lundi 27 janvier 2014

Matthieu 5:17-37




Matthieu 5 :17-37 la vraie loi dimanche  16 février 2014

17 Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. 18 En vérité je vous le dis, jusqu'à ce que le ciel et la terre passent, pas un seul iota, pas un seul trait de lettre de la loi ne passera, jusqu'à ce que tout soit arrivé. 19 Celui donc qui violera l'un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux, mais celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. 20 Car je vous le dis, si votre justice n'est pas supérieure à celle des scribes et des Pharisiens, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux.

21  Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, celui qui commet un meurtre sera passible du jugement.22 Mais moi, je vous dis : Quiconque se met en colère contre son frère sera passible du jugement. Celui qui dira à son frère : Raca ! sera justiciable du sanhédrin. Celui qui lui dira : Insensé ! sera passible de la géhenne du feu. 23 Si donc tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, 24 laisse là ton offrande devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère, puis viens présenter ton offrande. 25 Arrange-toi promptement avec ton adversaire, pendant que tu es encore en chemin avec lui, de peur que l'adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et que tu ne sois mis en prison. 26 En vérité je te le dis, tu ne sortiras point de là que tu n'aies payé jusqu'au dernier centime.

27 Vous avez entendu qu'il a été dit : Tu ne commettras pas d'adultère.
28 Mais moi, je vous dis : Quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis adultère avec elle dans son cœur. 29 Si ton œil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi. Car il est avantageux pour toi qu'un seul de tes membres périsse et que ton corps entier ne soit pas jeté dans la géhenne. 30  Si ta main droite est pour toi une occasion de chute, coupe-la et jette-la loin de toi, car il est avantageux pour toi qu'un seul de tes membres périsse et que ton corps entier n'aille pas dans la géhenne.

31  Il a été dit : Que celui qui répudie sa femme lui donne une lettre de divorce.
32 Mais moi, je vous dis : Quiconque répudie sa femme, sauf pour cause d'infidélité, l'expose à devenir adultère, et celui qui épouse une femme répudiée commet un adultère.
33 Vous avez encore entendu qu'il a été dit aux anciens : Tu ne te parjureras pas mais tu t'acquitteras envers le Seigneur de tes serments.3 4Mais moi, je vous dis de ne pas jurer : ni par le ciel, parce que c'est le trône de Dieu, 35 ni par la terre, parce que c'est son marchepied, ni par Jérusalem, parce que c'est la ville du grand roi. 36  Ne jure pas non plus par ta tête, car tu ne peux rendre blanc ou noir un seul cheveu. 37 Que votre parole soit oui, oui ; non, non ; ce qu'on y ajoute vient du malin.
Quand les fils de Caïn, construisirent une ville pour y soustraire au regard de Dieu, leur père, coupable du meurtre de son frère Abel, ils inscrivirent sur la porte « interdit à Dieu d’entrer ». C’est ainsi que Victor Hugo tenta de décrire cette terrible impression selon laquelle certains humains éprouveraient le désir de vivre, ne serait-ce que quelques instants, dans un lieu où la présence de Dieu ne serait pas sensible.

Il vous est peut être arrivés, un jour ou l’autre d’éprouver ce désir d’être enfin seul et de pouvoir considérer votre existence avec votre seule conscience pour témoin. Nous aimerions ainsi être parfois libérés du poids des habitudes ou de la de la morale facile ainsi que du regard des autres et par conséquent du regard de Dieu.

Ne soyons pas choqués si ce désir parfois nous a effleurés ! Ayons le courage de la vérité et de nous avouer à nous-mêmes qu’une telle éventualité a pu se produire. Il a pu se produire que, acculés par le soupçon accusateur des autres, nous mettions un terme à la discussion que nous avons avec eux en déclarant que « nous avons notre conscience pour nous». Ce qui signifie que les arguments ou l’opinion des autres ne nous atteignent pas, même s’il s’agit d’écarter de nous le regard que Dieu pourrait porter sur nos actions.

Quand de telles situations se produisent, nous nous sentons d’autant plus seuls que pèse sur nous la réprobation des autres et que nous ne pensons pas que Dieu puisse quelque chose pour nous. Enfermés dans notre problème, nous pensons que seule la solitude pourra nous aider. Si nous nous privons de la présence des autres, c’est que nous ne supportons pas qu’ils puissent avoir raison contre nous.  Nous nous contentons du regard de notre conscience et  par voix de conséquence, nous rejetons celui de Dieu. Si nous nous privons de la présence de Dieu, c’est sans doute, parce que  nous redoutons son jugement et que par avance nous n’accordons que bien peu de valeur au pardon qu’il pourrait nous accorder.  Nous restons seul avec notre sentiment de culpabilité.

Sans que les choses soient vraiment graves, il peut nous arriver de nous engager dans des voies sans issue où nous ne supportons plus la présence des autres et où l’absence de Dieu nous paraît meilleure que sa présence. Refermés sur nous-mêmes, nous confions au temps ou à l’oubli le soin de gérer ce problème que nous voulons garder enkysté en nous-mêmes en espérant qu’il se sclérosera lentement.

Bien sûr nous savons bien que la réponse que nous donnons à cette situation en nous enfermant dans l’oubli est mauvaise, mais comment s’en sortir autrement ? Le passage que nous abordons aujourd’hui ne fait qu’enfoncer un clou douloureux dans note âme puisqu’il nous rappelle qu’il n’y a pas de lieu où le regard de Dieu ne pénètre, et que si une guérison est toujours possible il faut en payer le prix. Que faire alors ? C’est ce que nous allons voir.

Jésus pend le contre pied de cette attitude de repli sur soi que nous pensons parfois être la bonne solution. Il nous rappelle que Dieu a voix au chapitre dans tous les domaines de l’existence et qu’il serait mal venu de notre part de nous appuyer sur sa Loi pour donner des limites à son regard sur nous, comme si la loi posait des limites claires et définies et que l’intention valait l’action. C’est pourquoi il dit que le regard agressif contre l’autre porte déjà en lui le meurtre que l’on pourrait commettre sur lui. Il en rajoute en précisant  que le moindre regard concupiscent est perçu par Dieu et se trouve susceptible d’être sanctionné par lui,  comme situation d'adultère tant il est vrai que Dieu voit tout, même l'inconscient de chaque être.

