mardi 28 mars 2017

Jean 11:1-45 Résurrection de Lazare - dimanche 2 avril 2017




1 Il y avait un malade, Lazare, de Béthanie, village de Marie et de Marthe, sa sœur. 2 Marie était celle qui oignit de parfum le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux, et c'était son frère Lazare qui était malade. 3Les sœurs envoyèrent dire à Jésus : Seigneur, voici, celui que tu aimes est malade. 4 Après avoir entendu cela Jésus dit : Cette maladie n'est pas pour la mort, mais pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle.

5 Or Jésus aimait Marthe et sa sœur et Lazare. 6 Quand il eut appris que celui-ci était malade, il resta encore deux jours à l'endroit où il était ; 7 puis il dit aux disciples : Retournons en Judée. 8 Les disciples lui dirent : Rabbi, les Juifs tout récemment cherchaient à te lapider, et tu y retournes ! 9 Jésus répondit : N'y a-t-il pas douze heures dans le jour ? Si quelqu'un marche pendant le jour, il ne trébuche pas, parce qu'il voit la lumière de ce monde ; 10mais si quelqu'un marche pendant la nuit, il trébuche, parce que la lumière n'est pas en lui. 11 Après ces paroles, il leur dit : Lazare, notre ami, s'est endormi, mais je pars pour le réveiller. 12 Les disciples lui dirent : Seigneur, s'il s'est endormi, il sera sauvé. 13 Jésus avait parlé de sa mort, mais eux pensèrent qu'il parlait de l'assoupissement du sommeil. 14 Alors, Jésus leur dit ouvertement : Lazare est mort. 15 Et, pour vous, je me réjouis de n'avoir pas été là, afin que vous croyiez. Mais allons vers lui. 16 Sur ce, Thomas, appelé Didyme, dit aux autres disciples : Allons, nous aussi, afin de mourir avec lui.

17 A son arrivée, Jésus trouva que Lazare était déjà, depuis quatre jours, dans le tombeau. 18 Or, Béthanie était près de Jérusalem, à quinze stades environ. 19Beaucoup de Juifs étaient venus vers Marthe et Marie pour les consoler au sujet de leur frère.
20 Lorsque Marthe apprit que Jésus arrivait, elle alla à sa rencontre, tandis que Marie restait assise à la maison. 21 Marthe dit à Jésus : Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. 22 Mais maintenant même, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera. 23 Jésus lui dit : Ton frère ressuscitera. 24 Je sais, lui répondit Marthe, qu'il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. 25 Jésus lui dit : Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort ; 26et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? 27 Elle lui dit : Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde.

28  Après avoir dit cela, elle s'en alla. Puis elle appela Marie, sa sœur, et lui dit secrètement : Le Maître est ici, et il t'appelle. 29 Dès que Marie eut entendu, elle se leva promptement et se rendit vers lui ; 30 car Jésus n'était pas encore entré dans le village, mais il était à l'endroit où Marthe l'avait rencontré. 31 Les Juifs qui étaient dans la maison avec Marie et qui la consolaient, la virent se lever promptement et sortir ; ils la suivirent, pensant qu'elle allait au tombeau pour y pleurer.

32  Lorsque Marie fut arrivée là où était Jésus et qu'elle le vit, elle tomba à ses pieds et lui dit : Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. 33 Quand Jésus vit qu'elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, il frémit en son esprit et fut troublé. 34 Il dit : Où l'avez-vous mis ? Seigneur, lui répondirent-ils, viens et vois.
35 Jésus pleura. 36 Les Juifs dirent donc : Voyez comme il l'aimait ! 37 Et quelques-uns d'entre eux dirent : Lui qui a ouvert les yeux de l'aveugle, ne pouvait-il pas faire aussi que cet homme ne meure pas ? 

