mardi 30 août 2011

Matthieu 21:28-32 - La Parabole des deux fils - dimanche 25 septembre 2011


La parabole des deux fils :

Mat. 21: 28-32 28 Qu'en pensez-vous ? Un homme avait deux fils ; il s'adressa au premier et dit : Mon enfant, va travailler dans la vigne aujourd'hui. 29 Celui-ci répondit : « Je ne veux pas. » Plus tard, il fut pris de remords, et il y alla.

30 L'homme s'adressa alors au second et lui dit la même chose. Celui-ci répondit : « Bien sûr, maître. » Mais il n'y alla pas. 31 Lequel des deux a fait la volonté du père ? Ils répondirent : Le premier.

Jésus leur dit : Amen, je vous le dis, les collecteurs des taxes et les prostituées vous devancent dans le royaume de Dieu. 32 Car Jean est venu à vous par la voie de la justice, et vous ne l'avez pas cru. Ce sont les collecteurs des taxes et les prostituées qui l'ont cru, et vous qui avez vu cela, vous n'avez pas eu de remords par la suite : vous ne l'avez pas cru davantage.




La racaille n’a pas d’avenir dans notre société. Certains même souhaiteraient l’éliminer de manière définitive, pourtant si on la mettait en compétition avec nous dans nos rapports à Dieu, elle aurait largement une longueur d’avance. Telle pourrait être la conclusion de cette parabole en des termes plus modernes que ceux utilisés dans le texte biblique. Mais bien sûr, l’affection de Dieu ne relève pas d’une compétition entre les humains. Tous sont égaux à ses yeux et tous ont la même part à son affection.

Pourtant, ne soyons pas naïfs, nous ne pensons pas les choses de la sortes et nous nous considérons souvent en situation de rivalité face à Dieu. Certains s’estiment meilleurs ou plus méritants que les autres. C’est pour cela que Jésus a raconté cette parabole, et beaucoup tombent dans le piège en cherchant lequel des deux fils va devancer l’autre.

Nous tombons nous aussi dans ce même piège en imaginant, mais ce n’est pas dit dans le texte, qu’il pourrait y avoir un autre fils qui dirait oui, et qui irait dans la vigne. Certains même n’hésiteraient pas à dire que ce troisième fils vertueux, serait Jésus. Ceux qui pourraient penser cela seraient encore plus dans l’erreur, car aucun des enfants ne peut supplanter l’autre dans l’affection du Père, ni celui qui dit oui, et ne répond pas favorablement à la demande, ni celui qui dit non et qui revient sur sa réponse, ni le troisième bien sûr que j’ai sournoisement proposé à votre sagacité.

Vous avez bien évidemment remarqué que Jésus a posé la question, mais s’est prudemment gardé de donner son avis. Il n’a pas tranché et n’ a pas approuvé ceux qui croyaient avoir donné la bonne réponse en désignant le fils qui dit non, mais qui est quand même allé dans la vigne. Aucun des deux enfants n’est mis en compétition avec l’autre pour savoir lequel a fait la volonté du Père, car ce n’est certainement pas la volonté du Père de les distinguer l’un par rapport à l’autre.

Pour rester dans une logique humaine qui n’est pas celle de Jésus, on va essayer de développer les arguments de l’un et de l‘autre fils et voir si la position de chacun se justifie. On peut facilement imaginer que celui qui dit oui et qui n’y va pas est trop inhibé par l’autorité du Père pour lui résister ouvertement. Son comportement pourrait être guidé par la peur, mais réflexion faite, il se dit que les ouvriers sont payés pour faire le travail, que son absence ne se verra sans doute pas et qu’il n'a aucun intérêt à se fatiguer quand d’autres sont payés pour le faire alors que lui n’aura pas de salaire puisqu’il est fils du propriétaire. L’autre ne réagit pas de la même façon. Il n’a aucune envie d’aller se fatiguer sous la chaleur et il le dit, mais réflexion faite il découvre que c’est son intérêt d’aller travailler avec les ouvriers. Il pourra les surveiller et contrôler ce qu’ils font. La vigne sera donc mieux entretenue, plus féconde et elle n’aura que plus de valeur le jour où il en héritera.

Le rapport des deux hommes par rapport à la demande du Père est réglé par leur intérêt personnel. Chacun des deux peut justifier de son attitude par rapport à l’avantage qu’il peut retirer de la situation. Bien évidemment aucun des deux arguments n’effleurent l’esprit du Père qui ne règle pas son rapport avec ses fils de cette manière, c’est pourquoi Jésus ne reconnaît aucune bonne réponse.

Pourtant les interlocuteurs de Jésus discernent une bonne réponse dans l’attitude de celui qui a valorisé l’intérêt du Père parce que ce dernier pourra bénéficier du travail de celui qui a travaillé contre son gré. C’est parce qu’il sait que nous allons tirer cette conclusion et créer un lien entre l’attitude de l’un et l’intérêt qu’elle peut avoir, que Jésus nous entraîne à réfléchir sur notre relation à Dieu.

