mardi 26 janvier 2010

Maudit soit l'homme qui se confie en l'homme Jérémie 17:5-11 dimanche 14 février 2010



Jérémie 17 :5-11

5 Ainsi parle l'Éternel : Maudit soit l'homme qui se confie dans un être humain, Qui prend la chair pour son appui, Et qui écarte son cœur de l'Éternel ! 6 Il est comme un génévrier dans la steppe, Et il ne voit pas arriver le bonheur ; Il habite les lieux brûlés du désert, Une terre salée et sans habitants. 7 Béni soit l'homme qui se confie en l'Éternel, Et dont l'Éternel est l'assurance ! 8 Il est comme un arbre planté près des eaux, Et qui étend ses racines vers le courant ; Il ne voit pas venir la chaleur Et son feuillage reste verdoyant ; Dans l'année de la sécheresse, Il est sans inquiétude Et il ne cesse de porter du fruit. 9 Le cœur est tortueux par-dessus tout Et il est incurable : Qui peut le connaître ? 10 Moi, l'Éternel, j'éprouve le cœur, Je sonde les reins, Pour rendre à chacun selon ses voies, Selon le fruit de ses agissements. 11 Comme une perdrix qui couve ce qu'elle n'a pas pondu, Tel est celui qui acquiert des richesses injustement ; Au milieu de ses jours il doit les quitter, Et au moment de sa fin, il n'est qu'un insensé.

« Maudit soit l’homme qui se confie en l’homme »


Avez-vous déjà senti l’odeur épicée du genévrier dont les racines disputent aux cailloux et aux grillons les quelques restes de terre de garrigue que l’érosion n’a pas encore emportée. Quiconque s’est déjà promené sur les sentiers pierreux du midi méditerranéen a été témoin de ces combats pour la vie que mène la maigre végétation. Elle a tout à envier à ces arbres majestueux que la chance ou le hasard ont planté le long des ruisseaux qui murmurent et qui alimentent des trous de verdure salutaires au milieu des broussailles qui végètent. Tel est le spectacle quotidien que contemple Jérémie qui nous livre ses réflexions toutes embaumées des parfums de la nature qu’il découvre sous ses pas.

Dans le buisson qui se dessèche, Dieu l’invite à découvrir le sort de celui qui vit sans Dieu, et il reconnaît dans l’arbre verdoyant celui qui ouvre son cœur à la caresse de l’esprit su Seigneur. Le prophète ne peut alors s’empêcher de cogiter. Il sait qu’il y a des hommes qui traversent la vie sans se soucier de savoir s’il y a eu un avant et s’il y aura un après pour eux. Voyageurs sans bagage, ils se contentent de profiter des plaisirs du moment tout en ignorant si leur parcours a seulement un but. Ils se refusent à toute question sur le sens de ce qui les entoure. Pour ne pas se laisser envahir par des questions dont ils redoutent les réponses, ils tentent de goûter à tous les plaisirs éphémères d’une vie qui se terminera pour eux dans le néant.

Jérémie qui les voit ainsi s’agiter frémit de pitié et laisse aller sa colère. S’il ne semble avoir que du mépris pour ces gens là, c’est que le temps presse car il a l’intuition que leur aveuglement précipite l’histoire vers un destin qui n’est guère enviable. Pour lui, il est insensé de ne pas chercher à savoir quel est le sens de sa vie car le monde où nous sommes n’a de sens que pour celui qui sait mettre toute sa confiance en Dieu. Dieu vient au devant de chaque individu dans ce monde pour lui révéler qu’il y a un rôle à jouer. Quand ce rôle est bien rempli, c’est alors que la gloire de Dieu se manifeste, et si la gloire de Dieu n’est pas manifestée, le monde perd son sens et se condamne lui-même à disparaître.

Telle est la leçon que nous retirons de l’aventure de Jérémie qui voit dans l’anéantissement prochain du peuple d’Israël condamné à l’exil, une perte de sens fatale pour l’humanité. Mais Dieu ne se résigne jamais à l’échec des hommes. Il se servira de la catastrophe pour donner à nouveau du sens à ce qui n’en avait plus. C’est au contact de la nature et des choses simples qui l’entourent que Jérémie puise son inspiration. Il est accessible à la beauté des choses et des hommes. Il sait voir les gestes de Dieu quand il regarde le potier exercer son art et il se réjouit de son savoir-faire. Il sourit si d’aventure il rate son pot et il en tire leçon de la part de Dieu. Tout ce qui vit dans son entourage, lui révèle la présence de Dieu. Même la perdrix qui s’empare des œufs de sa voisine pour les intégrer à sa propre couvée est porteuse d’un enseignement.

Il n’est donc pas surprenant si, en ouvrant le Livre de Jérémie, on découvre que c’est une branche d’amandier en fleurs qui lui révèle sa propre mission. C’est en regardant bouillir le chaudron qui sert à faire cuir le potage que la vapeur qui s’en échappe lui révèle l’imminence du danger qui vient du Nord. Dieu est tellement présent dans son environnement qu’il a du mal à comprendre que des hommes restent indifférents à la présence de Dieu puisque sa gloire éclate de partout. Cette incompréhension de la part de ces semblables et si forte qu’il en arrive à douter de sa propre vocation. La gloire de Dieu consiste en ce que les hommes découvrent que Dieu intervient dans le monde pour que ce vaste ensemble évolue harmonieusement.

Il se sert de l’histoire d’Israël pour servir d’exemple au monde. Si l’histoire de ce peuple a du sens dans le concert des nations, c’est que Dieu lui a donné pour destin d’être témoin de cette harmonie dont nous parlons. Malgré les injonctions de Jérémie, Israël dérape, comme le pot raté du potier. Israël préfère se confier en la sagesse des hommes plutôt que de se laisser guider par les intuitions que Dieu lui donne. Si la collectivité d’Israël est insensée, si elle ne comprend pas quel rôle elle joue dans l’histoire, c’est que ses habitants sont insensés eux-aussi et en particulier les puissants qui le gouvernent, car ils persistent à ignorer ce que Dieu veut leur faire comprendre.