38 Jésus, frémissant de nouveau en lui-même, se rendit au tombeau. C'était une grotte, et une pierre était placée devant. 39 Jésus dit : Ôtez la pierre. Marthe, la sœur du mort, lui dit : Seigneur, il sent déjà, car c'est le quatrième jour. 40 Jésus lui dit : Ne t'ai-je pas dit que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? 41 Ils ôtèrent donc la pierre. Jésus leva les yeux en haut et dit : Père, je te rends grâces de ce que tu m'as exaucé. 42Pour moi, je savais que tu m'exauces toujours, mais j'ai parlé à cause de la foule de ceux qui se tiennent ici, afin qu'ils croient que c'est toi qui m'as envoyé. 43 Après avoir dit cela, il cria d'une voix forte : Lazare, sors ! 44 Et le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandelettes, et le visage enveloppé d'un linge. Jésus

45  Plusieurs des Juifs venus chez Marie, qui avaient vu ce qu'il avait fait, crurent en lui.


Pourquoi la tristesse et la stupeur pèsent-elles aussi lourdement sur ce passage qui anticipe la résurrection glorieuse de Jésus? Nous aurions pu espérer de la part de l’Évangile un récit qui serait comme une avant première de la résurrection finale telle que Paul nous la décrit avec beaucoup de brio dans la première épître aux Thessaloniciens. Il envisage l’ouverture des tombeaux au son de la trompette de l’archange, et il imagine les vivants, ceux qui ne sont pas encore morts, qui s’élèvent dans les nuées à la rencontre du Seigneur ! L’évocation est sans doute un peu pompeuse, elle donne dans le genre de Cécile B. de Milles. Mais pourquoi tant de tristesse dans le récit de l’Evangile. Pourquoi la résignation de Thomas et pourquoi les larmes de Jésus ?

Nous allons découvrir que ce texte ne nous parle pas tellement de la résurrection des morts, mais de la résurrection des vivants. Il va plus s’agir de la résurrection de Marthe qui est encore vivante que de celle de Lazare qui est déjà mort. Nous allons découvrir que pour Jésus la frontière entre la vie et la mort ne se situe pas là où nous la mettons habituellement.


Il est vrai que Paul et Jésus ne se situent pas sur le même plan et qu’ils ne sont pas dans la même situation. Paul fait un exercice de style et il imagine, compte tenu de sa propre foi ce que sera la résurrection finale. Jésus se trouve confronté avec la mort d’un ami qui lui est cher et dans ce contexte le chagrin et la tristesse ont force de loi. Même Jésus n’échappe pas à l’émotion. Il pleure. Ce qu’il a à dire et ce qu’il va faire n’auront aucune valeur s’il ne partage pas d’abord les émotions de ses amis. Plutôt que de donner des indications sur les merveilles de l’au-delà, Jésus rejoint ses amies dans leur désarroi qu’il partage avec elles.

Pour les secourir Jésus entre en communion avec elles. La présence de Jésus se manifeste d’abord par le partage et l’écoute. Il partage le chagrin de ses amies sans pourtant se laisser dominer par lui. C’est ainsi Jésus entre dans nos propres vies, et qu’il partage nos soucis. Il souffre de nos souffrances et pleure de notre chagrin pour pouvoir les faire évoluer afin qu’ils prennent une autre dimension. Ici, il va s’agir de faire sortir ses amies du chagrin de la mort pour entrer dans l’éblouissement de la résurrection sans pourtant heurter leurs sensibilités blessées par la rupture qu’a créée cette mort brutale.

Observez avec quelle délicatesse, Jésus entre dans le chagrin de ses amies sans se laisser prendre par la mort. Les deux femmes sont cloîtrées dans leur deuil et dans le respect de leurs traditions. Bien que vivantes encore, elles sont comme enfermées dans leur maison et dans leur chagrin comme dans la mort. Les seuls signes qui manifestent qu’elles vivent encore, ce sont les signes du chagrin, mais à ce niveau là, vivent-elles encore? Jésus arrive discrètement, mais il arrive trop tard.


Pourquoi  le consolateur semble-t-il arriver toujours trop tard , ou en tout cas au mauvais moment ? C’est bien souvent ce qui se passe quand nous sommes amenés à participer au deuil d’une famille et que nous essayons de dire une parole de réconfort. Nos paroles semblent vaines, nos propos sur la résurrection  insolites, nos versets bibliques, mal venus. L’espérance que l’on voudrait communiquer prend la saveur du désespoir, nos paroles semblent en porte à faux avec la situation, il aurait fallu les dire plus tôt, mais nous n’en avons pas eu l’occasion.

