mardi 4 avril 2017

Esaïe 50 :4-7 – Dimanche 9 avril 2017.




4Le Seigneur DIEU m'a donné le langage des disciples, pour que je sache soutenir par une parole celui qui est épuisé ; chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille, pour que j'écoute à la manière des disciples.
5Le Seigneur DIEU m'a ouvert l'oreille, et moi, je ne me suis pas rebellé et je ne me suis pas dérobé.
6J'ai livré mon dos à ceux qui me frappaient et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe ; je ne me suis pas détourné des insultes et des crachats.
7Mais le Seigneur DIEU m'a secouru ; c'est pourquoi je n'ai pas été confus, c'est pourquoi j'ai rendu mon visage semblable à du granit, sachant que je n'aurais pas honte. 



Depuis des siècles, nous ouvrons la semaine sainte en écoutant le martellement des sabots d’un petit âne sur les pavés de la vieille ville de Jérusalem. Il emprunte à peu de choses près le même chemin que Salomon avait suivi, juché sur l’ânesse de son père pour être intronisé roi à sa suite. Il s’agissait d’une révolution de palais qui consistait à imposer Salomon sur le trône de David à la place de son ainé. L’affaire fut chaude. Il y a donc fort peu de similitude entre les deux événements si non le lieu et la monture. Pourtant il s’agit bien aussi pour Jésus d’une révolution, mais elle est d’un autre ordre.

Jésus ne cherche pas à renverser le pouvoir. Il ne bouscule pas les valeurs sociales, comme on l’imagine parfois. Il n’institue pas le règne des pauvres. Il ne suggère pas avant l’heure, une forme de dictature du prolétariat. Le mouvement qui anime Jésus puise ses racines dans les origines prophétiques du judaïsme. Il trouve son inspiration dans la longue complainte du « Serviteur souffrant » à la quelle le prophète Esaïe a prêté sa plume et sa voix. Son histoire trouve son épilogue dans l’agonie de Jésus, au moment où sur la croix il s’écrie : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » C’est là le dernier élément qui concerne la création, car c’est bien de la création qu’il s’agit, comme on le verra plus loin.

Nous le connaissons bien ce serviteur torturé du second Esaïe. On lui arrache la barbe sans qu’il se révolte, on le mène au supplice comme un agneau à la boucherie sans qu’il proteste. Les chants du « Serviteur souffrant » servent  de toile de fond à de nombreuses liturgies de la semaine sainte. Sa plainte trouve son accomplissement dans la mort de Jésus comme l’affirmation de la présence de Dieu au sein de la souffrance. Six siècles séparent les deux événements. L’Evangile donne dans la mort de Jésus une réponse aux questions que se posait déjà Esaïe au sujet de toutes les injustices et toutes les souffrances que subissent les humains. Dieu les prend en charge dans l’agonie de Jésus et transforme en espérance de vie tout ce qui était marqué par la mort.

Jadis le prophète Esaïe a osé dire qu’il n’y avait pas de rapport de cause à effet entre la souffrance des hommes et la volonté de Dieu. Il parlait d’un homme juste, persécuté par se semblables et il affirmait que ses souffrances n’avaient pas vraiment de cause.  On le persécutait  et Dieu semblait laisser faire. Il était torturé et Dieu n’intervenait pas. Le prophète savait bien, en disant cela qu’il  était témoin d’un des temps forts de la révélation et que la qualité de notre foi dépendait de la réponse qui sera donnée à toutes les questions qui surgissent sur ce sujet. Comment se fait-il que l’innocent puisse être considéré comme un coupable  sans que Dieu intervienne ? Est-il vraiment possible que l’on souffre sans raison apparente et que le seul baume qui soit efficace ne le soit que quand la mort aura fait son œuvre en nous ?

Dans la révolution instaurée dans les idées du moment par Esaïe, le prophète se propose de dire délibérément dans quel camp Dieu se situe.  Si Dieu participe à la révolte de celui qui souffre et le soutient dans son épreuve, il ne peut être en même temps dans le camp de celui qui inflige sa peine. Qu’on se le dise ! La  révolution que  le prophète Esaïe inaugure avec les chants du serviteur et que Jésus reprend à son compte signifie  que Dieu a  délibérément pris position en faveur de celui qui souffre. Ce n’est pas l’avis de ceux qui considèrent qu’il faut accepter son sort sans protester comme un acte de foi et  qu’il faut accepter que Dieu nous impose la souffrance comme une épreuve de notre foi.

