mardi 24 septembre 2019

Luc 17/5-10 vous êtes des serviteurs inutiles - dimanche 6 octobre 2019


Luc 17/5-10



5 Les apôtres dirent au Seigneur: «Augmente notre foi.» 6 Le Seigneur dit: «Si vous aviez de la foi comme une graine de moutarde, vous diriez à ce mûrier: 'Déracine-toi et va te planter dans la mer', et il vous obéirait.
7 »Si l'un de vous a un esclave qui laboure ou garde les troupeaux, lui dira-t-il, à son retour des champs: 'Viens tout de suite te mettre à table'?
8 Ne lui dira-t-il pas au contraire: 'Prépare-moi à souper, ajuste ta tenue pour me servir jusqu'à ce que j'aie mangé et bu; après cela, toi, tu mangeras et tu boiras'?
9 A-t-il de la reconnaissance envers cet esclave parce qu'il a fait ce qui lui était ordonné? [Je ne pense pas.]
10 Vous de même, quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné, dites: 'Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire.'»





Savez-vous ce qui s’est passé quand  Dieu  a créé le monde et qu’il y a mis l’homme ? A peine a-t-on ouvert la Bible en se posant la question que la Bible elle-même ne nous donne pas le temps de réfléchir. Elle nous raconte  qu’à peine créé, l’homme s’est mis à douter de Dieu, il s’est chicané avec sa femme et ses enfants se sont mis à se quereller, si bien que l’un d’entre eux a perdu la vie ?  Mais cette question reste latente. Quel était le projet de Dieu, même s’il a dérapé ? Au fil des chapitres les prophètes reviennent sur le problème et ils en font état dans leurs propos. Ils imaginent un univers sans violence auquel même la nature se soumettrait. L’ours et la vache mangeraient ensemble de l’herbe et les serpents seraient inoffensifs au point que les petites enfants pourraient jouer avec eux. 


Bien évidemment le lecteur ne tient pas compte de ces visions idylliques où Dieu semblerait contester sa propre création en proposant des projets contre nature qu’il n’aurait pas créés ainsi. L’ours est omnivore et il ne serait pas dans sa nature de ne manger que de l’herbe sans mourir. Le serpent quant à lui doit  se servir de son venin pour neutraliser ses proies pour pouvoir manger si bien que l’enfant ne pourrait être en sureté en présence des serpents. Bien évidemment, ceux qui veulent argumenter vont opposer couleuvres et  vipères, mais ces arguments ne mèneront pas loin. La nature créée par Dieu ne peut évoluer en harmonie sans  qu’il y ait interférence entre les divers éléments et que les herbivores soient mangés par les carnivores. En fait le vrai problème reste celui du rôle de l’homme au sein de la création, c’est lui qui devrait la maintenir en harmonie, et c’est l’équilibre qui devrait en être la règle, si bien que le monde idéal, voulu par Dieu devrait être un monde sans problème.


L’histoire d’Adam et Eve ainsi que  le récit de Caïn et Abel,  visent à montrer que dès que l’homme fait son apparition sur terre, il s’ingénie à mettre le monde en déséquilibre, à en perturber l’harmonie  et à se mettre en opposition avec Dieu en ignorant la règle fondamentale de la bonne marche des choses. Selon l’Ecriture cette bonne marche des choses  transparait dans la maxime  qui se voudrait universelle, selon laquelle « tu  dois aimer ton prochain comme toi-même », pour que tout se passe bien. C’est à cause de ce manquement que le monde dysfonctionne  depuis toujours, même si ce n’est pas cela que’ Saint Augustin appelait le péché originel qui était  l’offense à Dieu, pourtant, il semblerait plus exact que ce soit le manquement à l‘harmonie de la planète qui soit cause du dérèglement général. 


Toutes ces considérations ne nous ont que temporairement écartés des propos de Jésus. Sans doute Jésus  n’ignorait-il pas tout ce que nous avons évoqué.  Il savait tout cela quand il proposa à  ses interlocuteurs cette parabole qui nous provoque ce matin. Il n’y culpabilise personne mais se contente de faire un constat qui relève de l’évidence. Il  entre dans une logique d’équilibre et de justice.  C’est là où il rejoint  tous ceux qui parlent de dysfonctionnement de la planète, mais propose une autre approche. 