Jésus sait tout cela, c’est pourquoi il n’entre pas dans ce lieu de mort, il reste à l’extérieur du village, là où peut être il y a encore de la vie et de l’espoir. Il ne parle pas, il attend. Marthe sort de la maison, elle sort de son deuil pour venir à lui, elle se met en mouvement, et déjà elle entre dans un processus de vie. Elle sort du lieu de la mort pour aller vers l’espérance. Elle va vers Jésus et quelque chose se passe.

Il est sans doute impossible de décrire ce qui se passe avec des mots normaux, car ce n’est pas dans les mots que ça se passe. Ils échangent des paroles de convention sur la mort et la résurrection, mais parce que Marthe est sortie de chez elle, parce qu’elle a suivi le mouvement de son désir, les paroles échangées avec Jésus se revêtent d’une force nouvelle. Elle découvre que la résurrection n’est pas pour un futur lointain. La résurrection est là où se situe Jésus. Et parce que Jésus est là, Dieu est présent et elle n’a pas besoin d’autre chose. La puissance de vie qui émane de Jésus l’envahit et la mort physique de son frère ne semble plus avoir d’incidence sur elle. C’est vers sa sœur qu’elle se tourne pour qu’elles partagent ensemble cette nouvelle forme de vie qui dépasse la mort.


C’est une Marthe transformée qui court vers Marie. Elle devient missionnaire de la bonne nouvelle qui est en elle et qu’elle ne sait pas décrire encore. Marie, au seul nom de Jésus sort aussitôt de sa réserve et de son deuil et s’offre à Jésus pour être transformée comme sa sœur. Jésus a fait un magnifique travail auprès des deux femmes. Il est venu vers elles avec la compassion nécessaire et il a attendu que l’élan de leur cœur et l’amour qu’elles ont pour lui éveillent en elles un désir tel qu’elles s’extraient elles-mêmes de la situation de mort où elles sont enfermées. C’est alors qu’avec tendresse, Jésus peut les revêtir de résurrection. Elles changent alors de manière de penser et d’agir, parce que Jésus par sa seule présence a permis que s’accomplisse en elles le vrai miracle de la résurrection.

Ce vrai miracle est celui que Jésus réserve à chacune et à chacun de nous. Il nous apprend que sans doute nous nous croyons vivants mais qu’en fait nous sommes déjà morts. Pour chacune et chacun de ceux qui croient, Jésus se tient avec tendresse dans l’espace de leur vie et pour chacun d’eux il a les mots qui conviennent quand ils se décident à aller vers lui. Y a-t-il en nous ce désir qui nous pousse à aller au delà de nous-mêmes vers celui qui fait vivre ?

Même ceux qui croient ont du mal à penser que la résurrection commence maintenant. Nous avons vu que cette transformation dans la pensée des deux femmes est le résultat d’un lent processus. Patiemment Jésus a attendu que ces deux femmes découvrent dans ses paroles et sa personne une dimension nouvelle de la vie. Il a attendu que surgisse en elles le désir de vivre autrement. Il en est de même pour nous. Nous devons trouver en nous la force de faire les premiers pas pour goûter dès maintenant de la vie nouvelle que Jésus donne. Mais cela ne nous évite pas les moments de chagrin et de deuil. Ils sont même nécessaires pour qu’après le deuil, tous les deuils, le désir de vivre s’empare de nous et la conviction de la résurrection prenne enfin sa place. Jésus sait tout cela et c’est cela qu’il pratique avec ses deux amies.

Mais  le récit ne s’arrête pas là, il va encore plus loin, la bonne nouvelle de la résurrection est aussi pour ceux qui sont morts. Elle est pour ceux qui semblent définitivement murés dans leur tombeau. Jésus ne fait pas de différence entre les morts et les vivants. Il s’occupe de Lazare de la même manière qu’il l’a fait pour Marthe et Marie, comme si la mort n’était pas un obstacle à son action.

Quelque soit le tombeau où nous sommes enfermés, quels que soit la situation de mort qui nous opprime, Jésus est là pour donner à notre vie une dimension nouvelle qui anticipe la résurrection quand elle viendra au dernier jour. Jésus a une bonne nouvelle pour tous ceux qui se sentent enfermés. Il nous donne, à nous les ressuscités une mission : comme Marthe a du courir pour chercher Marie et l’amener à la vie, de même les témoins que Jésus met au bénéfice de la même expérience doivent aider les morts à se libérer. C’est pour signifier cela qu’il demande aux témoins d’aider Lazare, à se défaire des bandelettes qui le retiennent dans la mort. « Déliez-le, dit Jésus et laissez-le aller ».


Qu'est ce à dire ? Si non que les candidats à la résurrection que vous êtes sont invités à délier les liens qui retiennent tous ceux qui sont dans une situation de mort. Jésus fera le reste. Il n’y a pas de frontières pour Jésus entre ce monde-ci et celui de ceux qui ne sont plus, ce n’est qu’une question d’appréciation. Il y a possibilité de résurrection pour tous et nous devons donc être des instruments de libération pour tous. Nous nous souviendrons que le Consolateur est toujours attendu et qu’il ne vient jamais trop tard car il y a toujours de la place pour l’espérance. 


Les  illustrations sont de Gérard de Saint Jean (Geertgen-1465-1495) Primitif Flamand Musée du louvre

jeudi 16 mars 2017

1 Samuel 16:1-13 : Comment Dieu intervient-il dans l'histoire ; dimanche 26 mars 2016




1Le SEIGNEUR dit à Samuel : Jusqu'à quand pleureras-tu sur Saül ? Moi, je l'ai rejeté : il ne sera plus roi sur Israël. Remplis ta corne d'huile et va. Je t'envoie chez Jessé, le Bethléhémite, car j'ai vu mon roi parmi ses fils.
2Samuel dit : Comment irais-je ? Saül l'apprendra et il me tuera. Le SEIGNEUR dit : Tu emmèneras avec toi une génisse et tu diras : « Je viens offrir un sacrifice au SEIGNEUR. »
3Tu inviteras Jessé au sacrifice ; je te ferai savoir moi-même ce que tu dois faire, et tu conféreras pour moi l'onction à qui je te dirai.
4Samuel fit ce que le SEIGNEUR avait dit ; il se rendit à Beth-Léhem. Les anciens de la ville vinrent en tremblant à sa rencontre et lui dirent : Bienvenue !
5Il répondit : Bonjour ! Je viens pour offrir un sacrifice au SEIGNEUR. Consacrez-vous et venez avec moi au sacrifice. Il consacra aussi Jessé et ses fils et les invita au sacrifice.
6Lorsqu'ils arrivèrent, il se dit, en voyant Eliab : A coup sûr, le SEIGNEUR a devant lui l'homme de son onction !
7Mais le SEIGNEUR dit à Samuel : Ne prête pas attention à son apparence et à sa haute taille, car je l'ai rejeté. Il ne s'agit pas de ce que l'homme voit ; l'homme voit ce qui frappe les yeux, mais le SEIGNEUR voit au cœur.
8Jessé appela Abinadab et le fit passer devant Samuel. Samuel dit : Le SEIGNEUR n'a pas non plus choisi celui-ci.
9Jessé fit passer Shamma, et Samuel dit : Le SEIGNEUR n'a pas non plus choisi celui-ci.
10Jessé fit passer sept de ses fils devant Samuel, et Samuel dit à Jessé : Le SEIGNEUR n'a choisi aucun d'eux.
11Puis Samuel dit à Jessé : N'y a-t-il plus d'autres jeunes gens ? Et il répondit : Il reste encore le petit, mais il fait paître le troupeau. Alors Samuel dit à Jessé : Envoie quelqu'un le chercher, car nous ne nous installerons pas avant qu'il soit arrivé ici.
12Jessé l'envoya chercher. Or il était roux, il avait de beaux yeux et une belle apparence. Le SEIGNEUR dit à Samuel : Confère-lui l'onction, c'est lui !
13Samuel prit la corne d'huile et lui conféra l'onction parmi ses frères. A partir de ce jour-là, le souffle du SEIGNEUR s'empara de David. Quant à Samuel, il s'en alla à Rama.


Dieu intervient-il dans le cours de l’histoire ? A-t-il une influence sur  les acteurs de ce monde et oriente-t-il leurs plans ? Intervient-il pour modifier le cours des choses quand elles ne vont pas dans le sens où il le souhaite ? Toutes ces questions sont posées dans ce chapitre 16 du premier  livre de Samuel. Elles fournissent  même une réponse à celui qui sait poser les bonnes questions. Un survol rapide de ce récit laisserait entendre que Dieu agit à sa guise et qu’il utilise les hommes, comme il l’entend  pour orienter  les événements.  A vrai dire, ce n’est pas si simple, car les hommes ne sont pas des jouets dans ses mains et les événements n’obéissent pas à sa volonté  comme par automatisme.

