samedi 20 février 2010

La femme adultère: Jean 8:1-11 dimanche 21 mars 2010 et 13 mars 2016



Jean Chapitre 8
1Jésus se rendit au mont des Oliviers. 2 Mais dès le matin, il retourna au temple, et tout le peuple vint à lui. S'étant assis, il les instruisait. 3 Alors les scribes et les pharisiens amènent une femme surprise en adultère, la placent au milieu 4 et lui disent : Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d'adultère. 5 Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes : toi, donc, que dis-tu ? 6 Ils disaient cela pour le mettre à l'épreuve, afin de pouvoir l'accuser. Mais Jésus se baissa et se mit à écrire avec le doigt sur la terre.

7 Comme ils continuaient à l'interroger, il se redressa et leur dit : Que celui de vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre ! 8 De nouveau il se baissa et se mit à écrire sur la terre. 9 Quand ils entendirent cela, ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus âgés. Et il resta seul avec la femme qui était là, au milieu. 10 Alors Jésus se redressa et lui dit : Eh bien, femme, où sont-ils passés ? Personne ne t'a donc condamnée ? 11 Elle répondit : Personne, Seigneur. Jésus dit : Moi non plus, je ne te condamne pas ; va, et désormais ne pèche plus.
Jésus a échappé aux pièges que lui tendaient les docteurs de la Loi. Allons-nous éviter les pièges à notre tour car, nous allons le voir ce texte est un vrai parcours du combattant, non seulement pour Jésus qui réussit, à s’en sortir et à nous donner un enseignement sur le « jugement », mais aussi pour nous, qui avons trop tendance à suivre le texte à la lettre et non dans l’esprit? Tout se passe comme si Jésus, par son attitude passive renversait toutes les valeurs et que chaque chose prenait du sens dans son contraire. Les adversaires de Jésus voudraient l’engager dans un procès, mais il n’y a pas de procès. Jésus se refuse à porter un jugement, mais il le fait quand même et le résultat est le contraire de ce qui était espéré. L’accusée prise en flagrant délit sort innocente de l’affaire et ceux qui l’accusaient en se recommandant de l’application de la loi se trouvent condamnés. La loi elle-même utilisée par les uns pour condamner est utilisée par Jésus pour innocenter. Cependant, Jésus lui-même, qui n’est pas habilité à porter un jugement le porte quand même alors que les scribes qui sont qualifiés pour le faire ne disent rien et se sentant jugés s’en vont pour ne pas être condamnés.

Bien que le problème relève du droit commun on sent bien que les enjeux sont d’un autre ordre et relèvent du jugement de Dieu à la fin des temps. La terre et le ciel communiquent dans une confusion générale où nous devrons mettre de l’ordre pour comprendre quelque chose. Jésus pour sa part assis sur le sable reste curieusement inactif traçant avec son doigt des signes énigmatiques qui seront effacés à tout jamais par le premier souffle de vent, en gardant leur mystère .
 
Quels sont donc les enjeux de toute cette aventure? Selon les provocateurs de Jésus, il s’agit de vérifier si la Loi, donnée par Moïse, engage Dieu et permet de punir les coupables en toute circonstance. A l’opposé, Jésus prétend que la Loi de Dieu vécue en esprit, libère les hommes et ne les condamne pas. Le péché étant sans incidence sur le jugement final. Le piège dans lequel Jésus ne tombe pas c’est de confondre les chemins des hommes avec les voies de Dieu. Si Moïse a donné une Loi aux hommes de la part de Dieu, c’est pour régler leurs comportements sur terre entre eux. Moïse n’engageait ni la Liberté ni l’Éternité de Dieu. Jésus, quant à lui, justifie ici la grande liberté de Dieu face au péché. Il exprime le désir de Dieu de dépasser la culpabilité des hommes pécheurs et montre que Dieu a pour seul désir celui de condamner les hommes à vivre.

Nous avons du mal à entrer dans cette problématique car nous avons des répugnances à proclamer la gratuité du péché et à annoncer le pardon en toutes circonstances. Quand le péché est pardonné, la cause même du péché est enlevée. Pour notre part, nous continuons généralement à lire l’Écriture avec des critères humains. Nous enfermons les hommes dans ces critères, si bien que nous disposons du salut éternel à la place de Dieu. Nous privons, par avance du salut et du pardon ceux qui ne pensent pas comme nous. C’est comme cela qu’agissaient scribes pharisiens et grands prêtres qui condamnèrent Jésus, c’est aussi comme cela qu’agissent parfois aujourd’hui les gens d’église.

Pour Jésus, il n’en est rien. La scène que nous avons lue prend place dans le temple, lieu par excellence où la volonté de Dieu doit s’exprimer. Ce sont les scribes et les pharisiens qui interpellent Jésus en lui proposant de prononcer un jugement. Ce sont pourtant eux les seuls capables d’interpréter la loi et de porter un jugement. Ils ne s’en privent d’ailleurs pas lorsqu’ils lui disent : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère la loi de Moïse ordonne de lapider de telles femmes. » C’est quand même eux qui disent la Loi. En donnant à Jésus l’occasion de prononcer un jugement différent du leur, c’est à dire de celui de Moïse, ils ont la ferme intention de le piéger et de l’accuser de mettre à mal la Loi de Moïse. En demandant à Jésus de s’exprimer sur cet événement et en lui donnant la possibilité d’émettre un avis contraire au leur, ils reconnaissent implicitement qu’il a autorité sur eux et sur la Loi de Moïse, il leur est donc supérieur et supérieur à Moïse.
Qui donc est supérieur à Moïse si non le Messie? Voulant piéger Jésus, ils l’authentifient comme Messie, et le piège se referme alors sur eux. En contestant, plus tard, cet état de fait lors du procès de Jésus, ils se parjureront. Pour aggraver leur cas, ils lui ont donné le titre de Maître, c’est dire qu’ils lui ont conféré un titre officiel qui lui donne une autorité semblable à la leur. Quand on veut piéger quelqu’un, il faut prendre garde de ne pas prêter le flan à l’accusation.