Sans doute le Lecteur des Ecritures ne reconnaît-il pas ici l’attitude habituelle de Jésus quand il parle des sanctions qui pourraient être la conséquence d’actions qui n’ont été commises qu’en pensée. Ici il n’est question ni d’amour, ni de miséricorde ni de pardon. En constatant que Jésus durcit le ton de la loi, il se peut que nous préférions nous écarter de Dieu et tenter de nous sortir tout seul des nombreux pétrins où la vie nous entraîne. Nous créons ainsi des zones d’ombre en nous qui fonctionneraient comme des zones de non droit pour Dieu. Combien ne se sont-ils pas écartés de l'Eglise parce qu'ils se sont sentis dans cette situation?

Ils ne peuvent alors espérer aucun soulagement ou aucune guérison venant de lui. Ni rien, ni personne ne pourrait plus les aider dans la solitude où ils se réfugient . La seule solution consiste alors à confier ses problèmes à l’oubli. Ils savent cependant qu’une telle pratique n’est pas forcément efficace car le temps n’efface rien, au mieux il rend supportable les choses qu'on lui confie, au pire il donne au remord, le soin de  perturber encore longtemps ceux qui se trouvent en une telle situation.

C’est pour cette raison qu’il est préférable de se tourner quand même vers Dieu, en espérant que derrière la sévérité du ton de Jésus nous trouverons la miséricorde qui s’y cache . C’est la bonne attitude, car la miséricorde de Dieu ne peut se trouver que dans la vérité et c’est pour parler en vérité que Jésus a employé un ton de sévérité. Ce n’est en effet que dans la vérité vis à vis de Dieu et de nous-mêmes que Dieu pourra nous accompagner dans nos difficultés. Pour cela, il nous faudra, accepter qu’il puisse porter un regard sur chaque instant de notre vie. Il faudra aussi que nous acceptions de lui en rendre compte.

Une telle attitude n’est pas facile à accepter, c’est pourquoi certains croyants préconisent alors d’affirmer leur foi dans l’universalité du salut. « Puisque Dieu est infiniment bon, disent-ils, il accordera le pardon à tous les hommes quelque soit leur faute ». Ceux qui croient que les choses se passent ainsi, se rallient un peu vite à la pensée de Voltaire qui disait que Dieu se doit de pardonner puisque c’est son métier. Une telle conception de Dieu équivaudrait à une négation de Dieu, donc à son absence et nous en reviendrions à la case précédente.

En fait, il ne peut vraiment y avoir de pardon que s’il y a eu guérison et il ne peut y avoir de guérison que s’il y a eu dialogue avec celui qui guérit, car Dieu réclame notre participation personnelle au pardon qui s’ensuit.

C’est pour que cette guérison soit effective et ce pardon bien réel que Jésus nous propose une toute autre relation avec son Père. Cette relation consiste à accepter sa présence constante à nos côtés, et à ne pas redouter que son regard se porte sur toutes nos actions. Plus rien, pas même la Loi de Dieu ne peut mettre de distance entre lui et nous. Il devient le partenaire de notre vie, c’est lui qui motive les actions que nous menons par le moyen de l’amour qu’il déverse sur nous.

Notre vie s’épanouira donc à mesure que nous approfondirons ce qui caractérise le mystère de notre existence de croyant. Ce mystère, c’est qu’avec Dieu, nous ne sommes plus deux partenaires, mais trois. Le troisième étant notre prochain qui prend toujours place entre Dieu et nous. C’est donc grâce à la manière dont nous nous comportons avec les autres que nous sommes capables de voir comment Dieu agit en nous, car les gestes d’amour que nous faisons nous viennent de lui.

Quand nous faisons le point sur notre vie et que nous constatons que nous n’avons pas eu les gestes d’amour appropriés ou que nous avons eu des paroles blessantes, des gestes violents ou que nous avons commis quelque action qui ait causé du tort à autrui, il ne nous est pas difficile d’en déduire que nous nous sommes écartés de Dieu. A ce moment là, notre retour volontaire à plus d’intimité avec lui, est la seule école qui nous permette de revenir vers lui, de réparer le tort que nous avons fait et de nous réconcilier avec nous-mêmes. C’est par l’amour dont nos gestes seront à nouveau marqués que nous verrons l’efficacité du pardon de Dieu en nous.

Notre relation à Dieu sera désormais motivée par l’amour dont nous serons capables envers les autres. La Loi rigide qui réglait nos comportements à l’égard des autres est totalement dépassée, car une nouvelle Loi a pris place en nous ; c’est celle de l’amour du prochain. Elle consiste à régler nos comportements envers les autres de telle sorte que nous ne lésions personne, mais que tous se trouvent grandis par ce que nous entreprenons.

Ce comportement n’a aucune chance de porter ses fruits si nous ne prenons pas Dieu comme partenaire quotidien et si nous ne le prions sans cesse. Notre vie ne peut être vraie que si nous opérons une fusion d’amour avec Dieu.

Contrairement à ce que pourraient penser ceux dont la vie n’est pas éclairée par Dieu, un tel comportement n’est ni pénible ni contraignant, car la présence de Dieu en nous est libératrice et cette liberté nous comble de joie.


Illustrations: Le Christ en croix de Salvador Dali

jeudi 23 janvier 2014

Matthieu 5:3-16:



Matthieu 5: 3-16 Les Béatitudes  et la lumière du monde - dimanche 9 février 2014


3Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux !
4Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés !
5Heureux ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre !

6Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés !
7Heureux ceux qui sont compatissants, car ils obtiendront compassion !
8Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu !
9Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu !
10Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice, car le royaume des cieux est à eux !
11Heureux êtes-vous lorsqu'on vous insulte, qu'on vous persécute et qu'on répand faussement sur vous toutes sortes de méchancetés, à cause de moi. 12Réjouissez-vous et soyez transportés d'allégresse, parce que votre récompense est grande dans les cieux ; car c'est ainsi qu'on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.
Sel de la terre et lumière du monde

13 C'est vous qui êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, avec quoi le salera-t-on ? Il n'est plus bon qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds par les gens.

14 C'est vous qui êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. 15 On n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le porte-lampe, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. 16 Que votre lumière brille ainsi devant les gens, afin qu'ils voient vos belles œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux.