Ici, Dieu discerne dans les qualités d’un enfant sa capacité à diriger correctement le  pays. Même si cela n’est pas clairement dit, il faudra que cet enfant assume lui-même les responsabilités qui lui incombent pour accomplir son destin. Si Samuel discerne en lui les capacités qui sont les siennes pour devenir roi, ce sera à lui d’agir de telle sorte que son destin se réalise selon  la volonté de Dieu.   Mais avant de  voir  comment  David va assumer sa tâche, il va falloir que nous prenions en compte le fait  que  le soutient que Dieu  semble lui accorder repose  sur une injustice qui est révélée par ces quelques questions : Pourquoi lui et pas un autre ? Pourquoi Saül est-il rejeté et pourquoi David est-il favorisé ? Pour comprendre ce qui se cache derrière ces questions,  il va nous falloir remonter  légèrement en arrière dans le cours du récit.

Le récit oppose le roi Saül qui subit la défaveur de Dieu au futur roi David qui bénéficie de la faveur de ce même Dieu.  Saül avait autant de qualités pour être roi que David. Comme lui il était issu d’un milieu rural. Il était berger et  s’occupait  des ânes de son Père. Comme lui il avait une belle prestance. Que fit-il pour que son règne soit perçu comme un échec ?  Il déplu à Dieu en n’exécutant pas à la lettre les ordres qui lui avaient été transmis par Samuel.  Il offrit le sacrifice à la place de Samuel retardé,  il ne fit pas respecter à la lettre l’interdit. A la suite de chacune de ses erreurs, somme toute assez minimes en considération de celles que commit David plus tard,  il se repentit et demanda à Dieu de lui accorder son pardon, ce qui lui fut refusé.  Ses crises de folies furent  interprétées par les auteurs du texte comme des signes de la réprobation  divine  et   une  prise de possession de son âme par un esprit  mauvais. Et jamais il ne put en être délivré ni par Samuel, ni par Dieu.


A l’opposé, les erreurs de David furent  nombreuses, et finirent toujours par être pardonnées, même les plus graves. En fait, les auteurs expliquent les revers de l’un et les succès de l’autre  comme le résultat du regard que Dieu portait sur eux. Si tel est le sentiment que laissent transparaître le récit, il apparaitrait alors que Dieu interviendrait dans le cours de l’histoire d’une manière injuste et arbitraire.

Après ces réflexions nous pouvons reprendre le petit récit sur l’onction de David qui laisse entendre que la raison du plus fort n’est pas la meilleure. Il ne faut pas se fier aux apparences, c’est pourquoi les sept ainés sont écartés. Mais une question reste cependant en suspens. Pourquoi la famille de Jessée (Isaïe) a-t-elle été choisie ? La question reste sans réponse. Pour  y comprendre quelque chose, il faut considérer que l’histoire  a été rapportée  bien longtemps après les événements par les historiographes de David qui ont voulu montrer,  en  présentant  les choses ainsi, que  la dynastie  de David avait eu  les faveurs de Dieu dès les origines.  Malgré la volonté des auteurs d’orienter le récit en faveur de David, ils donnent cependant à Dieu une  apparence d’impartialité. Sa faveur va vers celui qui a le moins de chance. Il est encore un  jeune berger  et il n’est pas encore perverti par l’ambition. Il a donc toutes les chances d’être un bon roi s’il laisse parler son cœur. C’est le défit que pose le texte à l’avenir.  Mais tout cela repose sur l’arbitraire de Dieu puisqu’on ne sait rien des autres frères, si non que Dieu les a rejetés à l’avance. Dieu en  fait serait-il injuste ?

