15 Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements. 16 Moi, je
demanderai au Père de vous donner un autre défenseur pour qu'il soit avec vous
pour toujours, 17 l'Esprit de la vérité, que le monde ne peut pas recevoir,
parce qu'il ne le voit pas et qu'il ne le connaît pas ; vous, vous le
connaissez, parce qu'il demeure auprès de vous et qu'il sera en vous.
18 Je ne vous laisserai pas orphelins ; je viens à vous. 19
Encore un peu, et le monde ne me verra plus ; mais vous, vous me verrez,
parce que, moi, je vis, et que vous aussi, vous vivrez
. 20 En ce jour-là, vous
saurez que, moi, je suis en mon Père, comme vous en moi et moi en vous. 21
Celui qui m'aime, c'est celui qui a mes commandements et qui les garde. Or
celui qui m'aime sera aimé de mon Père ; moi aussi je l'aimerai et je me
manifesterai à lui.
22 Judas, non pas l'Iscariote, lui dit : Seigneur, comment
se fait-il que tu doives te manifester à nous et non pas au monde ? 23
Jésus lui répondit : Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon
Père l'aimera ; nous viendrons à lui et nous ferons notre demeure auprès
de lui. 24 Celui qui ne m'aime pas ne garde pas mes paroles. Et la parole que
vous entendez n'est pas la mienne, mais celle du Père qui m'a envoyé.
25 Je vous ai parlé ainsi pendant que je demeurais auprès de
vous. 26 Mais c'est le Défenseur, l'Esprit saint que le Père enverra en mon
nom, qui vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que, moi, je vous ai
dit.
Une immense bonté habite le monde, mais qui s’en rend compte ? La lecture
de nous journaux quotidiens semble même nous dire le contraire. Ils ne cessent
de nous énumérer toutes ces choses dont l’humanité serait victime, si
bien qu’on a pris l’habitude de considérer que le monde serait aux mains du
« mauvais » et que c’était lui qui en était devenu le maître. Dans le
récit de la Tentation rapporté par les évangiles ne nous raconte-t-on pas qu’il
se présente comme le maître du monde ? Si Jésus ne tombe pas dans le
panneau, la plupart des humains se laissent avoir.
Sans
doute les médias, aussi se font prendre au même piège et
s’ingénient à présenter le mauvais côté des choses. Cependant, il suffit
de jeter un coup d’œil sur tout ce qui nous entoure pour constater la beauté
qui irradie de toute part. Du lever du soleil jusqu’à son couchant, que de
merveilles ne défilent pas sous nos yeux ! Avec un peu d’attention
nous voyons la bonté de tous ces humains à l’œuvre quand ils
s’entraident mutuellement. Nous partageons aussi cette
immense espérance qui fait vibrer nos cœurs et qui installe en nous
l’idée que demain portera des fruits meilleurs que ceux d’aujourd’hui.
Il y a un fond
d’optimisme en nous que nous prenons soin de cacher, comme si c’était malsain
de voir les choses sous un jour heureux. Ce fond d’optimisme correspond sans
doute à la trace de Dieu qui se promène incognito dans notre monde (1) et
qui sème quelques bribes de lui-même partout où il passe. C’est ce
qui nous permet inconsciemment de profiter de la vie.
Pourtant
ce sont d’autres idées sur Dieu qui habitent nos esprits. Elles sont assez
généralement partagées dans ce monde-ci. Dieu serait perçu par beaucoup
comme l’ « être suprême » cher aux philosophes des
Lumières qui ne se soucierait pas beaucoup du sort de l’humanité. On le
considère, dans le meilleur des cas comme celui qui aurait jeté le monde sur sa
lancée, mais qui, depuis le big-bang qu’il aurait initié, le laisserait
évoluer à sa guise. Ce Dieu ne serait en rien dérangé par les guerres
que se font les hommes entre eux, ni par les trains qui déraillent, ni
par les petits enfants qui ont faim.
Telle
est la vision de Dieu qui se répand dans notre société. Si on croit en Dieu, on
ne lui accorde que peu de cas. Notre société évolue sur un fond de panthéisme
qui nous suggère qu’à la fin, notre vie s’achèvera dans un Grand Tout
où curieusement nous conserverons peut-être une partie de notre
personnalité. Ce sont les médias qui encore une fois accréditent cette idée. En
effet, il suffit qu’une personnalité disparaisse pour que l’on nous suggère que
là où elle est désormais, elle nous voit et participe d’une manière ou d’une
autre à la suite des événements. Nos contemporains s’approprient
volontiers les idées d’un de nos anciens présidents défunts qui
avant de mourir laissait entendre qu’il ne nous quitterait pas tout à fait
parce qu’il croyait aux forces de l’esprit. Mais bien évidemment nous avons du
mal à nous y retrouver.
