Ce sermon a déjà été proposé le 15 décembre 2013
1 Que le désert et la terre manifestent leur joie!
et se couvre de fleurs,
2 aussi belles que les lis
Oui, qu'il se couvre de fleurs, et qu'il s'émerveille à grands
cris!
Le Seigneur lui a donné la splendeur des montagnes du
Liban
l'éclat du mont Carmel et de la plaine de Saron.
On pourra voir alors la glorieuse présence du Seigneur,
l'éclat de notre Dieu.
3 Rendez force aux bras fatigués,
affermissez les genoux chancelants.
4 Dites à ceux qui perdent courage:
" Ressaisissez-vous, n'ayez pas peur, voici votre
Dieu"
Il vient vous venger et rendre à vos ennemis
le mal qu'ils vous ont fait, il vient lui-même vous
sauver."
5 Alors les aveugles verront et les sourds entendront.
6 Alors les boiteux bondiront comme des cerfs
et les muets exprimeront leur joie.
Car de l'eau jaillira dans le désert,
des torrents ruisselleront dans le pays sec.
7Le sable brûlant se transformera en étang,
et le pays de la soif en région de sources.
A l'endroit-même où les chacals avaient leur repaires
pousseront des roseaux et des joncs.
8 C'est là qu'il y aura une route
qu'on nommera le "chemin réservé".
Aucun impur n'y pourra passer, aucun idolâtre n'y rôdera.
Elle sera destinée au peuple du Seigneur
quand il se mettra en marche.
9 Sur cette route, pas de lion;
aucune bête féroce ne pourra y accéder, on n'en trouvera pas.
C'est là que marcheront ceux que le Seigneur aura libérés.
10 C'est là que reviendront ceux qu'il aura délivrés.
Ils arriveront à Sion en criant de bonheur.
Une joie éternelle illuminera leur visage.
Une joie débordante les inondera,
tandis que chagrins et soupirs se seront évanouis.
Une
route, traversée par toutes sortes de dangers s’ouvre dans le désert aride, devant les
immigrants en quête d’une terre d’accueil. Les broussailles se dressent
devant les pas des voyageurs et leur barrent le chemin. Elles
les découragent de s’aventurer plus avant dans ces contrées hostiles.
Et pourtant les marcheurs qui n’ont pas d’autres solutions continuent. Il n’y a
rien de surprenant dans cette évocation, il s’agit là du paysage habituel du
désert si souvent évoqué pour décrire la campagne des pays de la Bible qui
était loin de ressembler à un pays où coule le lait et le miel comme l’avait
laissé entendre Moïse aux fugitifs qui l’accompagnaient depuis l’Égypte.
Ils
étaient nourris de l’idée qu’ils allaient prendre possession de ce pays
qui allait devenir leur terre et où une nouvelle vie les attendait en
dépit des déboires de toutes sortes qu’ils allaient rencontrer. Ces
pèlerins audacieux avaient remplis leur âme de toutes sortes
d’images qui rendent désirable la terre vers laquelle ils orientaient leurs
pas. Tels étaient sans doute les illusions qui permettaient aux
nouveaux venus d’avancer. D’où venaient-ils ? Le texte ne
permet pas vraiment de le savoir.
Le peuple de la Bible a connu de nombreux exodes depuis qu 'à la suite de Moïse il a quitté la terre d’Égypte où il étaient opprimé. Les gens dont parle ici le prophète étaient-ils
des exilés venus du Royaume du Nord fuyant une première déportation?
Étaient-ce des exilés revenus au pays après la deuxième déportation?
Qu’importe. Ils avançaient vers une terre où ils voyaient s’accomplir
leur destin et où ils espéraient bénéficier d’une bénédiction divine. A mesure
qu’ils avançaient le ciel se faisait plus doux sur leurs têtes, et leurs pas se
faisaient plus fermes sur un sol moins caillouteux. Les ronces laissaient
la place à des herbes moins agressives. Du moins le croyaient-ils. Telle est l’illusion de tous les exilés qui s’approchent d’une terre
qu’ils croient plus accueillante que celle qu’ils ont laissés? Même s’ils ne
sont pas dupes, ils sont tous animés par la foi en un avenir meilleur et ils
s’efforcent de croire que Dieu habite leur espérance.
Dans
leurs pensées la campagne se transforme, les champs se mettent à fleurir, la
steppe aride fait place à de verts pâturages où gambadent les agneaux et
les cabris. Les paysans en pleines santé qu’ils croisent sur leur chemin ne
sont pas fatigués, toujours joyeux, ils manifestent une éternelle jeunesse.
Avec un peu d’imagination nous pourrions nous laisser aller à penser que
le prophète Esaïe qui décrit l’arrivée des exilés en terre d’Israël, se
soit inspiré du "conte du Prince charmant" bafouant les ronces et les épines pour aller réveiller "la belle au bois dormant" bien que ni les dates ni
les lieux ne correspondent. Mais l’idéal du pays enchanteur qui s’ouvre après
un parcours hasardeux existe dans toutes les civilisations. Le voyageur qui
traverse le désert de la soif n’a-t-il pas à l’esprit le mirage de
l’oasis couverte d’une palmeraie accueillante?
Notre
récit serait-il la description de cette oasis de bonheur jamais atteinte
qu’entrevoyait le prophète et qu’il décrirait avec complaisance pour aider son
peuple à patienter en attendant un bonheur illusoire qui ne viendra
jamais ? On a pris l’habitude de lire ce passage dans le temps de l’Avent,
ce moment de l’année où on fait place aux contes et légendes pour mieux dominer
la rudesse des temps. On se laisse plus facilement saisir par l’émotion en
pensant que Dieu est descendu du ciel pour se geler dans la paille afin
de sauver les hommes. Pourtant, nous le savons bien, Noël n’est pas une
illusion et les contes contiennent eux aussi des vérités qu’il nous faut
forcer pour en trouver le sens.Les contes que nous allons évoquer contiennent
un parcours initiatique qu’il nous faut décrypter si on veut en saisir le sens.