Dans cette situation, ils ne seront pas seulement parjures, mais ils seront menteurs, autant dire qu’ils seront les instruments du diable. En effet, ils accusent cette femme d’avoir été surprise en flagrant délit d’adultère. Si tel est le cas, ils devraient faire comparaître également son complice ou son compagnon. En effet, pour commettre un adultère il faut être deux et pour que le délit soit flagrant il faut que les deux soient présents. S’ils ne produisent pas le partenaire, ils sont donc coupables de mensonge!

Faut-il imaginer qu’ils sont comme les vieillards qui accusaient Suzanne dans le récit grec de Daniel rapporté par la Septante. Ce texte est un apocryphe que les protestants ne reconnaissent pas, mais qui contient l’histoire savoureuse de la jeune Suzanne qui est surprise dans son bain par deux vieillards lubriques qui ont la ferme intention de la déshonorer. Ces deux vieillards sont des notables et exercent la fonction de juge pour la communauté juive de Babylone. Comme Suzanne refuse de céder à leurs avances ils l’accusent en prétendant l’avoir surprise en flagrant délit d’adultère avec un beau jeune homme qui a leur vue s’est enfui par dessus le mur ! Suzanne est condamnée à mort pour adultère.

Heureusement Daniel intervient et demande que l’on fasse rendre témoignage aux deux vieillards séparément. Bien évidemment ils se contredisent dans les détails et montrent alors que leurs accusations étaient mensongères. C’est alors eux que l’on condamne à mort. Le rapprochement des deux récits est troublant.

Jésus écrit alors sur le sable avec son doigt. Qu’écrit-il? La nouvelle Loi selon lui? Nul ne le sait. Mais ce qui est écrit n’a aucune importance, c’est sur le sable, le souffle du vent l’efface en un instant. Que reste-t-il alors si non les paroles de Jésus : personne ne t’accuse! Moi non plus, comme quoi, là aussi les valeurs sont inversées, les écrits s’envolent et les paroles restent et prennent valeur de Loi de Dieu.

Puisque les scribes ont implicitement élevé Jésus au rang de Messie, il est convenable de comprendre que le Messie ne condamne pas ni dans ce temps, ni dans l’éternité, c’est ce que ce passage cherche à démontrer. Ce passage nous dit donc que le Messie ne condamne pas, parce que telle est la volonté de Dieu. Celui qui n’est pas condamné n’est plus sous le coup du péché.

Nous pouvons donc affronter avec assurance ce temps que les hommes de la Bible appellent celui du jugement dernier. Il n’y a pas de « dies irae » à craindre ni de courroux divin à redouter. Jésus assis à la droite du Père entouré des saints anges, selon l’imagerie traditionnelle ne peut que répéter à l’infini et jusqu’à la consommation des siècles ce qui est ici écrit : « moi non plus, je ne te condamne pas »


  Un autre sermon sur ce même sujet :
Je reviens vers vous , parce que la recherche automatique du blog vous a renvoyé ici et non sur  l'autre sermon que 6 ans après j'ai refait sur ce même sujet, j'ai retravaillé le texte  et  je vous le donne ici, car mes conclusions sont différentes de celles qu' alors j'avais  tirées . 




Si on voulait résumer en quelques mots l’enseignement de Jésus pour lequel ses amis ont consacré quatre évangiles, c’est à  coup sûr,  la conclusion de cet épisode de la femme adultère qu’il faudrait prendre : «  moi non plus, je ne te condamne pas ! » Jésus, parlant au nom de Dieu ne condamne pas les simples pécheurs ni les pécheurs scandaleux, ni les autres. Il  ne prive personne ni de l’amour ni de la grâce de Dieu, même pas  ceux que la justice des hommes condamne à de lourdes peines ou même à la mort.  A tous Jésus offre la vie.  

Dans ce passage, vous avez sans  doute  admiré la manière dont Jésus s’était sorti de piège remarquablement tendu par ses adversaires. Mais sommes-nous bien sûrs d’avoir compris ce qui s’était passé, car Jésus ne s’est pas livré à une entourloupette juridique comme le font les grands avocats pour  que leurs clients échappent à une peine méritée. Jésus n’a pas cherché à sauver la femme par des artifices juridiques, mais elle a quand même été sauvée. Ceux qui ont compris l’attitude de Jésus n’ont pas forcément accepté sa conclusion du pardon universel sans condition. Sans condition avez-vous dit ? Sans condition, avons-nous dit !

Si j’en crois la manière dont ce texte a été reçu dans le canon de l’Évangile de Jean, je dirais que les premiers chrétiens ont eu du mal à s’approprier la conclusion de Jésus et à la considérer comme l’aboutissement normal de son Évangile.  Pendant 3 siècles les premiers fragments  des parchemins de l’Évangile  de Jean qui nous sont parvenus n’ont  pas fait état de cet épisode. Ce n’est qu’au quatrième siècle qu’on l’a vu  apparaître une seule fois en finale de l’Évangile de Luc, puis  lentement il  s’est  imposé comme partie intégrante de l’Évangile de Jean. La chose est curieuse et mériterait de plus amples commentaires,  d’ailleurs, selon les spécialistes du texte, ce récit relève plus du style de Luc que de celui de Jean. En fait pendant  longtemps ce texte a fait la navette entre les deux Évangile, tantôt accepté par les copistes  de  l’un tantôt  refusé par les autres.  Toutes ces hésitations plaident d’ailleurs en faveur de son authenticité. Ce n’est sans doute pas le récit en soi qui était ainsi discuté, mais sa conclusion. Il serait donc mal venu de critiquer les scribes et les pharisiens qui soupçonnent Jésus de laxisme, L’Église aussi l’a fait à propos de ce texte.

Jésus annonçait le pardon des péchés sans aucune contrepartie. Les plus grands pécheurs seraient accueillis devant Dieu de la même façon que  les moins fautifs ! C’est tellement choquant qu’on a essayé de minimiser la situation et d’innocenter la femme en se faisant son avocat. On va inventer toutes sortes d’arguments  pour justifier les propos de Jésus et les rendre acceptables.  On a fait valoir que son complice ne comparaissait  pas avec elle, or, pour  qu’un adultère soit flagrant, comme il est dit ici, il faut que le complice soit cité en même temps que l’accusé. Ce n’est pas le cas ici.  Pour qu’il y ait procès, car c’est bien d’un procès qu’il s’agit, il faut un plaignant, or le seul plaignant habilité en l’occurrence serait le mari. Il n’est pas présent non plus et ne se présente pas en accusateur. Cette mise en scène était donc un piège pour faire tomber Jésus et il n’y est pas tombé. Après ces commentaires la femme, ne semblait pas coupable. Personne ne s’y trompe et on se réjouit de voir que Jésus s’en sort habilement, comme toujours.

Ceux qui ont une sérieuse culture biblique verront dans ce récit une parenté avec l’histoire de Suzanne et des vieillards que l’on trouve dans l’apocryphe de Daniel, ignoré des publications protestantes de la Bible. Suzanne se baignait dans son jardin clos de murs, cette imprudente avait bien le droit d’être ainsi dévêtue dans ce lieu privé ! Deux  vieillards regardant par où il ne fallait pas,  contemplèrent la scène et tentèrent d’abuser de la baigneuse.  Celle-ci  résista  et ne succomba pas. Par esprit de vengeance, les deux vieillards lubriques, juges pour la communauté juive à Babylone, l’accusèrent d’adultère en lui inventant un partenaire, et tant qu’à faire jeune et beau. Elle fut condamnée à mort et aurait été exécuté si Daniel n’avait eu l’idée de faire interroger les vieillards séparément. Ils se contredirent bien évidemment. C’est eux qui furent alors  condamnés et exécutés. L’histoire est belle, la morale est sauve, mais ce n’est pas du tout le cas de l’histoire dans laquelle on sollicite l’avis de Jésus, et tout essai de rapprocher les deux textes, comme on l’a souvent fait  nuirait à la compréhension de l’Evangile.

 Jésus  n’essaye pas de disculper la femme, il ne prend pas à son compte les arguments que nous avions développés pour la disculper.  Il la considère comme coupable et demande qu’on la lapide, ce qui ne se faisait plus à l’époque, mais  il ajoute une  condition, celle de la nécessité de  l’absence de péché des bourreaux. Tous se dégonflent.

Jésus ne veut pas savoir si elle est coupable où non. Il fait valoir un principe qui est  incontournable, pour lui et donc pour Dieu, bien qu’on en discute encore aujourd’hui, c’est le droit absolu à la vie sans aucune restriction. C’est en regardant le texte d’un peu plus près que nous comprendrons ce que son auteur veut nous faire comprendre. Assis parterre, Jésus face à l’accusée, sans regarder personne,  écrit avec son doigt  dans la poussière. Tout ici prend du sens. Jésus regarde à terre et écrit avec son doigt comme jadis Dieu le fit sur les tables de la  loi cassées par Moïse au Sinaï.

La loi, en vigueur à cette époque n’était donc que le pale reflet des tables écrites par Moïse. Elles attendaient une réédition de Dieu quand le peuple serait prêt à la recevoir. L’était-il ? Le sommes-nous ? Cette réflexion éclaire la suite.   Si Jésus écrit dans la poussière, c’est que l’homme en a été issu et  qu’il y retournera. Jésus est donc en train d’écrite avec son doigt  la nouvelle loi, comme Dieu le fit avec Moïse. Il le fait dans la poussière, l’élément qui constitue la structure même l’humanité. Puis, le texte étant écrit, il se redresse et cette fois il regarde les hommes et les enjoint à appliquer la loi dont ils se réclament. Lapidez-là si la loi ordonne la mort. Mais cette loi venue de Dieu ne peut être appliquée que par celui qui en est digne. Elle ne peut être appliquée  que par une main sans péché.

Aucun humain n’en  est digne, Jésus ne le dit pas explicitement, mais tous comprennent.  On ne peut en rester là !  Heureux  celui qui comprendra la suite, il pourra alors avancer sur le chemin de la compréhension de Dieu.  Le regard de Jésus se tourne à nouveau  vers le sol, il ne regarde personne, chacun se retire jugé par sa propre conscience, mais pas par Jésus qui ne regarde pas  puisqu’il regarde à terre et poursuit son écriture. A coup sûr ce sont des paroles de vie qu’il écrit dans la poussière, c'est-à-dire dans les fondements de notre humanité. Cette poussière insignifiante que l’on méprise en la foulant au pied  est désormais porteuse de la vie que Dieu nous demande de respecter comme le bien le plus précieux dont dépend  l’humanité et dont personne ne peut disposer.

