1 Alors un rameau
sortira du tronc de Jessé, un rejeton de ses racines sera fécond.2 Le souffle du SEIGNEUR
reposera sur lui : souffle de sagesse et d'intelligence, souffle de
conseil et de vaillance, souffle de connaissance et de crainte du SEIGNEUR.
3 Il respirera la
crainte du SEIGNEUR ; il ne jugera pas sur l'apparence, il n'arbitrera pas
sur un ouï-dire. 4 Il jugera les pauvres
avec justice, il arbitrera avec droiture en faveur des affligés du pays ;
il frappera la terre du sceptre de sa bouche, et du souffle de ses lèvres il
fera mourir le méchant. 5 La justice sera la
ceinture de ses reins, et la probité, la ceinture de ses hanches.
Le loup séjournera avec
le mouton 6 Le loup séjournera
avec le mouton, la panthère se couchera avec le chevreau ; le taurillon,
le jeune lion et les bêtes grasses seront ensemble, et un petit garçon les
conduira. 7 La vache et l'ourse
auront un même pâturage, leurs petits une même couche ; le lion, comme le
bœuf, mangera de la paille. 8 Le nourrisson
s'ébattra sur l'antre de la vipère, et l'enfant sevré mettra sa main dans le
trou de l'aspic. 9 Il ne se fera aucun
mal, il n'y aura aucune destruction,
dans toute ma montagne sacrée ; car la connaissance du SEIGNEUR
remplira la terre comme les eaux recouvrent la mer. Le retour des bannis
d'Israël 10 En ce jour-là, la racine de Jessé se tiendra
là comme une bannière pour les peuples ; les nations la chercheront, et
son lieu de repos sera glorieux.
Il est
des moments où l’imaginaire se croit complice de Dieu et recrée un monde
différent de celui où nous sommes. Cette vision des choses telle que le prophète
la prête à Dieu nous entraine sur les rives du rêve et non sur celle de la
réalité. Il nous faut alors considérer que le prophète
emprunte cette voie pour nous provoquer.
Nous y découvrons le monde de demain tel
que nous pourrions l’imaginer et non pas
tel que Dieu voudrait que nous
l’imaginions. Nous allons donc être invités à nous dégager de ce
futur qui ressemble plus à celui de la
fée Clochette qu’à celui qu’on pourrait solidement construire en s’ appuyant sur la logique scientifique des plus qualifiés de nos
chercheurs. Mais ni l’un ni l’autre de
ces mondes imaginaires ne ressemble au projet de Dieu ni celui des poètes ni celui des chercheurs.
Dans le
premier cas nous pensons que le prophète se fourvoie, qu’il invente un monde du
futur impossible à réaliser et sur lequel ce n’est pas Dieu qui règnerait mais
une absence de Dieu à l’image du monde de Walt Disney. Dans le deuxième cas, nous ne pouvons imaginer un futur cohérent sans prendre leçon de l’histoire. Il nous faut alors évoquer tous les
échecs qu’ont connus les sociétés
utopiques construites la plupart du temps dans le Nouveau monde par des
idéalistes fuyant le Vieux monde à cause
de son intolérance et en réalisant des
sociétés encore plus intolérantes. Toutes ont échoué.
Pourquoi,
les prophètes de jadis ont-ils mêlés Dieu à nos rêves les plus fous ? Pourquoi leur imagination a-t-elle frisé l’invraisemblable ? Ils nous
invitent à imaginer un monde où les
carnassiers deviendraient des ruminants et où les enfants irresponsables pourraient s’adonner aux exercices les plus
dangereux sans risquer la mort. En fait, dans l’inconscient collectif,
ceux qui se plaisent à évoquer de telles images sont des insatisfaits du monde
où nous sommes et voudraient que Dieu
partage leur insatisfaction, c’est pourquoi Ils vont même jusqu’à indiquer à
Dieu la procédure à suivre pour que ça change, si bien qu’ils deviennent leur propre Dieu en se
séparant de celui qui agit dans le
monde du réel.
Esaïe en
proposant cette prophétie, ne parle pas d’avenir. Il nous provoque en imaginant
que Dieu pourrait nous proposer un monde
futur aseptisé où nous serions privés de toute initiative. Toute violence y serait tellement absente qu’il deviendrait
impossible d’y vivre. Le mal n’existerait plus, les injustices non plus.
Mais ceux qui préconiseraient un tel
monde oublient que ce sont eux, les
hommes, qui en sont les principaux acteurs et que, avant d’en éradiquer la
violence, il faut d’abord enlever celle qui est en eux. En effet, si on voulait transformer les loups ou les ours en créatures fréquentables, totalement différentes
de ce qu’ils sont, on ferait violence
à leur nature. Cela
consisterait en fait, à les faire périr plutôt qu’à les faire évoluer. On
voudrait alors corriger le monde de sa propre violence en lui faisant violence. Ces
quelques boutades nous amènent à
constater que la violence dont nous voudrions éradiquer le monde est d’abord en
nous avant de la repérer chez les autres.