Il est difficile d’échapper à la fascination que produit en nous le spectacle d’une nuit étoilée. Les milliers d’étoiles scintillant sur la voûte des cieux nous parlent de la grandeur de Dieu et nous laissent penser que le modeste observateur que nous sommes est bien peu de chose face à l’immensité. Mais l’homme se complet mal dans le rôle du ver de terre adorant les étoiles. Ces quelques instants de modestie provoqués par l’émerveillement sont de courte durée, nous le savons bien ! Très vite, depuis qu’ils ont essayé de comprendre le mouvement des astres, les hommes ont relevé le défi et se sont mis à imaginer que leur prodigieuse intelligence les rendrait maîtres de la terre comme des cieux à l’égal de Dieu. Le génie des hommes les a très vite mis en rivalité avec Dieu. Ils ont donc réussi à aller jusque dans les étoiles et leur rêve a perdu de son aspect merveilleux et enchanteur.

Pourtant il nous a encore été dit récemment que jadis des savants avaient fait une expérience contraire. Ce n'était ni de notre temps, ni dans nos  lieux.  Au lieu de rivaliser avec Dieu en regardant les étoiles, ils avaient trouvé Dieu sur terre en regardant les étoiles. Dieu s'était dissimulé dans un enfant qui luttait pour la vie alors que tous cherchaient à la lui ôter.  

C’est en effet sur ce curieux récit que s’ouvre l’Evangile de Matthieu. Il nous raconte que des savants venus d’on ne sait où, quelque part à l’est de nulle part, avaient cherché la vérité à la lumière des étoiles. Une clarté venue d’en haut avait dirigé leurs pas. Ce qu’ils cherchaient, ils le découvrirent caché  sur la terre des hommes, dans un recoin discret et presque inconnu du monde habité, c'est sous le couvert d'un bébé que Dieu se révéla à eux. La morale de l’histoire, c’est que Dieu se met lui-même sur le parcours de ceux qui le cherchent  et les éclaire  d'une lumière surprenante, pour leur permettre de découvrir ici bas la vérité qui le concernent. 

Mais cette leçon de modestie ne plait pas à tout le monde. Elle n’a pas plu en particulier au plus grand de nos rois qui s’est appliqué à démontrer le contraire. Il s’est plu à inverser le sens des choses. Il s’est fait appeler le roi Soleil, et il s’est octroyé le privilège d’éclairer la nation. En inversant ainsi les rôles, il devint Dieu à la place de Dieu, et les serviteurs de Dieu n’eurent plus qu’à se taire ou à se soumettre. Il mourut pourtant sans gloire et sa lumière s’éteignit. Il n’était plus soleil, il n’était plus lumière, il n’était plus rien. Et son astre mort s’anéantit dans l’oubli.

Cependant la leçon donnée par lui avait porté ses fruits. Se levèrent après lui et malgré lui, quantité, de philosophes dont l’éclat de la pensée fut tel qu’on appela la période où ils vécurent « le siècle des lumières ». Désormais la pensée humaine, sanctionnée par la philosophie se proposait à nouveau d’éclairer le monde. La pâle lumière qui avait éclairé les mages à la découverte de Dieu était désormais éclipsée par la sagesse des philosophes dont l’éclat rejetait Dieu dans l’ombre. Dieu lui-même ne devint accessible qu’avec la permission des philosophes.

Nous en sommes encore là aujourd’hui. Ce sont les idéologies en place qui concèdent désormais à Dieu le droit d’exister et il n’a la possibilité d’éclairer la pensée de ceux qui se réclament de lui que dans la discrétion et le respect de la pensée dominante. Quoi qu’on en dise les choses se passent bien ainsi !

Sans doute certains, insatisfaits de cet état de fait, décident-ils périodiquement de redonner de l’éclat à Dieu et de faire briller la lumière de sa Loi pour éclairer les nations qui s’écartent de lui. C’est le but que se donnent ceux qui croient que Dieu s'est incarné une fois pour toutes et que sa parole contient des enseignements valables pour tous les temps, sans qu'aucune pensée humaine n'y trouve  à redire.  Les débats sur ce sujet se font vifs de nos jours et désorientent beaucoup de gens, quel que soit le champs où ils se situent 

Cela donne  à celui qui observe de l'extérieur  une curieuse impression.  En effet, ce sont des hommes qui essaient de donner à Dieu un éclat que celui-ci n’a plus et qu’il ne semble pas revendiquer. Ainsi certains croyants pensent  aujourd'hui qu’après avoir emprunté sa lumière à Dieu, après la lui avoir confisquée,  il est urgent de la lui rendre de telle sorte que par son éclat,  c'est à dire sa  puissance, il  redevienne incontestable.

Selon  eux, la lumière qui a été prise à Dieu doit lui être rendue. Mais si Dieu n’est pas intervenu quand les philosophes l’ont dépossédé de sa puissance, s’il n’intervient toujours pas quand les hommes cherchent à la lui rendre, c’est que Dieu ne partage pas le même souci. Quand on agit au nom de Dieu et qu’il ne manifeste pas son intérêt, c’est qu’on ne travaille pas dans la bonne direction. C’est qu’on utilise le nom de Dieu pour que sa gloire rejaillisse sur les hommes qui le manipulent. La lumière de Dieu devient alors un instrument que les hommes s’approprient mais qui ne le concerne pas. Quant à Dieu et en ce qui le concerne dans cette affaire, c’est une tout autre histoire à laquelle nous devons nous intéresser maintenant.

Face à tous ceux qui ont tenté de s’approprier l’éclat de la lumière de Dieu et à tous ceux qui espèrent la lui rendre, nous entendons maintenant la voix de Jésus qui vient en rajouter une couche en disant : « C’est vous qui êtes la lumière du monde ».

Les philosophes des lumières auraient-ils donc raison ? La pensée humaine aurait-elle vocation à éclairer les nations et Dieu ne jouerait-il plus aucun rôle ? Non bien évidemment. Les propos de Jésus n’ont pas une valeur universelle. Ils ne s’adressent pas à n’importe qui. Jésus s’adresse précisément à vous.