Nous nous sommes appliqués  à rendre compte du  malaise que fait naître dans  l’esprit de tout lecteur le fait qu’on ait montré que Dieu malgré une liberté que personne ne lui reproche se comportait d’une manière  injuste et partiale dans ces décisions et ses affections. A moins qu’il faille lire le texte autrement 

 On s’attachera alors  à comprendre que  l’action de Dieu  auprès du nouveau roi n’est pas liée à la faveur qu’il sera sensé lui accorder, mais à la manière dont le roi saura  écouter Dieu cœur à cœur.  Le projet de Dieu se réalisera dans la mesure où Dieu  sera entendu par le roi.  Pour David, comme pour tout homme qui se réfère à Dieu, la volonté de celui-ci se réalise dans la mesure où Dieu sera écouté et entendu. Dieu ne se propose pas d’intervenir dans  le cours des armes, mais il se propose d’agir sur la conscience des individus. Ce texte est écrit pour glorifier les actions de David, sans aucun doute, c’est pourquoi il a accablé Saül,  et la défaveur de Saül n’est donc pas à impliqué à Dieu, mais  doit être attribuée à la partialité des narrateurs.

Reste encore à déterminer comment Dieu inspire  celui qui a la charge de diriger le peuple. Certes, il est dans l’esprit de ceux qui ont rédigé ce récit de démontrer qu’Israël et le roi David  doivent être donnés en  exemple. Les nations doivent prendre leçon de leur comportement pour comprendre l’action de Dieu à travers le roi et son peuple. C’est la  bonne conduite du roi  et de son peuple  qui est garante de l’honneur de Dieu à la face du monde.

Mais comment le roi fera-t-il pour comprendre la volonté de Dieu ?    Celle-ci ne se manifeste pas seulement dans les intuitions intimes du monarque.  Il trouvera l’expression de la volonté de Dieu dans les textes fondateurs tels  le livre de l’Exode par exemple qui  en donne un aperçu clair et précis dans les dix commandements.  On la trouve aussi dans les textes  des livres des  prophètes   qui trouvèrent leur formulation  définitive à l’époque où les textes  relatant l’histoire des rois furent écrits. Ils insistent sur le respect  que l’on doit à  la veuve et  à l’orphelin, sur l’accueil de l’étranger et de l’immigré, sur la libération nécessaire des esclaves. Si le roi s’appuie sur de telles recommandations, son action sera conforme à la volonté de Dieu.

On trouvera donc dans ce récit de l’enfant  innocent, gardien de troupeaux, promis à la royauté,  le texte fondateur de la dynastie royale.  Elle laisse entendre que Dieu intervient dans l’histoire non pas, par des actes remarquables mais par la mise en œuvre de sa volonté par ceux qui se mettent à son écoute alors qu’ils ont la charge de gouverner le pays. Mais ce texte correspond plus à un souhait concernant le monarque qu’à la réalité. Si Dieu a cherché à inspirer les rois, ceux-ci n’en ont pas moins fait selon leur fantaisie.

jeudi 9 mars 2017

Exode 17: 3-7 - Moïse et le rocher - dimanche 19 mars 2017




Exode 17: 3 Là, le peuple avait soif, le peuple maugréait contre Moïse. Il disait : Pourquoi donc nous as-tu fait monter d’Egypte, si tu nous fais mourir de soif, moi, mes fils et mes troupeaux ? 4 Moïse cria vers le SEIGNEUR : Que dois-je faire pour ce peuple ? Encore un peu, et ils me lapideront ! 5 Le SEIGNEUR dit à Moïse : Passe devant le peuple et prends avec toi des anciens d’Israël ; prends aussi ton bâton, avec lequel tu as frappé le Nil, et tu t’avanceras. 6 Quant à moi, je me tiens là, devant toi, sur le rocher, en Horeb ; tu frapperas le rocher, il en sortira de l’eau, et le peuple boira. Moïse fit ainsi, sous les yeux des anciens d’Israël. 7 Il appela ce lieu du nom de Massa (« Provocation ») et Meriba (« Querelle »), parce que les Israélites avaient cherché querelle, et parce qu’ils avaient provoqué le SEIGNEUR, en disant : Le SEIGNEUR est-il parmi nous ou non ?



Ce peuple harassé par sa marche, en pleine asthénie à cause de la soif manque-il vraiment de foi vis-à-vis de Dieu qui a fait naître en lui le désir de liberté par l’entremise de Moïse ? Dieu serait-il un dieu pervers qui attendrait des actes de foi prodigieux pour stimuler les hommes qui se réclament de lui en les culpabilisant ? C’est ce que suscite en nous une lecture trop superficielle de ce texte, et tout être raisonnable serait donc amené  à se détourner d’une telle divinité. Mais ce n’est pas ainsi que nos ancêtres huguenots  ont compris ce texte. C’est pourtant au nom de ce Dieu que beaucoup d’entre eux ont risqué leur vie, se sont fait prendre par les dragons du roi et sont allés mourir aux galères. Dieu ne leur a pas envoyé ces épreuves pour tester leur foi, mais il a donné, à ceux qui n’ont pas succombé sous les coups la force de vivre et d’avancer vers la liberté et nul n’aurait osé dire qu’ils avaient manqué de foi.

