vendredi 20 septembre 2019

Luc 16/19-31 Crois-tu en Dieu? dimanche 29 septembre 2019




Evangile selon Luc - chapitre 16 versets 19 à 31

 


19 Or il y avait un homme riche qui se vêtait de pourpre et de fin lin, et qui faisait joyeuse chère, chaque jour, splendidement.

20 Et il y avait un pauvre, nommé Lazare, couché à sa porte, tout couvert d’ulcères,

21 et qui désirait de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche ; mais les chiens aussi venaient lécher ses ulcères.

22 Et il arriva que le pauvre mourut, et qu’il fut porté par les anges dans le sein d’Abraham. Et le riche aussi mourut, et fut enseveli.

23 Et, en hadès, levant ses yeux, comme il était dans les tourments, il voit de loin Abraham, et Lazare dans son sein.

24 Et s’écriant, il dit : Père Abraham, aie pitié de moi et envoie Lazare, afin qu’il trempe dans l’eau le bout de son doigt, et qu’il rafraîchisse ma langue, car je suis tourmenté dans cette flamme.

25 Mais Abraham dit : [Mon] enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et Lazare pareillement les maux ; et maintenant lui est consolé ici, et toi tu es tourmenté.

26 Et outre tout cela, un grand gouffre est fermement établi entre nous et vous ; en sorte que ceux qui veulent passer d’ici vers vous ne le peuvent, et que ceux qui [veulent passer] de là ne traversent pas non plus vers nous.

27 Et il dit : Je te prie donc, père, de l’envoyer dans la maison de mon père,

28 car j’ai cinq frères, en sorte qu’il les adjure ; de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de tourment.

29 Mais Abraham lui dit : Ils ont Moïse et les prophètes ; qu’ils les écoutent.

30 Mais il dit : Non, père Abraham ; mais si quelqu’un va des morts vers eux, ils se repentiront.

31 Et il lui dit : s’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne seront pas persuadés non plus si quelqu’un ressuscitait d’entre les morts.

 



 C’est ici l’histoire d’un mendiant affalé à la porte d’un notable et dont personne ne se soucie. C’est aussi l’histoire d’un notable qui après une existence d’insouciance meurt dans l’indifférence de tous et se trouve inaccessible à la miséricorde de ceux qui l’ont devancé dans le monde de l’au de-delà. Nous  sommes, nous aussi, comme ces deux hommes, dans un monde où la miséricorde fait défaut et où Dieu est le grand absent. La question qui se pose est  celle de savoir si même il y a un  Dieu.  Après ce récit peut-on te demander si tu crois en Dieu? Et si tu réponds oui, le Dieu auquel tu crois est-il celui qui est ici absent de  l’existence de Lazare ou absent du monde de l’au-delà où le riche souffre. En effet,  on n’a perçu sa présence ni dans le souci quotidien de Lazare sur terre ni dans la demande de salut du riche en enfer.


Une partie de ce  sermon sera écrite à la première personne, c’est inhabituel ! Mais en donnant une forme personnelle à mon intervention, j’aurais aussi l’audace de penser  que je parle aussi en votre nom, ou en tout cas au nom de beaucoup. En fait qu’est ce qui résonne en moi quand je dis : « je crois en Dieu » ? Pour dire cela, il faut que je me sente concerné, il faut qu’il se soit produit en moi quelque chose de suffisamment significatif pour que je puisse me sentir mis en cause d’une manière personnelle par l’existence de Dieu. Il me semble qu’à la place du « je crois, » il serait plus opportun de dire : « j’espère ».  En effet, si j’espère en Dieu, j’ouvre la porte à toute une série de possibles sans vraiment en favoriser un. Je rejoins parmi  d’autres la logique de Voltaire  selon qui, toute horloge doit avoir un horloger. Je réalise aussi que je ne suis pas seul sur terre à m’interroger de la sorte et que dans la longue liste d’expériences des croyants qui se sont posé les mêmes questions, certains sont susceptibles de m’éclairer.


Si je me penche sur moi-même et que je réfléchis aux différentes époques de ma vie, je réalise que Dieu a plusieurs fois changé de visage. A l’époque de mon enfance, le Dieu  dont on m’a parlé était tout puissant, père et confident de Jésus Christ, capable de miracle et à qui l’entièreté du monde était soumise. Par la force des choses, je croyais en lui.  Puis, le doute venant habiter mon esprit, Dieu a perdu toutes  ses qualités au point de se réduire à un questionnement constant : « Où est-il ?  Existe-t-il ? A-t-il un ascendant sur moi ? » Toutes ces questions recevaient des réponses aléatoires suivant le moment. Mais son ombre n’a jamais cessé  de m’habiter et il a gardé une présence dans mon esprit. Il s’est alors fait questionnement. Est-il l’inspirateur de Jésus Christ ? Est-il présent de la même façon dans les autres religions ? Alors que signifie vraiment pour moi « croire en lui ? »


