Luc 17/5-10
5 Les apôtres dirent au Seigneur: «Augmente
notre foi.» 6 Le Seigneur dit: «Si vous aviez de la foi
comme une graine de moutarde, vous diriez à ce mûrier: 'Déracine-toi et va te
planter dans la mer', et il vous obéirait.
7 »Si l'un de vous a un esclave qui laboure ou garde les troupeaux, lui dira-t-il, à son retour des champs: 'Viens tout de suite te mettre à table'?
8 Ne lui dira-t-il pas au contraire: 'Prépare-moi à souper, ajuste ta tenue pour me servir jusqu'à ce que j'aie mangé et bu; après cela, toi, tu mangeras et tu boiras'?
9 A-t-il de la reconnaissance envers cet esclave parce qu'il a fait ce qui lui était ordonné? [Je ne pense pas.]
10 Vous de même, quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné, dites: 'Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire.'»
7 »Si l'un de vous a un esclave qui laboure ou garde les troupeaux, lui dira-t-il, à son retour des champs: 'Viens tout de suite te mettre à table'?
8 Ne lui dira-t-il pas au contraire: 'Prépare-moi à souper, ajuste ta tenue pour me servir jusqu'à ce que j'aie mangé et bu; après cela, toi, tu mangeras et tu boiras'?
9 A-t-il de la reconnaissance envers cet esclave parce qu'il a fait ce qui lui était ordonné? [Je ne pense pas.]
10 Vous de même, quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné, dites: 'Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire.'»
Savez-vous ce qui s’est passé
quand Dieu a créé le monde et qu’il y a mis l’homme ?
A peine a-t-on ouvert la Bible en se posant la question que la Bible elle-même
ne nous donne pas le temps de réfléchir. Elle nous raconte qu’à peine créé, l’homme s’est mis à douter de
Dieu, il s’est chicané avec sa femme et ses enfants se sont mis à se quereller,
si bien que l’un d’entre eux a perdu la vie ? Mais cette question reste latente. Quel était le projet de Dieu, même s’il a dérapé ? Au fil des chapitres les
prophètes reviennent sur le problème et ils en font état dans leurs propos. Ils
imaginent un univers sans violence auquel même la nature se soumettrait. L’ours
et la vache mangeraient ensemble de l’herbe et les serpents seraient
inoffensifs au point que les petites enfants pourraient jouer avec eux.
Bien évidemment le lecteur ne
tient pas compte de ces visions idylliques où Dieu semblerait contester sa
propre création en proposant des projets contre nature qu’il n’aurait pas créés
ainsi. L’ours est omnivore et il ne serait pas dans sa nature de ne manger que
de l’herbe sans mourir. Le serpent quant à lui doit se servir de son venin pour neutraliser ses
proies pour pouvoir manger si bien que l’enfant ne pourrait être en sureté en
présence des serpents. Bien évidemment, ceux qui veulent argumenter vont opposer
couleuvres et vipères, mais ces arguments ne mèneront pas loin. La nature
créée par Dieu ne peut évoluer en harmonie sans qu’il y ait interférence entre les divers éléments
et que les herbivores soient mangés par les carnivores. En fait le vrai
problème reste celui du rôle de l’homme au sein de la création, c’est lui qui
devrait la maintenir en harmonie, et c’est l’équilibre qui devrait en être la
règle, si bien que le monde idéal, voulu par Dieu devrait être un monde sans
problème.
L’histoire d’Adam et Eve ainsi
que le récit de Caïn et Abel, visent à montrer que dès que l’homme fait son
apparition sur terre, il s’ingénie à mettre le monde en déséquilibre, à en perturber
l’harmonie et à se mettre en opposition
avec Dieu en ignorant la règle fondamentale de la bonne marche des choses.
Selon l’Ecriture cette bonne marche des choses transparait dans la maxime qui se
voudrait universelle, selon laquelle « tu dois aimer ton prochain comme toi-même »,
pour que tout se passe bien. C’est à cause de ce manquement que le monde
dysfonctionne depuis toujours, même si
ce n’est pas cela que’ Saint Augustin appelait le péché originel qui était l’offense à Dieu, pourtant, il semblerait
plus exact que ce soit le manquement à l‘harmonie de la planète qui soit cause
du dérèglement général.
Toutes ces considérations ne
nous ont que temporairement écartés des propos de Jésus. Sans doute Jésus n’ignorait-il pas tout ce que nous avons
évoqué. Il savait tout cela quand il
proposa à ses interlocuteurs cette
parabole qui nous provoque ce matin. Il n’y culpabilise personne mais se
contente de faire un constat qui relève de l’évidence. Il entre dans une logique d’équilibre et de justice.