En effet, l’homme qui reste loin de Dieu croit que le seul intérêt de l’existence est de s’accomplir individuellement au détriment des autres. A l’opposé, par la voix des prophètes Dieu révèle que le sens de la vie de chacun consiste à entrer dans l’harmonie générale qui devrait présider à l’évolution de la société. Personne ne devrait prendre le pas sur l’autre, car personne n’est né pour dominer ses semblables. Le seul qui soit apte à le faire, c’est Dieu, et il a choisi justement de ne pas le faire. Jésus lui-même mettra cette notion d’harmonie générale au centre de son enseignement et cela lui coûtera la vie. Il devra affronter les hommes qui considèrent eux, que l’évolution normale de l’humanité réside dans la loi du plus fort, selon laquelle il appartient aux hommes qui sont au pouvoir de régler le destin de l’humanité. Même si parfois, ils font semblant d’associer Dieu à leur gestion, ils concèdent seulement à la sagesse divine le soin de gérer l’au-delà, de sauver l’âme des hommes pécheurs et d’administrer l’éternité, mais ils ne lui reconnaissent aucun droits sur l’évolution du monde. En fait, dans notre société, on ne reconnaît aucun rôle à Dieu si non celui d’être le destinataire de toutes les questions auxquelles la science ne sait pas encore répondre.

Pourtant une question cependant se pose : Comment les hommes savent-ils qu’ils doivent mettre en œuvre les notions de justice, d’égalité de partage et d’amour pour que se réalisent la seule évolution possible du monde ? Et comment se fait-il qu’ils n’y arrivent pas ?

Ils n’y arrivent pas parce qu’ils n’ont pas encore compris qu’ils doivent passer par une transformation radicale de leur conscience intérieure ? Et seul le Dieu qui semble ne plus compter pour eux peut la provoquer en eux. Insensés dirait Jérémie, vous cherchez à résoudre les problèmes de votre temps en faisant confiance au génie des hommes. Vous croyez que seule votre intelligence est capable de résoudre les crises de la planète, alors que la planète entière est malade de la manière dont vous la gérez en dépit de la sagesse du cœur que Dieu a mis en vous.

Sans doute certains diront-ils que c’est ici un raisonnement simpliste. D’autres diront que c’est réduire la capacité créatrice de Dieu à très peu de chose puisqu’ il suffirait que les humains prennent au sérieux leur capacité de s’aimer mutuellement pour que l’avenir du monde soit changé ! Sans doute, ceux qui disent cela auront-ils raison. Mais force nous est donnée de constater que les hommes n’arrivent pas par eux-mêmes à laisser cette capacité de générosité qui est en eux se développer pour que l’espérance d’une humanité plus heureuse voie le jour. Nous constatons aussi qu’ils refusent de laisser Dieu les transformer de l’intérieur, sans quoi, ça se verrait !

Nous entendons alors, Jérémie s’insurger contre l’entêtement des humains qui s’acharnent à faire ce qu’il ne faut pas faire. Il crie donc à leurs oreilles : « maudit soit l’homme qui se confie en l’homme… ». Mais le pessimisme ne prend pas le dessus. A peine a-t-il mis les hommes en garde qu’il leur suggère un moyen de s’en sortir : « béni soit l’homme » qui est comme l’arbre qui puise sa nourriture dans le sol grâce au réseau invisible de ses racines et de ses radicelles. Il laisse Dieu inspirer ses actes par tous les canaux invisibles qu’emprunte son esprit. Il laisse sa vie intérieure s’alimenter de sa grâce. Il devient alors capable de saisir le souffle de Dieu qui le remplit de sa sagesse.



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mardi 19 janvier 2010

Sur ta parole je jetterai le filet Luc 5:1-11 dimanche 7 février 2009



Luc 5/1-11 « Sur ta parole je jetterai le filet »
1 Comme la foule se pressait autour de lui pour entendre la parole de Dieu, et qu'il se tenait près du lac de Génézareth, 2 il vit au bord du lac deux bateaux d'où les pêcheurs étaient descendus pour laver leurs filets. 3 Il monta dans l'un de ces bateaux, qui était à Simon, et il lui demanda de s'éloigner un peu du rivage. Puis il s'assit, et du bateau il instruisait les foules. 
 
4 Lorsqu'il eut cessé de parler, il dit à Simon : Avance en eau profonde, et jetez vos filets pour pêcher. 5 Simon lui répondit : Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre. Mais, sur ta parole, je vais jeter les filets. 6 L'ayant fait, ils prirent une grande quantité de poissons : leurs filets se déchiraient. 7 Ils firent signe à leurs associés qui étaient dans l'autre bateau de venir les aider. Ceux-ci vinrent et remplirent les deux bateaux, au point qu'ils enfonçaient. 8Quand il vit cela, Simon Pierre tomba aux genoux de Jésus et dit : Seigneur, éloigne-toi de moi : je suis un homme pécheur. 9 Car l'effroi l'avait saisi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, à cause de la pêche qu'ils avaient faite. 10 Il en était de même de Jacques et de Jean, fils de Zébédée, les compagnons de Simon. Jésus dit à Simon : N'aie pas peur ; désormais ce sont des êtres humains que tu prendras. 11 Alors ils ramenèrent les bateaux à terre, laissèrent tout et le suivirent.
Qu’est-ce que Jésus a pu dire ce jour là pour que ses paroles soient suivies d’un miracle apparemment très spectaculaire dont l’Église aujourd’hui nourrit encore sa foi ? Jésus parle devant une foule nombreuse. Apparemment il prend ses précautions pour que ses paroles portent. C’est la seule fois dans l’Évangile que l’on nous décrit la minutie avec laquelle il prend soin de l’organisation de la situation pour que sa voix porte loin. En vrai professionnel de la communication il maîtrise l’art de l’acoustique : Il se met en retrait de la foule sur une barque pour être bien vu, c’est pourquoi il fait avancer le bateau en pleine eau. Il profite ainsi de l’amplification de la voix provoquée par la masse de l’eau. Pour obtenir l’effet désiré, il n’hésite pas à déranger Pierre qu’il ne connaît pas encore. Fatigué par une nuit de pêche harassante et infructueuse il répare ses filets avec ses compagnons d’infortune. Jésus s’assoit alors à la manière des rabbis pour manifester son autorité de pédagogue. Il peut ainsi, toutes ces dispositions étant prises, enseigner les foules.

Mais qu’a-t-il dit ? Nul ne le sait! Ses propos n’ont été recueillis par personne. Pierre ravaudant ses filets, préoccupé par sa mauvaise nuit, ne semble pas avoir été particulièrement attentif. Pourtant, tout se passe comme si le discours avait agi en lui comme une parole de Dieu particulièrement efficace qui le mobilise tout entier et change sa situation.

Nous voilà maintenant assaillis par toute une série de questions. On assiste à une mise en scène particulièrement élaborée pour que la parole puisse être entendue alors que l’intérêt du récit est ailleurs que dans l'enseignement à la foule, car on ne sait rien de la teneur du discours. Notre attention mobilisée par le miracle oublie vite l’environnement. Nous cherchons à récupérer la situation en attribuant aux événements une valeur qu’ils n’ont peut être pas. Ainsi, nous concluons un peu vite que le filet symbolise l’Église et qu’elle est appelée à rassembler tous les hommes en son sein. Il suffit que Jésus parle, semble-t-il pour que L’Église se mobilise sous la conduite des futurs apôtres et fasse des merveilles.

