vendredi 25 mars 2011

Jean 11:1-45 La résurrection de Lazare dimanche 2 avril 2011



Jean 11 :1-45

Résurrection de Lazare


1 Il y avait un malade, Lazare, de Béthanie, village de Marie et de Marthe, sa sœur. 2 Marie était celle qui oignit de parfum le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux, et c'était son frère Lazare qui était malade. 3Les sœurs envoyèrent dire à Jésus : Seigneur, voici, celui que tu aimes est malade. 4 Après avoir entendu cela Jésus dit : Cette maladie n'est pas pour la mort, mais pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle.

5 Or Jésus aimait Marthe et sa sœur et Lazare. 6 Quand il eut appris que celui-ci était malade, il resta encore deux jours à l'endroit où il était ; 7 puis il dit aux disciples : Retournons en Judée. 8 Les disciples lui dirent : Rabbi, les Juifs tout récemment cherchaient à te lapider, et tu y retournes ! 9 Jésus répondit : N'y a-t-il pas douze heures dans le jour ? Si quelqu'un marche pendant le jour, il ne trébuche pas, parce qu'il voit la lumière de ce monde ; 10mais si quelqu'un marche pendant la nuit, il trébuche, parce que la lumière n'est pas en lui. 11 Après ces paroles, il leur dit : Lazare, notre ami, s'est endormi, mais je pars pour le réveiller. 12 Les disciples lui dirent : Seigneur, s'il s'est endormi, il sera sauvé. 13 Jésus avait parlé de sa mort, mais eux pensèrent qu'il parlait de l'assoupissement du sommeil. 14 Alors, Jésus leur dit ouvertement : Lazare est mort. 15 Et, pour vous, je me réjouis de n'avoir pas été là, afin que vous croyiez. Mais allons vers lui. 16 Sur ce, Thomas, appelé Didyme, dit aux autres disciples : Allons, nous aussi, afin de mourir avec lui.

17 A son arrivée, Jésus trouva que Lazare était déjà, depuis quatre jours, dans le tombeau. 18 Or, Béthanie était près de Jérusalem, à quinze stades environ. 19Beaucoup de Juifs étaient venus vers Marthe et Marie pour les consoler au sujet de leur frère.
20 Lorsque Marthe apprit que Jésus arrivait, elle alla à sa rencontre, tandis que Marie restait assise à la maison. 21 Marthe dit à Jésus : Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. 22 Mais maintenant même, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera. 23 Jésus lui dit : Ton frère ressuscitera. 24 Je sais, lui répondit Marthe, qu'il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. 25 Jésus lui dit : Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort ; 26et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? 27 Elle lui dit : Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde.

28  Après avoir dit cela, elle s'en alla. Puis elle appela Marie, sa sœur, et lui dit secrètement : Le Maître est ici, et il t'appelle. 29 Dès que Marie eut entendu, elle se leva promptement et se rendit vers lui ; 30 car Jésus n'était pas encore entré dans le village, mais il était à l'endroit où Marthe l'avait rencontré. 31 Les Juifs qui étaient dans la maison avec Marie et qui la consolaient, la virent se lever promptement et sortir ; ils la suivirent, pensant qu'elle allait au tombeau pour y pleurer.

32  Lorsque Marie fut arrivée là où était Jésus et qu'elle le vit, elle tomba à ses pieds et lui dit : Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. 33 Quand Jésus vit qu'elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, il frémit en son esprit et fut troublé. 34 Il dit : Où l'avez-vous mis ? Seigneur, lui répondirent-ils, viens et vois.
35 Jésus pleura. 36 Les Juifs dirent donc : Voyez comme il l'aimait ! 37 Et quelques-uns d'entre eux dirent : Lui qui a ouvert les yeux de l'aveugle, ne pouvait-il pas faire aussi que cet homme ne meure pas ? 

38 Jésus, frémissant de nouveau en lui-même, se rendit au tombeau. C'était une grotte, et une pierre était placée devant. 39 Jésus dit : Ôtez la pierre. Marthe, la sœur du mort, lui dit : Seigneur, il sent déjà, car c'est le quatrième jour. 40 Jésus lui dit : Ne t'ai-je pas dit que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? 41 Ils ôtèrent donc la pierre. Jésus leva les yeux en haut et dit : Père, je te rends grâces de ce que tu m'as exaucé. 42Pour moi, je savais que tu m'exauces toujours, mais j'ai parlé à cause de la foule de ceux qui se tiennent ici, afin qu'ils croient que c'est toi qui m'as envoyé. 43 Après avoir dit cela, il cria d'une voix forte : Lazare, sors ! 44 Et le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandelettes, et le visage enveloppé d'un linge. Jésus

45  Plusieurs des Juifs venus chez Marie, qui avaient vu ce qu'il avait fait, crurent en lui.


Pourquoi la tristesse et la stupeur pèsent-elles aussi lourdement sur ce passage qui anticipe la résurrection glorieuse de Jésus? Nous aurions pu espérer de la part de l’Évangile un récit qui serait comme une avant première de la résurrection finale telle que Paul nous la décrit avec beaucoup de brio dans la première épître aux Thessaloniciens. Il envisage l’ouverture des tombeaux au son de la trompette de l’archange, et il imagine les vivants, ceux qui ne sont pas encore morts, qui s’élèvent dans les nuées à la rencontre du Seigneur ! L’évocation est sans doute un peu pompeuse, elle donne dans le genre de Cécile B. de Milles. Mais pourquoi tant de tristesse dans le récit de l’Évangile pour parler de ce qui est considéré comme une bonne nouvelle? Pourquoi la résignation de Thomas et pourquoi les larmes de Jésus ?

Nous allons découvrir que ce texte ne nous parle pas tellement de la résurrection des morts, mais de la résurrection des vivants. Il va plus s’agir de la résurrection de Marthe qui est encore vivante que de celle de Lazare qui est déjà mort. Nous allons découvrir que pour Jésus la frontière entre la vie et la mort ne se situe pas là où nous la mettons habituellement.

Il est vrai que Paul et Jésus ne se situent pas sur le même plan et qu’ils ne sont pas dans la même situation. Paul fait un exercice de style et il imagine, compte tenu de sa propre foi ce que sera la résurrection finale. Jésus se trouve confronté avec la mort d’un ami qui lui est cher et dans ce contexte le chagrin et la tristesse ont force de loi. Même Jésus n’échappe pas à l’émotion. Il pleure. Ce qu’il a à dire et ce qu’il va faire n’auront aucune valeur s’il ne partage pas d’abord les émotions de ses amis. Plutôt que de donner des indications sur les merveilles de l’au-delà, Jésus rejoint ses amies dans leur désarroi qu’il partage avec elles.

Pour les secourir Jésus entre en communion avec elles. La présence de Jésus se manifeste d’abord par le partage et l’écoute. Il partage le chagrin de ses amies sans pourtant se laisser dominer par lui. C’est ainsi que Jésus entre dans nos propres vies, et qu’il partage nos soucis. Il souffre de nos souffrances et pleure de notre chagrin pour pouvoir les faire évoluer afin qu’ils prennent une autre dimension. Ici, il va s’agir de faire sortir ses amies du chagrin de la mort pour entrer dans l’éblouissement de la résurrection sans pourtant heurter leurs sensibilités blessées par la rupture qu’a créée cette mort brutale.

Observez avec quelle délicatesse, Jésus entre dans le chagrin de ses amies sans se laisser prendre par la mort. Les deux femmes sont cloîtrées dans leur deuil et dans le respect de leurs traditions. Bien que vivantes encore, elles sont comme enfermées dans leur maison et dans leur douleur comme dans la mort. Les seuls signes qui manifestent qu’elles vivent encore, ce sont les signes du chagrin, mais à ce niveau là, vivent-elles encore? Jésus arrive discrètement, mais il arrive trop tard.

Pourquoi  le consolateur semble-t-il arriver toujours trop tard , ou en tout cas au mauvais moment ? C’est bien souvent ce qui se passe quand nous sommes amenés à participer au deuil d’une famille et que nous essayons de dire une parole de réconfort. Nos paroles semblent vaines, nos propos sur la résurrection  insolites, nos versets bibliques, mal venus. L’espérance que l’on voudrait communiquer prend la saveur du désespoir, nos paroles semblent en porte à faux avec la situation, il aurait fallu les dire plus tôt, mais nous n’en avons pas eu l’occasion.

Jésus sait tout cela, c’est pourquoi il n’entre pas dans ce lieu de mort, il reste à l’extérieur du village, là où peut être il y a encore de la vie et de l’espoir. Il ne parle pas, il attend. Marthe sort de la maison, elle sort de son deuil pour venir à lui, elle se met en mouvement, et déjà elle entre dans un processus de vie. Elle sort du lieu de la mort pour aller vers l’espérance. Elle va vers Jésus et quelque chose se passe.

Il est sans doute impossible de décrire ce qui se passe avec des mots normaux, car ce n’est pas dans les mots que ça se passe. Ils échangent des paroles de convention sur la mort et la résurrection, mais parce que Marthe est sortie de chez elle, parce qu’elle a suivi le mouvement de son désir, les paroles échangées avec Jésus se revêtent d’une force nouvelle. Elle découvre que la résurrection n’est pas pour un futur lointain. La résurrection est là où se situe Jésus. Et parce que Jésus est là, Dieu est présent et elle n’a pas besoin d’autre chose. La puissance de vie qui émane de Jésus l’envahit et la mort physique de son frère ne semble plus avoir d’incidence sur elle. C’est vers sa sœur qu’elle se tourne pour qu’elles partagent ensemble cette nouvelle forme de vie qui dépasse la mort.

C’est une Marthe transformée qui court vers Marie. Elle devient missionnaire de la bonne nouvelle qui est en elle et qu’elle ne sait pas décrire encore. Marie, au seul nom de Jésus sort aussitôt de sa réserve et de son deuil et s’offre à Jésus pour être transformée comme sa sœur. Jésus a fait un magnifique travail auprès des deux femmes. Il est venu vers elles avec la compassion nécessaire et il a attendu que l’élan de leur cœur et l’amour qu’elles ont pour lui éveillent en elles un désir tel qu’elles s’extraient elles-mêmes de la situation de mort où elles sont enfermées. C’est alors qu’avec tendresse, Jésus peut les revêtir de résurrection. Elles changent alors de manière de penser et d’agir, parce que Jésus par sa seule présence a permis que s’accomplisse en elles le vrai miracle de la résurrection.

Ce vrai miracle est celui que Jésus réserve à chacune et à chacun de nous. Il nous apprend que sans doute nous nous croyons vivants mais qu’en fait nous sommes déjà morts. Pour chacune et chacun de ceux qui croient, Jésus se tient avec tendresse dans l’espace de leur vie et pour chacun d’eux il a les mots qui conviennent quand ils se décident à aller vers lui. Y a-t-il en nous ce désir qui nous pousse à aller au delà de nous-mêmes vers celui qui fait vivre ?

Même ceux qui croient ont du mal à penser que la résurrection commence maintenant. Nous avons vu que cette transformation dans la pensée des deux femmes est le résultat d’un lent processus. Patiemment Jésus a attendu que ces deux femmes découvrent dans ses paroles et sa personne une dimension nouvelle de la vie. Il a attendu que surgisse en elles le désir de vivre autrement. Il en est de même pour nous. Nous devons trouver en nous la force de faire les premiers pas pour goûter dès maintenant de la vie nouvelle que Jésus donne. Mais cela ne nous évite pas les moments de chagrin et de deuil. Ils sont même nécessaires pour qu’après le deuil, tous les deuils, le désir de vivre s’empare de nous et la conviction de la résurrection prenne enfin sa place. Jésus sait tout cela et c’est cela qu’il pratique avec ses deux amies.

Mais  le récit ne s’arrête pas là, il va encore plus loin, la bonne nouvelle de la résurrection est aussi pour ceux qui sont morts. Elle est pour ceux qui semblent définitivement murés dans leur tombeau. Jésus ne fait pas de différence entre les morts et les vivants. Il s’occupe de Lazare de la même manière qu’il l’a fait pour Marthe et Marie, comme si la mort n’était pas un obstacle à son action.

Quelque soit le tombeau où nous sommes enfermés, quels que soit la situation de mort qui nous opprime, Jésus est là pour donner à notre vie une dimension nouvelle qui anticipe la résurrection quand elle viendra au dernier jour. Jésus a une bonne nouvelle pour tous ceux qui se sentent enfermés. Il nous donne, à nous les ressuscités une mission : comme Marthe a du courir pour chercher Marie et l’amener à la vie, de même les témoins que Jésus met au bénéfice de la même expérience doivent aider les morts à se libérer. C’est pour signifier cela qu’il demande aux témoins d’aider Lazare, à se défaire des bandelettes qui le retiennent dans la mort. « Déliez-le, dit Jésus et laissez-le aller ».

Qu'est ce à dire ? Si non que les candidats à la résurrection que vous êtes sont invités à délier les liens qui retiennent tous ceux qui sont dans une situation de mort. Jésus fera le reste. Il n’y a pas de frontières pour Jésus entre ce monde-ci et celui de ceux qui ne sont plus, ce n’est qu’une question d’appréciation. Il y a possibilité de résurrection pour tous et nous devons donc être des instruments de libération pour tous. Nous nous souviendrons que le Consolateur est toujours attendu et qu’il ne vient jamais trop tard car il y a toujours de la place pour l’espérance. 


Les  illustrations sont de Gérard de Saint Jean (Geertgen-1465-1495) Primitif Flamand Musée du louvre

mardi 15 mars 2011

Jean 9:1-41 guérison d'un aveugle dimanche 3 avril 2011



1 Jésus vit, en passant, un homme aveugle de naissance. 2 Ses disciples lui demandèrent : Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu'il soit né aveugle ? 3 Jésus répondit : Ce n'est pas que lui ou ses parents aient péché ; mais c'est afin que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui. 4 Il nous faut travailler, tant qu'il fait jour, aux œuvres de celui qui m'a envoyé ; la nuit vient où personne ne peut travailler. 5 Pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde.

6 Après avoir dit cela, il cracha par terre et fit de la boue avec sa salive. Puis il appliqua cette boue sur les yeux de l'aveugle 7 et lui dit : Va te laver au réservoir de Siloé — ce qui se traduit par Envoyé - . Il y alla, se lava et, quand il revint, il voyait. 8 Ses voisins, et ceux qui auparavant avaient vu qu'il était un mendiant, disaient : N'est-ce pas là celui qui se tenait assis et qui mendiait ? 9 Les uns disaient : C'est lui. D'autres disaient : Non, mais il lui ressemble. Et lui-même disait : C'est bien moi. 10 Ils lui dirent donc : Comment tes yeux ont-ils été ouverts ? 11 Il répondit : L'homme appelé Jésus a fait de la boue, me l'a appliquée sur les yeux et m'a dit : Va te laver à Siloé. J'y suis allé, je me suis lavé et j'ai recouvré la vue. 12 Ils lui dirent : Où est cet homme ? Il répondit : Je ne sais pas.

13 Ils menèrent vers les Pharisiens celui qui avait été aveugle. 14 Or c'était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux. 15 A leur tour, les Pharisiens lui demandèrent comment il avait recouvré la vue. Et il leur dit : Il a mis de la boue sur mes yeux, je me suis lavé et je vois. 16 Sur quoi, quelques-uns des Pharisiens disaient : Cet homme ne vient pas de Dieu, car il n'observe pas le sabbat. D'autres disaient : Comment un homme pécheur peut-il faire de tels miracles ? 17 Et il y eut division parmi eux. Ils dirent encore à l'aveugle : Toi, que dis-tu de lui, qu'il t'a ouvert les yeux ? Il répondit : C'est un prophète.

18 Les Juifs ne crurent pas qu'il avait été aveugle et qu'il avait recouvré la vue, avant d'avoir appelé ses parents. 19 Ils leur demandèrent : Est-ce là votre fils, dont vous dites qu'il est né aveugle ? Comment donc voit-il maintenant ? 20 Ses parents répondirent : Nous savons que c'est notre fils et qu'il est né aveugle ; 21 mais comment il voit maintenant, nous ne le savons pas, ou qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le, il est assez âgé pour parler de ce qui le concerne. 22 Ses parents dirent cela, parce qu'ils craignaient les Juifs, car les Juifs s'étaient mis d'accord : si quelqu'un confessait que Jésus était le Christ, il serait exclu de la synagogue. 23 C'est pourquoi ses parents dirent : Il est assez âgé, interrogez-le.

24 Les Pharisiens appelèrent une seconde fois l'homme qui avait été aveugle et lui dirent : Donne gloire à Dieu ; nous savons nous que cet homme est pécheur. 25 Il répondit : S'il est pécheur, je ne le sais pas ; je sais une chose : j'étais aveugle, maintenant je vois. 26 Ils lui dirent : Que t'a-t-il fait ? Comment t'a-t-il ouvert les yeux ? 27 Il leur répondit : Je vous l'ai déjà dit, et vous n'avez pas écouté ; pourquoi voulez-vous l'entendre encore ? Voulez-vous aussi devenir ses disciples ? 28 Ils l'insultèrent et dirent : C'est toi qui es son disciple ; nous, nous sommes disciples de Moïse. 29 Nous savons que Dieu a parlé à Moïse ; mais celui-ci, nous ne savons d'où il est. 30 Cet homme leur répondit : Voilà ce qui est étonnant, c'est que vous ne sachiez pas d'où il est ; et il m'a ouvert les yeux ! 31 Nous savons que Dieu n'exauce pas les pécheurs ; mais si quelqu'un honore Dieu et fait sa volonté, celui-là il l'exauce. 32 Jamais encore on n'a entendu dire que quelqu'un ait ouvert les yeux d'un aveugle-né. 33 Si cet homme n'était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. 34 Ils lui répondirent : Tu es né tout entier dans le péché, et c'est toi qui nous enseignes ! Et ils le jetèrent dehors. 35Jésus apprit qu'ils l'avaient jeté dehors. Il le trouva et lui dit : Crois-tu au Fils de l'homme ? 36 Il répondit : Qui est-il, Seigneur, afin que je croie en lui ? 37Tu l'as vu, lui dit Jésus, et celui qui te parle, c'est lui. 38 Alors il dit : Je crois, Seigneur. Et il l'adora.

39 Puis Jésus dit : Je suis venu dans ce monde pour un jugement, afin que ceux qui ne voient pas voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles. 40 Quelques Pharisiens qui étaient avec lui, après avoir entendu ces paroles, lui dirent : Nous aussi, sommes-nous aveugles ? 41Jésus leur répondit : Si vous étiez aveugles, vous n'auriez pas de péché. Mais maintenant vous dites : Nous voyons ; aussi votre péché demeure.