Derrière ce « vous » il faut voir tous ceux qui sont rassemblés autour de lui pour écouter le sermon sur la montagne dont ce discours fait partie. Et à travers eux, il s’adresse à ceux des lecteurs de l’Evangile qui s’identifient à leur tour aux témoins de la première heure. Ils rejoignent ceux qui écoutent Jésus assis au flanc de la colline qui domine le lac. Autrement dit, Jésus vous rejoint dans ce lieu où vous êtes venus pour l'écouter.
Jésus s’adresse donc à vous, 
-                  - vous qui reconnaissez en Jésus celui qui leur parle au nom de Dieu et qui leur fait entendre sa parole,
-           -    vous qui savez que Dieu se range du côté des faibles contre les forts, du côté des opprimés contre les oppresseurs,
    - vous, qui savez déjà que Dieu ne veut pas conduire le monde, vers plus de justice et plus de paix si vous ne mettez pas la main à la pâte.

Quand vous vous investissez au service des autres et que vous considérez les autres ( tous les autres) comme vos frères, vous faites resplendir autour de vous un éclat de la lumière divine. Quand vous cueillez sur la bouche de Jésus les directives qui vont orienter vos actions, c’est comme si vous vous étiez approprié un peu de la lumière de Dieu qui est en lui et que celle-ci se trouve réfléchie dans vos actions.

Certes, c’est d’une bien faible lumière que nous irradions, un pâle reflet de la lumière de Dieu, seulement une lueur ! Elle n’a de vraie efficacité que si elle est relayée par la lumière des autres qui, comme chacun de nous croient que c’est Dieu qui inspire leurs actions, car c’est par nos actions que le monde le perçoit.

Ainsi cette faible lumière qui transite de Dieu vers les autres par nos actions retourne-t-elle à Dieu quand Dieu a été identifié à travers elles. Dieu devient alors lumineux, éclairé par sa propre lumière qui ne revient pas à lui sans effet. Si ces actions sont assez nombreuses, elles peuvent même le rendre éblouissant, comme il devrait l’être.

Ceux qui voudraient rendre lumineuse la présence de Dieu par un autre moyen se trompent. Ce sont ceux dont on a déjà parlé et qui voudraient contraindre les autres à croire par la persuasion ou même par la force.

Aucune action contraignante ou provocante ne peut révéler la gloire de Dieu, car la gloire de Dieu ne peut être visible que si les actions qui la manifestent sont portées par des gestes inspirés par l’amour de Dieu. Ainsi les grandes solennités organisées sous forme de "Te Deum"  le contrarient certainement plus qu'elles ne reçoivent son adhésion. L’amour est la seule vertu à laquelle Dieu donne priorité car il est lui-même amour, dit l’Evangile de Jean. C’est donc par l’amour répandu et partagé que l’on découvre la présence de Dieu.

Nous avons illustré  ce sermon par des effets de lumière de Van Gogh. Il a cherché à rendre  l'éclat de la lumière de partout où il est passé tout en restant  lui-même  dans une  très grande modestie.

vendredi 10 janvier 2014

Matthieu 5::1-12


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Matthieu Chapitre 5  : LE SERMON SUR LA MONTAGNE Dimanche 2 février 2014



1 Voyant la foule, Jésus monta sur la montagne, il s'assit, et ses disciples s'approchèrent de lui. 2 Puis il ouvrit la bouche et se mit à les enseigner :
3 Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux ! 
4 Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés !
5 Heureux ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre !
6 Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés !
7 Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde !
8 Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu !
9 Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu !
10 Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice, car le royaume des cieux est à eux !
11 Heureux serez-vous, lorsqu'on vous insultera, qu'on vous persécutera et qu'on répandra sur vous toute sorte de mal, à cause de moi. 12 Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux, car c'est ainsi qu'on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.


C'est par le mot heureux que commence le  tout  premier enseignement  de Jésus. « Heureux êtes-vous » dit-il, et à la suite de ce mot qu'il répète 10 fois tels les 10 commandements de Moïse, (1) il dresse la liste de tous les gens de son entourage qui n'ont aucune raison d'être heureux, puisqu'ils sont pauvres, ils pleurent, ils sont endeuillés, ils n'ont plus de ressource, ils sont déçus par l'iniquité de la justice humaine, ils sont naïfs et doux dans une société de violence, ils sont maltraités à cause de leurs idées, ils sont persécutés, parce qu'ils suivent Jésus. Tous ces gens marginalisés par la société ou frustrés  par les événements, Jésus les proclame "heureux" .


Comment recevons-nous une telle affirmation ? Si nous étions dans leur cas, et nous le sommes parfois, nous chercherions  à ne plus être victimes ni de notre pauvreté, ni de notre tristesse, ni de notre malheur. Si parmi-nous,  certains ont dit que c’était un honneur que d'être martyrisé au nom de Jésus Christ, bien peu     revendiquent cette situation.

Depuis que Jésus a prononcé ces paroles, les Eglises s'en sont délectées. On les a chantées, on les a récitées, et on continue à le faire. Elles nous servent à consoler ceux qui sont victimes de mauvais sorts et à les encourager à croire que Dieu ne les abandonnera pas. Cependant, quoi qu'on en dise, nous n'avons pas envie de nous trouver dans la situation de tous ceux qui sont marginalisés par leur situation et qui en souffrent.

Pourquoi donc Jésus a-t-il prononcé ces paroles ou pourquoi  les a-t-on mises dans sa bouche? Quelle était la visée ? Certains ont cru que Jésus annonçait une révolution sociale et même une révolution cosmique. Ils ont cru que Jésus allait inaugurer un temps nouveau où le Dieu tout Puissant ouvrirait les cieux et renverserait l'ordre social en détruisant toutes les inégalités. Ils croyaient que le Royaume de Dieu allait enfin s'établir sur terre. Ceux-là ont été déçus, ils ont quitté Jésus discrètement les uns après les autres. Le dernier parmi les déçus qui soit  resté dans l'entourage du Seigneur a sans doute été Judas.

Il aurait livré Jésus, selon certains interprètes  pour contraindre Jésus à inaugurer un ordre nouveau en convoquant les légions d'anges pour le défendre. En effet, Jésus n’avait-il pas parlé d’un Royaume des cieux susceptible de s’instaurer sur terre ? Ce fut peine perdue. Jésus s'est laissé arrêter, le ciel ne s'est pas ouvert, Michel et ses anges ne sont pas venus. Bref ce fut raté, car il n’y eut aucune manifestation spectaculaire de la part du Seigneur, au contraire, ce fut la débâcle. Les conjurés se sont égayés dans la nature, laissant le «maître» seul, au pouvoir de ses ennemis  qui organisèrent un procès truqué pour le condamner et qui obtinrent sa mort en faisant chanter  le préfet Ponce Pilate. Pour couronner le tout, Judas se suicida et Jésus agonisa et mourut abandonné de tous.