C’est avec cette image des peuples avides de liberté et qui n’ont pas forcément réussi à la concrétiser que nous aborderons ce texte aujourd’hui.

On a retenu de cet événement que Dieu, après avoir compris le poids de la détresse et de l’oppression d’un peuple réduit en esclavage a décidé de s’attacher à lui et d’organiser sa délivrance à son corps défendant. L’histoire a fait de cette histoire  le signe même  de l’action de Dieu au milieu des hommes. Elle a servie de motivation aux esclaves  américains,  aux Huguenots en France et  de justificatif à la théologie de la libération. C’est ainsi que pour  pousser ce peuple   dans  l’aventure. Dieu a donné à Moïse vocation de provoquer en lui le désir de liberté, et c’est lui  qui l’ a accompagné ce sur les routes du désert dans l’attente de voir se réaliser son rêve de s’installer  sur  une terre où coule le lait et le miel. Pourtant, c’est une longue période d’errance et de déception qui s’ouvrira  sous  les pas de  ce peuple gonflé d’espérance avant qu’il atteigne son but.

Une telle histoire  aussi exaltante n’a cessée de se reproduire depuis des siècles dans toutes les  sociétés avides de changement. Les itinéraires  n’étaient  pas les mêmes, mais les enjeux sont restés les mêmes. Le désert qu’il fallait traverser à dos de chameaux est devenu de nos jours une mer,  qu’il faut affronter sur de précaires coquilles de noix. La terre d’accueil où les demandeurs de mieux être, espèrent partager l’abondance des pays nantis, devient un mirage et s’éloigne de ceux qui espèrent. Les lieux de refuge deviennent plus inhumains que  la terre de départ. Croyant fuir l’esclavage, ils tombent dans la misère et comme sur la terre qu’ils ont quittée, ils restent des  peuples exploités.


Il n’est pas difficile de faire un parallèle entre la situation des réfugiés actuels et la situation des Hébreux qui se sentaient abandonnés par  ce Dieu qui avait provoqué leur libération. Cette histoire, malgré tout banale, en comparaison des drames que vivent les réfugiés modernes, semble mettre Dieu en accusation.  Certes le peuple libéré de l’esclavage n’avait pas demandé qu’il agisse en leur faveur. Trop exploités, ils n’avaient pas les moyens de redresser la tête ni d’imaginer une délivrance quelconque. Un peuple sans espérance n’a pas les moyens de se révolter. Depuis des siècles il subissait son  sort sans  broncher.

Pourtant l’espérance qui semblait impossible s’est quand même  produite. Les intrigues de cour du moment ont provoqué une rivalité entre princes. La libération de ce peuple opprimé devint l’enjeu du défi qu’ils se jetèrent l’un à l’autre. Ce fut le début de l’histoire : «  Laisse partir mon peuple, Let my  people go. » Ce n’est pas pour s’approprier le pouvoir que le prince qui défendait les esclaves s’opposait au prince régnant,  c’est pour une question de philosophie : le droit à la liberté.

Voila qui est nouveau. Le droit à la liberté n’est pas une invention des philosophes du dix huitième siècle, c’est un principe qui remonte à la nuit des temps et dont l’origine serait en Dieu, c’est en tout cas ce qui ressort de ce texte.  Les théologiens et les historiens se battent entre eux  pour dater l’origine de ce récit. Qu’importe la date ! Il est clair qu’au cinquième siècle avant Jésus Christ, date de rédaction de ce texte, l’affaire était pliée. Ainsi la première action attribuée à  Dieu  dans l’histoire, le fait apparaître comme un pourvoyeur de liberté. On l’oubliera par la suite.