Combien aujourd’hui, ne règlent-ils pas leurs rapports avec Dieu en fonction de l’intérêt qu’ils y trouvent ? Compte tenu de l’évolution de la manière de penser, il est de bon ton de ne pas se soucier de nos rapports avec l’au-delà. « Tout le monde est bon et tout le monde est gentil, tout le monde ira au paradis » pensent les uns, ou alors, « ce monde est tellement mauvais qu’il ne peut pas avoir de suite dans l’au-delà » pensent les autres. Il n’est alors d’aucun intérêt de perdre son temps dans une pratique religieuse. On se déclare volontiers incroyant, non pas par conviction, mais plutôt à cause du fait qu’on ne trouve aucun intérêt à fréquenter Dieu.

Ceux par contre qui ont la foi essayent de démontrer par leurs propos qu’ils trouvent un intérêt réel dans leur pratique religieuse. Ils se sentent mieux en eux-mêmes, car la pratique d’une spiritualité libère l’esprit, et permet à l’âme de s’épanouir, ils se sentent alors motivés et sont plus efficaces dans leurs responsabilités.

Dans les deux cas les arguments n’ont que la valeur que l’on veut bien leur donner, autant dire qu’ils n’en n’ont aucune, car c’est l’intérêt que chacun éprouve dans sa réponse qui lui donne sa valeur. Ils sont athées parce qu’ils y trouvent un intérêt ou ils sont croyants pour les mêmes raisons. Aux regards de Jésus, ils sont tous dans le faux quelle que soir leur attitude.

La racaille a une position plus facile. Ceux qui appartiennent à cette catégorie sont des marginaux par rapport à la société. Dévalorisés par rapport à leurs actions, ne pratiquant aucune morale, n’étant soutenus par aucune philosophie, leur rapport à Dieu, s’ils en ont un, n’appelle ni ne réclame aucun intérêt. Leur relation à Dieu est d’une toute autre nature, c’est pour cela qu’ils ont une meilleure place face à Dieu que les fidèles et les incroyants qui justifient tous d’un intérêt quelconque.

Pour Jésus il ne doit y avoir aucun code qui règle notre relation à Dieu, c’est pourquoi il utilise l’image du Père pour désigner Dieu, car normalement aucune loi ne devrait gérer notre relation à notre père. On doit penser la relation à son père en d’autres termes que ceux de l’obligation et du devoir. C’est évidemment le mot amour qui se cache derrière tout cela. Mais Jésus préfère que nous le trouvions nous mêmes plutôt que de nous le souffler.

Notre relation à notre père est une relation naturelle qui ne se règle nullement en terme d’obligation ou d’intérêt, elle se règle en termes d’affection qui ne réclament aune règle ni aucun code de bonne conduite.

Evidemment dans notre société cela ne se passe pas comme cela. C’est même bien souvent très différent de ce que je viens de dire, c’est pour cela que la société a codifié d’une manière bien particulière les relations entre parents et enfants comme si on voulait quand même donner priorité à l’amour et à l’altruisme, même s’ils n’ont pas cours dans leurs relations. En tout cas, pour Jésus c’est le principe de l’amour qui doit l’emporter sur tout le reste, car ce sont les seuls rapports qui devraient exister entre Dieu et nous.

La présence de Dieu en nous ne se démontre pas, c’est un état de fait. Son existence n’appelle aucune obligation de notre part et nous ne devrions avoir aucune obligation vis-à-vis de lui, c’est pourquoi Jésus à tant insisté dans l’Evangile sur la gratuité du pardon. Voila des affirmations qui peuvent paraître choquantes et qui pourraient ressembler à une confession de foi d’athéisme. En fait cela implique tout le contraire. Cela implique la gratuité de notre relation à Dieu. Chaque individu se sent alors tout à fait libre par rapport à lui-même et par rapport à Dieu, si bien que chacun peut s’épanouir dans une libre relation avec Dieu.

Mais cette plénitude ne cache-t-elle pas un intérêt ? Ne nous donne-t-elle pas un avantage sur les autres, ne serait-ce que celui de la plénitude ? Par une telle question nous arrivons à la limite du raisonnement humain. Mais quand l’homme arrive à une telle limite dans son raisonnement, n’est-il pas déjà arrivé dans le domaine du divin ?

Ce qui me semble clair ici, c’est que Jésus nous invite à ne pas codifier notre relation à Dieu, car c’est avant tout pour notre épanouissement que Dieu s’approche de nous. Dépassons donc sans scrupule les limites de toute contrainte et laissons pleinement l’amour, sans restriction régler notre relation à Dieu, et tant mieux si ainsi nous approchons de la plénitude de notre être.

Les illustrations sont de Serge Mogese : "Vignerons en pays Chartrain"

mardi 23 août 2011

Matthieu 20:1-16 les ouvriers de la dernière heure - dimanche 18 septembre 2011







Les ouvriers de la dernière heure

1 Voici en effet à quoi le règne des cieux est semblable : un maître de maison qui était sorti de bon matin embaucher des ouvriers pour sa vigne. 2 Il se mit d'accord avec les ouvriers pour un denier par jour et les envoya dans sa vigne. 3 Il sortit vers la troisième heure, en vit d'autres qui étaient sur la place sans rien faire 4 et leur dit : « Allez dans la vigne, vous aussi, et je vous donnerai ce qui est juste. » 5 Ils y allèrent.