A l’Eglise on m’a dit que Dieu parlait aux hommes. En fait, à l’Eglise je n’entends que  la voix des pasteurs qui racontent leurs propres expériences sur Dieu  dans des  sermons plus ou moins ennuyeux. Le cas échéant, ils font de la philosophie. Mais jamais, c’est le son de la voix d’un Dieu quel qu’il soit que j’entends.   Si  je me réfugie en moi-même et que j’écoute ce qui s’y passe, je ne perçois que le murmure que produisent mes propres réflexions, mais ce n’est que moi-même qui parle en moi et je n’aurais pas l’outrecuidance de confondre sa voix avec la mienne. Je  réalise alors que j’ai besoin de Dieu sans vraiment savoir comment j’ai besoin de lui. Aurais-je alors la faiblesse d’inventer sa présence pour me rassurer, si bien que si je crois en lui, c’est à ma propre invention que je croirais.  Je n’ai rien exprimé d’original, j’ai seulement fait l’inventaire des choses qui se passent en moi, quand  on me dit « crois-tu en Dieu ? »  Mais cette réflexion ne me lâche pas, elle se fait parfois discrète mais vient me hanter au moment où je ne m’y attends pas. Il est donc évident que je vais poursuive mon investigation au sujet de Dieu.


Je réalise que ça m’agace quand on essaye de me dire Dieu. C’est ce qui se passe quand on récite la confession de foi au cours du culte. Sans doute suis-je le produit cartésien de cette société qui est la nôtre. Je n’aime pas qu’on me dise ce que je dois croire et comment je dois croire. Si l’expérience des autres est susceptible de m’éclairer, elle n’est pas normative. Je ne sais donc pas si je crois en Dieu, mais je sais que cette question est lancinante et qu’elle me pousse à cheminer continuellement  en compagnie de  cette idée  de « croire en  Dieu » qui occupe des phases plus ou moins significatives dans les divers moments de ma vie.


Je me tourne alors vers Jésus, cet infatigable témoin de Dieu, et je me demande si l’un  des buts de son enseignement  n’était pas de nous amener à ce point de notre réflexion ou nous réalisons que Dieu est insaisissable pour un esprit humain rationnel. On découvre que l’on n’a pas vraiment de nom à lui donner. On rejoint alors la tradition biblique où il est dit que son nom est imprononçable. Il nous faut toujours repartir de là si on veut avancer dans cette recherche de Dieu. Il nous est alors dit que l’homme est  fait à son image. C’est cette image de chercheur qu’il nous est donné de saisir  quand nous cherchons Dieu. Nous cherchons Dieu, car c’est lui qui nous cherche. Ceux qui vivent cette même expérience  se trouvent alors engagés dans cette recherche lancinante de Dieu qui les conduit à se chercher eux-mêmes. Nous sommes alors renvoyé vers un ailleurs où est Dieu, où nous nous retrouvons nous-mêmes  et où en compagnie de Dieu nous ne sommes plus seuls. En poursuivant ma réflexion, je constate que je suis insensiblement passé du « je » au « nous ». Ne serait-ce pas à cause du fait que Dieu ne peut prendre de réalité que si celle-ci elle est partagée avec les autres ?


En revenant à cette parabole que Jésus a volontairement marquée de l’absence de Dieu, on ne peut pas ne pas se poser la question sur le pourquoi de cette absence. Peut-être y est-il quand même, mais où se cache-t-il ? Il est clair qu’il n’a pas sa place dans le monde de la mort, or le monde de la mort occupe tout ce texte. Il n’y a aucune vie dans la maison à la porte de la quelle se tient Lazare qui par sa passivité n’aspire pas à vivre. Le riche n’a même pas de nom car il n’a pas d’existence. Replié sur lui-même et sur sa propre satisfaction, il n’a pas de vie dans le monde des vivants. Lazare n’a pas davantage de vie dans l’au-delà, sa présence passive  dans le sein d’Abraham ne le  change pas de l’existence qu’il menait avant.  Dieu est absent de ce texte, car il n’y a pas d’aspiration à vivre. 


Le visage de Dieu se précise cependant. On ne peut le trouver que si on devient soi-même chercheur de vie, non pas pour soi, mais pour tout autre qui est appelé à la partager.  L’espérance apparaît dans ce passage quand le riche  éprouve de l’intérêt  pour Lazare. Le texte dit qu’il est trop tard. Telle est la réponse d’Abraham !  Mais est-il vraiment trop tard  pour Dieu? Dans les paraboles rapportées par Jésus, la réponse  à la question qu’elles posent est rarement dans le texte, elle nous pousse à la trouver au-delà du texte si nous nous donnons la peine d’y projeter notre réflexion. Au-delà du texte, n’est-ce pas le lieu où est Dieu. Notre recherche de Dieu se prolonge alors au-delà de ce texte. Elle trouve peut-être sa réponse dans le fait qu’une espérance se met à naître  dans le moment  ou  les deux hommes s’étant regardés le riche peut se mettre  à espérer. C’est en tout cas sur ce  terrain que l’on peut trouver Dieu.


 Aujourd’hui, l’avenir du monde et de  cette planète n’a de sens que si notre recherche de Dieu nous entraîne à regarder les autres hommes et à produire de la vie et de la vie en abondance. Je crois alors à ce Dieu qui donne à la vie avec lui la dimension de l’espérance.

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