Tout se passe comme s’il nous suffisait d’écouter Jésus pour sauter à pieds joints du monde hostile où nous sommes dans le monde merveilleux du Royaume de Dieu qu’il nous propose. Tout cela est beaucoup trop simple pour sonner juste. Trop de questions pratiques et matérielles surgissent alors ! Que va-t-il advenir de la femme et des enfants de Pierre de Jacques et de Jean qui abandonnent leur activité professionnelle pour devenir des partenaires non salariés d’un faiseur de miracle? Qui va les nourrir et les prendre en charge ? L’émerveillement fait place au questionnement, et nous découvrons vite que les choses ne sont pas si simples.

Sans doute faut-il lire ce récit d’une autre façon? Il y a peut être un sens caché dans l’interprétation des événements que nous n’avons pas encore réussi à discerner. Les hommes qui sont les instruments de ce miracle sont des hommes découragés, fatigués, contraints de faire le travail ingrat de la réparation des filets avant une nouvelle nuit de pêche aussi aléatoire que la précédente. Le comportement de Jésus à leur égard n’est pas évident, on pourrait même penser qu’il manque de charité. Il intervient dans leur univers désenchanté pour leur demander un service. Il pousse Pierre à manœuvrer la lourde barque pour la squatter pendant de longues heures afin qu’elle lui serve de podium.

Non seulement il leur impose son discours mais encore il s’avise de leur donner une leçon de pêche à eux les professionnels alors que lui Jésus, en tant que charpentier n’a aucune compétence. Si toutes ces nouvelles questions surgissent du texte, c’est que l’Évangéliste Luc a écrit son récit de telle façon que tout lecteur attentif se les pose. Il nous considère comme des lecteurs intelligents et adultes qui ne vont pas manquer de se sentir interpellés par son récit. Tout cela nous est raconté pour que nous nous interrogions sur la manière dont fonctionne la parole de Dieu quand elle est prononcée par Jésus et qu’il s’adresse à nous.

Il veut attirer notre attention sur la manière dont la Parole chemine dans l’âme fatiguée d’un homme pour l’amener à découvrir que Dieu n'est pas indifférent à sa situation et qu’ il a vraiment de l’importance aux yeux de Dieu.

Pierre se sait au creux de la vague. Même s’il n’a sans doute rien écouté du discours de Jésus, il a compris que cet homme qui avait la faveur des foules et qui parlait avec autorité avait besoin de lui. Lui, pour l’instant fait figure de pêcheur incompétent puisqu’il est revenu bredouille. Il est incontestable que le petit service que Jésus lui demande ne le dérange pas beaucoup mais lui donne un semblant d’utilité. Il lui demande le droit de s’asseoir sur le coin de sa barque et de donner quelques coups de rames pour s’écarter du bord. Ensuite, il pourra continuer à réparer ses filets.
Si Jésus ne lui a même pas dit merci, c’est qu’il n’en a pas encore fini avec lui. Le dialogue avec Pierre ne s’arrête pas là, il va prendre tout l’espace du récit. Si bien que ce n’est pas le discours de Jésus qui a de l’importance, ni le miracle, mais l’échange des quelques paroles avec Pierre. C’est pourquoi on ne nous dit rien sur la teneur de son discours à la foule.

Après son enseignement, Jésus semble se désintéresser de la foule pour concentrer toute son attention sur Pierre. Pierre, quant à lui, a bien noté qu’il est devenu à cet instant le centre d’intérêt de Jésus. Comme nous le devenons à notre tour quand sa parole nous interpelle ! Il intervient sur le sujet qui lui fait mal, il lui parle de pêche. Il ne lui parle pas de religion, Il ne cherche pas à le convertir. Il ne lui parle ni de son âme, ni du salut, ni de Dieu, il ne lui demande surtout pas s’il a compris les subtilités de son discours. Jésus sait bien qu’il n’a rien compris puisqu’il n’a rien écouté. Il sait que ce n’est pas dans ce type de discours que Pierre va reconnaître la Parole de Dieu.

Jésus, à la différence de beaucoup de prédicateurs ne se fait pas d’illusion sur la portée de son art oratoire, ni sur la capacité d’écoute de ses auditeurs. C’est dans le défi que Jésus lui lance au niveau de sa personne que Pierre découvre les effets de la parole de Jésus. C’est quand Jésus s’adresse à lui qu’il comprend que Dieu lui parle :

- puisque je viens de te montrer mon talent de prédicateur auquel tu n’as rien compris, à toi de montrer ton talent de pêcheur ! - Mais je suis un raté et je suis fatigué ! se défend Pierre - Ne te minimise pas à mes yeux, je sais que tu as plus de valeur que tu ne crois.

Jésus sait la valeur de Pierre et il l’aide à le montrer. » Avance en pleine eau et jette le filet. » « Sur ta Parole je jetterai le filet. » Le mot est prononcé. Pierre soupçonne dans la Parole de Jésus une puissance dont il ne connaît pas encore la portée. Jésus a gagné sa confiance parce qu’il s’est intéressé à lui et à sa détresse d’homme blessé. Le miracle qui se produit alors, devient la conclusion du dialogue,  quasiment sans parole, qui s’est produit entre Jésus et Pierre. C’est une rencontre personnelle qui semble avoir eu lieu en marge du récit et qui a pris toute la place. Mais ni Jésus ni Pierre n’en sont quitte. Pierre n’a pas fini de faire des découvertes. Mais avant d’aller plus loin, il prend ses précautions pour que Jésus ne l’entraîne pas trop loin.