Et la femme ? Il est normal de s’intéresser à son sort avant de conclure. L’histoire personnelle de cette femme marque ici un temps d’arrêt mais elle ne s’arrête pas pour autant. N’ayant reçu aucun condamnation, elle  peut retourner  normalement à la vie. Etai-elle coupable ? Sans doute, car on n’aurait pas pu monter un tel piège avec une innocente comme appât.  Si elle avait été innocente, Jésus n’aurait pas pu tirer les conclusions qu’il a tirées, mais sa faute, même avérée ne suffisait pas à l’empêcher de vivre et Jésus  lui a ouvert un chemin de vie. S’il lui dit de ne plus pécher, ce n’est pas  d’adultère qu’il  parle, c’est de cette situation qui consiste à se considérer comme  séparé de Dieu quand on se sait coupable, car c’est cela le péché, c’est être séparé de Dieu. Or  Dieu n’exclut personne c’est pourquoi il nous  pardonne tous. Quand ils ont compris cela, ce texte a paru irrecevable, même aux évangélistes. Et pour nous qu’en est-il ? Quant à la repentance  dont on n’a pas parlé et que Jésus ne demande pas à cette femme, c’est une autre histoire, c’est une histoire entre Dieu et nous qui n’a pas sa place ici.

mardi 16 février 2010

Les deux frères : Luc15:11-32 dimanche 14 mars 2010


Luc 15/11-32 11

Il dit encore : Un homme avait deux fils. 12 Le plus jeune dit à son père : « Père, donne-moi la part de fortune qui doit me revenir. » Le père partagea son bien entre eux. 13 Peu de jours après, le plus jeune fils convertit en argent tout ce qu'il avait et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en vivant dans la débauche. 14 Lorsqu'il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à manquer de tout. 15 Il se mit au service d'un des citoyens de ce pays, qui l'envoya dans ses champs pour y faire paître les cochons. 16 Il aurait bien désiré se rassasier des caroubes que mangeaient les cochons, mais personne ne lui en donnait. 17 Rentré en lui-même, il se dit : « Combien d'employés, chez mon père, ont du pain de reste, alors que moi, ici, je meurs de faim ? 18 Je vais partir, j'irai chez mon père et je lui dirai : “Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi ; 19 je ne suis plus digne d'être appelé ton fils ; traite-moi comme l'un de tes employés.” » 20 Il partit pour rentrer chez son père. Comme il était encore loin, son père le vit et fut ému ; il courut se jeter à son cou et l'embrassa.21 Le fils lui dit : « Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils. » 22 Mais le père dit à ses esclaves : « Apportez vite la plus belle robe et mettez-la-lui ; mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds. 23 Amenez le veau engraissé et abattez-le. Mangeons, faisons la fête, 24 car mon fils que voici était mort, et il a repris vie ; il était perdu, et il a été retrouvé ! » Et ils commencèrent à faire la fête.
25 Or le fils aîné était aux champs. Lorsqu'il revint et s'approcha de la maison, il entendit de la musique et des danses. 26 Il appela un des serviteurs pour lui demander ce qui se passait. 27 Ce dernier lui dit : « Ton frère est de retour, et parce qu'il lui a été rendu en bonne santé, ton père a abattu le veau engraissé. » 28 Mais il se mit en colère ; il ne voulait pas entrer. Son père sortit le supplier. 29 Alors il répondit à son père : « Il y a tant d'années que je travaille pour toi comme un esclave, jamais je n'ai désobéi à tes commandements, et jamais tu ne m'as donné un chevreau pour que je fasse la fête avec mes amis ! 30 Mais quand ton fils que voici est arrivé, lui qui a dévoré ton bien avec des prostituées, pour lui tu as abattu le veau engraissé ! » 31 Le père lui dit : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi ; 32 mais il fallait bien faire la fête et se réjouir, car ton frère que voici était mort, et il a repris vie ; il était perdu, et il a été retrouvé ! »
Il n’est pas étonnant que deux frères élevés sous le même toit se chamaillent et rivalisent entre eux. Rien d’étonnant non plus si le plus grand qui est généralement le plus fort essaye d’épater le plus jeune par ses prouesses qui lui donnent l’impression de lui être supérieur. Rien d’étonnant si le plus jeune ne s’en tient pas là et s’il veut en remontrer à l’autre. Rien d’étonnant donc si en fin de compte ils finissent par en découdre en se livrant à une bagarre en règle. La marque des bleus ou l’empreinte des bosses témoignent de la réalité des coups mais quand ils rentrent au logis, ils gardent l’impression de s’être bien amusés. Ils s’entendent comme des frères et ils s’entendent comme chien et chat. C’est de l’ordre de la logique. Leurs pugilats quotidiens qui mettent leur mère en émois forgent leur caractère et font naître une profonde tendresse entre eux et rien ne saurait les séparer parce qu’ils sont frères. C’est ainsi que l’on conçoit une relation normale entre deux frères.
Il y a beaucoup de récits dans la Bible où des frères sont concernés. Mais l’image que l’Ecriture a retenue de leurs rapports entre frères est bien différente de celle que nous avons évoquée. Bien entendu, ils se bagarrent, et c’est conforme au comportement de garçons que l’on élève ensemble. Mais cette vie en commun et les coups échangés ne créent pas ce ciment durable qui devrait sceller leur amour fraternel. C’est même tout à fait le contraire. La Bible s’ouvre en son quatrième chapitre sur le récit de deux frères dont la jalousie de l’un vis à vis de l’autre a poussé le plus âgé des deux à tuer l’autre. Puis, au hasard des récits, nous avons l'histoire du très long conflit entre deux autres frères. Il s’agit d’Isaac, le fils de la promesse et d' Ismaël le fils de la servante. Tous deux fils d’Abraham scelleront par leur animosité une rivalité que les deux peuples à qui ils donneront naissance entretiendront jusqu’à nos jours.
Nous trouverons également des frères jumeaux, Jacob et Esaü, qui rivaliseront entre eux dès le sein maternel. Très différents l’un de l’autre ils s’opposeront en une rivalité féroce. La faveur de Dieu pour l’un au détriment de l’autre nous étonne encore aujourd’hui. Toujours dans l’ancestrage des patriarches nous croisons les pas de Joseph, un jeune vantard qui profite de sa beauté et de la faveur paternelle pour narguer ses frères. Mal lui en prit, ses frères se coalisèrent pour le tuer, mais ils préférèrent le vendre comme esclave. La série des frères ennemis n’est pas terminée. Les fils de David se battront à mort pour s’assurer de sa succession, et ce sera le moins légitime, Salomon, qui montera sur le trône avec la faveur de Dieu au prix de la vie de son frère aîné. La question qui se pose alors à nous est de savoir pourquoi Dieu prend partie dans leurs conflits en faveur de celui qui n’est pas toujours le plus sympathique ?