Il  sortit encore vers la sixième, puis vers la neuvième heure, et il fit de même. 6 Vers la onzième heure il sortit encore, en trouva d'autres qui se tenaient là et leur dit : « Pourquoi êtes-vous restés ici toute la journée sans rien faire ? » 7 Ils lui répondirent : « C'est que personne ne nous a embauchés. — Allez dans la vigne, vous aussi », leur dit-il.


 8 Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : « Appelle les ouvriers et paie-leur leur salaire, en allant des derniers aux premiers. » 9 Ceux de la onzième heure vinrent et reçurent chacun un denier. 10 Les premiers vinrent ensuite, pensant recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun un denier. 11 En le recevant, ils se mirent à maugréer contre le maître de maison 12 et dirent : « Ces derniers venus n'ont fait qu'une heure, et tu les traites à l'égal de nous, qui avons supporté le poids du jour et la chaleur ! »


13  Il répondit à l'un d'eux : « Mon ami, je ne te fais pas de tort ; ne t'es-tu pas mis d'accord avec moi pour un denier ? » 14 Prends ce qui est à toi et va-t'en. Je veux donner à celui qui est le dernier autant qu'à toi. 15 Ne m'est-il pas permis de faire de mes biens ce que je veux ? Ou bien verrais-tu d'un mauvais œil que je sois bon ? » 16 C'est ainsi que les derniers seront premiers et les premiers derniers.




On pourrait faire une boutade de mauvais goût en disant que Jésus préconise la formule selon laquelle dans le Royaume qu’il veut instaurer, le but à atteindre est de « travailler moins pour gagner plus » ! En fait, ce n’est pas cela que Jésus essaye de faire comprendre, mais c’est pourtant ainsi que ceux qui ont travaillé toute la journée sous le soleil comprendront l’attitude de Jésus vis à vis des ouvriers qui n’ont travaillé qu’une heure. Avec un tel patron, tous viendront le lendemain, en fin d’après midi pour ne travailler qu' une heure dans l’espoir de gagner le salaire d’une journée. Évidemment avec une telle méthode l’entreprise ira droit à sa perte.

Mais trêve de plaisanteries, revenons au texte. Seule une petite partie des ouvriers de la parabole ont reçu le salaire qui correspondait vraiment à une journée complète de travail. Ceux qui ont travaillé le plus sont ceux qui ont été embauchés les premiers, ce sont sans aucun doute les plus grands physiquement, les plus forts, les plus qualifiés, les plus compétents, ceux qui sont en meilleure santé. Dans les heures qui suivent, ce sont ceux qui ont de moins en moins de capacité qu’on a du embaucher au fil des heures.

Dans la logique de ce récit se sont les ouvriers les moins compétents, qui ont le moins travaillé qui ont gagné le plus en fonction de leur travail. Mais nous l’avons compris, ils n’ont pas été payés en fonction de leur travail mais de leurs besoins. En effet, le salaire versé dans cette histoire est celui qui correspond à la somme nécessaire pour nourrir une famille pendant une journée.

Une  telle conception provoque en nous, consciemment ou pas, le sentiment d’une injustice profonde, à savoir que le travail doit servir à nourrir la famille. Si le travail est insuffisant c'est la famille qui en pâtit. C'est inadmissible, mais ce n'est que "justice", sans quoi la société deviendrait ingérable. Pourtant on conçoit aisément que l'enfant du travailleur n'a pas à être privé de nourriture à cause de  la faiblesse de son Père. Seule une  société idéale constituée de gens sans aucun esprit de rivalité peut imaginer un tel principe 

Mais  le sort réservé à ceux qui ont le plus travaillé nous parait aussi vraiment injuste. Dieu serait-il injuste? La justice divine serait-elle en contradiction avec la justice humaine? Nous allons essayer d’y répondre. Pour le moment contentons-nous de constater que si cette situation nous parait injuste ici bas, sur terre, Jésus la propose pour nous dire qu’elle se rapproche au mieux de la justice qui serait de règle dans le Royaume. Ce qui paraît inapplicable ici bas, dans ce monde-ci, le serait plus tard, dans le monde futur. En attendant d’y être, il nous faudra réfléchir sur la conception du travail telle que l’Écriture nous la propose. Mais le Royaume dont Jésus parle concerne-t-il le futur ou est-il déjà une utopie à réaliser dès aujourd'hui?

Il nous faut d’abord tenir compte du fait que la Bible a été écrite sur une durée de mille ans d’histoire. En un millénaire d’histoire le peuple d'Israël est passé de l’état nomade, qui est perçu par les prophètes comme une période idéale, à un état sédentaire géré d’une manière féodale qui prendra diverses formes. C’était encore le cas à l’époque de Jésus où l’économie était aux mains des grands propriétaires qui possédaient la quasi-totalité de tout et  avaient à leur service des journaliers, c’est le cas de notre histoire.