Il met immédiatement son péché en avant, comme pour l'avertir qu’il y a une limite à ne pas franchir. « Je suis pêcheur » dit-il. L’obstacle qu’il croyait infranchissable vole en éclats. L’argument ne porte pas pour Jésus. Mais celui qui se cache derrière son péché peut-il rester caché quand Dieu lui parle ? Comment se cacher derrière quelque chose qui n’existe plus ? Jésus ne tient nullement compte de l’argument. Au contact de Jésus le statut de pécheur, je veux dire de celui qui commet des péchés, s’efface. Et celui qui se cache derrière son péché se trouve investi par Jésus dans un programme qui est tout rempli de vie et d’espérance:

" N'ai pas peur, c'est désormais des êtres humains que tu prendras". On peut aussi préférer la traduction plus classique: "je te ferai pêcheur d’hommes".  Cela veut dire qu’il l’invite à se mettre au service des hommes pour construire avec eux des projets qui les font vivre. Quant à son péché, il a disparu à tout jamais car, la parole de Dieu a pour fonction de détruire toute forme de péché quand elle se fait entendre. Tel est le destin de quiconque découvre que quand Jésus parle, c’est comme si Dieu lui-même s’exprimait, et celui qui comprend cela entre dans la vie de Dieu sans autre commentaire. Avez-vous compris cela ?

lundi 11 janvier 2010

Jérémie 1:4:19 La voix de Dieu en nous dimanche 31 janvier 2016





La voix de Dieu en nous Jérémie 1:4-19 dimanche 31 janvier 2016 


Jérémie 1 : 4-19
4 La parole du SEIGNEUR me parvint : 5 Avant que je ne te façonne dans le ventre de ta mère, je t'avais distingué ; avant que tu ne sortes de son sein,je t'avais consacré : je t'avais fait prophète pour les nations.
6 Je répondis : Ah ! Seigneur DIEU, je ne saurais pas parler, je suis trop jeune ! 7 Mais le SEIGNEUR me dit : Ne dis pas : « Je suis trop jeune. » Car tu iras vers tous ceux à qui je t'enverrai, et tu diras tout ce que je t'ordonnerai. 8 N'aie pas peur d'eux, car je suis avec toi pour te délivrer.
9 Alors le SEIGNEUR étendit la main et toucha ma bouche ; puis le SEIGNEUR me dit : J'ai mis mes paroles dans ta bouche. 10 Regarde, je te donne en ce jour autorité sur les nations et sur les royaumes pour déraciner, pour démolir, pour faire disparaître, pour raser, mais aussi pour bâtir et pour planter.
11 La parole du SEIGNEUR me parvint : Que vois-tu, Jérémie ? Je répondis : Je vois une branche d'amandier — de « l'arbre-veilleur ». 12 Et le SEIGNEUR me dit : Tu as bien vu ; car je veille sur ma parole pour l'accomplir. 13 La parole du SEIGNEUR me parvint une deuxième fois : Que vois-tu ? Je répondis : Je vois une marmite qui bouillonne du côté du nord. 14 Et le SEIGNEUR me dit :
C'est du nord que le malheur déferlera sur tous les habitants du pays.15 Oui, j'appelle tous les clans des royaumes du nord — déclaration du SEIGNEUR.
Ils viendront, et chacun d'eux placera son trône à l'entrée des portes de Jérusalem, devant ses murailles, tout autour, et devant toutes les villes de Juda. 16 Je prononcerai mes jugements contre eux à cause de tout le mal qu'ils font : ils m'ont abandonné, ils offrent de l'encens à d'autres dieux, ils se prosternent devant l'œuvre de leurs mains.
17 Quant à toi, tu passeras une ceinture à tes reins, tu te lèveras et tu leur diras tout ce que, moi, je t'ordonnerai. Ne sois pas terrifié par eux, de peur que je ne te terrifie devant eux.
18 Moi, aujourd'hui, j'ai fait de toi une ville forte, une colonne de fer, une muraille de bronze, face à tout le pays : devant les rois de Juda et ses princes, ses prêtres et le peuple du pays. 19I ls te feront la guerre, mais ils ne l'emporteront pas sur toi, car je suis avec toi — déclaration du SEIGNEUR — pour te délivrer.


Comment savoir quand Dieu parle ? Il arrive qu'au cours de nos méditations, nous ayons l'impression d'être habités  par des idées qui ne semblent pas nous appartenir et que nous assimilerions volontiers à l'écho de la voix de Dieu. Mais ces voix qui raisonnent en nous viennent-elles de lui  ou sont-elles le produit de nos fantasmes ? Comment ne pas s’interroger, quand aujourd’hui des jeunes croient recevoir de Dieu l’injonction de tuer  les infidèles  et qu'ils obéissent aveuglément?  Même si ce phénomène  se produit dans une autre religion que la nôtre, il s’est aussi manifesté dans le passé  dans la nôtre à plusieurs époques de notre histoire. Ce phénomène  qui se produit par  moment au cours des siècles  nous fait douter aujourd’hui de la capacité de Dieu de nous parler.

Mais si Dieu parle encore, il est important de comprendre comment il le fait. L’injonction  de tuer les infidèles ne semble pas correspondre à ce que nous pouvons entendre de lui, puisque l’Écriture, les Ecritures, devrais-je dire, en font de Dieu le  pourvoyeur de la vie il est plus logique de penser qu’il nous envoie redresser des vies plutôt que de les détruire. Mais comment est-il possible d’entendre son exhortation à agir ?

La jeunesse est généreuse et impulsive, elle recherche en Dieu des complicités que l’évolution du temps ne justifie pas forcément. Elle ignore la sagesse que donne l’âge mûr et se rit des difficultés qui n’ont pas encore surgies sous ses pas. Il y a souvent un Marco Polo, un Christophe Colomb ou une Mère Thérésa qui sommeillent en eux, et il leur est agréable de penser que c’est Dieu qui les stimule sur le chemin de la vie et de l’aventure.  

La  vie s’écoulant, étant devenus plus mûrs, nous découvrons que ces projets n’ont pas pris corps, nous avons fait autre chose, et  nous ne savons plus vraiment si Dieu habitait ces projets.  Avec le temps, ce que nous avons perçu comme sa voix s’est  confronté à notre raison qui a pris le dessus. Nos passions et  nos désirs ont changé d’orientation, si bien que nous avons confondu entre elles  toutes ces  idées, généreuses ou pas, en un écheveau singulier dans lequel il est impossible de discerner la voix de Dieu d’une manière précise.

Sans doute l’expérience spirituelle de Jérémie qui nous a été relatée ce matin a-t-elle fonctionné en lui, comme nous venons de le relater. La voix de Dieu lui est parvenue au milieu d’un chaos de contradictions parmi les quelles il a du faire le tri : « Avant que je te façonne dans le ventre de ta mère, je t’avais choisi ! » avait-il entendu. Ces paroles nous ont été rapportées comme le récit clair et précis de sa vocation. Il  a  cru les entendre quand il n’était encore qu’un adolescent et qu’il était destiné  par les lois de sa naissance à exercer la prêtrise dans un modeste sanctuaire de province.  Il a rapporté ces propos et les a mis par écrit bien plus tard (1)

A un moment de sa prodigieuse carrière, Jérémie a fait le point sur sa vie écoulée. Il a mesuré la distance parcourue, il s’est souvenu de son obscure origine et de ses rêves d’enfant. II a réalisé que Dieu l’avait accompagné malgré les revers qu’il a affrontés. Si depuis sa plus tendre enfance la voix de Dieu a raisonné en lui, ce ne fut cependant pas d’une manière aussi claire que ce texte a bien voulu le dire. Quiconque connaît un peu son histoire sait que pour accomplir sa fonction de prophète, il est passé par des moments de doute terrible, y compris le doute de Dieu. 