Ce fut la fin des illusions. Ce fut la fin de l'ordre nouveau.

Les amis de Jésus encore tout effrayés par ce week-end d'horreur découvrirent avec stupéfaction que le maître était vivant. Non pas qu'il ait survécu à son supplice, car ils l’avaient vu mort, mais qu'il était vivant autrement. Il vivait après sa mort d'une vie qui lui venait d'ailleurs, et il vit encore de cette manière - c'était la résurrection - A partir de ce moment là certains ont commencé à penser que c'était à eux, les compagnons du  maître d'organiser la suite, de mettre en pratique les béatitudes, de venir consoler ceux qui pleuraient, d'intervenir dans les cas d'injustice sociale, en d'autre terme de prendre la défense des plus faibles contre les plus forts. Ils se sont sentis investis d'une mission qui consistait à promouvoir un nouvel ordre social et à secourir toutes les misères. Ils ont organisé une société modèle, celle de l’Eglise primitive dont le livre des Actes nous rend compte. Depuis ce moment les églises se sont  reconnu cette vocation d'être témoin d'une nouvelle manière d'être en société.

Pour  être témoin des merveilles annoncées par Jésus, il fallait d’abord se décider à vivre autrement. C'est cette voie qu'il  nous faut explorer maintenant, celle qui nous invite à vivre d'un autre façon. C'est en la mettant en pratique que  nous serons heureux.  Le problème, consiste à savoir  ce qu'est la vie autrement. Nous sommes bien convaincus de la nécessité qu'il y a à  mettre les béatitudes en pratique, mais  nous n'avons pas envie d'être les premiers à le faire ni les seuls, ni d'être  différents des autres en le faisant. Au contraire, en dépit de nos affirmations concernant notre droit à la différence, nous cherchons plutôt la conformité.

Notre seule envie est de satisfaire nos désirs immédiats et  de profiter au mieux des avantages que nous donne cette société. Celui qui nous promet que nous serons heureux si nous  suivons ses enseignements ne nous a pas donné de modèle  particulier. Il nous a seulement proposé de vivre avec cette pensée selon laquelle si nous voulons vivre selon la volonté de Dieu il faut donner priorité aux autres. C’est alors que Jésus sera présent à nos côtés. Dans ces conditions, sa  présence  nous entraîne à vivre autrement.

La présence de Jésus auprès des hommes n’a jamais cessée. Bien que vivant il y a 2000 ans, sa résurrection nous le rend tout aussi présent aujourd'hui. Il se tient à nos côtés, comme il était à côté de ceux qui étaient avec lui au bord du lac. C’est avec l'aide et le soutien de son esprit qu’il place en nous qu’il nous aide à prendre nos problèmes en charge. Il nous aide à prendre notre situation en main en mettant en nous l'énergie dont nous avons besoin pour aller plus avant. C’est en réalisant cela que nous découvrons la pertinence de la traduction  qu' André Chouraqui, le célèbre philosophe juif, a fait de ce texte. Il a en effet rendu le  mot « heureux » par l’expression « en marche » .

En  effet, pour se mettre en marche, il faut le vouloir. Si nous avons ce désir, Jésus nous prend alors la main et  ne nous lâche pas. Il nous pousse en avant pour que notre marche soit toujours triomphante. Il nous entraîne à le suivre ainsi dans l'Eternité où il est déjà. Plus le chemin de l'éternité se précise, plus sa main se fait ferme, plus sa voix se fait précise, plus nous désirons le garder comme compagnon de route et  plus nous sommes heureux en sa présence.

En constatant la différence de traduction entre nos Bibles qui rendent le grec makarios par heureux et M. Chouraqui qui dit : "En marche", on est en droit de se demander qui a raison? Nous sommes bien évidemment séduits part la traduction de A.Chouraqui, mais comment la concilier avec le mot grec makarios qui signifie "heureux"? Il nous faut refaire le même parcours que lui pour découvrir que le mot qui traduit « heureux » en hébreu est un mot issu de la racine du verbe marcher (Asher) ce qui pourrait vouloir dire que l'homme "heureux" c'est l'homme qui marche.

Bien  évidemment en ce début de vingt et unième siècle, nous n’avons pas l’impression que nos Eglises soient vraiment en marche, on a plus l’impression qu’elles sont à la traîne. Et que leur seule vraie préoccupation est de subsister face à un monde qui n’accepte pas l'  Evangile.Il 


Il ne faut pas s'attrister à cause d’une telle situation car Jésus n'a rien figé à l’avance. Il nous a promis le " bonheur" même en état de manque, de contestation, de rejet ou d’indifférence.  Il ne nous a pas interdit non plus ,  ni de changer les structures de l’Eglise, ni de la faire évoluer, si elles paraissent ne plus correspondre à notre temps. La vraie joie que Jésus dépose en nous est celle de nous laisser imprégner par l'amour du prochain quelle que soit la situation que nous traversons au point qu'une telle attitude devienne chez nous une seconde nature. Il nous attend pour  nous mettre en marche  afin qu’avec lui, nous inventions  ensemble, et dans la joie l’Eglise de demain.



"En marche donc ! Vous les affligés, vous les pauvres, vous les assoiffés de justice » car, en compagnie de Jésus, il  est déjà en train de se passer quelque chose qui fera de nous des êtres différents.
Pourquoi différents?
Parce que déjà ressuscités.

Tableau de Karol Ferenczy


(1) pour les puristes le dixième heureux est contenu dans le verbe kariete, réjouissez-vous où on retrouve le même radical qu’heureux

mardi 7 janvier 2014

Matthieu 4:12-23



Matthieu 4/12-23  Je vous ferai pêcheurs d'hommes, dimanche 26 janvier 2014

12 Lorsqu'il eut appris que Jean avait été livré, Jésus se retira dans la Galilée. 13 Il quitta Nazareth, et vint demeurer à Capernaüm, situé près de la mer aux confins de Zabulon et de Nephtali, 14 afin que s'accomplisse la parole du prophète Ésaïe :

15  Terre de Zabulon et terre de Nephtali, Contrée voisine de la mer, au-delà du Jourdain, Galilée des païens ;
16 Le peuple assis dans les ténèbres, A vu une grande lumière, Et sur ceux qui étaient assis dans le pays Et dans l'ombre de la mort, Une lumière s'est levée.