La plupart du temps, on aborde les textes de l’Ecriture avec un ton de circonstance qui fait que les sermons que l’on produit à leur sujet, malgré l’intérêt qu’on leur porte et le talent de leur auteur prennent bien souvent un ton doctoral et ennuyeux. Pourtant ils cherchent à nous entretenir de notre relation à Dieu, c’est à dire de ce qu’il y a de fondamental dans notre vie. On se demande pourquoi dès que l’on aborde les questions sur Dieu, les propos gagnent en sérieux et perdent en vivacité. Pourtant, nous savons que Dieu ne manque pas d’humour, et c’est pourquoi, sans vouloir l’offenser le moins du monde, je me permettrai d’aborder ce texte de l’Evangile de Jean comme une intrigue policière.

C’est en effet de cette manière qu’il se présente. Cela ressemble à un polar bien construit où les auteurs prennent un malin plaisir à brouiller les pistes. Il faut rester très attentif si on ne veut pas perdre le fil de l’intrigue et manquer le détail qui risquerait de révéler la clé de l’énigme. A la fin du programme on reste surpris de découvrir que le coupable n’est pas celui vers lequel portaient nos soupçons. Il en va de même dans cette banale histoire d’aveugle guéri le jour du sabbat.

Dans ce récit la tension monte très vite, et les assistants s’interrogent sans le dire sur la légitimité de l’opération. Il y a comme un non-dit qui provoque des soupçons. On s’interroge alors sur le péché, on s’étonne de la guérison, on n’est même pas sûr de bien connaître le miraculé : « ça n’est pas lui , dit-on mais ça lui ressemble ». Quant à l’homme guéri, il ne dit rien, il subi la guérison qu’il n’a même pas demandée et il sera puni parce qu’il a en bénéficié. On l’interroge et finalement on l’accuse d’être totalement englué dans le péché. D’innocent qu’il est, le voila traîné comme un coupable devant les autorités. Finalement il sera jugé et condamné. Il sera exclu de la synagogue. On le traite en coupable parce que quelqu’un lui a fait du bien !

Même si cela nous paraît étrange, cela n’est pas exceptionnel ! On peut le vérifier, chaque jour. Quand quelqu’un est au bénéfice d’un avantage quelconque, les mauvaises langues vont bon train. On se demande d’où peut lui venir une telle faveur et quelles sont les compromis auxquels il s’est livré pour avoir un tel avantage.

On se demande, sans le dire si cet aveugle n’a pas fait un pacte avec les forces du mal pour être guéri. Il était en effet courent de penser que la maladie était la sanction d’une faute commise par soi-même, ou par ses parents voire même par ses ancêtres :« Les parents ont mangé des raisins verts disait-on et les enfants ont eu les dents agacées. » ( Jérémie 31/29) A moins d’un pacte avec le malin le malade ne pouvait être guéri si non par quelqu’un qui aurait parlé en vérité. N’étant pas guéri par quelqu’un du clan des pharisiens qui par définition  aurait appartenu au parti de la vérité, il l’était forcément par quelqu’un d’un autre parti, c'est-à-dire le parti du mensonge. Selon cette logique le guérisseur ne pouvait qu’un menteur, c'est-à-dire un agent du mal. L’accusation était lancée, l’enquête pouvait se faire. L’intrigue en sorcellerie avait commencée

C’est devant les pharisiens que l’on avait trainé l’accusé, ce sont eux qui allaient mener l’enquête. C’était leur rôle d’enquêter. N’étaient-ils pas les garants de la Loi et de la Tradition ? Ce n’est d’ailleurs pas eux qui étaient à l’origine de l’affaire : c’était la rumeur qui accompagne généralement le miracle.

On s’interroge sur le bien fondé de celui-ci. On s’adresse donc aux pharisiens. Mais qui est ce « on » ? si non celui que j’ai appelé la « rumeur », c’est l’opinion publique qui n’accuse pas encore mais qui soupçonne.  C’est la masse des anonymes qui se prépare déjà à crier : « crucifie-le ». Comment cette maladie réputée incurable se pouvait-elle être guérie le jour consacré à Dieu se demandait-on, le jour où on n’était pas autorisé à soigner si non dans l’urgence, Il n’y avait pas urgence. Donc si Dieu ne s’autorise pas à intervenir dans ces conditions, ce ne peut être que le diable. C’est aussi simple et aussi logique que cela.

Seuls les spécialistes sont capables de confirmer cette hypothèse en se justifiant par la Loi. Les spécialistes, ce sont les pharisiens, ils opinent très vite pour le diable. Le malade, accusé de pacte avec le démon devient coupable alors qu’il ne demandait rien et on le condamne à être jeté dehors.

Mais comme il est né aveugle, le soupçon se porte aussi sur ses parents. La peur entre en scène, c’est pourquoi ces derniers refusent de parler. Le moins ils en diront, le mieux ils se porteront. Toute parole, même bien intentionnée peut se retourner contre un accusé. Le silence est préférable à une tentative d’explication. La justice, ainsi abandonnée aux mains des pharisiens devient redoutable. C’est l’inquisition avant la lettre. Quand les pharisiens ont quelqu’un dans le collimateur, ils ne le lâchent pas. Tout manquement avéré à la Loi appelle forcément un coupable. Qui a contrevenu à la Loi ? Si ce n’est pas l’un c’est l’autre. Si le miraculé à seulement subi, si ses parents n’y sont pour rien, c’est celui qui a opéré la guérison qui a pactisé avec le démon. Et en raison de leur logique aveugle et implacable Jésus devient potentiellement coupable et par voie conséquence agent du diable.

Leurs arguments sont-ils cependant aussi solides que cela ? L’opinion des pharisiens a-t-elle valeur de preuve ? Ils savent bien que leur enquête est truquée, que leurs conclusions sont erronées et que leurs arguments sont spécieux. C’est moi, tout à l’heure, qui ai parlé de pacte avec le diable, ce n’est pas eux. Dans leur habileté, ils ont entraîné les témoins à tirer ces conclusions que nous venons de faire. Les pharisiens ne l’ont pas fait. C’est l’opinion publique, la rumeur qui va faire un travail de sape et attaquer la personne de Jésus. Ils s’y sont bien pris en le désignant comme un troublion de banlieue dont la personne n’est pas fréquentable, ils ne l’accusent pas encore et ils ne l’interrogent même pas. Ils ne le condamnent pas encore, mais c’est l’autre, l ’aveugle que l’on condamne. Et c’est sa famille qu’on inquiète. Quant à Jésus on attend, en montant l’opinion contre lui.