Comment pouvait-il entendre Dieu lui parler alors que tout se dressait contre lui et que dans son cœur le doute s’était installé ? Loin d’être une conversation intime avec Dieu sa prière a souvent ressemblé à un réquisitoire redoutable contre lui. « Tu m’as séduit Seigneur et je me suis laissé séduire » disait-il, mais il gardait en lui une intuition de Dieu dont il ne se départit jamais. Il était persuadé que Dieu était venu à lui comme son libérateur et le libérateur de son peuple. Était-ce de la foi ? Était-ce la vanité de croire qu’il avait  seul, raison contre tous ?

La réalité se présentait comme bien différente. Il percevait Dieu comme celui qui démolissait son peuple et qui se servait de lui pour le faire. « Je t’envoie pour arracher et abattre, pour que tu fasses périr et que tu détruises, pour que tu bâtisses et que tu plantes » avait-il aussi cru entendre. Ces paroles pouvaient-elle être celles de Dieu ? Comment proclamer la bienveillance d’un Dieu libérateur avec une telle vocation ?
 
Pour Jérémie la relation avec Dieu était d’abord une relation du cœur. Elle lui a servi de fil conducteur. Malgré tout, il croyait profondément à la fidélité de son Dieu, mais les événements semblaient dire le contraire. Il se sentait contraint par Dieu de  faire autre chose que ce qu'il éprouvait dans sa sensibilité profonde. Sa foi en était ébranlée, sa vocation chancelait et le fil conducteur de sa vie était prêt à se rompre.

Il pensait cependant  que Dieu qui l’entraînait dans cette voie le confortait malgré tout dans les convictions profondes qui étaient les siennes. La seule Parole qui le motivait se trouve en conclusion du récit de sa vocation : « ne crains rien, je suis là pour te libérer. »
Après cette incursion dans la vie de Jérémie, il est temps maintenant de revenir à nous-mêmes. Quand chaque croyant  se remémore son passé, il se demande  si Dieu a joué un rôle dans sa vie et s’il a bien entendu la voix de Dieu au moment où il a cru l’entendre. Il se demande si Dieu a pris part aux grandes orientations de son existence et s’il s’est opposé aux projets qui n’ont pas abouti. Comme pour Jérémie, quand nous faisons le point sur notre existence passée, nous cherchons dans les méandres de notre vie l’empreinte de Dieu et nous nous interrogeons pour savoir comment Dieu s’est servi de nos penchants pour faire naître en nous des désirs et orienter nos choix. Comme Jérémie l’a fait avant nous, il nous faut repérer le fil conducteur qui a guidé notre vie et qui a permis à Dieu d’intervenir dans nos décisions.

Ce fil est comme tous les fils, il présente des nœuds tout embrouillés et on ne sait pas comment démêler les différentes parties de cet écheveau inextricable. On sait cependant, sans trop savoir comment, que Dieu a marqué de sa présence cet embrouillamini dont quelques chose de bon a réussi à se maintenir. Parfois le fil nous apparaît comme rompu, nous révélant alors nos ruptures avec Dieu. 

Nous n’ignorons pas qu’il est toujours possible de renouer les deux bouts d’un fil cassé. C’est Dieu qui nous pousse à le faire. Quand les deux extrémités de ce fil sont renouées la relation avec Dieu se rétablit même si elle a été interrompue depuis de nombreuses années et des nouveaux projets peuvent naître sous son inspiration.


Certainement le fil qui a marqué le cours de la vie de Jérémie s’est rompu à plusieurs reprises. Il est évident que les moments de désespoir ont emmêlé les fils d’une manière inextricable, mais pour ne pas perdre le sens de la vie, le prophète a toujours su maintenir les liens car il ne s’est jamais départi de la certitude selon laquelle, Dieu était toujours celui qui sauve. Même quand on croit que le fil est rompu et même quand on ne sait plus ce que signifie le mot de salut, Dieu maintient toujours en nous son empreinte grâce à laquelle les liens les plus emmêlés redonnent sens à nos existences. Dieu ne cesse jamais d’être présent dans notre vie, même quand les événements semblent le démentir.

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(1) Tout porte à croire en effet que Jérémie descendait d’Abiatar, ce grand prêtre exilé à Anatot par Salomon pour haute trahison. Il fut réduit à la portions congrue de la desserte du sanctuaire local. Ses descendants auraient hérité à la fois de la fonction et de la malédiction. Jérémie se trouve au rang de ceux là.




mardi 5 janvier 2010

Luc1-1-4 et 4:14-21Jésus dans son village: dimanche 24 janvier 2016


(Contrairement à ce que propose la liste, je ne crois pas qu’il faille couper le texte au verset 21 car à mon avis la portée du texte se trouve dans le rejet de Jésus.)
4 Jésus retourna en Galilée, avec la puissance de l'Esprit ; le bruit s'en répandit dans toute la région. 15 Il enseignait dans leurs synagogues, et il était glorifié par tous. 16 Il vint à Nazareth, où il avait été élevé, et il se rendit à la synagogue, selon sa coutume, le jour du sabbat. Il se leva pour faire la lecture, 17 et on lui remit le livre du prophète Esaïe. Il déroula le livre et trouva le passage où il était écrit : 18 L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a conféré l'onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres ; il m'a envoyé pour proclamer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le retour à la vue, pour renvoyer libres les opprimés, 19 pour proclamer une année d'accueil de la part du Seigneur. 20 Puis il roula le livre, le rendit au servant et s'assit. Les yeux de tous, dans la synagogue, étaient fixés sur lui.

21 Alors il se mit à leur dire : Aujourd'hui cette Ecriture, que vous venez d'entendre, est accomplie. 22 Tous lui rendaient témoignage, étonnés des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche ; ils disaient : N'est-ce pas le fils de Joseph ? 23 Il leur dit : Certainement, vous me citerez ce proverbe : Médecin, guéris-toi toi-même ; tout ce qui s'est produit à Capharnaüm, selon ce que nous avons appris, fais-le aussi ici, dans ton pays ! 24 Il leur dit encore : Amen, je vous le dis, aucun prophète n'est bien accueilli dans son pays.
25 En vérité, je vous le dis, il y avait beaucoup de veuves en Israël aux jours d’Élie, lorsque le ciel fut fermé trois ans et six mois et qu'il y eut une grande famine sur tout le pays ; 26 et cependant Élie ne fut envoyé vers aucune d'elles, mais vers une veuve de Sarepta, dans le pays de Sidon. 27 Il y avait aussi beaucoup de lépreux en Israël au temps du prophète Élisée ; et cependant aucun d'eux ne fut purifié, mais Naaman le Syrien. 28 Lorsqu'ils entendirent cela, tous, dans la synagogue, furent remplis de fureur.
29 Ils se levèrent, le chassèrent hors de la ville et le menèrent jusqu'à un escarpement de la montagne sur laquelle leur ville était construite, afin de le précipiter en bas. 30 Mais lui passa au milieu d'eux et s'en alla.