17 Dès lors Jésus commença à prêcher et à dire : Repentez-vous car le royaume des cieux est proche. 18 Au bord de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon appelé Pierre, et André, son frère, qui jetaient un filet dans la mer ; en effet ils étaient pêcheurs. 19 Il leur dit : Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes. 20 Aussitôt, ils laissèrent les filets et le suivirent.
21 En allant plus loin, il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, qui étaient dans une barque avec Zébédée, leur père, et qui réparaient leurs filets. 22 Il les appela, et aussitôt ils laissèrent la barque et leur père, et le suivirent.
23 Jésus parcourait toute la Galilée, il enseignait dans les synagogues, prêchait la bonne nouvelle du royaume, et guérissait toute maladie et toute infirmité parmi le peuple.




« Venez après moi et je vous ferai pêcheurs d’hommes ». Ceux qui sont familiers des Ecritures ont tellement pris l’habitude de cette expression qu’ils mesurent à peine ce qu’elle a d’incongrue. La pêche proposée par Jésus en assimilant les hommes à des poissons a pour but de faire vivre les hommes qui vont être péchés. Or quand on va à la pêche, ce n’est généralement pas pour le bien être des poissons péchés. Les poissons péchés sont destinés à mourir puis à être mangés. Pourtant en utilisant cette expression Jésus entend bien signifier le contraire.Pourtant les hommes se meuvent sur terre dans une atmosphère de mort, tant il est vrai que dès notre naissance nous nous acheminons lentement vers notre mort. Jésus dénonce ce cycle infernal de la mort.

Or les hommes ne sont pas des amphibiens, ils ne vivent pas dans l’eau. L’eau prend ici une valeur symbolique. Dans le langage de la Bible l’eau est le lieu où se trouvent les forces hostiles à Dieu. Les Ecritures confèrent à la masse des eaux de la mer un caractère hostile aux hommes. Dans le récit de la création ou dans celui de la traversée de la Mer Rouge, Dieu doit maîtriser la force des eaux qui lui résistent. Dans les deux cas, il doit fendre les eaux, c'est-à-dire qu’il doit leur faire violence pour provoquer quelque chose qui ressemble à une naissance. Dans le récit de la création c’est pour libérer la terre retenue prisonnière par les eaux  que Dieu les fend  pour rendre la terre libre et lui permettre d'accomplir son destin. Si Dieu ouvre également la Mer rouge, c’est pour libérer le passage aux Hébreux afin qu'ils naissent comme un peuple nouveau.  Bien évidemment  ces images font  allusion  à la naissance des humains

Jésus, quant à lui, a du à plusieurs reprises dominer les éléments constitués par la masse des eaux. Il éleva la voix contre la tempête qui se calma aussitôt. Il voulait signifier par là son pouvoir sur les forces hostiles à Dieu et aux hommes. Quand il marcha sur la mer il exprima par son geste son pouvoir de domination sur les éléments !

Si les hommes sont ici comparés à des poissons qu’il faut pécher pour les sortir de l’eau c’est qu’il estime que les hommes  ont besoin de naître de nouveau pour  vivre. Jésus considère que sa tâche est de les libérer le plus rapidement possible pour que Dieu puisse achever son œuvre en eux. Pour y parvenir,  Jésus a besoin qu’on  d'aide et c’est pour cela qu’il appelle des volontaires tels que Pierre et André et les autres …et nous-mêmes.

Mais quelles sont ces forces hostiles qui maintiennent les hommes asservis et s'opposent à Dieu? Si nous répondons que c’est le mal ou le péché, nous n’avancerons pas beaucoup. Le contexte biblique nous replace ici dans l’atmosphère de la création, comme nous l'avons déjà dit. Il nous ramène au moment où  Dieu sépara les eaux du haut d’avec les eaux du bas pour faire surgir la terre et la mettre au sec.

Jésus nous invite à nous replonger dans ce moment mythique où la terre était encore engluée dans le tohu-bohu primitif d’où l’ensemble de la création a été tiré pour devenir l’univers. Mais ce n’était pas fini, le sixième jour n’était pas achevé. Pour ce qui concerne l’homme il devait lui aussi encore être libéré de la gangue originelle qui lui collait à la peau et à l’âme.

C’est à cause cela que nous aspirons à faire le bien sans jamais y arriver complètement, c’est à cause cela que nous sommes portés à tirer profit de nos voisins alors que notre raison nous dit le contraire, c’est à cause de cela que les hommes n’arrivent pas à aimer ceux qui leur sont indifférents et c’est à cause de cela que leur égoïsme est plus fort que leur amour. En fait vous l’avez bien compris, la création de l’homme n’est pas encore complètement achevée. L’homme n’est pas fini, il est en cours de création. Il faut qu’il change de milieu de vie pour s’épanouir. Le milieu dans lequel il est, handicape son épanouissement qui ne peut se faire qu’en Dieu.


A l’instar de Dieu qui maîtrisa le chaos, Jésus cherche des partenaires pour continuer avec lui à poursuivre la libération des hommes qui ne sont pas encore arrivés à leur maturité finale.

Dieu a entrepris ce travail depuis le commencement. Sans doute a-t-il réussi grâce à l’évolution des espèces à nous envelopper d' une enveloppe charnelle acceptable à  laquelle il n’y a pas besoin de faire beaucoup de retouches pour la rendre presque parfaite. Les humains s'y emploient. Avec un peu de fard et quelques vêtements bien coupés, une hygiène de vie et un peu de sport, ils n'ont pas besoin de plus pour rendre à leur aspect extérieur l’illusion de la perfection. Mais l’homme est aussi doté d’un esprit qui est sensé le rendre semblable à l’image de Dieu, et c’est là qu’il y a encore du travail à faire !


L’esprit est la partie de nous-mêmes qui est en ébullition constante et qui ne s’arrête jamais de progresser. Dans cette activité incessante, nous ne nous rendons pas compte que notre esprit n’est pas autonome. Pour devenir conforme à l’image de Dieu, selon le projet du Créateur, il faut que chaque homme accueille en lui l’empreinte de l'esprit divin.  Malgré la proximité de son créateur, chacun doit encore le découvrir. Dieu, pour sa part, qui veut que sa créature soit libre, s’interdit d’intervenir de manière contraignante. Depuis toujours, il a fait le pari que l’homme se tournerait librement vers lui et accueilleraient  ses projets . C'est ainsi qu'il évolueront afin de devenir conformes  à l'image de Dieu.