Mais qui est coupable ? Qui est derrière cette affaire ? Qui a autorité sur le mal ? On en revient au point de départ ! Reprenons alors l’enquête à notre compte comme le ferait un détective privé commandité par la défense. En fait Jésus est intervenu alors qu’on ne lui demandait rien si non de faire un commentaire sur le mal : « cet homme était-il aveugle à cause de son péché ?» Jésus ne répond pas mais il le guérit. C’est la guérison qui donnera la bonne réponse..

Jésus agit comme Dieu l’a déjà fait. Il mêle sa salive qui symbolise la parole à la terre d’où a été façonné l’homme dans le récit de la création. Jésus a donc agi avec les prérogatives de Dieu pour corriger, dans ce monde ce qui ne va pas. Les témoins n’ont pas encore compris cela, c’est pourquoi ils lui font un procès. Les pharisiens l’ont sans doute compris, mais ça ne correspond pas à leur interprétation de la Loi. En accusant Jésus à cause de leur interprétation personnelle, c’est eux qui deviennent les coupables car ils affirment trouver les signes du diable dans les actions bonnes où Dieu se révèle. Ils ne peuvent pas comprendre que le bien s’oppose au mal et que Dieu se cache dans les gestes qui font vivre. Il cautionne toutes les actions qui améliorent le sort de l’humanité souffrante. Et si l’humanité souffre, ce n’est pas le fait de Dieu, puisque Dieu intervient pour corriger les souffrances.

Ceux qui se sont accaparé de la vérité sur le bien et sur le mal reçoivent une bonne leçon de modestie. La vérité est dans ce qui facilite et améliore la vie des hommes. Heureux alors seront-ils, tous ces rejetés de la planète que Dieu destine à la vie, même s’il y a des obstacles sur leur chemin, même si le mal leur dresse des embûches. Quant au mal et à l’origine de la souffrance, Jésus ne nous en dira pas plus. Le mal reste le premier accusé de ce procès qui n’est pas terminé et où les accusateurs pourraient bien finir en coupables.

mardi 8 mars 2011

Jean 4: 5-42 la Samaritaine - dimanche 27 mars




La Samaritaine

Jean 4:5-42
1 Le Seigneur sut que les Pharisiens avaient appris qu'il faisait et baptisait plus de disciples que Jean. 2 Toutefois, Jésus ne baptisait pas lui-même, mais c'étaient ses disciples. 3 Alors il quitta la Judée et repartit pour la Galilée. 4 Or il fallait qu'il traverse la Samarie. 5 Il arriva donc dans une ville de Samarie nommée Sychar, près du champ que Jacob avait donné à Joseph, son fils. 6 Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus fatigué du voyage, était assis au bord du puits. C'était environ la sixième heure.7 Une femme de Samarie vint puiser de l'eau. Jésus lui dit : Donne-moi à boire. 8 Car ses disciples étaient allés à la ville pour acheter des vivres. 9 La femme samaritaine lui dit : Comment toi qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une Samaritaine ? — Les Juifs, en effet, n'ont pas de relations avec les Samaritains. — 10 Jésus lui répondit : Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire ! c'est toi qui lui aurais demandé (à boire), et il t'aurait donné de l'eau vive. 11 Seigneur, lui dit-elle, tu n'as rien pour puiser, et le puits est profond ; d'où aurais-tu donc cette eau vive ? 12 Es-tu plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits et qui en a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses troupeaux ? 13 Jésus lui répondit : Quiconque boit de cette eau aura encore soif ; 14 mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, n'aura jamais soif, et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle.

15
La femme lui dit : Seigneur, donne-moi cette eau, afin que je n'aie plus soif et que je ne vienne plus puiser ici.
16 Va, lui dit-il, appelle ton mari et reviens ici. 17 La femme répondit : Je n'ai pas de mari. Jésus lui dit : Tu as bien fait de dire : Je n'ai pas de mari. 18 Car tu as eu cinq maris, et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari. En cela tu as dit vrai. 19 Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es prophète. 20 Nos pères ont adoré sur cette montagne ; et vous dites, vous, que l'endroit où il faut adorer est à Jérusalem. 21 Femme, lui dit Jésus, crois-moi, l'heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne, ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. 22 Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. 23 Mais l'heure vient — et c'est maintenant — où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car ce sont de tels adorateurs que le Père recherche. 24 Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité. 25 La femme lui dit : Je sais que le Messie vient — celui qu'on appelle Christ. Quand il sera venu, il nous annoncera tout. 26 Jésus lui dit : Je le suis, moi qui te parle.27 Alors arrivèrent ses disciples, qui furent étonnés de ce qu'il parlait avec une femme. Toutefois, aucun ne dit : Que demandes-tu ? ou : De quoi parles-tu avec elle ? 28 La femme laissa donc sa cruche, s'en alla dans la ville et dit aux gens : 29 Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait ; ne serait-ce pas le Christ ? 30 Ils sortirent de la ville et vinrent vers lui. 31 Pendant ce temps, les disciples le priaient en disant : Rabbi, mange. 32 Mais il leur dit : J'ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas. 33 Les disciples se disaient donc les uns aux autres : Quelqu'un lui aurait-il apporté à manger ? 34 Jésus leur dit : Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et d'accomplir son œuvre. 35 Ne dites-vous pas qu'il y a encore quatre mois jusqu'à la moisson ? Eh bien ! je vous le dis, levez les yeux et regardez les champs qui sont blancs pour la moisson. 36 Déjà le moissonneur reçoit un salaire et amasse du fruit pour la vie éternelle, afin que le semeur et le moissonneur se réjouissent ensemble. 37 Car en ceci, ce qu'on dit est vrai : L'un sème, l'autre moissonne. 38 Je vous ai envoyés moissonner ce qui ne vous a coûté aucun travail ; d'autres ont travaillé, et c'est dans leur travail que vous êtes entrés.39 Plusieurs Samaritains de cette ville crurent en Jésus à cause de la parole de la femme qui rendait ce témoignage : Il m'a dit tout ce que j'ai fait. 40 Aussi, quand les Samaritains vinrent à lui, ils le prièrent de rester auprès d'eux ; et il resta là deux jours. 41 Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de sa parole, 42 et ils disaient à la femme : Ce n'est plus à cause de tes dires que nous croyons ; car nous l'avons entendu nous-mêmes, et nous savons que c'est vraiment lui le Sauveur du monde.





Comme dans tous les pays qui puisent leurs traditions dans le nomadisme, les puits ont toujours eu une grande importance sur la terre des descendants de Jacob. Le puits était le lieu où se rassemblaient les troupeaux, c’était aussi le lieu où s’arrêtaient les caravanes. La Bible y a fixé l’histoire sentimentale des patriarches. C’est auprès d’un puits que Moïse tomba amoureux de Séphora, c’est également auprès d’un puits qu’Eliezer rencontra la belle Rébecca qui devint la femme d’Isaac et la mère de Jacob, le fondateur du puits dont il est question ici

Les puits dans la Bible sont donc des lieux de rencontres amoureuses et tout laisse à penser que ce puits pourrait bien devenir le lieu d’une idylle entre Jésus et cette femme de Samarie. Ce puits fut aussi témoin de la triste histoire de Dina dont les frères, les fils de Jacob tuèrent l’amant malgré sa vive passion pour elle et son désir de l’épouser, faisant de ce site un lieu de discorde entre juifs et occupants locaux. ( voir genèse 34)

Dans le récit qui nous occupe la femme possède ce que Jésus n’a pas. Elle a une cruche, dont il aurait bien besoin pour puiser de l’eau et se désaltérer mais l’animosité qui oppose leurs deux peuples fait qu’elle ne peut lui prêter sa cruche et que Jésus restera sans boire jusqu’à la fin de l’histoire.

En fait, le discours de Jésus sera chargé de symbole. Quand il parlera de boire de l’eau, il parlera en fait d’autre chose. La femme qui n’est pas sotte comprend vite qu’il parle par énigme, mais peut être se méprend-elle sur le sens de l’énigme, ce qui ajoute un quiproquo savoureux à l’histoire. Jésus en parlant mystérieusement allume en elle un désir qui évidemment demeurera sans suite.

C’est alors que nous est relaté le pitoyable récit de son existence. C’est le type même du récit de la vie lamentable que mènent les femmes dans ces civilisations quand elles n’ont pas de chance. Ce fut sans doute l’histoire de Dina dont nous avons évoqué le nom et la triste histoire. Elle fut déshonorée bien des siècles plus tôt dans ces mêmes lieux. Son prétendant a été assassiné, mais elle qu’est-elle devenue ? Elle a été oubliée par l’histoire, comme l’aurait été cette Samaritaine si elle n’avait pas croisé les pas de Jésus.

Il n’est pourtant pas difficile de reconstituer son histoire. Elle a été entraînée très jeune dans un mariage qui a mal tourné. Pourquoi ? Mari trop vieux ? Mari violent ? Mari mort trop tôt ? Elle fut peut –être veuve sans enfant ? Nul ne le sait ! Après cela, plus personne n’a voulu d’elle. Elle en est à sa quatrième tentative sans trop d’espoir. En effet, une femme ne peut exister sans mari. Une femme veuve, délaissée ou abandonnée ne peut que dépendre de sa famille d'origine, et si elle n'en a plus elle ne peut trouver son salut que dans la mendicité ou la prostitution. Si elle cherche à forcer le destin, elle sera considérée comme une femme de mauvaise vie, proie facile pour la lubricité des hommes.

On a dit que Jésus n’avait rien changé aux problèmes sociaux qui frappaient la société de son temps. Ici, s’il ne résout pas le problème, il le pointe du doigt car il accepte de braver l’interdit, comme il le fera d’autres fois. Il ose adresser la parole à une femme qu’il ne connaît pas et qui plus est, est samaritaine. Les conventions sociales font qu’il ne peut y avoir aucun contact entre eux. Il lui adresse cependant la parole; mieux, il excite sa curiosité et lui donne à espérer. En effet, comme nous venons de le dire, cette femme n’a plus grand chose à espérer de la vie. Rejetée par un peuple qui est lui-même rejeté, que peut-elle attendre ? L’espoir est un sentiment qui est porteur de vie, même si cet espoir ne mène à rien, il provoque en elle un sursaut d’énergie qui est porteur de désir de vie.

Qu’est ce que Jésus peut lui donner à désirer ? Elle ne le sait pas elle-même. Va-t-elle se risquer à espérer que ce juif s’offre à elle comme un 7 eme mari potentiel ? Il serait le bon cette fois, il donnerait de la dignité à sa vie gâchée ? Rien ne le dit, mais la manière dont le texte est construit suggère cependant que cette pensée a du l’effleurer. L’étonnement des disciples est bien là pour confirmer que cette hypothèse fait partie des non-dits du texte. Mais elle n’est pas retenue par Jésus, on s’en doute. Il entraîne la femme sur une autre piste. La vie n’est pas seulement faite de réussites sentimentales ou matérielles. Il y a d’autres choses qui sont capables de contribuer à épanouir notre existence. Il lui parle d’une eau de vie qui ne se puise pas avec une cruche. C’est une vie renouvelée par Dieu qui donne de la valeur à notre personne.


Piètre consolation dira-t-on que de se dire que notre vie intérieure peut prendre du relief quand toute notre vie matérielle à échouée. Seules des êtres d’exception tels François d’Assise ou sœur Emmanuelle pourraient le dire, et ils ne l’ont pas dit. Mais Jésus n’est pas cruel, il ne lui conseille pas de se réfugier en Dieu puisque les hommes l’ont rejetée, il ne lui dit pas qu’elle peut vivre d’une eau spirituelle et de pain céleste à défaut de boisson désaltérante et de nourriture solide. Il ne lui dit pas non plus que faute d’un vrai mari sur terre elle peut fantasmer et s’imaginer en trouver un au ciel.

Par le seul fait d’avoir suscité un bref espoir Jésus a ranimé en elle sa capacité à exprimer des désirs. Le désir s’appuie sur une possibilité de dépassement et cela aide à exister. Il lui montre qu’il y a réellement d’autres valeurs que celles qu’elle a cherchées à atteindre jusqu’à maintenant. Il ne lui conseille pas d’accepter de vivre son sort avec résignation en lui parlant d’un bonheur futur au paradis, mais il l’encourage à vivre maintenant et à se dépasser maintenant. C’est d’ailleurs ce qu’elle fait puisqu’elle plante là sa cruche et qu’elle va ameuter la ville en plein midi.

Jésus est entré en relation avec elle sans établir de distance entre elle et lui. Il n’a fait état ni de sa supériorité masculine à lui, ni de sa déchéance féminine à elle. Même s’il lui a bien montré qu’il connaît tout de son passé peu glorieux, cela n’a établi aucune distance entre eux. Cette simple attitude suffit à éveiller en elle de l’espoir parce qu’il l’a considérée comme une femme normale. Elle se met alors à rassembler du monde, hors de la ville et hors de la sieste pour leur dire que la seule valeur qui compte dans la vie c’est celle que l’on reçoit de Dieu.

La vie spirituelle que propose Dieu n’est pas forcément liée à l’austérité religieuse dans laquelle, rites et prières prendraient force d’habitude en dominant les frustrations. La vie spirituelle consiste à introduire Dieu dans le quotidien de la vie, à lui offrir nos espoirs et nos peines, à lui faire partager nos frustrations pour qu’il nous aide à les dépasser, car Dieu ne se rencontre que dans le dépassement de soi.

Si la femme a oublié sa cruche c’est qu’elle a déjà dépassé l’intérêt pour la vie matérielle où elle était, si elle va chercher les villageois c’est qu’elle a dépassé les conventions sociales qui l’ont enfermée dans sa situation. Elle est désormais prête à se battre pour la vie.

« Venez-voir l’homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait ! » Mais qu’a-t-elle fait la pauvrette ? Elle n’a rien fait. Elle a bien essayé de faire, mais à chaque tentative elle n’a rencontré que des échecs. Elle a compris qu’elle ne pouvait pas rester enfermée dans ses échecs. Alors que rien n’avait encore changée dans sa vie, elle a compris que tout désormais pouvait changer, et elle le fait partager aux autres, car elle se met à considérer les choses autrement. Dieu s’est révélé à elle comme le Dieu de l’ouverture et non de l’enfermement. Qu’est-ce qui a alors changé en elle ? rien et pourtant tout a changé. N’est-ce pas cela l’action du Christ en nous ? N’est-ce pas déjà cela le Royaume ?

mardi 1 mars 2011

Matthieu 17:1-12 La transfiguration Dimanche 20 mars 2011


Matthieu 17/1-12

La transfiguration

1Six jours après, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère et il les conduisit à l'écart sur une haute montagne. 2 Il fut transfiguré devant eux : Son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. 3 Moïse et Élie leur apparurent, ils s'entretenaient avec lui. 4 Pierre prit la parole et dit à Jésus : Seigneur, il est bon que nous soyons ici ; si tu le veux, je dresserai ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. 5 Comme il parlait encore, une nuée lumineuse les enveloppa. Et voici qu'une voix sortit de la nuée qui disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection. Écoutez-le ! 6 Lorsqu'ils entendirent (cela), les disciples tombèrent la face contre terre, saisis d'une crainte violente. 7 Mais Jésus s'approcha, les toucha et dit : Levez-vous, soyez sans crainte ! 8 Ils levèrent les yeux et ne virent que Jésus seul.

9 Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : Ne parlez à personne de cette vision, jusqu'à ce que le Fils de l'homme soit ressuscité des morts. 10 Les disciples lui posèrent cette question : Pourquoi donc les scribes disent-ils qu'Élie doit venir d'abord ? 11 Il répondit : Il est vrai qu'Élie vient rétablir toutes choses. 12 Mais je vous dis qu'Élie est déjà venu, et qu'ils ne l'ont pas reconnu et qu'ils l'ont traité comme ils l'ont voulu. De même le Fils de l'homme va souffrir de leur part.


Beaucoup d’entre nous ont sans doute entendu parler du discours prononcé par Martin Luther King à Washington le 28 août 1963 au cours duquel il évoqua son rêve d’un peuple américain libre et uni. Il l’exprima en décrivant la vision qu’il avait d’une Amérique nouvelle : « I have a dream : j’ai la vision » avait-il commencé à dire depuis les marches du monument de Lincoln où il haranguait une foule de deux cent mille manifestants noirs. Ses propos laissaient entendre qu’il devinait déjà les signes d’une vie nouvelle qui attendait le peuple noir la bas au-delà des collines de l’Alabama.

Chacun de ses auditeurs, pétri des récits de la Bible, reconnaissait certainement en l’entendant la vision de Moïse sur la montagne contemplant la Terre Promise. Grâce à l’espérance que Jésus avait déposée en lui, Martin Luther King put entrevoir la promesse d’un peuple noir et d’un peuple blanc réconciliés formant une seule nation.

Jésus nous enseigne à l’imiter. Il nous apprend à rechercher la compagnie des hommes et des femmes de la Bible pour être enseignés par eux. A la lumière de l’Evangile leur message prend une valeur éternelle et parle à chaque génération d’une manière durable.

Bien que Jésus ait affirmé que Dieu aime les hommes d’un amour incommensurable, ceux-ci ne s’en rendent pas vraiment compte. Ils sont plus revendicateurs des grâces de Dieu, que témoins de son amour. Ils se comportent comme si Dieu leur devait aide et assistance pour prix de leur foi en lui.

La seule manière de nous rendre compte de l’action de Dieu au milieu des hommes c’est de voir comment il a agi envers ceux qui nous ont précédés dans la foi. C’est en les rencontrant, que nous comprendrons comment les femmes et les hommes de la Bible ont rendu compte de l’amour de Dieu. Dieu les a aimés du même amour que celui dont il nous aime aujourd’hui. S’il a mis en eux sa sagesse, il n’a cependant pas voulu que les épreuves leur soient enlevées, mais il n’a jamais cessé de les accompagner quand celles-ci surgissaient. Grâce à la foi qui était en eux, ils ont su les surmonter et ils ont pu, chacun avec sa sensibilité témoigner de la manière dont Dieu s’est intéressé à eux.

Cette expérience de la vie en Dieu telle que je suis en train de l’évoquer n’est pas réservée aux intimes de Jésus, mais elle est offerte à chaque lecteur de la Bible qui y trouve des compagnons de route dont l’expérience enrichit sa compréhension des choses. L’Esprit saint habitait déjà en eux et c’est grâce à lui qu’ils étaient en contact étroit avec Dieu. Ce même Esprit habite aussi en nous. C’est grâce à lui que nous pouvons retirer un enseignement de leur témoignage. C’est ainsi que notre route peut être encore aujourd’hui éclairée par les expériences de vie de ceux qui ont vécu au contact de Dieu avant nous. L’Esprit saint qui préside à cet échange porte en lui le mystère de Dieu, selon lequel il veut sauver tous les hommes.

C’est par lui qu’il nous communique encore aujourd’hui la puissance de vie qui était déjà en Jésus et qui l’a poussé hors du tombeau. Cette même puissance de vie était déjà présente dans l’existence de tous les témoins de Dieu bien avant la venue du Christ. C’est ainsi qu’ils ont pu témoigner de lui bien avant qu’il vienne sur terre. En eux habitait déjà cette espérance qui grâce à eux nous mobilise à la suite de Jésus.

Cette vision que Pierre, Jacques et Jean reçoivent sur la montagne remplit cette fonction. Par elle ils comprennent que Jésus a assumé dans son œuvre tout ce à quoi Moïse et Elie aspiraient. Bien qu’il ne se passe apparemment rien au cours de cette vision, les trois apôtres ont été amenés à comprendre qu’il y avait un lien étroit entre Moïse Elie et Jésus. C’est le Saint Esprit qui depuis toujours a constitué ce lien.

Tous ces témoins de Dieu qui ont précédés la venue de Jésus, tels Moïse et d’Elie, ont eu leurs faiblesses. Dieu les a choisi non pas parce qu’ils étaient meilleurs que les autres, mais parce qu’ils étaient comme les autres. Ils avaient les mêmes contraintes que nous, les mêmes ambitions, les mêmes péchés aussi. Ils ont connu le désespoir et la foi leur a parfois manqué. Ils ont porté en eux des culpabilités avouées ou ignorées. Ils étaient semblables en nous en tout point. Mais si Jésus nous les désigne comme compagnons de route, c'est que leur histoire peut éclairer la nôtre. L'Esprit d'entreprendre qui les animait est le même que celui qui habitait en Jésus et qui a donné du sens à son action.

Mais prenons y garde, s’il nous est donné de croiser Moïse, Elie et les autres, comme il est raconté dans ce passage des Ecritures, il n’est pas question que nous nous réfugions avec eux dans leur passé pour le reproduire aujourd’hui dans notre temps. Leur temps est révolu et nous devons rester dans notre temps et vivre dans notre temps, enrichis par leur expérience. Il nous appartient maintenant de vivre notre propre histoire et de devenir à notre tour un chaînon dans la longue chaîne des témoins de ceux qui nous ont précédés et qui nous suivront.

Riches de leur expérience nous devons habiter cette terre que Dieu nous demande de mettre en valeur pour sa plus grande gloire. Depuis l’origine des temps, son esprit d’amour a soufflé sur elle et depuis toujours des voix se sont fait entendre pour dire le pardon et l’espérance. Le même Esprit a suscité leur message, le même Esprit a révélé que Dieu habitait en Christ pour le réconcilier avec les hommes, le même Esprit aujourd’hui nous envoie dans ce monde, chargés d’une mission de réconciliation et d’amour.

Les hommes d’aujourd’hui auraient-ils le cou plus raide que ceux de jadis car ils semblent manquer d’espérance ? Le monde moderne est rebelle à Dieu dit-on, parce que l’existence d’aujourd’hui ne fait aucune place à la spiritualité. L’égoïsme gagne du terrain et tous sont trop avides de consommer plutôt que de faire une place à Dieu.

Pourtant, si nous fréquentons ceux qui étaient avant nous, si nous prenons pour compagnons les plus illustres témoins de la Bible, nous réaliserons bien vite que de tout temps, les hommes ont résisté à Dieu. Elie qui dans le passage d’aujourd’hui se tient aux côté de Jésus n’a-t-il pas eu, seul contre tous, à s’opposer à tout un peuple gagné au paganisme et n’a-t-il pas douté du chemin à suivre ? Il avait contre lui le roi et la reine qui avaient mis sa tête à prix. Il s'est alors enfui, terrassé par le doute et le désespoir. Quant à Moïse, n’a-t-il pas cassé les tables de la loi parce qu’il était exaspéré à cause du manque de foi de son peuple?

Si vous allez à la rencontre de tous ces témoins que l’Ecriture vous donne comme compagnons de route, vous découvrirez que votre tâche n’est pas plus lourde que la leur, Dieu leur a donné l’espérance et la foi, et c’est avec elles qu’ils ont eu à marcher. Pensez à Elie qui fuyait devant les spires de la reine Jézabel quand un ange lui apparut dans la tourmente. Pour le réconforter il lui donna une cruche d’eau et une galette de pain et cela dut lui suffire pour survivre pendant les 40 jours de marches qu’il lui fallut faire en plein désert pour atteindre le mont Horeb.


Les croyants d’aujourd’hui doivent se souvenir qu’ils ont un gros avantage sur les témoins qui les ont précédés, c’est qu’ils ont la certitude que la réponse à toutes leurs questions se trouve en Jésus, alors que les autres espéraient seulement que cette réponse leur serait donnée par le Messie qu’ils espéraient. Ils espéraient en la venue d’un messager de Dieu qui ferait toute chose nouvelle, pour nous ce messager est venu et nous l’avons reconnu en Jésus. Ce que l’Esprit saint leur donnait d’espérer, il l’a réalisé en Christ qui nous accompagne parce qu’il reste vivant au milieu de nous pour l’Eternité.


Pour en savoir plus :
Raphaël qui est l’auteur de ce tableau qui sert de support iconographique à ce texte a suivi l’Evangile à la lettre. Dans la partie qui n’a pas été utilisée ci-dessus figure la suite de l’Evangile avec la guérison de l’enfant épileptique. Nous vous donnons ci-contre la reproduction de la totalité du tableau.

Il faut savoir aussi que Rubens a traité du même sujet de la même façon, mais Raphaël la traité en vertical alors que Rubens l’a traité en horizontal.