Dans
le monde antique juif dont nous sommes héritiers et dans lequel vivait Jésus,
il n’en allait pas ainsi. On pensait que Dieu était beaucoup plus présent dans
le monde dont il avait jeté les bases. On pensait qu’il pouvait
intervenir dans la société des hommes pour faire respecter ses préceptes
et ses lois, sans quoi le monde ne pourrait évoluer selon le programme
qu'il aurait établi. Le Dieu créateur aurait fait l’homme libre.
Seulement sa liberté se limiterait à discerner sa volonté et à la respecter.
Partant de préceptes remontant à Moïse, et même au-delà de lui à Noé, les
penseurs de la Bible ont rédigé tout un arsenal de préceptes, au nombre de 613,
qu’il fallait respecter, sous peine de voir le visage de Dieu s’empourprer pour
laisser éclater sa colère et punir les contrevenants. Dieu était cependant
perçu comme infiniment bon mais sa bonté, pour s’exercer impliquait que
l’on respecte ses commandements.
C’est
dans ce double contexte du présent et du passé que nous nous approprions le
message de Jésus pour ce jour. Il précise ses rapports avec Dieu et avec
nous. Bien entendu il ne s’accorde avec aucune des thèses suggérées dans
mon propos. Ses rapports avec les hommes sont réglés par la notion d’amour.
L’amour de Dieu pour les hommes tel que Jésus l’enseigne est inconditionnel.
Dieu est perçu par Jésus comme un Père essentiellement bon. La
bonté de Dieu se répand sur le monde et Dieu la communique aux hommes par le
relais de Jésus. Grâce à ce nouveau regard que Jésus porte sur Dieu, les choses
prennent un aspect bien différent et notre relation à Dieu prend une allure
toute nouvelle. Le vrai visage de Dieu se révèle alors à nous grâce à notre
capacité à aimer. Tel serait en quelque sorte le testament spirituel de Jésus
avant son départ de ce monde.
Bien
que cet enseignement de Jésus nous soit connu de longue date, nous avons
conservé de par nous-mêmes des conceptions de Dieu qui relèvent encore de
la conception des contemporains de Jésus auquel il s’est vivement opposé. Un
tel portrait de Dieu où la notion d’amour serait dominante nous paraît encore
vraiment réducteur. Nous considérons que les attributs traditionnels de Dieu n’y
sont pas assez pris en compte. Beaucoup trouvent que l’on n’insiste pas
assez sur la toute-puissance de Dieu, ni sur sa capacité à créer,
ni sur sa justice.
En
fait Jésus ne met nullement en cause les attributs de Dieu, mais il rappelle
que l’essentiel dans la relation que Dieu veut entretenir avec les hommes est
l’amour qui passe avant la justice, la loi et son action de
créateur. Si cette capacité à aimer est première en Dieu, elle doit l’être
aussi, bien évidemment en l’homme. C’est en mettant l’amour en pratique
que nous maintiendrons une relation cohérente avec Dieu.
Il
est important de constater que dans notre lecture de l’Évangile, nous
avons bien repéré l’insistance que Jésus accorde à l’amour que les hommes
doivent avoir les uns pour les autres et aussi pour Dieu. Il est inutile
d’énumérer toutes les paraboles qui insistent sur cet aspect des choses. Il est
aussi inutile de rappeler tous les passages où Jésus parle du commandement
d’amour. Pourtant nous donnons priorité à d’autres valeurs dans nos relations à
Dieu, et sans même nous en rendre compte, nous donnons priorité aux anciennes
valeurs du judaïsme contre lesquelles Jésus s’est élevé avec force. Nous
mettons en avant notre péché, comme s’il fallait encore et toujours négocier
notre pardon. Nous nous interrogeons sur notre salut. Nous revêtons Dieu de la
toge du juste juge en oubliant que c’est la notion de Père
aimant que Jésus a mis en avant.
Les
chrétiens se sont jadis séparés les uns des autres et se sont érigés en
églises distinctes sur des notions de justice. Ils se sont excommuniés
mutuellement sur des principes légalistes, et aujourd’hui encore ils
n’arrivent pas à se réconcilier sur ces mêmes principes alors que ce qui
devrait avoir priorité sur tout le reste devrait être notre référence à
l’amour que Dieu éprouve pour chacun de nous et que nous devrions avoir pour
lui et pour les autres.
Selon
Jésus le moteur du monde devrait être l’amour, car c’est cette notion qu’il a
choisie pour révéler aux hommes sa relation à Dieu qui vient vers eux comme un
Père. Cette notion de Père contient en elle le seul secret qui nous
soit révélé de la part de Dieu et que nous devons mettre en pratique
pour que le monde évolue dans la bonne voie. C’est cet amour
que l’on doit manifester aux autres, même s’ils ne le partagent pas, et
même s’ils le combattent.
Jésus
savait bien qu’une telle idée serait difficile à faire partager aux hommes,
pourtant elle est la vérité la plus essentielle que Dieu ait voulu nous
transmettre. Curieusement les hommes l’admettent volontiers, mais pourquoi ne
la mettent-ils pas en pratique ?
Illustrations empruntées à Puvis de chavanne.
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