Mais si l’homme reste une créature libre, il n'en est pas moins  une créature au cou raide. Il réagit contre tout ce qu’il ne connaît pas. Tant qu’il n’a pas fait la connaissance de son Dieu il reste circonspect par rapport à tout ce qui peut  représenter le divin. Le refus de Dieu est conçu par l’homme moderne comme l’action spirituelle la plus subtile qu’il ait réussi à entreprendre. C’est pourquoi les sociétés occidentales qui se prétendent évoluées cherchent à se séparer de l’idée même de Dieu et font de l’athéisme le stade le plus élaboré de la spiritualité humaine.


Dieu ne cède pas non plus. Son esprit qu’il souffle sur le monde depuis les origines est capable d’inverser le cours des choses. Par l'Esprit qui repose en lui, Jésus  a provoqué des prises de conscience sans pareilles chez les hommes.C'est par l'action de l'Esprit que Jésus  mobilise ses collaborateurs pour aller à la pêche de leurs semblables. C’est pourquoi il nous faut persévérer. Il nous faut, par tous les moyens, appeler les hommes à se laisser saisir par Dieu, sans quoi ils n’arriveront jamais à la connaissance parfaite de leur humanité.

Qu’y a-t-il de plus exaltant que de participer à l’accomplissement de l’humanité ? Qu’y a-t-il de plus exaltant que de devenir les plus proches collaborateurs de Dieu et de participer avec lui à l’achèvement de la création? C’est le programme qui nous est proposé. Il semble même qu’il y ait urgence à l’accomplir, c’est pour cela que les deux frères Jacques et Jean abandonnent tout, y compris leur vieux père dans la barque pour répondre à cet appel.

Il nous faut cependant constater, que bien souvent les hommes les plus dynamiques se sont arrêtés à mi-chemin. Les Eglises qui mobilisent leur enthousiasme ont tendance à se tromper d’objectif en devenant auto consommatrices du salut. Elles ne se lassent pas de prêcher le salut dans les cercles fermés de leurs communautés. Elles entraînent leurs membres à continuer à acquérir un salut qu’ils ont déjà acquis et à méditer avec exaltation sur les bontés de Dieu qui ne cesse de les sauver. Elles se font témoins du salut individuel de leurs membres et renâclent à donner priorité à la pêche en eau profonde pour participer au salut des autres.

Jésus nous a convaincus qu’il y avait urgence à s’occuper des hommes qui s’asphyxient loin de Dieu. Nous savons qu’ils ne peuvent trouver leur vraie personnalité que dans la connaissance de Dieu. Il faut que par leur comportement les chrétiens soient des signes d’espérance pour tous les hommes. Il faut que ceux qui aspirent à être libérés de la maladie, de la pauvreté de l’injustice et qui continuent à se tenir loin de Dieu découvrent la vérité sur leur vie. Il faut que l’espérance qui s'est installée dans le cœur des croyants  irradie au-delà d'eux mêmes. Il nous faut être chrétiens avec audace. C’est facile à dire, moins facile à faire, mais c’est ce que nous demande celui qui nous a déjà sauvé. 

Illustrations Adriaen  Van de Venne 1614 Ce tableau représente avec ironie la guerre des Quatre-vingts ans opposants protestantisme et catholicisme.

jeudi 2 janvier 2014

Jean 1:29-34



Jean  1 :29-34 Le fils de Dieu - dimanche  19 janvier 2014


29 Le lendemain, Jean vit Jésus venir à lui, et il dit : « Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. 30 C'est de lui que j'ai parlé quand j'ai dit : “Un homme vient après moi, mais il est plus important que moi, car il existait déjà avant moi.” 31 Je ne savais pas qui ce devait être, mais je suis venu baptiser avec de l'eau afin de le faire connaître au peuple d'Israël. »
32 Jean déclara encore : « J'ai vu l'Esprit de Dieu descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. 33 Je ne savais pas encore qui il était, mais Dieu, qui m'a envoyé baptiser avec de l'eau, m'a dit : “Tu verras l'Esprit descendre et demeurer sur un homme ; c'est lui qui va baptiser avec le Saint-Esprit.” 34 J'ai vu cela, dit Jean, et j'atteste donc que cet homme est le Fils de Dieu. »


De temps en temps, grâce au hasard de notre liste de lectures,  nous sommes amenés à nous poser des questions  concernant  les fondements de notre foi.  C’est  l’attribution du titre  de Fils de Dieu à Jésus qui nous interpelle aujourd'hui.  C’est ce titre qui est donné à Jésus par l’Evangéliste  Jean dès le premier chapitre  de son évangile :  « Et moi, j’ai vu et j’ai rendu témoignage que c’est lui le fils de Dieu ». Nous sommes tellement habitué à donner ce titre à Jésus que nous ne mesurons pas toujours la portée de ce qu’il recouvre.  Nous avons du mal à réaliser que ce titre lui a été donné par les hommes et qu’il ne se l’attribue pas à lui-même quand il parle de lui, à l’exception d’une seule fois où il cite une parole qu’on lui attribue, et encore utilise-t-il  dans une expression  plutôt curieuse : « parce que j’ai dit que je suis le fils de Dieu » Jean 10/ 36 Il préfère pour sa part se désigner par le titre de Fils de l’homme. Ceux qui lui donnent le titre de Fils de Dieu sont dans l’ordre : le diable, des possédés, ses disciples, Pierre, ses accusateurs,  un païen.


Il est bon de nous interroger pour savoir exactement ce que nous entendons vraiment  par ce titre quand nous l’utilisons.  Ce  sur quoi il est important de porter notre réflexion,  c’est de savoir pourquoi  nous avons privilégié cette formule, et de nous demander  ce que recouvre pour nous un tel titre.  En fait  nous répétons, selon la tradition,  ce que les Pères de l’Eglise ont dit dans les premiers siècles et ont inscrit dans les confessions de foi. Jésus a ainsi été enfermé dans cette réalité depuis les premiers temps de  l’Eglise et nous croyons que c’est une formule immuable qui s’impose d’elle-même. Nous pensons qu’elle fait partie de l’être même de Jésus. Nous l’affirmons dans nos discussions avec les juifs et les musulmans et nous restons surpris de ce qu’ils ne reconnaissent pas Jésus dans les mêmes termes que nous. Nous pensons que c’est sur ce titre que repose le point de rupture entre eux et nous. Cela reste à démontrer.