Dans chacun de ces conflits, Dieu se compromet laissant le lecteur que nous sommes dans une perplexité extrême. Il prend partie pour l’un contre l’autre et se montre parfois terriblement injuste dans ses choix. Le fidèle chrétien, qui a appris par la bouche de Jésus que Dieu était juste et bon n’y trouve pas son compte. Certes les choses sont à la fois plus simples et plus compliquées qu’il n’y paraît, et la première victime dans tout cela c’est Dieu lui-même. Il a confié au hommes la responsabilité de transmettre sa parole, et la parole ainsi transmise se trouve parfois altérée par le péché de celui qui la transmet.
Les textes de la Bible nous parviennent d’abord comme une parole d’homme avant de devenir par l’action du saint Esprit parole de Dieu. Pour que nous puissions la recevoir comme parole de Dieu, il faut, que l’Esprit saint mette en nous la faculté de faire le tri entre ce qui vient des hommes et ce qui vient de Dieu. Les écrivains bibliques qui nous ont rapportés ces récits étaient eux même impliqués dans les événements dont ils établissaient le texte. C’est donc le point de vue du camp de celui qui rapporte le récit que nous avons, et à travers son récit nous devons saisir ce qui nous vient de Dieu, mais tout ne vient pas de lui.
C’est la même raison qui pousse les hommes d’aujourd’hui à remercier Dieu des victoires que nos armées ont pu remporter. D’un côté on chante des te deum, de l’autre on se contente de pleurer les morts ! Où est vraiment l’action de Dieu dans tout cela ? Il appartient donc au lecteur fidèle de la Bible de trouver l’éclairage nécessaire qui lui permettra de lire l’Ecriture sans risquer de se fourvoyer dans des spéculations hasardeuses. Il devra donc user de la lumière qu’apporte Jésus Christ pour remonter le cours de l’histoire et retrouver au travers des conflits qui lui sont racontés le vrai visage de Dieu que seul l’amour du Christ peut nous révéler. Il sera alors surpris de découvrir derrière les injustices, les violences et les impartialités prêtées à Dieu une immense tendresse, que la rudesse des textes n’a jamais réussi à voiler complètement. En procédant ainsi, nous découvrirons que c’est Jésus en tant que fils qui révèle le vrai visage de Père que Dieu nous offre au travers de toute l’Ecriture.
C’est avec tous ces questionnements que nous pouvons maintenant aborder ce texte archi connu du fils prodigue. Nous nous interrogerons sur l’attitude de Dieu dans ce conflit entre deux frères où il semble favoriser le plus coupable au détriment du plus sage. A priori, les deux frères ne sont pas en conflit, ils s’ignorent plus qu’ils ne rivalisent vraiment. Le plus jeune est trop mal dans sa peau pour rester vivre à la maison, il a besoin d’aventure, de liberté et surtout il rejette toute forme de contrainte ! « A moi la vie » se dit-il en claquant la porte de la maison et en empochant les sous de Papa. L’aîné quant à lui manque d’audace, il souffre de mener une vie terne et privilégiée qu’il doit lui aussi, aux sous de ce même Papa. Il cherche le bonheur sans le trouver et subit son existence comme une servitude. Inutile de se poser la question pour savoir s’il y a une once d’amour entre ces deux hommes. Ils s’ignorent si bien qu’à la fin du récit le frère aîné verrait bien son frère cadet disparaître de son existence .
Aujourd’hui, les parents de tels enfants, après s’être culpabilisés d’avoir produit de tels énergumènes, se renverraient l’un sur l’autre la responsabilité de leur carence éducative. La seule chose sur laquelle ils tomberaient d’accord c’est d’avoir recours à un psychologue efficace. Mais dans tout cela je me livre à des élucubrations qui n’ont pas cours dans le fil de l’histoire. Si nous raisonnions ainsi, nous aurions tout faux. En fait, on ne nous dit rien sur les parents, nous sommes seulement invités à entrer dans cette histoire au moment de la crise.
Ayant claqué la porte, le plus jeune se met à faire la vie. Il va en boîte, zone dans les coins les moins recommandés de la ville et il descend en quatrième vitesse tous les échelons de la vie sociale. Avant de devenir complètement sdf, il se souvient qu’il a une famille, qui ne le rejettera pas complètement s’il revient. Il a vu juste.
L’aîné, enfermé dans ce qu’il croit être son bon droit voit arriver ce parasite d’un mauvais œil. Comment l’autre ose-t-il venir s’établir sur ses terres ! Il rumine contre ce qu’il ressent comme une injustice de la part de son père et préfère rester bouder dans son coin. C’est alors qu’apparaît Dieu qui se cachait derrière le couple parental. Je dis bien le couple parental, car si la mère est absente de la scène, ne serait-ce pas parce que Dieu qui s’est drapé dans les vêtements du père, se manifeste plutôt dans une attitude qui appartient à la tendresse de la mère ?
Les parents n’ont pas été évoqués jusqu’à présent et Dieu non plus n’est pas intervenu. Ce n’est pas lui qui a forgé le caractère des enfants. Le bon Dieu n’a joué aucun rôle dans l’évolution qui est la leur, pas plus que leurs parents. Que les parents qui se culpabilisent au sujet des échecs de leurs enfants se rassurent donc ! Ce n’est ni Dieu ni leurs carences éducatives, à moins qu’elles soient évidentes, qu’il faut incriminer. Les gosses ont évolué sans que l’on sache vraiment comment, si bien qu’élevés dans les mêmes conditions, ils sont devenus radicalement différents l’un de l’autre.
C’est au moment de la crise que le rôle de Dieu devient apparent et c’est le côté maternel de son personnage qui prend le dessus. Il va vers chacun d’eux individuellement. Il sort en courant de la propriété pour aller au devant du plus jeune. Il quitte la fête qui bat son plein pour sortir à la rencontre du plus âgé qui boude en pleurant sans vouloir franchir la porte. Dieu père va à la rencontre de chacun d’eux. A aucun des deux il ne fait de sermon. Il ouvre son cœur pour leur offrir à l’un comme à l’autre une vie meilleure. « Tu n’a pas d’autres solution, semble-t-il dire à l’aîné que d’aller vers la nouvelle vie de ton frère, car ce n’est qu’à ce prix là que toi tu peux vivre heureux. Il n’y a pas d’autre solution, même si tout cela te paraît injuste, même si tu crois que ton Père est partial, même si tu penses qu’en aimant comme il le fait ton Dieu t’apparaît comme injuste. »
C’est la vie qui doit prendre le dessus. L’histoire s’arrête là, pas de conclusion, pas de morale. Le cadet a-t-il compris que seul l’amour de Dieu lui permet de tout recommencer ? L’aîné a-t-il compris que la porte qui le mène vers le bonheur espéré lui est ouverte? C’est ainsi que Dieu privilégie la vie, même si c’est perçu comme une injustice. Il promet la vie à Caïn meurtrier de son frère, il permettra à Jacob et à son frère de se retrouver, Joseph et ses frères pourront à nouveau vivre ensemble. La vie, toujours la vie prend le dessus dans ce que Dieu propose. Quant à Salomon, il jouira jusqu’à la fin d’une sagesse imméritée, mais ce sont les hommes qui ont écrit l’histoire ainsi, pas Dieu !