On pourrait même dire que c’est parce qu’elle est en nous qu’on la
repère d’autant mieux chez les autres.
Quand les prophètes se plaisent à décrire un monde improbable qui correspondrait mieux à la volonté du Dieu selon nouss, c’est en fait à l’image de
Dieu lui-même qu’ils s’en prennent. En
agissant ainsi, c’est Dieu qu’ils
veulent transformer, et non pas les hommes que nous sommes. Nous l’avons
compris, c’est pour nous provoquer qu’ils agissent ainsi Ils
veulent nous aider à affronter la
violence du monde et celle qui est en nous ainsi que la menace de la
mort qui rôde autour de nous sans pour autant la nier.
Cette prophétie, n’est pas la description d’un
avenir enchanteur dans lequel Dieu envisagerait de nous voir évoluer en
récompense à notre fidélité et à nos
comportements vertueux. Ce n’est pas la
redécouverte d’un paradis perdu qu’il chercherait à restaurer. Le prophète
conteste au contraire notre passivité et notre refus de nous impliquer dans la
construction d’un avenir meilleur pour le monde. Ce qu’il dénonce, c’est notre refus
d’ agir et notre désir de voir les
choses s’accomplir sans que nous n’ayons rien à faire, car
si ce monde doit avoir un avenir meilleur, c’est que nous sommes impliqués personnellement dans son
histoire et que c’est avec nous qu’il se construira.
Nulle
part dans les Ecritures, nous voyons la promesse de voir se créer une société
passive où tout se passerait sans que
les hommes n’aient à intervenir. Leur bonne conduite, leur religiosité, leur
vertu et leur morale sont insuffisantes pour dresser les bases de la société de
demain. Il faut aux hommes quelque chose d’autre pour que ce projet réussisse.
Ce quelque chose d’autre qui nous est nécessaire, c’est l’esprit de sagesse et d’intelligence, de
conseil et de vaillance, un esprit avec lequel le monde sera géré avec
justice. C’est de cela que parle le
prophète au tout début de son intervention et c’est la condition indispensable de la venue d’un monde
meilleur.
Bien
évidemment ces qualités particulières nous les avons reconnues dans les vertus
du Messie attendu, de Jésus Christ en qui nous reconnaissons le rejeton du
tronc d’Isaïe. Il fut tué par les hommes
parce qu’il a cherché à mettre en place,
d’une manière efficace toutes ces vertus
décrites ici. Il a commencé par
préconiser la « justice », c'est-à-dire l’équité à l’égard de tous
ceux qui sont en manque d’une manière ou d’une autre. Manque de pain et manque
d’espérance, manque de foi aussi, santé déficiente et violence de toute sorte subies par eux. Jésus
est venu vers eux au nom de Dieu, il a remédié, dans la mesure de ses faibles
forces à leurs manques.
Si Jésus
en est mort, c’est parce qu’il s’est senti concerné par celui que les
prophètes annonçaient. Il a mis en pratique ce qu’ils disaient, et il en est mort, mais il n’aurait pas connu un tel
destin, et il ne serait pas mort s’il
avait été suivi par tous ceux qui avaient reconnu qu’il agissait au nom de Dieu.
Ils auraient alors tout mis en œuvre avec lui pour que la justice divine soit
appliquée, pour que les pauvres ne soient pas condamnés à le rester et pour que
les petits ne désespèrent plus d’être refoulés au plus bas de l’échelle
sociale.
Le monde
voulu par Dieu n’était donc pas un monde de rêve où tout serait en
contradiction avec les règles de la nature, mais un monde nouveau en
contradiction avec les règles de la société que les hommes ont établies à leur
profit sans jamais avoir consulté Dieu. Jésus a payé de sa personne pour avoir
voulu répondre au désir de Dieu de vouloir changer les choses voulues les hommes.
Allons-nous
maintenant laisser son sacrifice sans suite ? Il est possible de réaliser le rêve de Dieu si nous nous mettons à
l’œuvre dans le sens où Jésus le souhaite. Il souhaite une forme de justice
telle qu’elle s’appuie d’abord sur l’amour du prochain. Il n’est pas question
de tergiverser sur le fait de savoir si
cet amour est justifié ou mérité, car en vérité, nous savons qu’il n’est jamais
vraiment mérité, et Jésus nous demande d’écarter cette question pour entrer
dans l’application de sa vérité selon laquelle nous devons être témoins de son
amour injustifié et immérité pour tous les hommes, et de le mettre en pratique
là où nous sommes.
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