Sans la clé du texte, nous n’en découvrons pas
l’énigme. Ainsi, le Prince charmant doit-il franchir de nombreux obstacles
avant de découvrir le secret de sa propre vie qui sommeille sous les traits d'une princesse qui l’attend depuis cent ans dans un
château niché au milieu des bois. Le petit Poucet lui aussi doit suivre un
chemin au milieu des bois, mais il connaît la clé de l’énigme et retrouve sa
route grâce aux pierres blanches qu’il laisse tomber sur le chemin. Malheur à
lui s’il néglige la clé et se croit trop malin. Il remplace les cailloux par du pain
que mange les oiseaux et ce sont les ennuis qui arrivent. Le Petit Chaperon
rouge voit deux routes s’ouvrir devant elle. La plus longue contourne la forêt
et l’emmène saine et sauve chez sa grand-mère ainsi que sa galette et son
pot de beurre. Elle peut vivre alors sa vie de femme. Malheur à elle si elle
fait un mauvais usage de sa clé et si elle brûle les étapes en prenant le
chemin qui traverse la forêt. Le loup la devance, mange la grand-mère ainsi que
la galette et le pot de beurre et l’enfant par-dessus le marché.
C’est
un chemin semblable qui s’ouvre devant Esaïe, car son récit fonctionne comme un
conte de fée. Que l'auditeur ne s’en offusque pas, il sait bien que le récit
lui est donné pour qu’il réfléchisse et exerce sa sagacité. Les aveugles ne
guérissent pas par simple miracle généralisé, ni les infirmes et l’eau ne
jaillit pas en plein désert s’il n’y a pas de source, à moins qu’on l’y amène.
Les lions ne disparaissent pas sans qu’on les chasse. Rien ne se fait sur ce
chemin du désert si l’homme n’en change le cours des choses.
Et
maintenant, où se trouve la clé du texte ? Est-elle dans l’intelligence
des hommes et leur bonne volonté ? Le prophète entrevoit-il des jours
nouveaux qui se réaliseront quand l’intelligence humaine sera rejointe par la
sagesse divine et que les deux se confondront? L’espèce humaine gagnée par la grâce partagera tous ses
talents et chacun échangera son savoir-faire pour le mieux-être de tous. Toute
la planète gagnée à l’idéal évangélique deviendra une terre habitable par tous.
Ce sera merveilleux, c’est techniquement possible mais ça ne marche
pas ! Et chacun de se poser des tas de questions sans trouver une seule
bonne explication.
Les
contes évoqués plus haut pourraient-ils nous ouvrir une autre grille de
lecture ? Même quand on a compris la bonne clé, le conte se poursuit
par une incertitude qui est liée à la liberté de chacun et mais l'issue de l'histoire est liées à une bonne part de hasard et à la manière dont chacun le gérera. Que sera la suite de la vie de
la belle endormie qui se réveille dans les bras de son prince? Nul ne le sait.
Quantité de gosses braillards vont-ils hanter le palais au point d’y rendre la
vie impossible ? Que chacun imagine la suite. Le petit Poucet revient bien
à la maison grâce à ses cailloux, mais la famine n’a pas disparu et l’histoire
recommencera jusqu’à son dénouement, bon ou mauvais. Quelle vie
attend le Petit Chaperon rouge qui aurait fait le grand tour? Il n’a pour
s’ouvrir à la vie qu'une grand mère dont elle ne décryptera les secrets que si le chevillette est correctement manipulée pour que puisse choir la bobinette. Un petit pot de beurre et une galette sont-il suffisants pour les nourrir toutes deux et le danger du loup est-il définitivement écarté ?
Face
à ces conclusions, nous pouvons dire que le prophète Esaïe a
cependant raison. Oui, la transformation de l’humanité est possible, oui
le partage des ressources est possible, mais il nécessite une prise en main de
notre personne par Dieu. Notre conversion est un acte personnel qu’on ne peut
imposer à personne. Elle est liée à une relation que Jésus établit
avec chacun de nous par l’action permanente de son saint Esprit qui plane
sur l’humanité. Chacun de nous peut le recevoir mais il ne
s’impose à personne. Liberté oblige.
Il
existe encore une clé de compréhension que je n’ai pas mentionnée car je la
gardais pour la fin, c’est celle de l’action du péché en nous. Malgré notre
conversion et la présence de l’esprit en nous, malgré notre bonne volonté et
notre désir de bien faire, le péché ne s’est pas écarté de chacun
de nous. Il continue à habiter nos bas instincts, il ne cesse de nous
tenter et de plaider le faux pour le vrai. Chacun de nous est vulnérable
et se retient d’entrer à corps perdu dans l’altruisme et l’amour
inconsidéré du prochain. Le pardon, sans cesse prodigué par Dieu nous permet
d’avancer et de rester raisonnables, mais le Royaume promis par Jésus n’est pas
encore accompli. Esaïe en avait l’intuition, Jésus nous a donné les clés
pour y arriver, Dieu nous donne, la foi, l’espérance et la patience pour
le construire brique après brique. Il nous donne le pardon, sans cesse
renouvelé pour toujours repartir quand nous nous sommes trompés et que
nous avons mal agi. Nous n' avons peut être pas toutes les clés en main mais nous
en avons beaucoup à notre disposition. Faisons-en bon usage.
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