Jésus n’aurait sans doute pas aimé qu’on l’enferme dans une définition, même si elle exprime le mieux possible les critères de la foi. Tout au long de  sa vie Jésus a résisté à ce genre de tentative, c’est pourquoi il a accepté qu’on le désigne sous divers titres. Il est le Messie, le fils de l’homme, l’Emmanuel, le Nazoréen.  Il n’a voulu être vraiment ni prophète, ni rabbi, ni guérisseur, il était tout à la fois. Ainsi, même les Ecritures divergent sur l’accusation portée contre lui lors de son procès et on ne sait pas sur quel chef d’inculpation il a vraiment été exécuté. Ponce Pilate a signé à contre cœur la sentence de mort qui l’a envoyé à la potence comme roi des juifs, mais les grands prêtres ont vu en lui  un blasphémateur qui aurait mal parlé contre Dieu et contre le Temple. On précise même qu’on a eu du mal à  trouver des faux témoins capables de se mettre d’accord entre eux. Si Ponce Pilate essaye une ultime tentative pour le sauver, c’est qu’il n’y a pas de vrais critères qui l’accusent formellement.

Même dans sa mort, ses amis et ses ennemis n’ont pas su se mettre d’accord. De son vivant, Jésus s’est lui-même tourné en dérision. Il s’est plu à se présenter comme un buveur et un mangeur. Il avait une étrange liberté dans son comportement vis-à-vis de ceux qui l’entouraient si bien qu’ il était inclassable. C’est ainsi qu’il renvoie tout triste un jeune homme pieux et bon pratiquant de la Loi alors qu’il fait la fête  chez un riche péager sans mettre ses revenus douteux en cause. Il laisse une  femme aux mœurs légères le caresser en publique et flirte  avec une autre auprès d’un puits, mais il refuse que sa mère s’approche de lui.


Nous n’épuiserons pas  la liste des attitudes surprenantes qu’il a pu avoir. Le monde dans lequel il évoluait et qu’il appelait son Royaume était fait de règles dont lui seul savait les définitions. S’il interdisait le divorce, il semblait tolérer l’adultère.  Nul n’a jamais réussi à le faire entrer dans une catégorie bien définie et  il s’est bien gardé de nous aider à le faire. C’est sans doute à cause de cela que l’on s’est mis d’accord sur le titre le plus difficile à porter, celui de Fils de Dieu.

C’est au moment de sa mort que les choses paraissent le plus compliqué à comprendre. C’est pourtant elle qui nous  donnent la clé qui nous permet d’accéder à ce mystère. Alors que ses accusateurs interrogent  Jésus  sur sa véritable nature, en utilisant ce titre de Fils de Dieu en forme de  dérision, c’est un païen qui, pris d’émotion  l’utilise pour exprimer son désarroi.  L’officier romain en constatant la mort de Jésus dit alors, « Celui-ci était véritablement le Fils de Dieu ».  Mais c’était trop tard, Jésus n’était plus.  C’est ainsi que s’accomplissait  le processus qui entraînait Jésus vers la mort par obéissance à Dieu, comme si Dieu lui-même voulait qu’il passe par là. Dieu qu’il appelait son Père s’était tu, bien qu’il fût présent alors qu’il agonisait,  et que Jésus malgré tout espérait une autre fin que celle qui était en train de se produire.  « Que cette coupe passe loin de moi avait-il dit » mais  Dieu n’intervint pas. Il refusa   de modifier le cours des choses. Au moment suprême, la dernière parole de Jésus fut une parole de désespoir qui  semblait  établir  une rupture entre lui et Dieu :  « Mon Dieu mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? ».

Nous avons ici assisté à un combat de Jésus contre lui-même et contre Dieu. Même si  ce combat devait s’ouvrir sur la résurrection et sur une promesse de vie pour Jésus et pour tous ceux qui croiraient  en lui, ce n’est tout de même pas cette issue qui a  rendu  le titre de Fils de Dieu évident.

Il  est très difficile dans ces conditions de rendre compte de ce qui s’est passé ce jour-là, le 7 avril de l’an 30.  Le projet de salut de Dieu en la personne de Jésus était rendu  cependant manifeste par la résurrection.   La vie de chaque croyant entrait avec Jésus ressuscité dans l’intemporalité de Dieu et  était absorbée par le divin.  Il y avait comme un chassé-croisé entre la mort de Jésus et la nôtre, entre la résurrection de Jésus et notre propre vie. Une telle réalité nous permettait de reconnaître en  Jésus le fils de Dieu mais  destinait en même temps chacun de ceux qui croient à devenir ses frères, si bien que quand nous  disons que Jésus est fils de Dieu, nous nous impliquons dans ce grand mouvement  de résurrection qu’il a initié. Nous nous trouvons alors personnellement impliqué dans ce titre que nous lui donnons.

C’est à cause de cela  que Jésus était insaisissable de son vivant  par des gens qui n’étaient pas encore  impliqués avec lui dans le mystère de sa passion.  Le titre de Fils de Dieu ne vise pas à enfermer  la personne de Jésus dans un dogmatisme étroit, mais à donner toute sa valeur  à la vie que nous recevons de lui au travers du mystère de sa passion.
  Ce n’est pas dans nos discours théologiquement correctes que jaillit l’espérance, mais c’est parce qu’un jour Dieu a laissé sa gloire anéantie dans la mort de Jésus  pour ressurgir dans la vie nouvelle qu’il nous offre.


Depuis cet évènement un immense souffle de liberté s’est emparé de l’humanité car tout geste qui fait vivre est désormais porteur de salut pour quiconque le reçoit. C’est la vie que Dieu lui donne qui élève Jésus au rang de Fils de Dieu et il  se passe la même chose pour  nous. La résurrection fait aussi de nous, à notre tour, des enfants de Dieu.  En donnant ce titre de Fils de Dieu à Jésus, nous impliquons aussi qu’il nous concerne personnellement.


Illustrations de Georges Rouault