pour ennemis les gens de sa maison..



                                                                                                                      Traduction de la TOB


Le monde dans lequel Jésus envoie les siens pour y jeter les bases de son Eglise  ne ressemble en rien à une société préparée  à cette tâche. On verra que l’Eglise garde encore une forte empreinte du monde dont elle est issue. Inutile  de voir dans notre voisin  un confident  susceptible de partager nos secrets puisque tout risque d’être  répété, transformé, amplifié, comme dans une loge de concierge.  Au lieu d’une ambiance fraternelle,  on découvre que tous se font du mal entre eux. Jésus  ne voit pas  dans tout cela les racines d’une paix possible et se met lui-même à faire l’apologie de la guerre.

Surpris par ce climat, nous  cherchons alors notre refuge en Dieu et nous le trouvons occupé à compter les petits oiseaux et les cheveux de notre tête. Déçus, nous constatons que même la paix n’existe pas dans l’univers feutré de notre maison, car nous y trouvons la débandade. Nos ennemis prennent le visage familier de nos proches et, c’est ceux-là même qui  troublent notre univers habituel.  Il n’y a pas de quoi être surpris et notre foi ne nous protège pas de l’hostilité des gens ni même de celle de notre famille !

A quoi bon construire une société nouvelle si elle est destinée à ressembler à l’ancienne ? Les gens à la recherche d’équilibre risquent d’y perdre leur foi. En fait, que nous ayons la foi ou que nous ne l’ayons pas, que nous soyons chrétiens ou que nous ne le soyons pas, le monde dans lequel nous sommes est un monde agité par les discordes, les oppositions et les divisions. Les rivalités sont de règles dans la société des hommes, même parmi  ceux qui sont consacrés à Dieu. Les nations qui se prétendent sages sont plus occupées à se faire la guerre entre elles qu’à se soucier de l’intérêt de leurs peuples. Les milieux religieux n’apaisent pas les tensions, au contraire, chacun trouve dans ses propres convictions des raisons de s’opposer aux autres, et s’il  se trouve en position dominante il les  persécute, car l’homme  qui se prétend au service de Dieu oublie souvent de se mettre à son écoute, c’est pourquoi il semble que Dieu joue le rôle des absents et qu’il parait avoir déserté ce monde.

Et pourtant les apparences sont trompeuses. Jésus va se servir de ce phénomène de division pour en faire un levier pour faire évoluer le monde. Si la société de l’Eglise se meut dans cette société, et si elle lui ressemble, elle n’est pas  seulement cela. Elle a Dieu pour maître, même s’il  semble occupé à des futilités. En fait,  en le décrivant ainsi, Jésus veut nous montrer  qu’il  n’a pas la même façon d’appréhender les choses que nous. Ce qui a de l’importance à ses yeux, n’a pas forcément la même aux yeux des hommes. Le premier effort qu’il va nous falloir faire pour comprendre tout cela consistera à nous mettre en concordance avec lui. Il va falloir que nous fassions un effort pour comprendre le monde, comme Dieu  le conçoit. Mais nous sommes amenés à constater  que nous faisons trop souvent le contraire.

La plupart du temps nous essayons d’entraîner Dieu dans nos propres préoccupations, nous voudrions qu’il pense comme nous. Quand nous le prions,  nous voudrions qu’il partage notre vision des choses. Cependant, c’est à nous  qu’il appartient d’entrer dans la vision du monde  tel que Dieu le veut, c’est à nous de chercher à comprendre le monde tel que Dieu l’a conçu. Il faut donc que nous corrigions notre manière de voir.  Pour y arriver, il faut se mettre en rupture par rapport au monde, accepter sa critique et son rejet au risque d’être incompris par nos proches. Si fidèle à sa vocation, l’Eglise essaye de ressembler à son Seigneur. Elle sera rejetée comme lui.