A cela il faut encore ajouter une minorité de petits artisans, de petits commerçants et de pêcheurs qui formaient un groupe plus aisé. Nous sommes très loin d’une société comparable à la nôtre. Pourtant, c’est pour l’édification spirituelle de ce peuple, vivant d’une profonde injustice sociale que Jésus a donné son Évangile.

L’Écriture présente l’homme comme l’être le plus achevé de la Création. Il est destiné à y travailler pour faire progresser la nature afin qu’elle soit belle et qu’elle révèle la gloire de Dieu. Elle est aussi destinée à nourrir les hommes qui l’entretiennent. Dieu nous est-il dit « mit l’homme dans le jardin des origines pour qu’il l’entretienne et qu’il y travaille ». Le travail est donc lié à la mise en valeur de la création dont l’homme tirera sa subsistance, sa nourriture sera le produit de son travail et de la grâce de Dieu.

Ce travail de l’homme n’est pas limité dans la durée, ni à une période quelconque de la vie de l’homme. Pas question de vacances ou de retraite, qui l’une et l’autre pourraient être considérées comme une période de travail d’une autre manière. Le travail est lié à la vocation de l’homme devant Dieu. Il est semble-t-il, contre nature de priver l’homme de travail. Il est donc contraire à l’esprit de la création de contraindre l’homme à ne pas travailler. De même qu’il sera contraire à l’ordre de la création de contraindre l’homme à travailler dans un but qui n’est pas celui d’entretenir la création mais d’entretenir les privilèges d’une minorité.


Il est donc contraire à l’ordre de la création de contraindre l’homme à ne pas travailler puisque sa vie matérielle et sa subsistance en dépendent et que c’est ainsi que Dieu semble avoir prévu l’ordre des choses dans l’esprit de la création. Cette situation apparemment idyllique dans le jardin d’Éden n’a jamais existé. Elle est proposée comme un idéal à atteindre mais reste quand même irréalisable.

Après que l’homme et la femme se soient émancipés de la tutelle paternelle de Dieu et qu’ils aient été contraints  de quitter le jardin d’Éden, ils découvriront que le travail existe toujours, mais qu’il devient pénible et contraignant. La vocation de l’homme à travailler reste la règle. Le travail subsiste comme vocation du couple humain mais les textes insistent alors sur sa pénibilité. « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ». Telle sera désormais la règle. Ce sont la peine et la fatigue qui sont perçues comme une malédiction et non pas le travail. C’est la peine et la fatigue qui sont aliénantes, mais pas le travail qui lui, reste lié à la fonction première de l’homme.

Ainsi la parabole, loin d’instaurer une injustice nous rappelle que le droit à la vie est lié au travail. Ainsi ce bref sondage dans les textes connus de l’ Écriture nous a rappelé que le travail est constitutif de la vocation de l’homme devant Dieu et de sa dignité. Celui qui ne peut pas travailler ne peut accomplir sa vocation d’homme. Celui qui disait que le chômage devait être déclaré hors la loi n’avait pas tort. En faisant cela, sans s’en rendre compte il retrouvait les fondements de la théologie biblique sur l’homme.

Mais en disant cela on se rend bien compte que sont aussi mises en cause toutes les aides allouées aux personnes qui ne travaillent pas, car le travail doit prendre le pas sur la charité. Les choses ne sont pas prévues par Dieu pour être autrement. Il ne semble pas bibliquement convenable que l’on puisse organiser une société où des catégories d’individus seraient prévues comme étant dispensées de travail ou interdits de travail, car le travail est lié à la vie. Mais tout cela  cache une injustice.

Cette injustice est liée à l’interrogation finale sur laquelle s’achève la parabole : « ou vois-tu de mauvais œil que je sois bon ?» L’action du maître est perçue comme une injustice parce qu’il est « bon ». La bonté ne consiste pas à exercer la charité ni à être altruiste. C’est beaucoup plus profond que cela, c’est l’art de rétablir les hommes dans leur dignité de créature de Dieu. Ce qui est « bon », c’est donc ce qui est conforme à la volonté de Dieu.

Ce qui est vrai pour le travail est vrai aussi pour toutes les situations où l’homme perd sa dignité. Celui que les vicissitudes de la vie a privé de toit, celui qui est frustré, de quelleque manière que ce soit, même s’il est responsable de son mauvais sort, celui qui est  en prison, tous ceux qui sont privés de leur dignité ont donc priorité dans tout ce que nous entreprenons pour les aider à répondre  à leur vocation d’homme.