Ce sermon de Jésus a eu des effets surprenants. A la différence des autres prédicateurs qui déclenchent parfois plus la somnolence, voire même le sommeil que l’agressivité. Jésus ici provoque à lui tout seul toutes les phases de l’émotion. Il est d’abord séduisant et plonge ses auditeurs sous le
charme et le ravissement, puis il devient inquiétant et on se demande ce qu’il cache. En fin n’y tenant plus les auditeurs éprouvent des pulsions de haine qui se transforment en velléité de mort à l'égard du prédicateur. Phénomène rarissime dans l’histoire du sermon qui mériterait d’être inscrit au livre des recors, les auditeurs passent à l’acte.

Curieusement, nous avons ici dans un seul sermon comme un résumé de ce que sera le ministère de Jésus pendant 3 ans. Dans un premier temps qui est celui du sermon sur la Montagne, Jésus va provoquer chez ceux qui l’écoutent un immense espoir. Puis on ne comprendra plus très bien ce qu’il veut faire et inquiets quelques disciples le quitteront. En phase finale, il agacera tout le monde, les autorités civiles et religieuses conjugueront leurs efforts pour se saisir de lui et le tuer.

En essayant de comprendre ce qui se passe dans ce sermon, nous comprendrons sans doute ce qu’il y avait de choquant dans tout son ministère et par voie de conséquence ce qui fait la spécificité de l’Évangile. Comment se fait-il donc que ceux qui l’ont adulé se soient retournés contre lui pour réclamer sa mort? Comment se fait-il donc que la « Bonne Nouvelle de l’Évangile » puisse provoquer ce retournement de situation? Il est clair que Jésus a provoqué l’enthousiasme grâce à ses propos accompagnés de miracles. Il donnait alors les signes évidents que le Royaume de Dieu annoncé par les prophètes était en train de se mettre en place, c’est ce dont les gens  assis au bord du lac à Capharnaüm avaient été témoins.

Lentement ils ont découvert dans les propos de Jésus que le Royaume de Dieu n’était pas une série d’avantages réservés aux uns et refusés aux autres. Le Royaume était pour tous, juifs et païens, pécheurs honnêtes ou pécheurs scandaleux. Le Royaume n’était pas seulement l’amélioration physique des infirmes, la guérison des malades et l’apport de nourriture aux foules. Ces signes réclamaient une transformation intérieure et profonde des individus, et peut être même de la société, et cela ne se ferait pas sans douleur ni réticence.
La transformation des individus ne se fait pas seulement par des miracles, elle demande un effort de chacun et réclame sa collaboration. Et c’est là que la bât blesse. Tout au long de l’Évangile, nous découvrons que Jésus réclame la collaboration de celui qu’il secourt. Jésus intervient dans de nombreuses situations et il accompagne son intervention d’une injonction à agir : « Prends ton lit
et marche » dit-il. Jésus opère le miracle, mais pour qu’il se réalise, il faut que le bénéficiaire ait la volonté d’agir, en l’occurrence de marcher. Dieu n’opère rien en nous sans notre accord. Jésus montre que ce n’est pas si facile. 

Dans ce sermon à la synagogue de Nazareth il leur donne l’exemple de 2 miracles opérés, l’un par Élie qui est perçu comme le plus grand des prophètes et l’autre par son disciple Élisée. Dans les deux cas il s’agit de deux étrangers païens. Le premier concerne une femme, trop pauvre pour survivre à la disette et qui serait morte sans le prophète. Dans le deuxième cas, il s’agit d’un ministre d’une puissance étrangère atteint de lèpre, qu’Élisée a guéri. Les auditeurs de Nazareth ne sont pas stupides, ils comprennent que les païens ont part à la même promesse de Dieu qu’eux.

Ils comprennent, en extrapolant les propos de Jésus, qu’il n’y a pas de privilèges aux regards du Seigneur. Ni privilège par la naissance, ni privilège par la fortune et que le fait d’appartenir au peuple élu leur est d’aucun avantage. Ils comprennent que pour participer à cette bonne nouvelle du Royaume, ils doivent d’abord opérer une conversion vers l’autre. Dieu aime les autres autant que nous, même les étrangers, même les étrangers qu’on ne connaît pas. Pour que cette conversion se réalise il faut que nous travaillions sur nous-mêmes pour la désirer. Mais il n’est pas naturel de désirer une telle transformation. Dieu aime les autres autant que nous! C’est déjà dur à entendre. Il aime autant le non croyant que le croyant, c’est encore plus dur à entendre et il nous demande d’agir de telle sorte que les autres, quels qu’ils soient, bénéficient de la même situation que nous. Mieux, il nous demande de le souhaiter. Reprenez l'actualité de ces dernières semaine sur les émigrés et vous comprendrez mieux ce que cela a d'outrecuidant dans ses propos.

Ce changement est sans doute possible, mais parfaitement inacceptable c’est pourquoi les auditeurs de Nazareth décident de tuer le ver dans le fruit avant qu’il contamine le monde entier et ils essayent de passer à l’acte. Jésus sait très bien que ce qu’il suggère est difficile à imaginer et qu’il vont refuser ses propos, c’est pourquoi il les prévient : « Vous allez me dire, médecin guéris-toi toi-même ou nul n’est prophète en son pays ». Cette conversi
on que Jésus propose est impossible à moins que nous ne la désirions. Pour que nous la désirions, il faut encore que Dieu s’en mêle, il faut que nous acceptions qu’il travaille en nous et qu’il aille encore plus loin que nous ne pensons. En principe nous ne sommes pas opposés au changement en nous? Nous le souhaitons même. Nous nous savons pécheurs et nous désirons ne plus l’être. Nous savons que nos comportements et nos pensées déplaisent souvent à Dieu et nous souhaitons les améliorer. Nous désirons que Dieu fasse fondre nos cœurs de pierre. Tout cela les prophètes l’avaient déjà dit. Jean Baptiste, le précurseur de Jésus s’en était fait une spécialité. Mais Jésus lui va radicalement plus loin.