Nombreux sont les croyants qui n’ont pas hésité  à se mettre en rupture avec le monde où ils vivent pour rester en conformité avec les valeurs qu’ils ont reçues de Dieu.  Il leur a même fallu se mettre en rupture avec leurs proches.. Les Chrétiens cohérents qui  essayent d’inscrire certaines valeurs de l’Evangile dans leur vie se mettent forcément en décalage par rapport à la société  actuelle. Ainsi le choix que nous faisons de Dieu nous entraîne inévitablement à prendre nos distances par rapport à la société au milieu de laquelle nous sommes et à nous mettre volontairement en opposition avec  elle.

Jésus regardait le monde de son temps comme une société injuste, détachée de Dieu et étrangère à l’ordre de la création. Il était clair pour lui que son enseignement ne pouvait pas être accepté par le monde ambiant. Il s’attendait donc à être marginalisé, rejeté même et même éliminé. Pas étonnant alors si les adeptes de Jésus ont été calomniés, ou si on les a persécutés, et si c’est encore leur sort. La paix qu’ils préconisent provoque des violences. Ils doivent  donc s’attendre à avoir le même sort que leur maître.

Le monde n’est cependant pas destiné à continuellement se quereller ni à éternellement se diviser, ni  à provoquer des rivalités entre les hommes, mais c’est quand même un passage incontournable. On ne peut pas vivre l’Evangile sans que des divisions surgissent, mais ces divisions doivent être porteuses d’espérance et doivent servir  à féconder un monde meilleur.

C’est à partir d’une boutade concernant le fait que Dieu compterait les petits oiseaux ou les cheveux de notre tête  que Jésus essaye de nous faire comprendre que les hommes, même les plus modestes sont au centre des préoccupations de Dieu. Aucun humain n’échappe à son attention paternelle. Dans l’ordre normal de la création, l’homme a priorité dans les soucis du Seigneur. Et plus l’homme est victime des autres  ou  du mauvais sort, plus Dieu  désire être proche de lui.

Cependant il est provoquant et incohérent d’affirmer de telles choses. Que l’on cherche à améliorer le sort des prisonniers de droit commun, que l’on milite en faveur des sans-papiers, que l’on demande des aménagements spéciaux pour les infirmes, il y aura toujours des opposants pour critiquer le fondement moral  d’une telle entreprise ou pour critiquer le coût de l’opération ou pour regretter la perte de temps tout en soulignant son manque d’intérêt. Nous savons bien que c’est au nom de l’Evangile que certains militent ainsi et que ce faisant, ils donnent suite à l’enseignement du Christ, mais ce qu’ils ne savent peut être pas c’est que malgré les conflits qu’ils suscitent, ils entrent dans le projet créateur de Dieu.

En effet, les idées et les choses évoluent dans la mesure où elles s’opposent les unes aux autres. C’est en s’affrontant que les idées prennent leur forme et que la vérité finit par trouver sa voie et à s’imposer. C’est en provoquant les oppositions que la plus part  des grandes idées humanitaires ont fini par trouver leur fondement : l’égalité des races, la fin de l’esclavage, les droits de l’homme, la dignité de la femme battue, la lutte pour la fin de l’apartheid. Toutes ces idées se sont opposées à l’origine à l’opinion générale, et la vérité née de l’opposition a fini par s’imposer.

C’est ainsi que L’Ecriture conçoit  la création du monde. Le livre de la Genèse nous raconte  que Dieu crée en séparant les choses entre elles et en les opposant. Il sépare le jour de la nuit, le ciel de la terre. La création se fait par la division. La nature elle-même procède de la même manière. C’est à partir de la division cellulaire que se construit chaque espèce. L’homme qui se sépare de son Père et de sa Mère pour s’unir à celle qui aussi   s’est séparée de sa propre famille  devient créateur d’une nouvelle cellule familiale avec elle.  Ne soyons donc pas inquiets si les idées créent des oppositions, car c’est ainsi qu’elles deviendront des évidences et que le monde entrera dans l’ordre normal de la création. Heureuse la femme et heureux l’homme qui par fidélité à leur Seigneur acceptera d’y participer.


Illustrations :Bible de Souvigny XII eme siècle  Médiathèque de Moulins

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