Les illustrations sont de Nicolaes Cornelisz Moyaert 17 eme siècle, Pays Bas

jeudi 18 août 2011

Matthieu 18:23-35 - le serviteur impitoyable - dimanche 11 septembre 2011


Matthieu 18 :23-35 La parabole de l'esclave impitoyable: 23 C'est pourquoi il en va du règne des cieux comme d'un roi qui voulait faire rendre compte à ses esclaves. 24 Quand il commença à le faire, on lui en amena un qui devait dix mille talents. 25 Comme il n'avait pas de quoi payer, son maître ordonna qu'on le vende, lui, sa femme, ses enfants et tout ce qu'il avait, afin de payer sa dette. 26 L'esclave tomba à ses pieds et se prosterna devant lui en disant : « Prends patience envers moi, et je te paierai tout ! » 27 Emu, le maître de cet esclave le laissa aller et lui remit la dette.

28 En sortant, cet esclave trouva un de ses compagnons d'esclavage qui lui devait cent deniers. Il le saisit et se mit à le serrer à la gorge en disant : « Paie ce que tu dois ! » 29 Son compagnon, tombé à ses pieds, le suppliait : « Prends patience envers moi, et je te paierai ! » 30 Mais lui ne voulait pas ; il alla le faire jeter en prison, jusqu'à ce qu'il ait payé ce qu'il devait. 31En voyant ce qui arrivait, ses compagnons furent profondément attristés ; ils allèrent raconter à leur maître tout ce qui s'était passé.

32 Alors le maître le fit appeler et lui dit : « Mauvais esclave, je t'avais remis toute ta dette, parce que tu m'en avais supplié ; 33 ne devais-tu pas avoir compassion de ton compagnon comme j'ai eu compassion de toi ? » 34 Et son maître, en colère, le livra aux bourreaux jusqu'à ce qu'il ait payé tout ce qu'il devait. 35 C'est ainsi que mon Père céleste vous traitera si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son cœur. 





Il nous arrive parfois de vivre dans un mode tellement injuste que nous avons l’impression que Dieu l’a oublié, ou pire même qu’il participe aux injustices dont nous sommes victimes. Cette parabole nous en donne une image réaliste. Il y est question d’un roi bienveillant qui pourrait bien être Dieu, cependant son comportement à la fin du récit  nous met singulièrement mal à l’aise.

Ce roi est bon, mais il est versatile.   Par contre, il intervient dans le cours d’une affaire qui ne le concerne pas directement et dans laquelle il n’est apparemment pas lésé, même s’il est conscient que le comportement de celui à qui il a fait du bien est décevant. En colère, il  donne  à personne aucune chance  de s'en sortir ni à celui dont le  comportement est  moralement contestable ni à celui qui en est victime. Il utilise son pouvoir pour imposer sa propre morale au détriment de l’élan de bonté qu'il a manifesté au début.

Ce qui nous dérange aussi, c’est le décalage qu’il y a entre les deux  dettes. La somme d’argent que le premier doit à son maître est 16 millions de fois supérieure à la somme qui est due par le deuxième personnage au premier (1). On a l’impression de se trouver dans le même rapport de force que le modeste citoyen que nous sommes quand il  n'arrive pas à  payer ses impôts  en comparaison à la dette de l'état face à  ses débiteurs.

A nos yeux, les responsables de la dette de l'état ne semblent pas inquiétés alors que le citoyen, lui ne peut échapper à l’impôt, sous peine d’une sanction passible de prison. Notre vie quotidienne ne nous laisse donc pas étrangers à la situation ici décrite par Jésus qui n’y voyait sans doute pas une telle actualisation.

Bien évidemment nous nous sentons très proches du  personnage qui doit une très faible somme par rapport à la somme demandée pour l’autre débiteur. On espère que le roi de la parabole va rétablir la situation et faire pencher le fléau de la balance de la justice au profit du  personnage qui a une faible dette. Mais il n’en est rien, ni dans la parabole, ni dans la réalité.

Quant à la réalité, sous savons que le modeste contribuable n’a aucune chance de s’en sortir sans payer au fisc tout ce qu’il lui doit. Il ne peut souhaiter l’intervention d’aucun roi, aussi puissant soit-il. Par contre le puissant débiteur semble devoir toujours s’en sortir. C'est ce qui contredit la parabole, à notre grande satisfaction. Cette discordance de situation nous amène à nous interroger sur la nature de ce roi.

Il fait preuve d’une immense bonté. Il sursoit à une dette monumentale que les théologiens nous ont habitué à reconnaître comme étant la nôtre. Nous nous plaisons à reconnaître que l’être humain que nous sommes, quel qu’il soit est passible de peine de mort à cause du poids de ses péchés. Il mériterait de périr dans les feux de l’enfer, si Dieu ne lui faisait grâce. Pécheurs sans excuse nous mériterions la mort éternelle si Dieu n’intervenait pas dans le cours des choses par un décret qui n’est explicable que par sa seule bonté.

Telle est l’explication que la théologie habituelle donne à notre situation de pécheur devant Dieu, toujours soucieux de nous manifester sa miséricorde. Par ailleurs nous pensons que non seulement Dieu est bon mais aussi qu’il est juste. Nous pensons qu’il ne laissera aucune injustice criante se produire sans qu’il n’intervienne. La première partie de la parabole va bien dans ce sens. Il punit à notre grande satisfaction le coupable qui s’est moqué de lui. Mais procède d’ une justice à deux vitesses. S’il accomplit une justice qui correspond à ce que nous souhaitons, malgré les réserves que nous avons déjà faites, nous nous demandons pourquoi il ne va pas plus loin.