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lundi 8 février 2010

Une autre façon de parler de la résurrection: Luc 9:28-36 dimanche 28 février 2010


Luc 9/ 28b-36

– La transfiguration

28 Huit jours environ après ces paroles, il prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il monta sur la montagne pour prier. 29 Pendant qu'il priait, l'aspect de son visage changea, et ses vêtements devinrent d'une blancheur éclatante. 30 Il y avait là deux hommes qui s'entretenaient avec lui : c'étaient Moïse et Elie 31 qui, apparaissant dans la gloire, parlaient de son départ, qui allait s'accomplir à Jérusalem. 32 Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil. Réveillés, ils virent sa gloire et les deux hommes qui se tenaient avec lui. 33 Au moment où ces hommes se séparaient de Jésus, Pierre lui dit : Maître, il est bon que nous soyons ici ; dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie. Il ne savait pas ce qu'il disait. 34 Comme il parlait ainsi, une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de crainte, tandis qu'ils entraient dans la nuée. 35 Et de la nuée survint une voix : Celui-ci est mon Fils, celui qui a été choisi. Ecoutez-le ! 36 Quand la voix se fit entendre, Jésus était seul. Les disciples gardèrent le silence et ne racontèrent rien à personne, en ces jours-là, de ce qu'ils avaient vu.

Deux illustres patriarches font irruption sur le chemin de trois apôtres. Ils s’emparent de Jésus et leur offrent un moment d’extase inoubliable. Leur raison s’en est trouvée ébranlée, leur faculté de jugement s’est arrêtée. Saisis par l’extase ils ont laissé l’irrationnel s’emparer de leur intelligence. Leur expérience nous est ici racontée et nous ne savons pas très bien qu’en penser.