Il réclame notre changement à l’égard de l’autre. Cela mérite quelques instants d’attention: Jean Baptiste dénonçait les manques d’égard aux autres. La deuxième table de la Loi fait l’inventaire des manquements vis à vis des autres: le vol, le meurtre, la convoitise, le mensonge...mais si cela concerne que notre attitude vis à vis des autres, cela ne concerne que nous.  Pour Jésus  cela va beaucoup plus loin, l’intérêt que nous devons porter à l’autre est tel qu’il doit provoquer un changement radical en lui,  car nous devons agir de telle sorte qu’il désire se tourner vers ce Dieu qui nous a poussé à agir.

Jusqu’à la venue de Jésus, la morale exigeait que nous ne soyons pas les agresseurs de l’autre et que l’autre se trouve mieux à notre contact, et c’est tout. Pour Jésus nous devons mettre tant d’amour dans notre relation à l’autre que l’autre désire venir vers Dieu. La veuve de Sarepta ne s’était pas seulement trouvée mieux de la présence d’Élie pour qui elle était devenue la servante, mais elle est entrée dans une relation constructrice avec Dieu. 
Nahaman le Syrien n’a a pas seulement été soigné, mais on peut dire qu’il s’est converti à la cause de Dieu, relisez les texte. 

Ces exemples nous montrent que le service qu’on leur apporte doit être d’une telle qualité que les autres découvrent Dieu à l’œuvre dans ce que nous faisons et désirent le rejoindre.

Nous pouvons considérer qu’il nous faut œuvrer de telle sorte que que l’autre, désire se se tourner vers Dieu afin qu’à son tour il travaille lui même à l’édification du Royaume de Dieu. Si nous projetons ce genre de réflexion sur le débat actuel concernant l’identité nationale et la déchéance de nationalité, nous découvrirons bien facilement que la bonne réponse ne se situe pas dans le parti de l’exclusion. Nous comprenons alors de quelle nature doit être le message des chrétiens. Il faut que ceux que nous aurions tendance à rejeter éprouvent une telle joie d’être parmi nous qu’ils désirent changer pour devenir comme nous ! Est-ce que je rêve ?

Mais qui sont ces autres dont on parle ici et vers lesquels Jésus nous envoie? Ils sont préfigurés par la veuve de Sarepta et Nahaman le Syrien, ils sont au départ des étrangers païens dont l’une et pauvre et sans avenir et dont l’autre est riche, ministre et peut être ennemi potentiel. Aujourd’hui ce sont toujours des étrangers d'une autre religion pour la plupart qui sont demandeurs.  Dieu semble avoir besoin d'eux pour qu’ils édifient son Royaume avec nous et avec lui. Ils ont vocation à le connaître et nous avons vocation à les y encourager. Il y a ainsi au fond de chaque Chrétiens un missionnaire qui sommeille sans qu’il le sache et sa mission se conjugue avec ses rencontres des autres au quotidien. "Seigneur donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour, Seigneur donne-nous chaque jour un prochain à aimer…"
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lundi 4 janvier 2010

Les noces de Cana Jean 2:1-12 dimanche 17 janvier 2016





Les noces de Cana: Jean 2:1-12

1 Le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là. 2 Jésus aussi fut invité aux noces, ainsi que ses disciples. 3 Comme le vin venait à manquer, la mère de Jésus lui dit : Ils n'ont pas de vin. 4 Jésus lui répond : Femme, qu'avons-nous de commun en cette affaire ? Mon heure n'est pas encore venue.

5 Sa mère dit aux serviteurs : Faites tout ce qu'il vous dira. 6 Il y avait là six jarres de pierre, destinées aux purifications des Juifs et contenant chacune deux ou trois mesures. 7 Jésus leur dit : Remplissez d'eau ces jarres. Ils les remplirent à ras bord. 8— Puisez maintenant, leur dit-il, et portez-en à l'organisateur du repas. Ils lui en portèrent. 9 Quand l'organisateur du repas eut goûté l'eau changée en vin — il ne savait pas d'où venait ce vin, tandis que les serviteurs qui avaient puisé l'eau le savaient — il appelle le marié 10 et lui dit : Tout homme sert d'abord le bon vin, puis, quand les gens sont ivres, le moins bon ; toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à présent.
11 Tel fut le commencement des signes de Jésus, ce qu'il fit à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples mirent leur foi en lui. 12 Après cela, il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples, et ils n'y demeurèrent que peu de jours.


Les jeunes gens qui préparent leur mariage vont être déçus car ils ne trouveront ici aucune indication pour préparer le leur. En effet, il s’agit bien d’un mariage qui nous est raconté ici, mais on ne nous dit rien de la cérémonie. On dit que le mariage est le moment où deux familles s’associent, mais ici on ne rencontre pas les familles. On a tant dit de choses sur les mariages et Jésus n’en dit rien ! En fait la tradition veut que tout conflit soit évité lors de telles manifestations. Tout le monde est prié d’être joyeux ou de faire comme si ! Les mots acides, les paroles blessantes n’y ont pas lieu d’être, ou alors à mots couverts pour qu’on n’y entende pas les dissonances.

Si de telles pratiques sont de rigueur, c’est qu’au centre de la fête, il y a les mariés. Aucune ombre ne doit marquer ce jour car elle risquerait de leur porter préjudice et d’entacher le reste de leurs jours. Les mariés président la table alors que d’habitude, en d’autres circonstances ce sont les notables qui le font. Si les jeunes prennent ainsi le pas sur les vieux en cette occasion c’est que l’on donne priorité à l’espérance de vie que représente le jeune couple tant il porte en lui un avenir prometteur.

L’Évangile de ce jour nous présente un mariage où apparemment les règles que je viens d’édicter ne sont pas respectées. Il s’agit d’un mariage où les mariés sont absents. L’ordonnancement de la fête est mal fait et les personnages de l’Évangile que l’on
retrouve ici ne sont pas dans leur rôle. Marie qui est la première nommée prend le pas sur Jésus et se mêle de ce qui ne la regarde pas. Jésus, mis en cause rabroue sa mère. Mais si elle n’est pas dans son rôle de mère, quel est vraiment le rôle de Marie ? C’est sur son instigation que Jésus fait un miracle, mais ce miracle était-il bien utile ? Jésus le fait en catimini, comme s’il avait honte de donner à boire à des gens déjà ivres si bien que les gens responsables du repas et le marié lui-même qui fait ici une furtive apparition dans le texte n’en savent rien. Et les choses qui n’étaient pas conformes aux usages entrent dans l’ordre sans même que l’on sache s’il y avait eu vraiment du désordre. Etonnant, non ?


Il y avait donc du désordre et personne ne le savait. C’est la mère de Jésus qui s’en aperçoit et elle prétend y remédier avec l’aide de son fils. Pour y remédier, Jésus doit prendre la place du mari, ce qui n’est pas très indiqué quand on est invité à une noce. Jésus doit se substituer à lui en intervenant dans l’ordonnancement des boissons. En prenant pour un instant le rôle de l’époux, le désordre cesse. Et c’est peut être bien à ce constat que le récit veut nous amener.