S’il juge sévèrement celui qui ne mérite pas sa grâce, il n’intervient pas dans l’histoire du pauvre bougre victime du créancier sans scrupule. Pourquoi le roi suspend-il ici les effets de sa justice  et ne manifeste-t-il pas les effets de sa grâce?

Où nous entraîne donc cette histoire ? Comment la comprendre et qu’est-ce qu’elle veut dire ? Ne nous décrit-elle pas une situation insupportable dans laquelle les plus modestes sont enfermés dans une réalité inextricable d’où personne ne les secourt ? Bien que la perversité du puissant indélicat soit sanctionnée, le plus modeste reste soumis à sa dépendance, sans que rien ne vienne modifier le cours d’une telle fatalité. Cela n’a pas de sens et ne correspond pas à la réalité car nous constatons que les puissants échappent bien souvent aux sanctions et ne sont pas inquiétés à cause de leurs malversations, alors que le petit est sanctionné sans que rien ne viennent suspendre le cours des événements. C’est en tout cas l’impression qu’on en a.

En fait l’image du roi de la parabole correspond à une image de Dieu qui serait conforme à celle nous imaginons : un Dieu bon et juste qui interviendrait dans le cours de l’histoire du monde pour  corriger des dérives dangereuses. Grâce à son intervention, les projets pervers échoueraient et le monde deviendrait acceptable. Dieu laisserait cependant aux hommes la responsabilité  de gérer au mieux les affaires ordinaires. C’est pour cela que le roi n’intervient pas dans le sort du petit débiteur. Dieu veillerait au grain seulement en cas de dépassement des limites tolérables. Une telle vision des choses correspond tout à fait avec ce qui nous est dit dans cette parabole.

C’est bien dans ce sens que va notre foi. Nous pensons que Dieu n’intervient qu’en cas de nécessité urgente, quand les hommes n’y peuvent plus rien. C’est parce que nous voyons les choses ainsi que nous formulons nos prières d’intercession à la fin du culte. Nous demandons à Dieu d’intervenir là où nous ne pouvons plus rien. Mais ce n’est pas cette image que Jésus a voulu nous donner de Dieu, c’est pourquoi il nous a proposé  cette parabole.

Si Dieu est bon, comme nous le croyons, c’est parce qu’il ne nous prive pas du souffle de son esprit qu’il répand sur nous tous, que nous soyons puissants ou misérables. Cependant, il ne se reconnaît pas le droit de s’immiscer à notre place dans le cours des choses. Il se refuse à forcer l’histoire à aller dans le sens où il le désire. C’est à cela que nous devons être attentifs. 

En fait si Dieu est bien à l'image du Dieu de miséricorde que nous voyons dans  la première partie de la parabole,  il cesse de l'être quand il devient conforme à la justice telle que nous la souhaitons,  c'est nous-mêmes qui nous nous substituons à lui quand il punit le coupable, c'est alors que  le processus d'injustice s'empare de la situation et que le dernier personnage, petit débiteur  de l'autre, subit l'injustice de plein fouet. Mais cette injustice est en fait la nôtre, elle découle du fait que nous ne supportons pas  la justice du roi qui pardonne sans réserve. Le dernier personnage n'est donc pas victime de la colère et de l'injustice du roi, mais il est victime  notre propre injustice  parce que nous se supportons pas l'idée d'un pardon sans  rétribution.

Pour bien comprendre, nous projetons sur Dieu  notre propre justice parce que nous refusons la sienne. C'est pour cela que l'attitude du roi devient incompréhensible. Il cesse d'être l'image du Dieu que Jésus voudrait nous transmettre quand nous ne supportons plus les effets de sa bonté sur les autres.

C'est ce qui se passe dans le monde où nous vivons quand nous  refusons de mettre en pratique les effets de la bonté de Dieu dans notre vie quotidienne. Le derniers personnage de la parabole n'est donc pas victime de la colère de Dieu, mais du refus que nous avons de sa trop grande bonté.

Pardon si ce propos vous choque mais il est dans la droite ligne de le logique de cette parabole qui nous oblige à tirer les conclusions, comme nous venons de le faire : Soi Dieu intervient toujours  en mêlant étroitement bonté et justice, soi il faut que nous révisions notre manière de voir les choses à son sujet et que nous considérions que sa bonté et sa justice ont des limites

 Nous devons considérer que Dieu fait de nous des êtres responsables, qui sont sensés intervenir dans l'histoire des hommes  comme il est sensé le faire ici dans la première partie de la parabole en appliquant une justice conforme à la sienne et en parfait décalage avec la conception habituelle des hommes.