En fait, nous ne sommes pas seulement des êtres de chair et de sang. Nous ne sommes pas seulement des êtres faits de matière organique habitée par un esprit rationnel. Nous ne sommes pas seulement soumis aux lois de l'évolution des espèces. Il y a en nous un plus que nous ne savons pas définir. Comme nous n'arrivons pas à décrire ou même à expliquer ce supplément d'existence nous avons tendance à l'ignorer, en vertu d'un principe, que nous croyons moderne, selon lequel tout ce qui échappe à notre esprit rationnel n'a pas lieu d'être. Nous nous croyons alors maîtres de nous-mêmes. Nous nous croyons maîtres de notre corps de chair dont nous pensons contrôler tous les gestes, grâce à notre esprit qui est soumis à notre intelligence. Tout cela fonctionne comme une mécanique bien huilée que rien ne devrait perturber. Pourtant au fond de nous-mêmes nous ne sommes pas satisfaits car nous savons bien que cela ne marche pas ainsi. Il y a en nous quelque chose d’incontrôlable qui nous échappe. C’est ce que nous pourrions appeler notre faculté d’émotion.

Il suffit parfois de peu de chose pour que tout se mette à dysfonctionner en nous. Il suffit d'un rien, pour qu'en un instant nous ne contrôlions plus la situation et qu'une fenêtre s'ouvre sur un espace que nous ne connaissons pas. Ce sont des instants d'extase assez brefs, la plupart du temps, pour ne pas nous inquiéter, mais qui nous ravissent cependant. Cela se produit sous l’effet d’une émotion. Elle peut être artistique et se produit en contemplant un tableau ou en écoutant de la musique. Un paysage aussi bien qu’un poème peuvent également produire en nous cet effet de ravissement, sans parler de l’amour qui bien évidemment peut produire une telle émotion que nous arrivons à perdre le sens de la réalité. L’apôtre Paul a vécu une telle expérience après une chute de cheval.

En y réfléchissant nous éprouvons cependant une sorte de malaise parce que nous ne savons pas expliquer l'origine de cette émotion. Nous ne savons pas sur quoi elle ouvre notre esprit et on l'explique, sans doute trop vite, en parlant d'émotion artistique ou même de coup de foudre voire d’extase. Nous sommes obligés de constater que nous sommes ainsi faits. Nous sommes sensibles à ce qui nous provoque de l'extérieur et nous ne savons pas maîtriser ce sentiment. Faute de pouvoir donner une explication nous nous empressons d'oublier le fait que nous sommes accessibles à des émotions extérieures à nous-mêmes. Mais malheur à qui voudrait provoquer artificiellement ce type d’émotion ! C’est un autre sujet et nous n’en parlerons pas, mais nous ne saurions l’ignorer. Il est donc nécessaire, pour aller plus loin, que nous nous penchions sur cet ailleurs, qui ne nous appartient pas mais qui provoque en nous ces dépassements émotionnels qui nous ravissent.

Tout se passe comme si une puissance extérieure venait vers nous pour nous rendre heureux. Dieu profiterait-il de cette capacité, pour venir vers nous, sans dire son nom, et bousculer nos sécurités? D'autres avant nous se sont posés cette même question, d'autres après nous se la poseront à nouveau. C’est auprès de ceux qui nous ont précédés que nous allons essayer d’explorer ce terrain là. C'est à partir de leurs expériences que nous nous interrogerons sur la nôtre et que nous comprendrons comment Dieu travaille en nous pour se faire connaître.

L'Evangile de ce jour propose à notre sagacité de s'attarder sur deux des plus illustres témoins de l'Ecriture : Moïse et Eli. Ils tiennent ici le haut du pavé. Pour que leur expérience puisse devenir la nôtre il nous faut les connaître mieux. Certes, tout le monde connaît Moïse tant Cécile B. de Mille a vulgarisé son épopée. Mais au de-là des légendes dont le film a cherché à enjoliver l’histoire, que reste-t-il de son expérience de foi, car c'est celle-là qui nous intéresse? Est-il seulement celui qui a traversé la Mer Rouge sans se mouiller les pieds avec six cent mille fugitifs juifs? Il est aussi celui qui a brisé les tables de la Loi gravées du doigt de Dieu. Mais sait-on aussi qu'il est celui dont le souffle s'est mêlé à celui de Dieu et que c'est ainsi, dans un baiser divin qu'il entra dans l'éternité si bien que nul ne sait s'il mourut vraiment? En tout cas l'Ecriture nous ouvre à son propos une piste de réflexions sur les secrets de Dieu concernant la mort et la vie. ( cf . Deutéronome 34). Nos Bibles traduisent : « il mourut sur un ordre de Dieu », l’hébreu dit « il mourut sur la bouche de Dieu ». pourquoi ne pas traduire par : « il mourut sur un baiser de Dieu ! »

Elie, quant à lui, on le connaît moins. Pas de film à grand spectacle à son sujet. Il faut être allé à l'Ecole du dimanche pour savoir qui il est. Traqué par la reine Jézabel il massacra 500 prophètes de Baal. Insatisfait cependant, il chercha à approfondir la vérité sur Dieu, il se réfugia sur l'Horeb où il découvrit Dieu dans le souffle d'une brise légère. Il acheva sa vie, emporté dans le ciel par le souffle sacré et comme Moïse nul ne le revit. Les croyants attendent encore son retour. Ces deux hommes exceptionnels viennent habiter l'histoire des hommes, comme pour leur dire que la vie terrestre ne s'achève pas dans le néant comme ils le redoutent. C'est ce que comprennent Pierre, Jacques et Jean, témoins en une commune extase de ce moment exceptionnel où, dans un bref instant, ils reçoivent la certitude que leur histoire terrestre ne s'achèvera pas dans le néant. Il y a un ailleurs que la vision leur révèle. Tout cela pourrait s'arrêter là, comme pour nous garantir que Dieu se sert de nos émotions pour nous ouvrir au mystère de l'éternité.