Nous nous demandons alors comment Dieu peut-il correspondre au Père aimant en qui Jésus  trouve sa joie ?  Le prophète Esaïe qui nous rapporte ces faits est le deuxième du nom. Il vivait à l’époque de l’exil à Babylone.  Il a vu s’effondrer l’état d’Israël et il a partagé le sort de ses compatriotes en exil. Les savants se demandent encore qui est ce serviteur souffrant dont il parle ?  Est-ce le peuple d’Israël ? Est-ce le prophète lui-même dont un autre raconte les souffrances ? Dans ces textes provocants,  le prophète essaye de trouver de la cohérence dans ce qui est incohérent et de l’ordre dans le désordre. C’est  dans ces questions que nous rejoignons les interrogations sur la création que nous posions au début de notre propos.

Plus l’humanité évolue, plus elle se trouve engoncée dans ce qui n’a pas de sens. Plus l’humanité  tend à s’organiser, plus surgissent en son sein les causes les de rivalité et de désespoir. Plus la médecine évolue, plus les moyens de destruction augmentent. Nous sommes encore dans la même situation de chaos tel qu’il est décrit au début des Ecritures. A l’origine nous est-il dit, « L’esprit de Dieu se mouvait au dessus de l’immensité qui n’était qu’un Tohu Bohu  informe et vide. Cette description du début des temps, correspondrait-elle encore à la réalité  d’aujourd’hui ?

Dieu est-il encore en train de se battre contre le désordre qu’il essaye de réguler depuis toujours? Est-il encore en train de bousculer les forces hostiles pour que la terre s’épanouisse ? Est-il encore en train de diviser le firmament pour maintenir le jour en équilibre et  pour que l’ensemble de la planète évolue sans que la terre tremble et les océans ne se révoltent ?  Est-il toujours en train de pousser les hommes à agir au milieu de cette agitation pour que la cohérence prenne le dessus ? Tout se passe comme si toutes les étapes de la création étaient mêlées les unes aux autres et non pas classées en six jour distincts. C’est à ce demander si le  poète qui nous a transmis ce récit merveilleux de la Création n’a pas séparé les époques pour mieux les décrire, alors que dans le réalité elles étaient toutes imbriquées les unes dans les autres ? S’il en est ainsi, c’est que Dieu est encore aujourd’hui en train de s’efforcer de créer un monde à l’image de son désir et invite l’homme à l’y rejoindre. Alors que l’opération est en cours, Dieu  patiemment attend le septième jour qui n’est pas encore accompli et continue à se colleter avec le Tohu Bohu. Il s’efforce en même temps de projeter en chaque humain le désir d’ordre qui est en lui. Dieu a confiance en l’homme qu’il a créé et il cherche à s’en faire un partenaire, c’est pourquoi il a besoin de partager son désir avec lui pour l’aider à organiser le monde dans une évolution cohérente.

Il est dans la nature du monde de résister au talent organisateur de Dieu. Cette résistance prend toutes les formes possibles et contamine l’homme lui-même. Celui-ci, avant de se soumettre à Dieu reste le pur produit de ce monde rebelle. N’est-il pas selon les textes, issu de cette terre qui résiste à Dieu alors que Dieu essaye de la dompter pour la créer.

Dans la nature, toujours insoumise, les lions et les insectes ainsi que toutes les autres bêtes dites dangereuses tels les virus et les microbes se font la guerre entre eux et n’épargnent pas les humains. Ils les combattent jusqu’à ce que mort  s’en suive.  Y a-t-il encore du sens à tout cela ?

Tout cela a du sens si chacun entre dans le projet créateur de Dieu. Dieu quant à lui se refuse à se laisser dominer par un monde sans loi. Au contraire, il essaye de créer des lois  d’équilibre dont le seul secret est l’amour, c’est par lui qu’il agit sur les hommes pour qu’ils se tournent vers Dieu et adoptent son projet d’avenir. L’harmonie deviendra la règle et le mal vaincu s’estompera au point de disparaître. Dieu espère que grâce à sa prodigieuse intelligence, l’homme se mettra au service de ce monde nouveau qu’il espère. Il met  alors tout en œuvre pour que l’amour devienne la règle de l’évolution.

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