L’Esprit de Dieu agit en nous comme le feraient les phares qui guident les bateaux vers le port. Le pilote peut suivre les indications qu’ils lui donnent. Il peut aussi manœuvrer autrement si bon lui semble. Le résultat de sa manœuvre est placé sous sa responsabilité. Bien heureux celui qui sait faire une pause pour écouter la voix de Dieu qui l’habite, car Dieu ne laisse agir personne sans lui faire parvenir la voix de la sagesse.

Cette sagesse lui sera nécessaire pour se comporter avec ses frères et surmonter les situations d’injustice où ils se trouvent en donnant priorité au pardon car telle est la voix de la sagesse divine. C’est sur cette remarque que s’achève ce sermon, alors que c’est par là qu’il aurait du commencer. Comprenne qui pourra.

(1) J’ai fait approximativement le calcul


Les illustrations proviennent de l’évangéliaire de Reichnau XI eme siècle

jeudi 11 août 2011

Matthieu 18:15-21 - le pardon - dimanche 4 septembre 2011


Matthieu 18 :15-21

Pour gagner un frère qui a péché 15 Si ton frère a péché contre toi, va et reprends-le seul à seul. S'il t'écoute, tu as gagné ton frère. 16 Mais, s'il ne t'écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que toute affaire se règle sur la parole de deux ou trois témoins. 17 S'il refuse de les écouter, dis-le à l'Eglise ; et s'il refuse aussi d'écouter l'Eglise, qu'il soit pour toi comme un non-Juif et un collecteur des taxes. 18 Amen, je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. La prière en commun

19 Amen, je vous dis encore que si deux d'entre vous s'accordent sur la terre pour demander quoi que ce soit, cela leur sera donné par mon Père qui est dans les cieux. 20 Car là où deux ou trois sont rassemblés pour mon nom, je suis au milieu d'eux. Le pardon entre frères

21 Alors Pierre vint lui demander : Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu'il péchera contre moi ? Jusqu'à sept fois ? 22 Jésus lui dit : Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à soixante-dix fois sept fois.



Il aurait été surprenant que Jésus donnât une réponse chiffrée à la demande de Pierre sur le nombre de fois qu’il devrait pardonner à son frère. Le nombre de sept fois, suggéré par Pierre devait déjà lui paraître anormalement élevé. Quoi qu’il en soit, le problème du pardon reste récurent, et doit habiter la conscience de beaucoup de monde. En suggérant de pardonner jusqu’à sept fois, Pierre se donne le beau rôle, puisqu’il s’est situé d’emblée dans le camp de l’offensé. C’est lui qui s’est placé dans la position de celui qui pardonne, il ne s’est pas mis dans la situation de celui qui demande le pardon, pourtant le problème se pose dans les deux sens : celui qui donne et celui qui demande.Pour autant qu'on le sache, c'est  Pierre,  qui pour sa part, devra surtout être pardonné par Jésus pour pouvoir se mettre à sa suite.

Tout le cours de notre vie est jalonné par des demandes de pardon refusées et des demandes de pardon non formulées. Il y a des blessures tellement profondes qu’une simple parole de regret n’arrive pas à apaiser, à moins que l'offensé obtienne un châtiment à la hauteur de l'offense car seul un châtiment peut assouvir sa peine. Mais est-ce un pardon qui se produira si non une vengeance? Il y a des meurtrissures qui résistent au pardon. Il y a des pardons donnés du bout des lèvres qui n’en sont pas. Il y a aussi tous ces pardons que nous nous refusons à nous-mêmes, car le souvenir du tort fait à autrui est tellement secret ou tellement lourd que nous nous refusons à l’évoquer tant nous nous sentons coupables de fautes impardonnables, à tel point qu’on n’ose même pas le confier à Dieu.

Dieu en effet joue un rôle important dans notre relation aux autres. Une mauvaise relation avec les autres entraîne de facto une mauvaise relation avec Dieu. On peut alors se demander si la défection religieuse qui frappe l’occident en ce moment et qui entraîne la désertion de nos églises n’est pas liée à un problème de mauvaises relations entre les hommes. Cet état de fait aurait pour origine des pardons ignorés ou refusés et des pardons bafoués ou extorqués.

Jésus a centré tout son évangile autour du thème du pardon, c’est pourquoi, après lui, par fidélité à son message, les hommes ont élaboré des systèmes religieux centrés sur le pardon. Ils considèrent que pour vivre en harmonie avec Dieu les hommes doivent sans cesse chercher à recevoir son pardon. Pour certains, ce pardon ne peut s’obtenir qu’en menant une vie exemplaire consacrée au service des autres. C’est la vision catholique de la chose. Pour d’autres, à l’inverse, s’appuyant sur la bonté de Dieu, ils prétendent que Dieu leur fait grâce sans qu’ils ne méritent aucunement son pardon. Les œuvres généreuses qu’ils font pour le mieux être des autres seraient perçues par eux comme les effets du pardon en eux. C’est la vision protestante.

Mais quelque soit la vision, ce pessimisme qui ferait de l’être humain un éternel coupable à l’égard des hommes ou à l’égard de Dieu est assez mal accepté par nos contemporains. Ils ont du mal à se sentir liés à Dieu par un sentiment de culpabilité qui appellerait le pardon afin de se sentir en harmonie avec lui. Ce sentiment de culpabilité serait si pesant que beaucoup d’hommes se détourneraient de Dieu.