Quand on aborde ce problème, il est d’usage de culpabiliser ceux qui sont la cause de la situation qu’ils dénoncent. Dès l’origine du Christianisme, les théologiens ont très vite inscrit l’histoire des hommes dans une situation de faute en parlant du péché originel. Cette ambiance de la faute primitive nous met mal à l’aise et fausse notre raisonnement.  C’est ce à quoi nous assistons en ce moment dans  les controverses sur  les causes du déséquilibre climatique. A qui la faute disent les plus jeunes avec bonne conscience, oubliant que depuis toujours les hommes ont toujours agi en profitant pour eux-mêmes de la situation si bien que ceux qui  culpabilisent  les génération passées en les accusant de  de négligence ou d’indifférence, continuent à partager la faute collective en voyageant en avion, en utilisant des portables consommateurs de métaux rares dont l’usage réduit en esclavage les ouvriers qui les exploitent.  Il serait surprenant que ceux qui accusent les autres de négligence, soient eux-mêmes exempts  de faute  à des degrés plus ou moins différents. Nous y reviendrons.


Jésus en utilisant  ici des propos  choquants qui nous mettent mal à l’aise  ne culpabilise personne car tel n’est pas son but. Il dit simplement qu’il serait logique que celui qui ne se fatigue pas en accomplissant des travaux pénibles fasse au moins le repas pour ceux qui ont trimé au gros soleil. Il imagine que la juste distribution des tâches devrait être la base de la société. Ne serait-ce pas ainsi que Dieu aurait conçu la création ? Jésus  fait juste une suggestion car il sait  que ça ne marchera pas, même si c’est inscrit dans le projet créateur de Dieu. Sans vouloir faire un cours d’histoire, rappelons que les hommes ont déjà essayé de mettre en pratique de telles propositions, et si ça a marché dans  des petites sociétés  réduites, retirées à l’écart du monde,  ça n’a pas duré. Quand des états ont essayé d’appliquer ces mêmes principes, ils ont cru devoir s’opposer à Dieu et se sont constitués en dictatures injustes.


Jésus a donc eu raison d’envisager sa proposition comme une hypothèse irréalisable. Pourtant sa proposition relevait du bon droit et de la stricte justice, mais ça ne marche pas dans un monde dominé par l’homme. Quant à imaginer un monde  dominé par Dieu, on l’a déjà fait, c’est toujours des hommes qui y ont pris le dessus et jamais le  Dieu d’amour et du partage. C’est  dans ces travers  que sont tombées l’inquisition ou la société Genevoise de Calvin. Mais on ne discute pas  avec Jésus quand il essaye de nous faire comprendre des choses sur Dieu. Selon lui, il relèverait bien de la volonté de Dieu que les tâches entre les humains soient équitablement partagées et qu’il n’y ait plus de privilégiés pour profiter de la sueur des autres sans se mettre eux-mêmes à la tâche.


Si nous prenons en compte  tout cela et que nous contestons la société injuste dans laquelle nous évoluons, si nous décidons  de militer de toutes les façons possibles pour une société plus juste et si en faisant cela nous pensons avoir bien mérité de Dieu, c’est alors une parole déstabilisante que Jésus nous adresse : « Vous  êtes des serviteurs inutiles !» Cela veut tout simplement dire que l’efficacité et la bonne volonté que nous croyons offrir à Dieu pour défendre les causes nobles ne seraient que des éléments normaux de notre comportement. Il semblerait que cela fasse partie des attitudes normales requise par Dieu. Les actions  que nous classerions volontiers comme des  comportements louables ne sont que des applications  banales du projet créateur de Dieu pour lequel Dieu s’efforce de nous mettre en mouvement pour que nous en fassions plus encore. 




Ainsi, si nous-mêmes et nos Eglises nous engageons dans  des projets humanitaires, si nous militons avec elles pour les droits de l’homme, si nous participons à l’amélioration de la création, nous ne faisons que ce que nous devons faire, car Dieu nous a missionné pour cela. Si nous nous prenons pour des héros parce que nous agissons pour la sauvegarde de la planète, nous restons des serviteurs inutiles car nos actions  restent apparemment insuffisantes. Tout cela devrait nous entraîner à toujours nous dépasser au service de Dieu sans en espérer de compensation.

Aucun commentaire: