mardi 25 janvier 2011

Matthieu 5:17-37 la vraie loi - dimanche 13 février 2011




Matthieu 5 :17-37

17 Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. 18 En vérité je vous le dis, jusqu'à ce que le ciel et la terre passent, pas un seul iota, pas un seul trait de lettre de la loi ne passera, jusqu'à ce que tout soit arrivé. 19 Celui donc qui violera l'un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux, mais celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. 20 Car je vous le dis, si votre justice n'est pas supérieure à celle des scribes et des Pharisiens, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux.

21  Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, celui qui commet un meurtre sera passible du jugement.22 Mais moi, je vous dis : Quiconque se met en colère contre son frère sera passible du jugement. Celui qui dira à son frère : Raca ! sera justiciable du sanhédrin. Celui qui lui dira : Insensé ! sera passible de la géhenne du feu. 23 Si donc tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, 24 laisse là ton offrande devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère, puis viens présenter ton offrande. 25 Arrange-toi promptement avec ton adversaire, pendant que tu es encore en chemin avec lui, de peur que l'adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et que tu ne sois mis en prison. 26 En vérité je te le dis, tu ne sortiras point de là que tu n'aies payé jusqu'au dernier centime.

27 Vous avez entendu qu'il a été dit : Tu ne commettras pas d'adultère.
28 Mais moi, je vous dis : Quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis adultère avec elle dans son cœur. 29 Si ton œil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi. Car il est avantageux pour toi qu'un seul de tes membres périsse et que ton corps entier ne soit pas jeté dans la géhenne. 30  Si ta main droite est pour toi une occasion de chute, coupe-la et jette-la loin de toi, car il est avantageux pour toi qu'un seul de tes membres périsse et que ton corps entier n'aille pas dans la géhenne.

31 Il a été dit : Que celui qui répudie sa femme lui donne une lettre de divorce.
32 Mais moi, je vous dis : Quiconque répudie sa femme, sauf pour cause d'infidélité, l'expose à devenir adultère, et celui qui épouse une femme répudiée commet un adultère.
33 Vous avez encore entendu qu'il a été dit aux anciens : Tu ne te parjureras pas mais tu t'acquitteras envers le Seigneur de tes serments.3 4Mais moi, je vous dis de ne pas jurer : ni par le ciel, parce que c'est le trône de Dieu, 35 ni par la terre, parce que c'est son marchepied, ni par Jérusalem, parce que c'est la ville du grand roi. 36  Ne jure pas non plus par ta tête, car tu ne peux rendre blanc ou noir un seul cheveu. 37 Que votre parole soit oui, oui ; non, non ; ce qu'on y ajoute vient du malin.
Quand les fils de Caïn, construisirent une ville pour y soustraire au regard de Dieu, leur père, coupable du meurtre de son frère Abel, ils inscrivirent sur la porte « interdit à Dieu d’entrer ». C’est ainsi que Victor Hugo tenta de décrire cette terrible impression selon laquelle certains humains éprouveraient le désir de vivre, ne serait-ce que quelques instants, dans un lieu où la présence de Dieu ne serait pas sensible.


Il vous est peut être arrivés, un jour ou l’autre d’éprouver ce désir d’être enfin seul et de pouvoir considérer votre existence avec votre seule conscience pour témoin. Nous aimerions ainsi être parfois libérés du poids des habitudes ou de la de la morale facile ainsi que du regard des autres et par conséquent du regard de Dieu.

Ne soyons pas choqués si ce désir parfois nous a effleurés ! Ayons le courage de la vérité et de nous avouer à nous-mêmes qu’une telle éventualité a pu se produire. Il a pu se produire que, acculés par le soupçon accusateur des autres, nous mettions un terme à la discussion que nous avons avec eux en déclarant que « nous avons notre conscience pour nous». Ce qui signifie que les arguments ou l’opinion des autres ne nous atteignent pas, même s’il s’agit d’écarter de nous le regard que Dieu pourrait porter sur nos actions.

Quand de telles situations se produisent, nous nous sentons d’autant plus seuls que pèse sur nous la réprobation des autres et que nous ne pensons pas que Dieu puisse quelque chose pour nous. Enfermés dans notre problème, nous pensons que seule la solitude pourra nous aider. Si nous nous privons de la présence des autres, c’est que nous ne supportons pas qu’ils puissent avoir raison contre nous.  Nous nous contentons du regard de notre conscience et  par voix de conséquence, nous rejetons celui de Dieu. Si nous nous privons de la présence de Dieu, c’est sans doute, parce que  nous redoutons son jugement et que par avance nous n’accordons que bien peu de valeur au pardon qu’il pourrait nous accorder.  Nous restons seul avec notre sentiment de culpabilité.

Sans que les choses soient vraiment graves, il peut nous arriver de nous engager dans des voies sans issue où nous ne supportons plus la présence des autres et où l’absence de Dieu nous paraît meilleure que sa présence. Refermés sur nous-mêmes, nous confions au temps ou à l’oubli le soin de gérer ce problème que nous voulons garder enkysté en nous-mêmes en espérant qu’il se sclérosera lentement.

Bien sûr nous savons bien que la réponse que nous donnons à cette situation en nous enfermant dans l’oubli est mauvaise, mais comment s’en sortir autrement ? Le passage que nous abordons aujourd’hui ne fait qu’enfoncer un clou douloureux dans note âme puisqu’il nous rappelle qu’il n’y a pas de lieu où le regard de Dieu ne pénètre, et que si une guérison est toujours possible il faut en payer le prix. Que faire alors ? C’est ce que nous allons voir.

Jésus pend le contre pied de cette attitude de repli sur soi que nous pensons parfois être la bonne solution. Il nous rappelle que Dieu a voix au chapitre dans tous les domaines de l’existence et qu’il serait mal venu de notre part de nous appuyer sur sa Loi pour donner des limites à son regard sur nous, comme si la loi posait des limites claires et définies et que l’intention valait l’action. C’est pourquoi il dit que le regard agressif contre l’autre porte déjà en lui le meurtre que l’on pourrait commettre sur lui. Il en rajoute en précisant  que le moindre regard concupiscent est perçu par Dieu et se trouve susceptible d’être sanctionné par lui,  comme situation d'adultère tant il est vrai que Dieu voit tout, même l'inconscient de chaque être.

Sans doute le Lecteur des Ecritures ne reconnaît-il pas ici l’attitude habituelle de Jésus quand il parle des sanctions qui pourraient être la conséquence d’actions qui n’ont été commises qu’en pensée. Ici il n’est question ni d’amour, ni de miséricorde ni de pardon. En constatant que Jésus durcit le ton de la loi, il se peut que nous préférions nous écarter de Dieu et tenter de nous sortir tout seul des nombreux pétrins où la vie nous entraîne. Nous créons ainsi des zones d’ombre en nous qui fonctionneraient comme des zones de non droit pour Dieu. Combien ne se sont-ils pas écartés de l'Eglise parce qu'ils se sont sentis dans cette situation?

Ils ne peuvent alors espérer aucun soulagement ou aucune guérison venant de lui. Ni rien, ni personne ne pourrait plus les aider dans la solitude où ils se réfugient . La seule solution consiste alors à confier ses problèmes à l’oubli. Ils savent cependant qu’une telle pratique n’est pas forcément efficace car le temps n’efface rien, au mieux il rend supportable les choses qu'on lui confie, au pire il donne au remord, le soin de  perturber encore longtemps ceux qui se trouvent en une telle situation.

C’est pour cette raison qu’il est préférable de se tourner quand même vers Dieu, en espérant que derrière la sévérité du ton de Jésus nous trouverons la miséricorde qui s’y cache . C’est la bonne attitude, car la miséricorde de Dieu ne peut se trouver que dans la vérité et c’est pour parler en vérité que Jésus a employé un ton de sévérité. Ce n’est en effet que dans la vérité vis à vis de Dieu et de nous-mêmes que Dieu pourra nous accompagner dans nos difficultés. Pour cela, il nous faudra, accepter qu’il puisse porter un regard sur chaque instant de notre vie. Il faudra aussi que nous acceptions de lui en rendre compte.

Une telle attitude n’est pas facile à accepter, c’est pourquoi certains croyants préconisent alors d’affirmer leur foi dans l’universalité du salut. « Puisque Dieu est infiniment bon, disent-ils, il accordera le pardon à tous les hommes quelque soit leur faute ». Ceux qui croient que les choses se passent ainsi, se rallient un peu vite à la pensée de Voltaire qui disait que Dieu se doit de pardonner puisque c’est son métier. Une telle conception de Dieu équivaudrait à une négation de Dieu, donc à son absence et nous en reviendrions à la case précédente.

En fait, il ne peut vraiment y avoir de pardon que s’il y a eu guérison et il ne peut y avoir de guérison que s’il y a eu dialogue avec celui qui guérit, car Dieu réclame notre participation personnelle au pardon qui s’ensuit.

C’est pour que cette guérison soit effective et ce pardon bien réel que Jésus nous propose une toute autre relation avec son Père. Cette relation consiste à accepter sa présence constante à nos côtés, et à ne pas redouter que son regard se porte sur toutes nos actions. Plus rien, pas même la Loi de Dieu ne peut mettre de distance entre lui et nous. Il devient le partenaire de notre vie, c’est lui qui motive les actions que nous menons par le moyen de l’amour qu’il déverse sur nous.

Notre vie s’épanouira donc à mesure que nous approfondirons ce qui caractérise le mystère de notre existence de croyant. Ce mystère, c’est qu’avec Dieu, nous ne sommes plus deux partenaires, mais trois. Le troisième étant notre prochain qui prend toujours place entre Dieu et nous. C’est donc grâce à la manière dont nous nous comportons avec les autres que nous sommes capables de voir comment Dieu agit en nous, car les gestes d’amour que nous faisons nous viennent de lui.

Quand nous faisons le point sur notre vie et que nous constatons que nous n’avons pas eu les gestes d’amour appropriés ou que nous avons eu des paroles blessantes, des gestes violents ou que nous avons commis quelque action qui ait causé du tort à autrui, il ne nous est pas difficile d’en déduire que nous nous sommes écartés de Dieu. A ce moment là, notre retour volontaire à plus d’intimité avec lui, est la seule école qui nous permette de revenir vers lui, de réparer le tort que nous avons fait et de nous réconcilier avec nous-mêmes. C’est par l’amour dont nos gestes seront à nouveau marqués que nous verrons l’efficacité du pardon de Dieu en nous.

Notre relation à Dieu sera désormais motivée par l’amour dont nous serons capables envers les autres. La Loi rigide qui réglait nos comportements à l’égard des autres est totalement dépassée, car une nouvelle Loi a pris place en nous ; c’est celle de l’amour du prochain. Elle consiste à régler nos comportements envers les autres de telle sorte que nous ne lésions personne, mais que tous se trouvent grandis par ce que nous entreprenons.
 
Ce comportement n’a aucune chance de porter ses fruits si nous ne prenons pas Dieu comme partenaire quotidien et si nous ne le prions sans cesse. Notre vie ne peut être vraie que si nous opérons une fusion d’amour avec Dieu.
 
Contrairement à ce que pourraient penser ceux dont la vie n’est pas éclairée par Dieu, un tel comportement n’est ni pénible ni contraignant, car la présence de Dieu en nous est libératrice et cette liberté nous comble de joie.

Illustrations: Le Christ en croix de Salvador Dali

lundi 17 janvier 2011

Matthieu 5:13-16 Vous êtes la lumière du monde - dimanche 6 février 2011




Matthieu 5 :13-16
Sel de la terre et lumière du monde
13 C'est vous qui êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade avec quoi le salera-t-on ? Il n'est plus bon qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds par les hommes. 14 C'est vous qui êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. 15 On n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. 16 Que votre lumière brille ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos œuvres bonnes, et glorifient votre Père qui est dans les cieux.
Il est difficile d’échapper à la fascination que produit en nous le spectacle d’une nuit étoilée. Les milliers d’étoiles scintillant sur la voûte des cieux nous parlent de la grandeur de Dieu et nous laissent penser que le modeste observateur que nous sommes est bien peu de chose face à l’immensité. Mais l’homme se complet mal dans le rôle du ver de terre adorant les étoiles. Ces quelques instants de modestie provoqués par l’émerveillement sont de courte durée, nous le savons bien ! Très vite, depuis qu’ils ont essayé de comprendre le mouvement des astres, les hommes ont relevé le défi et se sont mis à imaginer que leur prodigieuse intelligence les rendrait maîtres de la terre comme des cieux à l’égal de Dieu. Le génie des hommes les a très vite mis en rivalité avec Dieu. Ils ont donc réussi à aller jusque dans les étoiles et leur rêve a perdu de son aspect merveilleux et enchanteur.

Pourtant il nous a encore été dit récemment que jadis des savants avaient fait une expérience contraire. Ce n'était ni de notre temps, ni dans nos  lieux.  Au lieu de rivaliser avec Dieu en regardant les étoiles, ils avaient trouvé Dieu sur terre en regardant les étoiles. Dieu s'était dissimulé dans un enfant qui luttait pour la vie alors que tout cherchait à la lui ôter. .

C’est en effet sur ce curieux récit que s’ouvre l’Evangile de Matthieu. Il nous raconte que des savants venus d’on ne sait où, quelque part à l’est de nulle part, avaient cherché la vérité à la lumière des étoiles. Une clarté venue d’en haut avait dirigé leurs pas. Ce qu’ils cherchaient, ils le découvrirent caché  sur la terre des hommes, dans un recoin discret et presque inconnu du monde habité. c'est sous le couvert d'un bébé que Dieu se révéla à eux. La morale de l’histoire, c’est que Dieu se met lui-même sur le parcours de ceux qui le cherchent  et les éclaire  d'une lumière surprenante, pour leur permettre de découvrir ici bas la vérité qui le concernent. 

Mais cette leçon de modestie ne plait pas à tout le monde. Elle n’a pas plu en particulier au plus grand de nos rois qui s’est appliqué à démontrer le contraire. Il s’est plu à inverser le sens des choses. Il s’est fait appeler le roi Soleil, et il s’est octroyé le privilège d’éclairer la nation. En inversant ainsi les rôles, il devint Dieu à la place de Dieu, et les serviteurs de Dieu n’eurent plus qu’à se taire ou à se soumettre. Il mourut pourtant sans gloire et sa lumière s’éteignit. Il n’était plus soleil, il n’était plus lumière, il n’était plus rien. Et son astre mort s’anéantit dans l’oubli.

Cependant la leçon donnée par lui avait porté ses fruits. Se levèrent après lui et malgré lui, quantité, de philosophes dont l’éclat de la pensée fut tel qu’on appela la période où ils vécurent « le siècle des lumières ». Désormais la pensée humaine, sanctionnée par la philosophie se proposait à nouveau d’éclairer le monde. La pâle lumière qui avait éclairé les mages à la découverte de Dieu était désormais éclipsée par la sagesse des philosophes dont l’éclat rejetait Dieu dans l’ombre. Dieu lui-même ne devint accessible qu’avec la permission des philosophes.

Nous en sommes encore là aujourd’hui. Ce sont les idéologies dominantes qui concèdent désormais à Dieu le droit d’exister et il n’a la possibilité d’éclairer la pensée de ceux qui se réclament de lui que dans la discrétion et le respect de la pensée dominante. Quoi qu’on en dise les choses se passent bien ainsi !

Sans doute certains, insatisfaits de cet état de fait, décident-ils périodiquement de redonner de l’éclat à Dieu et de faire briller la lumière de sa Loi pour éclairer les nations qui s’écartent de lui. C’est le but que se donnent ceux qui croient que Dieu s'est incarné une fois pour toute et que sa parole contient des enseignements valables pour tous les temps, sans qu'aucune pensée humaine n'y trouve  à redire.  Les débats sur ce sujet se font vifs de nos jours et désorientent beaucoup de gens, quel que soit le champs où ils se situent 

Cela donne  à celui qui observe de l'extérieur  une curieuse impression.  En effet, ce sont des hommes qui essaient de donner à Dieu un éclat que celui-ci n’a plus et qu’il ne semble pas revendiquer. Ainsi certains croyants pensent  aujourd'hui qu’après avoir emprunté sa lumière à Dieu, après la lui avoir confisquée,  il est urgent de la lui rendre de telle sorte que par son éclat, , c'est à dire sa  puissance  redevienne incontestable.

Selon  eux, la lumière qui a été prise à Dieu doit lui être rendue. Mais si Dieu n’est pas intervenu quand les philosophes l’ont dépossédé de sa puissance, s’il n’intervient toujours pas quand les hommes cherchent à la lui rendre, c’est que Dieu ne partage pas le même souci. Quand on agit au nom de Dieu et qu’il ne manifeste pas son intérêt, c’est qu’on ne travaille pas dans la bonne direction. C’est qu’on utilise le nom de Dieu pour que sa gloire rejaillisse sur les hommes qui le manipulent. La lumière de Dieu devient alors un instrument que les hommes s’approprient mais qui ne le concerne pas. Quant à Dieu et en ce qui le concerne dans cette affaire, c’est une tout autre histoire à laquelle nous devons nous intéresser maintenant.

Face à tous ceux qui ont tenté de s’approprier l’éclat de la lumière de Dieu et à tous ceux qui espèrent la lui rendre, nous entendons maintenant la voix de Jésus qui vient en rajouter une couche en disant : « C’est vous qui êtes la lumière du monde ».

Les philosophes des lumières auraient-ils donc raison ? La pensée humaine aurait-elle vocation à éclairer les nations et Dieu ne jouerait-il plus aucun rôle ? Non bien évidemment. Les propos de Jésus n’ont pas une valeur universelle. Ils ne s’adressent pas à n’importe qui. Jésus s’adresse précisément à vous.

Derrière ce « vous » il faut voir tous ceux qui sont rassemblés autour de lui pour écouter le sermon sur la montagne dont ce discours fait partie. Et à travers eux, il s’adresse à ceux des lecteurs de l’Evangile qui s’identifient à leur tour aux témoins de la première heure. Ils rejoignent ceux qui écoutent Jésus assis au flanc de la colline qui domine le lac. Autrement dit, Jésus vous rejoint dans ce lieu où vous êtes venus pour l'écouter.
Jésus s’adresse donc à vous, 
- vous qui reconnaissez en Jésus celui qui leur parle au nom de Dieu et qui leur fait entendre sa parole,
- vous qui savez que Dieu se range du côté des faibles contre les forts, du côté des opprimés contre les oppresseurs,
    - vous, qui savez déjà que Dieu ne veut pas conduire le monde, vers plus de justice et plus de paix si vous ne mettez pas la main à la pâte.

Quand vous vous investissez au service des autres et que vous considérez les autres ( tous les autres) comme vos frères, vous faites resplendir autour de vous un éclat de la lumière divine. Quand vous cueillez sur la bouche de Jésus les directives qui vont orienter vos actions, c’est comme si vous vous étiez approprié un peu de la lumière de Dieu qui est en lui et que celle-ci se trouve réfléchie dans vos actions.

Certes, c’est d’une bien faible lumière que nous irradions, un pâle reflet de la lumière de Dieu, seulement une lueur ! Elle n’a de vraie efficacité que si elle est relayée par la lumière des autres qui, comme chacun de nous croient que c’est Dieu qui inspire leurs actions, car c’est par nos actions que le monde le perçoit.

Ainsi cette faible lumière qui transite de Dieu vers les autres par nos actions retourne-t-elle à Dieu quand Dieu a été identifié à travers elles. Dieu devient alors lumineux, éclairé par sa propre lumière qui ne revient pas à lui sans effet. Si ces actions sont assez nombreuses, elles peuvent même le rendre éblouissant, comme il devrait l’être.

Ceux qui voudraient rendre lumineuse la présence de Dieu par un autre moyen se trompent. C’est ceux dont on a déjà parlé et qui voudraient contraindre les autres à croire par la persuasion ou même par la force.

Aucune action contraignante ou provocante ne peut révéler la gloire de Dieu, car la gloire de Dieu ne peut être visible que si les actions qui la manifestent sont portées par des gestes inspirés par l’amour de Dieu. Ainsi les grandes solennités organisées sous forme de "Te Deum"  le contrarient certainement plus qu'elles ne reçoivent son adhésion. L’amour est la seule vertu à laquelle Dieu donne priorité car il est lui-même amour, dit l’Evangile de Jean. C’est donc par l’amour répandu et partagé que l’on découvre la présence de Dieu.

vendredi 14 janvier 2011

Matthieu 5:1-12 - Le sermon sur la montagne 30 janvier 2011




Matthieu Chapitre 5
SERMON SUR LA MONTAGNE
Les béatitudes
1 Voyant la foule, Jésus monta sur la montagne, il s'assit, et ses disciples s'approchèrent de lui. 2 Puis il ouvrit la bouche et se mit à les enseigner :
3 Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux !
4 Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés !
5 Heureux ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre !
6 Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés !
7 Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde !
8 Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu !
9 Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu !
10 Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice, car le royaume des cieux est à eux !
11 Heureux serez-vous, lorsqu'on vous insultera, qu'on vous persécutera et qu'on répandra sur vous toute sorte de mal, à cause de moi. 12 Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux, car c'est ainsi qu'on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.
Jésus prêchant d'après Erasmagazine

C'est par le mot heureux que commence le  tout  premier enseignement  de Jésus. « Heureux êtes-vous » dit-il, et à la suite de ce mot qu'il répète 10 fois tels les 10 commandements de Moïse, (1) il dresse la liste de tous les gens de son entourage qui n'ont aucune raison d'être heureux, puisqu'ils sont pauvres, ils pleurent, ils sont endeuillés, ils n'ont plus de ressource, ils sont déçus par l'iniquité de la justice humaine, ils sont naïfs et doux dans une société de violence, ils sont maltraités à cause de leurs idées, ils sont persécutés, parce qu'ils suivent Jésus. Tous ces gens marginalisés par la société ou frustrés  par les événements, Jésus les proclame "heureux" .


Comment recevons-nous une telle affirmation ? Si nous étions dans leur cas, et nous le sommes parfois, nous chercherions  à ne plus être victimes ni de notre pauvreté, ni de notre tristesse, ni de notre malheur. Si parmi-nous,  certains ont dit que c’était un honneur que d'être martyrisé au nom de Jésus Christ, bien peu     revendiquent cette situation.

Depuis que Jésus a prononcé ces paroles, les Eglises s'en sont délectées. On les a chantées, on les a récitées, et on continue à le faire. Elles nous servent à consoler ceux qui sont victimes de mauvais sorts et à les encourager à croire que Dieu ne les abandonnera pas. Cependant, quoi qu'on en dise, nous n'avons pas envie de nous trouver dans la situation de tous ceux qui sont marginalisés par leur situation et qui en souffrent.

Pourquoi donc Jésus a-t-il prononcé ces paroles? Quelle était sa visée ? Certains ont cru que Jésus annonçait une révolution sociale et même une révolution cosmique. Ils ont cru que Jésus allait inaugurer un temps nouveau où le Dieu tout Puissant ouvrirait les cieux et renverserait l'ordre social en détruisant toutes les inégalités. Ils croyaient que le Royaume de Dieu allait enfin s'établir sur terre. Ceux-là ont été déçus, ils ont quitté Jésus discrètement les uns après les autres. Le dernier parmi les déçus qui soit  resté dans l'entourage du Seigneur a sans doute été Judas.

Il aurait livré Jésus, selon certains interprètes  pour contraindre Jésus à inaugurer un ordre nouveau en convoquant les légions d'anges pour le défendre. En effet, Jésus n’avait-il pas parlé d’un Royaume des cieux susceptible de s’instaurer sur terre ? Ce fut peine perdue. Jésus s'est laissé arrêter, le ciel ne s'est pas ouvert, Michel et ses anges ne sont pas venus. Bref ce fut raté, car il n’y eut aucune manifestation spectaculaire de la part du Seigneur, au contraire, ce fut la débâcle. Les conjurés se sont égayés dans la nature, laissant le «maître» seul, au pouvoir de ses ennemis  qui organisèrent un procès truqué pour le condamner et qui obtinrent sa mort en soudoyant  par chantage le préfet Ponce Pilate. Pour couronner le tout, Judas se suicida et Jésus agonisa et mourut abandonné de tous.

Ce fut la fin des illusions. Ce fut la fin de l'ordre nouveau.

Les amis de Jésus encore tout effrayés par ce week-end d'horreur découvrirent avec stupéfaction que le maître était vivant. Non pas qu'il ait survécu à son supplice, car ils l’avaient vu mort, mais qu'il était vivant autrement. Il vivait après sa mort d'une vie qui lui venait d'ailleurs, et il vit encore de cette manière - c'était la résurrection - A partir de ce moment là certains ont commencé à penser que c'était à eux, les compagnons du  maître d'organiser la suite, de mettre en pratique les béatitudes, de venir consoler ceux qui pleuraient, d'intervenir dans les cas d'injustice sociale, en d'autre terme de prendre la défense des plus faibles contre les plus forts. Ils se sont sentis investis du pouvoir de promouvoir un nouvel ordre social et de secourir toutes les misères. Ils ont organisé une société modèle, celle de l’Eglise primitive dont le livre des Actes nous rend compte. Depuis ce moment les églises se sont  reconnues cette vocation d'être témoin d'une nouvelle manière d'être en société.

Pour  être témoin des merveilles annoncées par Jésus, il fallait d’abord se décider à vivre autrement. C'est cette voie qu'il  nous faut explorer maintenant, celle qui nous invite à vivre autrement et par laquelle nous serons heureux si nous la suivons. Le problème, consiste à savoir  ce qu'est la vie autrement. Nous sommes bien convaincus de la nécessité qu'il y a à  mettre les béatitudes en pratique, mais  nous n'avons pas envie d'être les premiers à le faire ni les seuls, ni d'être  différents des autres. Au contraire, en dépit de nos affirmations concernant notre droit à la différence, nous cherchons plutôt la conformité.

Notre seule envie est de satisfaire nos désirs immédiats et  de mettre notre corps à l'aise Pourtant celui qui nous promet que nous serons heureux si nous le suivons ne nous a pas donné de modèle  particulier. Il nous a seulement proposé de vivre avec cette pensée selon laquelle si nous voulons vivre selon la volonté de Dieu il faut donner priorité aux autres. C’est alors que Jésus serait présent à nos côtés. Dans ces conditions, sa  présence  nous entraîne à vivre autrement.

La présence de Jésus auprès des hommes n’a jamais cessée. Bien que vivant il y a 2000 ans, sa résurrection nous le rend tout aussi présent aujourd'hui. Il se tient à nos côtés, comme il était à côté de ceux qui étaient avec lui au bord du lac. C’est avec l'aide et le soutien de son esprit qu’il place en nous qu’il nous aide à prendre nos problèmes en charge. Il nous aide à prendre notre situation en main en mettant en nous l'énergie dont nous avons besoin pour aller plus avant. C’est en réalisant cela que nous découvrons la pertinence de la traduction d'André Chouraqui. Il a en effet rendu le sens du mot « heureux » par l’expression « en marche » .

En  effet, pour se mettre en marche, il faut le vouloir. Si nous avons ce désir, Jésus nous prend alors la main et  ne nous lâche pas. Il nous pousse en avant pour que notre marche soit toujours triomphante. Il nous entraîne à le suivre ainsi dans l'Eternité où il est déjà. Plus le chemin de l'éternité se précise, plus sa main se fait ferme, plus sa voix se fait précise, plus nous désirons le garder comme compagnon de route et plus nous sommes heureux en sa présence.

En constatant la différence de traduction entre nos Bibles qui rendent le grec makarios par heureux et M. Chouraqui qui dit : "En marche", on est en droit de se demander qui a raison? Nous sommes bien évidemment séduits part la traduction de A.Chouraqui, mais comment la concilier avec le mot grec makarios qui signifie "heureux"? Il nous faut refaire le même parcours que lui pour découvrir que le mot qui traduit « heureux » en hébreu est un mot issu de la racine du verbe marcher (Asher) ce qui pourrait vouloir dire que l'homme "heureux" c'est l'homme qui marche.

Bien  évidemment en ce début de vingt et unième siècle, nous n’avons pas l’impression que nos Eglises soient vraiment en marche, on a plus l’impression qu’elles sont à la traîne. Et que leur seule vraie préoccupation est de subsister face à un monde qui n’accepte pas l'  Evangile.Il 


Il ne faut pas s'attrister à cause d’une telle situation car Jésus n'a rien figé à l’avance. Il nous a promis le " bonheur" même en état de manque, de contestation, de rejet ou d’indifférence. Il ne nous a pas interdit non plus ni, de changer les structures de l’Eglise, ni de la faire évoluer, si elles paraissent ne plus correspondre à notre temps. La vraie joie que Jésus dépose en nous est celle que nous donne la fidélité à Jésus quelle que soit la situation que nous traversons. Il nous attend pour  nous mettre en marche  afin qu’avec lui, nous inventions  ensemble, et dans la joie l’Eglise de demain.



"En marche donc ! Vous les affligés, vous les pauvres, vous les assoiffés de justice » car, en compagnie de Jésus, il  est déjà en train de se passer quelque chose qui fera de nous des êtres différents.
Pourquoi différents?
Parce que sauvés.


(1) pour les puristes le dixième heureux est contenu dans le verbe kariete, réjouissez-vous où on retrouve le même radical qu’heureux

lundi 10 janvier 2011

Matthieu 4:12-25 : Je vous ferai pêcheurs d'hommes dimanche - 23 janvier 2011



Matthieu 4/12-25

12 Lorsqu'il eut appris que Jean avait été livré, Jésus se retira dans la Galilée. 13 Il quitta Nazareth, et vint demeurer à Capernaüm, situé près de la mer aux confins de Zabulon et de Nephtali, 14 afin que s'accomplisse la parole du prophète Ésaïe :

15  Terre de Zabulon et terre de Nephtali, Contrée voisine de la mer, au-delà du Jourdain, Galilée des païens ;
16 Le peuple assis dans les ténèbres, A vu une grande lumière, Et sur ceux qui étaient assis dans le pays Et dans l'ombre de la mort, Une lumière s'est levée.

17 Dès lors Jésus commença à prêcher et à dire : Repentez-vous car le royaume des cieux est proche. 18 Au bord de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon appelé Pierre, et André, son frère, qui jetaient un filet dans la mer ; en effet ils étaient pêcheurs. 19 Il leur dit : Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes. 20 Aussitôt, ils laissèrent les filets et le suivirent.
21 En allant plus loin, il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, qui étaient dans une barque avec Zébédée, leur père, et qui réparaient leurs filets. 22 Il les appela, et aussitôt ils laissèrent la barque et leur père, et le suivirent.
23 Jésus parcourait toute la Galilée, il enseignait dans les synagogues, prêchait la bonne nouvelle du royaume, et guérissait toute maladie et toute infirmité parmi le peuple.


« Venez après moi et je vous ferai pêcheurs d’hommes ». Ceux qui sont familiers des Ecritures ont tellement pris l’habitude de cette expression qu’ils mesurent à peine ce qu’elle a d’incongrue. La pêche proposée par Jésus en assimilant les hommes à des poissons a pour but de faire vivre les hommes qui vont être péchés. Or quand on va à la pêche, ce n’est généralement pas pour le bien être des poissons péchés. Les poissons péchés sont destinés à mourir puis à être mangés. Pourtant en utilisant cette expression Jésus entend bien signifier le contraire. Les hommes se meuvent sur terre dans une atmosphère de mort, tant il est vrai que dès notre naissance nous nous acheminons lentement vers notre mort. Jésus  entend casser le cycle infernal de la mort.

Or les hommes ne sont pas des amphibiens, ils ne vivent pas dans l’eau. L’eau prend ici une valeur symbolique. Dans le langage de la Bible l’eau est le lieu où se trouvent les forces hostiles à Dieu. Les Ecritures confèrent à la masse des eaux de la mer un caractère hostile aux hommes. Dans le récit de la création ou dans celui de la traversée de la Mer Rouge, Dieu doit maîtriser la force des eaux qui lui résistent. Dans les deux cas, il doit fendre les eaux, c'est-à-dire qu’il doit leur faire violence pour provoquer quelque chose qui ressemble à une naissance. Dans le récit de la création c’est pour libérer la terre retenue prisonnière par les eaux  que Dieu les fend  pour rendre la terre libre et lui permettre d'accomplir son destin. Si Dieu ouvre également la Mer rouge, c’est pour libérer le passage aux Hébreux afin qu'ils naissent comme un peuple nouveau.  Bien évidemment  ces images font  allusion  à la naissance des humains
 

Jésus, quant à lui, a du à plusieurs reprises dominer les éléments constitués par la masse des eaux. Il éleva la voix contre la tempête qui se calma aussitôt. Il voulait signifier par là son pouvoir sur les forces hostiles à Dieu et aux hommes. Quand il marcha sur la mer il exprima par son geste son pouvoir de domination sur les éléments !

Si les hommes sont ici comparés à des poissons qu’il faut pécher pour les sortir de l’eau c’est qu’il estime que les hommes  ont besoin de naître de nouveau pour  vivre. Jésus considère que sa tâche est de les libérer le plus rapidement possible pour que Dieu puisse achever son œuvre en eux. Pour y parvenir,  Jésus a besoin qu’on  d'aide et c’est pour cela qu’il appelle des volontaires tels que Pierre et André et les autres …et nous-mêmes.

Mais quelles sont ces forces hostiles qui maintiennent les hommes asservis et s'opposent à Dieu? Si nous répondons que c’est le mal ou le péché, nous n’avancerons pas beaucoup. Le contexte biblique nous replace ici dans l’atmosphère de la création, comme nous l'avons déjà dit. Il nous ramène au moment où  Dieu sépara les eaux du haut d’avec les eaux du bas pour faire surgir la terre et la mettre au sec.

Jésus nous invite à nous replonger dans ce moment mythique où la terre était encore engluée dans le tohu-bohu primitif d’où l’ensemble de la création a été tiré pour devenir l’univers. Mais ce n’était pas fini, le sixième jour n’était pas achevé. Pour ce qui concerne l’homme il devait lui aussi encore être libéré de la gangue originelle qui lui collait à la peau et à l’âme.

C’est à cause cela que nous aspirons à faire le bien sans jamais y arriver complètement, c’est à cause cela que nous sommes portés à tirer profit de nos voisins alors que notre raison nous dit le contraire, c’est à cause de cela que les hommes n’arrivent pas à aimer ceux qui leur sont indifférents et c’est à cause de cela que leur égoïsme est plus fort que leur amour. En fait vous l’avez bien compris, la création de l’homme n’est pas encore complètement achevée. L’homme n’est pas fini, il est en cours de création. Il faut qu’il change de milieu de vie pour s’épanouir. Le milieu dans lequel il est, handicape son épanouissement qui ne peut se faire qu’en Dieu.

A l’instar de Dieu qui maîtrisa le chaos, Jésus cherche des partenaires pour continuer avec lui à poursuivre la libération des hommes qui ne sont pas encore arrivés à leur maturité finale.

Dieu a entrepris ce travail depuis le commencement. Sans doute a-t-il réussi grâce à l’évolution des espèces à nous envelopper d' une enveloppe charnelle acceptable à  laquelle il n’y a pas besoin de faire beaucoup de retouches pour la rendre parfaite. Les humains s'y emploient. Avec un peu de fard et quelques vêtements bien coupés, une hygiène de vie et un peu de sport, ils n'ont pas besoin de plus pour rendre à leur aspect extérieur l’illusion de la perfection. Mais l’homme est aussi doté d’un esprit qui est sensé le rendre semblable à l’image de Dieu, et c’est là qu’il y a encore du travail à faire !


L’esprit est la partie de nous-mêmes qui est en ébullition constante et qui ne s’arrête jamais de progresser. Dans cette activité incessante, nous ne nous rendons pas compte que notre esprit n’est pas autonome. Pour devenir conforme à l’image de Dieu, selon le projet du Créateur, il faut que chaque homme accueille en lui l’empreinte de l'esprit divin.  Malgré la proximité de son créateur, chacun doit encore le découvrir. Dieu, pour sa part, qui veut que sa créature soit libre, s’interdit d’intervenir de manière contraignante. Depuis toujours, il a fait le pari que l’homme se tournerait librement vers lui et accueilleraient  les projets de Dieu. C'est ainsi qu'il évolueront afin de devenir conformes  à l'image de Dieu.

Mais si l’homme reste une créature libre, il n'en est pas moins  une créature au cou raide. Il réagit contre tout ce qu’il ne connaît pas. Tant qu’il n’a pas fait la connaissance de son Dieu il reste circonspect par rapport à tout ce qui peut  représenter le divin. Le refus de Dieu est conçu par l’homme comme l’action spirituelle la plus élaborée qu’il ait réussi à entreprendre. C’est pourquoi les sociétés occidentales qui se prétendent évoluées cherchent à se séparer de l’idée même de Dieu et font de l’athéisme le stade le plus élaboré de la spiritualité humaine.


Dieu ne cède pas non plus. Son esprit qu’il souffle sur le monde depuis les origines est capable d’inverser le cours des choses. Par l'Esprit qui repose en lui, Jésus  a provoqué des prises de conscience sans pareilles chez les hommes.C'est par l'action de l'Esprit que Jésus  mobilise ses collaborateurs pour aller à la pêche de leurs semblables. C’est pourquoi il nous faut persévérer. Il nous faut, par tous les moyens, appeler les hommes à se laisser saisir par Dieu, sans quoi ils n’arriveront jamais à la connaissance parfaite de leur humanité.

Qu’y a-t-il de plus exaltant que de participer à l’accomplissement de l’humanité ? Qu’y a-t-il de plus exaltant que de devenir les plus proches collaborateurs de Dieu et de participer avec lui à l’achèvement de la création? C’est le programme qui nous est proposé. Il semble même qu’il y ait urgence à l’accomplir, c’est pour cela que les deux frères Jacques et Jean abandonnent tout, y compris leur vieux père dans la barque pour répondre à cet appel.

Il nous faut cependant constater, que bien souvent les hommes les plus audacieux se sont arrêtés à mi-chemin. Les Eglises qui mobilisent leur enthousiasme ont tendance à se tromper d’objectif en devenant auto consommatrices du salut. Elles ne se lassent pas de prêcher le salut dans les cercles fermés de leurs communautés. Elles entraînent leurs membres à continuer à acquérir un salut qu’ils ont déjà acquis et à méditer avec exaltation sur les bontés de Dieu qui ne cesse de les sauver. Elles se font témoins du salut individuel de leurs membres et renâclent à donner priorité à la pêche en eau profonde pour participer au salut des autres.

Jésus nous a convaincus qu’il y avait urgence à s’occuper des hommes qui s’asphyxient loin de Dieu. Nous savons qu’ils ne peuvent trouver leur vraie personnalité que dans la connaissance de Dieu. Il faut que par leur comportement les chrétiens soient des signes d’espérance pour tous les hommes. Il faut que ceux qui aspirent à être libérés de la maladie, de la pauvreté de l’injustice et qui continuent à se tenir loin de Dieu découvrent la vérité sur leur vie. Il faut que l’espérance qui s'est installée dans le cœur des croyants en irradie au-delà d'eux mêmes. Il nous faut être chrétiens avec audace. C’est facile à dire, moins facile à faire, mais c’est ce que nous demande celui qui nous a déjà sauvé.

lundi 3 janvier 2011

Esaïe 49:1-6 Le serviteur de l'Eternel Dimanche 16 janvier




Esaïe 49/1-6 :

Le serviteur de l'Éternel,
lumière des nations
1Îles, écoutez-moi !
Peuples lointains, soyez attentifs !
L'Éternel m'a appelé dès le sein (maternel),
Il a fait mention de mon nom dès (ma sortie) des entrailles de ma mère.
2Il a rendu ma bouche semblable à une épée tranchante,
Il m'a couvert de l'ombre de sa main ;
Il a fait de moi une flèche aiguë,
Il m'a dissimulé dans son carquois.
3Et il m'a dit : Tu es mon serviteur,
Israël en qui j'aurai ma parure.
4Mais moi j'ai dit :
C'est en vain que je me suis fatigué,
C'est pour le vide, la vanité que j'ai consumé ma force ;
Certes mon droit est auprès de l'Éternel
Et ma récompense auprès de mon Dieu.
5Maintenant l'Éternel parle,
Lui qui m'a formé dès le sein (maternel)
Pour être son serviteur,
Pour ramener à lui Jacob,
Pour qu'Israël soit assemblé auprès de lui ;
Je suis glorifié aux yeux de l'Éternel,
Car mon Dieu a été ma force.
6Il dit : C'est peu que tu sois mon serviteur
Pour relever les tribus de Jacob
Et pour ramener les restes d'Israël :
Je t'établis pour être la lumière des nations,
Pour que mon salut soit (manifesté)
Jusqu'aux extrémités de la terre.
Le rouleau du prophète Esaïe.

Les voies du Seigneur sont bien étranges ! Il se produit parfois dans la vie du croyant des moments où il ne trouve plus de cohérence entre sa foi en Dieu et les événements qu’il est en train de vivre. Des questions surgissent et restent sans réponse. Pire encore, les réponses qu’il trouve en Dieu sont tellement provocantes que c’est sa relation avec Dieu qui s’en trouve bousculée.
Sans doute certains d’entre nous se ont-ils rencontré de telles situations si bien qu’ils risquent de trouver un certain intérêt dans la suite de ce propos.

Ici, il s’agit du prophète lui-même qui ne trouve plus de cohérence entre le message qu’il est sensé délivrer et la foi en ce Dieu qui l’a mandaté. Il se sent mis en cause par le message dont il est chargé
« c’est pour rien que je me suis fatigué, c’est pour le chaos, la futilité que j’ai épuisé ma force. » Voilà la conclusion de sa réflexion.

L’homme qui parle ainsi est un prophète a succès. C’est un homme qui se sait choisi par Dieu dès le sein de sa mère. Ils ne sont pas nombreux dans l’Ecriture ceux qui peuvent revendiquer un tel privilège. Sa bouche a été formée pour prononcer la parole de Dieu tel un glaive acéré. Il se sait avoir été visité par l’esprit vivifiant du Seigneur. Il a porté à la face de son peuple des paroles qui ont suscité une vague d’espérance sans précédent et voici que le message dont il est chargé devient incohérent à ses propres oreilles. Il ne distingue plus où l’esprit du Seigneur le pousse. 

Cet homme n’est pas désabusé par un long ministère infructueux, et sa morosité n’est pas l’expression de son échec intérieur. Tout son désarroi découle du texte que nous venons de lire. La bonne nouvelle qu’il est sensé porter semble avoir changée de nature. Il ne doit pas prêcher seulement la fin de l’exil et le retour à la prospérité. Il doit aussi parler de justice et d’équité. Le Dieu dont il doit porter le message est différent du Dieu en qui ses contemporains espèrent. Si Dieu libère son peuple, il prend également soin des pauvres et des égarés. Le prophète comprend qu’il ne doit pas être seulement un prédicateur à succès mais qu’il doit aussi donner un autre ton à son message. Une telle évolution dans sa manière de penser va mettre sa vie en cause, peut être pressent-il qu’il en mourra ? Nulle ne saurait le dire car l’Ecriture garde ses secrets. 

Le prophète Esaïe dont il est question ici est l’autre Esaïe. Il s’agit de celui que les gens instruits en matière d’Ecritures appellent le Deutéro-Esaïe qui vivait 150 ans après celui dont le Livre du prophète porte le nom. Nous l’appelons « Deuxième Esaïe » parce que les chapitres qui lui sont consacrés font suite à ceux de l’autre prophète, ils ont été transmis sur le même rouleau, et c’est parce que nous ne connaissons pas son nom qu’on lui a donné celui du précédant tant il est vrai qu’on ne prête qu’aux riches. On trouve ses récits à partir du chapitre 40 jusqu’au chapitre 55. La teneur de son message est de la même veine que le premier Esaïe c’est pourquoi on les a parfois confondus. Le premier vivait à l’époque royale et le second vivait pendant l’exil.

Nous avons lu ses propos désabusés sur lui-même. Il est conscient de sa vocation de prophète. Il a été choisi dès le ventre de sa mère pour apporter une bonne nouvelle au peuple. Il a exprimé cette bonne nouvelle en annonçant le retour des exilés dans leur terre d’origine. Il est le premier à discerner un changement dans le comportement des puissants. Il a pressenti le premier, que Dieu allait se servir d’un chef conquérant pour restaurer l’ancien royaume d’Israël. Il a vu dans celui dont l’étoile s’est levée en Perse le bras armé de Dieu pour favoriser le retour des exilés: Cyrus. Il vole de victoires en victoires, déjà il est aux portes de Babylone. On l’acclame comme sauveur, il est salué du titre de fils de Marduk, le grand Dieu. Sa générosité proverbiale alimente les chroniques. Il maintient en vie les princes vaincus qu’il astreint à résidence dans un palais où ils coulent des jours paisibles. Il respecte la religion des pays vaincus, il restaure les cultes abolis. Esaïe prédit le retour de ses contemporains chez eux grâce à Cyrus qu’il salue du titre de « messie » réservé jusque là aux rois d’Israël.

Telle était la mission qu’il avait reçue de Dieu telle est la mission qu’il a accomplie. Pourquoi rechigner ? Pourquoi maintenant ce ton désabusé ? Parce que, comme tous les penseurs, il doit mettre de l’ordre dans ses pensées. Il doit mettre en accord le message que Dieu lui inspire avec les événements du moment car Dieu ne parle pas d’une manière abstraite.. L’euphorie du retour ne suffit pas. Il lui faut parler de justice, de droits du plus faible.

Depuis la chute de Jérusalem ses contemporains se sont posés beaucoup de questions sur le sens des événements. Ils se sont interrogés sur le sens de la souffrance. Y a-t-il une relation de cause à effet entre les fautes et les souffrances. Celles-ci sont-elles l’effet du châtiment de Dieu sur les fautes commises jadis à l’époque de la prospérité ? Dieu les fait-il souffrir en exil pour payer les fautes de leurs dirigeants. Dieu peut-il infliger un châtiment aux innocents? Sont-ils tous coupables ? Est-il concevable que le Dieu de justice ait un rôle à jouer dans les souffrances ? 

Maintenant que la promesse du retour se fait jour, Le prophète ne peut plus escamoter les vraies questions que tous se posent depuis si longtemps. Dieu joue-t-il un rôle dans la souffrance des hommes et en particulier dans la souffrance des innocents ? Les réponses du prophète seront mal perçues et on l’ accusera de tenir des propos inacceptables. On l’accusera de modifier le message de Dieu.

Sachant ce que les mots veulent dire, sachant ce que Dieu lui a donné de comprendre, le prophète sait quel accueil recevra son message ! Il sait que son confrère Ezechiel a été pris pour un fou quand il a essayé d’aborder de telles questions. Il sait que tout propos mettant en cause la nature de Dieu suffira à déclencher l’hostilité contre lui. De prophète de bonheur, il va devenir prophète provocateur et la violence se retournera contre lui.

Il tend le dos, il résiste à ceux qui lui arrachent la barbe, il se laisse malmener par ceux qui l’écoutent. Il est traîné comme une brebis que l’on tond, comme un agneau que l’ on égorge. C’est dans son propre martyr qu’il prend conscience de la vérité, et la vérité ne fait pas plaisir à entendre. Alors qu’il est victime de la colère des hommes pour avoir mal parlé de Dieu selon eux, alors qu’il subit leurs violences il découvre que son compagnon d’infortune c’est Dieu lui-même. Dieu quitte sa gloire pour venir souffrir des coups qu’on lui porte et quand on lui arrache la barbe c’est la barbe de Dieu que l’on arrache.

Il affirme donc que la souffrance n’est pas voulue par Dieu mais qu’elle est ressentie par lui comme autant de coups qu’on lui porte. Dieu vient prêter main forte à celui qui lutte contre les injustices que subissent les hommes en venant partager leurs combats. Le Messie tant attendu par Israël ne sera pas Cyrus. Cyrus ne sera que le souverain politique, le vrai Messie d’Israël c’est celui qui vient souffrir avec eux et partager les détresses des plus démunis. Mais quel est ce Dieu qui se révèle ainsi ? Quel sens peut prendre notre foi en un tel Dieu ?

Le prophète persécuté va alors écrire quatre poèmes où il développe le portrait du Messie qu’il décrit comme compatissant à la souffrance humaine( 1). Cinq siècles avant Jésus, un prophète anonyme lui avait donc déjà balisé le chemin sur la terre de Babylone. Désormais, il faudra que l’on s’habitue à cette nouvelle conception de Dieu. 

Dieu choisit désormais de se manifester, non pas par des miracles spectaculaires mais en pénétrant l’humanité qu’il travaille de l ’intérieur pour surmonter avec chaque individus les épreuves qu’il traverse. Ainsi conforté par cette présence de Dieu à ses côtés l’homme ne sera plus démuni quand le destin l’accablera. Il trouvera le regard bien veillant de Dieu, il sentira sa main sur son épaule, il pourra puiser dans la force de son esprit l’énergie dont il aura besoin et il trouvera l’éternité au bout de son chemin. 

(1) les chants du Serviteur Souffrant se trouvent Esaïe 42/1-9 ; Esaïe 49/1-7 ; Esaïe 50/ 4-11 et Esaïe 52/13-53/12