Pourquoi donc nous avoir raconté un mariage où les choses vont de travers et où l’auteur ne nous dit pas qui se marie. On ne nous dit pas qui sont les amis qui entourent les mariés invisibles qu’on ne connaît pas et qu’on ne connaîtra jamais. On ne voit pas pourquoi on nous a raconté cette histoire si non pour nous dire que Jésus s’est fait manipuler par sa mère pour faire un miracle contestable que personne, ou presque ne remarque. Et c’est Marie qui a eu cette surprenante idée.

On a l’habitude de lire ce texte en focalisant notre attention sur le miracle et on oublie ce qu’il y a d’inhabituel dans le contexte. On nous a dit que l’Évangile devait être surprenant! Présenté sous le jour où je l’ai fait, ce passage est peut être trop surprenant.  Compte tenu de toutes ces anomalies, je vais vous entraîner à le lire d’une manière symbolique. Apparemment ce n’est pas le récit de la noce qui est important, ni le miracle d’ailleurs mais ce sont toutes ces circonstances que je viens de pointer. L’intérêt du récit est peut être dans cette relation curieuse qu’il y a entre Marie et Jésus où ils semblent être à la fois en situation d’opposition et de complicité  relative.

Le mariage se place habituellement au début de la vie d’un couple. Quoi qu’aujourd’hui on nous ait habitués à quelques variantes sur la question. Le mariage donc est une fête qui se déroule au début d’une aventure conjugale. Si on réalise que l’on est au début de l’Évangile, il n’est pas impossible de penser que ce mariage pourrait bien être celui de l’Église avec le Christ. Depuis l’origine des temps, le couple formé par Dieu et les hommes ne mar
che pas bien. L’histoire de l’Ancien Testament nous raconte la relation orageuse entre Dieu, qui s’offre comme époux à l’humanité et Israël présentée comme son épouse. Le prophète Osée de bien heureuse mémoire a du symboliser dans sa propre vie l’union entre Dieu et Israël. Dieu lui demande d’épouser une prostituée. Telle est la promise de Dieu, tel est son peuple.

Nous avons vu que Jésus prend ici subrepticement le rôle de l’époux. Serait-il le futur époux du peuple de Dieu ? Est-ce pour cela qu’il est si discret ? Le récit de ce mariage commence par l’expression : Trois jours après ! Mais après quoi ? Nous savons bien que le 3 eme jour est le jour de la résurrection. Ce récit des noces de Cana ne peut donc être lu que dans le contexte de la résurrection. Et comme à la résurrection, Marie était là. Marie a toujours joué un double rôle, elle est mère de Jésus et elle est figure de l’Église qu’elle anticipe. En tant que mère, elle porte toute la tradition du peuple d’Israël et en tant qu’Église, elle en est l’héritière. C’est elle, en tant que porteuse de la tradition qui reconnaît en Jésus le Fils de Dieu et c’est elle qui en tant qu’Église est témoin de la résurrection et devient servante du Seigneur.

 La prière de Marie exprimée dans son intervention : « ils n’ont plus de vin » signifie que bien qu’enivrés de tous les biens que Dieu leur donne depuis toujours, les hommes ne sont toujours pas désaltérés, ils n’ont toujours pas compris le mystère de Dieu ! Et Marie exprime alors les revendications d’une humanité qui n’a toujours rien compris au projet de Dieu. Marie messagère des hommes porte leurs revendications devant  le Christ. Est-elle dans le rôle du Saint Esprit étrangement absent dans ce récit  ou dans celui de l’Église ?  Peut-elle est-elle dans les deux ?   Elle est dans celui du Saint Esprit qui révèle les mystères de Dieu aux hommes  et dans celui de l’Eglise qui, porteuse de l’Esprit remplit les mêmes fonctions ? Pauvrette Église douteras-tu encore longtemps de ta destinée ?

Marie, peuple de Dieu, Marie Église de Jésus Christ en devenir,  Marie image de l’Esprit Saint, attire l’attention de Jésus sur le vin qui risque de manquer. Le vin c’est la joie donnée par Dieu et l’espérance de la vie. Mais les hommes aspirent à un autre vin, un vin nouveau. Jésus le leur offre. C’est Marie devenue symbole du Saint Esprit qui le leur révèle et c’est Marie image de l’Eglise qui le manifeste au monde.  Ce vin c’est bien entendu ce vin partagé au soir du vendredi saint, quand Jésus ouvre l’éternité à son Église en devenir. Le vin qui faisait  défaut, c’était  la joie du Royaume, manifesté dans la résurrection. Mais la résurrection ne prend de signification profonde que si Jésus la donne en se donnant, comme l’époux quand il se donne à son épouse.

Jésus en se retournant vers Marie, l’Église, l’interroge sur la teneur de sa foi et l’on sent des reproches dans le ton de sa voix. A-t-elle enfin compris qu’il est venu pour faire toute chose nouvelle ? Six jarres de vin nouveau suffiront-elles à apaiser nos doutes et à fortifier notre foi ? Non certes ! Les 6 jarres à nouveau pleines nous aideront sans doute à grandir sur le chemin de la foi, mais il n’y a que 6 jarres et non sept, comme on pourrait s’y attendre dans un langage symbolique. Il n’y a que 6 jarres, cela signifie que la Création n’est toujours pas achevée. Il faudra encore attendre que la 7 eme jarre nous soit offerte, que le 7 eme jour ait commencé pour que l’union du Christ et de son Église puisse être célébrée dans une harmonie enfin retrouvée.

Les choses commencées dans le désordre sont en train de rentrer dans l’ordre, la création continue à évoluer vers sa perfection qui se manifestera totalement quand nous verront les serviteurs apporter la septième jarre de vin nouveau. Cette septième jarre est encore à venir. Et les serviteurs qui la préparent, qui sont-ils ? Mais c’est v
ous bien sûrs qu’ils symbolisent. Ils préparent par leurs actions, par leur témoignage et par leur foi le Royaume qui vient. Ils accomplissent les désirs de Marie qui sait de quelle espérance les hommes ont besoin et qui la réclame à son fils. Elle est l’Église, remplie de l’Esprit qui intercède pour le monde quand elle prie en disant « que ton règne vienne ». Ainsi, sommes-nous invités, dès l’ouverture de l’Évangile à nous laisser abreuver de nouveauté et d’espérance par Jésus qui veut rester discret au cœur de la foule des hommes pour que leur espérance se colore d’audace et de foi.
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