Peut-on voir les choses autrement ? C’est difficile car, un simple regard sur le monde nous suffit pour constater que les choses vont mal et qu’une partie du monde bénéficie des bienfaits de la planète sans les mériter tandis qu’une autre partie souffre de ne même pas être capable de survivre. Pourtant, aucune des deux parties ne se sent ni coupable ni responsable de son sort, qu’il soit bon ou mauvais. Beaucoup pensent que c’est le hasard qui a voulu que les choses soient ainsi. Si les mieux nantis proposent d’améliorer les choses en puisant dans leur trop plein de réserves pour secourir les mal lotis, ils pensent alors que c’est le fait de leur générosité naturelle et que Dieu n’y joue pas grand rôle.

C’est à cause de ce constat qui apparaît comme une évidence aux yeux de nos contemporains qu’il est peut être nécessaire de mettre les choses au point et de les regarder sous un autre angle. En effet, nous savons qu’il nous arrive de commettre des erreurs. Or les erreurs que nous commettons ne nous laissent rarement indifférents, elles nous font même souffrir. Quand nous avons fait du tort à quelqu’un, nous en éprouvons non seulement du regret, mais aussi de la souffrance. C’est comme si la blessure commise aux autres rejaillissait sur nous pour que nous ne l’oublions pas.

N’est-il pas curieux de constater, jusqu’à preuve du contraire que les animaux, dans des situations identiques n’en éprouvent pas les mêmes effets. Quand deux mâles de la même espèce se battent, et s’entretuent parfois, pour obtenir la suprématie sur la harde ou sur le troupeau, ils n’ éprouvent aucun sentiment de regret, même si pour évincer leur rival ils doivent l'encorner au risque de le tuer L’observateur humain que nous sommes prétend qu’ils agissent selon les lois de l’espèce ou selon les lois de la nature. Pourquoi cela ne marche-t-il pas chez les humains ?

Tout se passe comme s’il y avait en nous, depuis toujours, un sentiment d’altérité en fonction duquel on éprouverait de la souffrance quand on porte atteinte à l’autre et qu’on ressentirait comme un besoin de remédier à sa souffrance, en fonction d’un autre sentiment qu’on pourrait appeler l’amour.

Chose curieuse, c’est ce sentiment que Jésus utilise pour définir Dieu. « Dieu est amour » dit-il dans l’Evangile de Jean. Bien sûr, certains humains sont très peu sensibles au sort des autres, ils ne souffrent pas forcément du tort qu’ils leur font. Les campagnes électorales semblent rendre les choses évidentes. L’histoire et la littérature fourmillent d’exemple attestant de l’insensibilité de beaucoup d’individus. Dirai-je que ceux qui se comportent de la sorte se rapprochent de l’animalité ? Je dirai plutôt qu’ils se séparent de Dieu qui nous a doté d’une sensibilité semblable à la sienne et qui trouve son paroxysme dans le sentiment d’’amour.

Il semble donc qu’il y aurait en nous, comme un sentiment régulateur qui permettrait aux hommes de vivre en harmonie les uns envers les autres. Il serait même capable de rétablir cette harmonie quand elle est rompue. Il me plait d’y voir la marque du divin en nous. Ce sentiment pourrait bien  activer le sens du pardon chez les hommes. Il nécessite que l’on s’approche des autres dans une attitude d’humilité et de compassion. Un tel comportement permet à la société des hommes d’aller mieux.

Le Judaïsme dont les Chrétiens sont les héritiers l’a particulièrement bien compris puisqu’il en a fait la clé de voûte de la plus grande de ses célébrations qui ouvre la nouvelle année qui commence par le Grand Pardon qui permettrait à Dieu d’effacer toutes les erreurs commises dans l’année écoulée et d’ouvrir pour l’humanité une nouvelle année libérée du poids et de la souffrance des fautes passées. La plupart des églises chrétiennes quant à elles, ouvrent leur culte par la célébration liturgique de la confession des péchés et l’annonce du pardon de Dieu. Elles montrent par là qu’il ne peut y avoir de culte rendu à Dieu, si le pardon n’y prend pas une place essentielle.


Ainsi, nous l’avons bien compris, le pardon est bien un don de Dieu qui rend la vie possible dans le monde des humains. Ceux qui s’en écartent se laissent prendre par le tourbillon de la haine et de la mort et se séparent de Dieu. Ceux qui s’en rapprochent par contre, se trouvent en harmonie avec Jésus et sont invités à construire le Royaume de Dieu à la préparation duquel, il a consacré toute sa vie et dont il nous demande de poursuivre la construction. Les deux instruments de cette entreprise sont l’amour et le pardon. C’est alors que les chiffres nécessaire à donner le  pardon changent, ils passent de sept à septante sept fois sept fois, c'est à dire à un nombre infini.


les illustrations sont de Bartolomé Esteban Murillo