La notion de liberté et la notion de vie sont toutes proches l’une de l’autre. C’est en vertu de ce principe que  l’enfant expulsé de la prison du ventre de sa mère en sort pour affronter la vie. Le poussin enfermé lui aussi dans son œuf doit casser la coquille qui le retient à l’intérieur pour en sortir et  se préparer à vivre. Le peuple hébreu, séduit par ce prince qui ne revendiquait pas le pouvoir pour lui-même mais qui risquait sa vie pour réclamer le droit à la liberté, fut conquis par son  enthousiasme. Cet enthousiasme lui donna la force  de bousculer le joug qui l’opprimait.  Tels des  poussins brisant leur coquille, ils trouvèrent leur raison de vivre et d’espérer  en Moïse dont ils adoptèrent  le Dieu comme libérateur.

Sur le plan théologique et sur le plan spirituel, tout cela prend du sens et vient alimenter notre foi. Mais on ne peut pas s’en tenir là et se satisfaire de ces principes sans poser la question : pourquoi, cela ne marche-t-il pas, ou pourquoi cela ne marche-t-il que rarement?  C’est en formulant cette question  que nous retrouvons les Hébreux en plein désert, crevant de soif. La dureté du moment a asséché leur espérance. Moïse qui les conduisait n’avait pas vraiment de solution de rechange. Etait-ce la fin de l’expérience ? Etait-ce l’échec de l’entreprise ? Moïse s’était-il  fourvoyé, le Dieu qui était à l’origine de tout cela n’était-il que du vent  sans  pouvoir ? Cette question  revient  d’une façon lancinante.  Pourquoi Dieu qui est à l’origine de tout cela attendit-il si longtemps  pour répondre à leur nécessité immédiate ?  La seule bonne réponse était-elle celle d’un miracle  en dernier recours ?

L’auteur du texte suggère sans le dire (1) qu’ils avaient manqué de foi, qu’ils étaient ingrats et toujours revendicateurs, qu’ils étaient un peuple insatisfait  qui fatiguait  ceux qui leur voulaient leur  bien, à commencer par Dieu. Mais l’espérance en Dieu, face à l’échec apparent ne finit-elle pas par mourir ?  En effet, l’espérance est quelque chose qui vit en nous et pour  qu’elle vive quand plus rien ne nous retient dans la vie,  il faudrait un miracle. L’auteur a compris  que sans l’intervention de Dieu l’histoire allait  tourner court et s’arrêter là, c’est pourquoi sous la plume du narrateur, il a suffi d’un coup de baguette pour que se produise le miracle.  L’histoire repartit  alors et le peuple fut accusé de manquer de foi ! Mais c’était trop facile. Et c’est désespérant pour tous ceux qui ont échoué.

Dans les histoires modernes,  Dieu dispose rarement de  baguettes pour faire évoluer les situations de manière heureuse et surtout il ne dispose pas forcément de mains fermes, telles celles de Moïse pour manier la baguette pourvoyeuse de solutions propices.


Bien qu’audacieux et entreprenant au départ, le dynamisme des peuples en marche perd son énergie à mesure que se succèdent les échecs. Ils perdent l’audace qui les fait avancer.  Si la bonne solution  réside  dans le miracle qui regonflera leur dynamisme, il faut se demander qui aura la force de saisir la baguette que Dieu tend aux hommes pour apporter la solution souhaitée ? La réponse est dans la question ! elle se trouve dans le cœur de celui qui se sent concerné pour faire le geste que Dieu attend des hommes pour réaliser le miracle. Déjà Jésus qui a passé sa vie  à nous motiver, tend le doigt dans notre direction et espère une réponse de ceux qui ont compris son Évangile.

Il lui faut des mains capables de  tenir la baguette et désireuses de collaborer avec Dieu à l’amélioration du monde. Jésus appelle tous les hommes en aussi grand nombre que nécessaire pour que, autant de miracles que possibles,  se produisent. Ce ne sont pas de  grands miracles qui sont souvent demandés. Ici, ce ne sont  que quelques gouttes d’eau pour assouvir la soif qui rendront  l’espérance et permettront  à ceux qui sont en manque d’avancer, car Dieu a besoin des hommes, de tous ces croyants que nous sommes, pour qu’un avenir meilleur s’ouvre devant les pas de  ceux qui espèrent en lui.  

(1)  Voir aussi le texte parallèle de  Nb 20 :13

(2)   Illustrations: Eglise Notre Dame de Beaulieu Briatexte  – Nicolaï Grechny