C’est là où il rejoint tous ceux qui parlent de dysfonctionnement de la planète, mais propose
une autre approche.
Quand on aborde ce problème,
il est d’usage de culpabiliser ceux qui sont la cause de la situation qu’ils dénoncent. Dès l’origine du
Christianisme, les théologiens ont très vite inscrit l’histoire des hommes dans
une situation de faute en parlant du péché originel. Cette ambiance de la faute
primitive nous met mal à l’aise et fausse notre raisonnement. C’est ce à quoi nous assistons en ce moment
dans les controverses sur les causes du déséquilibre climatique. A qui
la faute disent les plus jeunes avec bonne conscience, oubliant que depuis
toujours les hommes ont toujours agi en profitant pour eux-mêmes de la
situation si bien que ceux qui
culpabilisent les génération
passées en les accusant de de négligence
ou d’indifférence, continuent à partager la faute collective en voyageant en
avion, en utilisant des portables consommateurs de métaux rares dont l’usage
réduit en esclavage les ouvriers qui les exploitent. Il serait surprenant que ceux qui accusent
les autres de négligence, soient eux-mêmes exempts de faute à des degrés plus ou moins différents. Nous y
reviendrons.
Jésus en utilisant ici des propos choquants qui nous mettent mal à l’aise ne culpabilise personne car tel n’est pas son
but. Il dit simplement qu’il serait logique que celui qui ne se fatigue pas en
accomplissant des travaux pénibles fasse au moins le repas pour ceux qui ont
trimé au gros soleil. Il imagine que la juste distribution des tâches devrait
être la base de la société. Ne serait-ce pas ainsi que Dieu aurait conçu la
création ? Jésus fait juste une
suggestion car il sait que ça ne
marchera pas, même si c’est inscrit dans le projet créateur de Dieu. Sans
vouloir faire un cours d’histoire, rappelons que les hommes ont déjà essayé de
mettre en pratique de telles propositions, et si ça a marché dans des petites sociétés réduites, retirées à l’écart du monde, ça n’a pas duré. Quand des états ont essayé
d’appliquer ces mêmes principes, ils ont cru devoir s’opposer à Dieu et se sont
constitués en dictatures injustes.
Jésus a donc eu raison
d’envisager sa proposition comme une hypothèse irréalisable. Pourtant sa
proposition relevait du bon droit et de la stricte justice, mais ça ne marche
pas dans un monde dominé par l’homme. Quant à imaginer un monde dominé par Dieu, on l’a déjà fait, c’est
toujours des hommes qui y ont pris le dessus et jamais le Dieu d’amour et du partage. C’est dans ces travers que sont tombées l’inquisition ou la société
Genevoise de Calvin. Mais on ne discute pas avec Jésus quand il essaye de nous faire
comprendre des choses sur Dieu. Selon lui, il relèverait bien de la volonté de
Dieu que les tâches entre les humains soient équitablement partagées et qu’il
n’y ait plus de privilégiés pour profiter de la sueur des autres sans se mettre
eux-mêmes à la tâche.
Si nous prenons en compte tout cela et que nous contestons la société
injuste dans laquelle nous évoluons, si nous décidons de militer de toutes les façons possibles
pour une société plus juste et si en faisant cela nous pensons avoir bien
mérité de Dieu, c’est alors une parole déstabilisante que Jésus nous
adresse : « Vous êtes des
serviteurs inutiles !» Cela veut tout simplement dire que l’efficacité et
la bonne volonté que nous croyons offrir à Dieu pour défendre les causes nobles
ne seraient que des éléments normaux de notre comportement. Il semblerait que
cela fasse partie des attitudes normales requise par Dieu. Les actions que nous classerions volontiers comme des comportements louables ne sont que des
applications banales du projet créateur
de Dieu pour lequel Dieu s’efforce de nous mettre en mouvement pour que nous en
fassions plus encore.
Ainsi, si nous-mêmes et nos
Eglises nous engageons dans des projets
humanitaires, si nous militons avec elles pour les droits de l’homme, si nous
participons à l’amélioration de la création, nous ne faisons que ce que nous
devons faire, car Dieu nous a missionné pour cela. Si nous nous prenons pour
des héros parce que nous agissons pour la sauvegarde de la planète, nous
restons des serviteurs inutiles car nos actions
restent apparemment insuffisantes. Tout cela devrait nous entraîner à toujours
nous dépasser au service de Dieu sans en espérer de compensation.
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