Mais la particularité des hommes, c'est qu'ils sont rebelles. Ce travers de l’homme est curieusement perçu aujourd'hui comme une qualité. C'est dire que notre inconscient collectif nous pousse sans trop savoir comment, à nous détourner des chemins battus pour aller vers cet Autre en qui nous reconnaissons Dieu. Nous ne pourrons cependant avancer sans faire l'économie de l'expérience de la mort.

L'Evangéliste Luc qui nous rapporte cette expérience de la Transfiguration, nous raconte plus loin comment deux hommes, (deux anges peut-être?) dans le sépulcre même où on avait mis Jésus, furent témoins du passage de Jésus de cette vie dans l'autre. Tout se passe alors, comme si la vision de la transfiguration se prolongeait sous sa plume dans la tombe où Dieu est venu chercher Jésus.

Nos deux grands témoins ont connu le même sort semble-t-il - Moïse que le baiser de Dieu emporta dans l'éternité, - ou Elie qui fut enlevé par l'ange céleste. Ils apportent tous deux leur caution à l'enseignement de Jésus. Cette expérience devient alors la nôtre. Jésus, en compagnie de Moïse et d'Elie, nous ouvre la porte de l'au-delà, comme pour nous dire que notre voyage sur terre s’achèvera dans un baiser de Dieu vers l’éternité.

Bien que tout paraisse évident, nous ne cessons cependant de nous demander pourquoi il est si difficile de croire? Il suffit de poser la question pour trouver la réponse. Nous négligeons trop souvent ces moments où l'irrationnel provoque notre raison. Nous refusons trop souvent de chercher ce qui se cache derrière nos émotions et nous ne prenons pas le temps de trouver dans l'Ecriture le support dont nous avons besoin pour aller plus loin. Faute d'être assez familiers avec les Ecritures nous doutons de la vérité sur laquelle repose leur témoignage. Et si ce n'était pas vrai, se dit-on ? Et si ce n'étaient que contes et légendes? La vérité n'est pas dans l'historicité des récits, elle les dépasse. La vérité, c'est qu'il y a une cohorte de témoins dont chacun de nous est le dernier.

Chacun à sa manière et dans sa vérité, a éprouvé des émotions comparables avec celles que nous avons dites. Chacun a ressenti ce sentiment qui l'ouvrait à un monde différent du sien où Dieu révélait sa présence. Chacun a eu ses moments d’extase ou ses visions irréelles. Toutes ces expériences peuvent nous aider à reconnaître Jésus ressuscité qui chemine sur le même chemin.

L'enseignement que nous devons retenir c'est de ne pas avoir peur et de nous laisser saisir par notre intuition de l'absolu de Dieu quand elle nous provoque. Elle confirme la réalité de la résurrection pour ceux qui avant nous en ont fait l'expérience. Elle ne se démontre pas et se refuse à tout raisonnement rationnel puisqu'elle nous vient de Dieu qui échappe à notre raison. Il s'est fait connaître à notre monde fini pour y introduire l'éternité. Si aujourd'hui vous entendez sa voix, laissez-vous séduire par elle et vous goûterez déjà la saveur de la résurrection.



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mardi 2 février 2010

Dieu a besoin de l'homme pour créer: dimanche 21 février 2010 Deutéronome 26:1-10




Lorsque tu seras entré dans le pays que le SEIGNEUR, ton Dieu, te donne comme patrimoine, lorsque tu en auras pris possession et que tu l'habiteras, 2 tu prendras des prémices de
tout le fruit de la terre que tu recueilleras de ton pays, celui que le SEIGNEUR, ton Dieu, te donne ; tu les mettras dans une corbeille et tu iras au lieu que le SEIGNEUR, ton Dieu, choisira pour y faire demeurer son nom. 3 Tu iras vers le prêtre qui sera en fonction en ces jours-là et tu lui diras : « Je déclare aujourd'hui au SEIGNEUR, ton Dieu, que je suis entré dans le pays que le SEIGNEUR a juré à nos pères de nous donner. » 4 Le prêtre prendra la corbeille de ta main et la déposera devant l'autel du SEIGNEUR, ton Dieu.

5 Et toi, tu diras devant le SEIGNEUR, ton Dieu : « Mon père était un Araméen nomade ; il est descendu en Egypte avec peu de gens pour y séjourner en immigré ; là, il est devenu une nation grande, forte et nombreuse. 6 Les Egyptiens nous ont maltraités, affligés et soumis à un dur esclavage. 7 Nous avons crié vers le SEIGNEUR, le Dieu de nos pères. Le SEIGNEUR nous a entendus et il a vu notre affliction, notre peine et notre oppression. 8 D'une main forte, d'un bras étendu, par une grande terreur, avec des signes et des prodiges, le SEIGNEUR nous a fait sortir d'Egypte. 9 Il nous a amenés dans ce lieu et il nous a donné ce pays, un pays ruisselant de lait et de miel. 10Maintenant j'apporte les prémices du fruit de la terre que tu m'as donnée, SEIGNEUR ! » Tu les déposeras devant le SEIGNEUR, ton Dieu, et tu te prosterneras devant le SEIGNEUR, ton Dieu

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S’il est une histoire fascinante, c’est bien celle qui consiste à retrouver la trace de nos origines. Il est bien évident qu’il ne s’agit pas de découvrir les traces de l’humanité dans l’évolution des espèces. Il s’agit ici d’une autre aventure que celle de trouver le chaînon manquant dans les ancêtres de l’homme. Il s’agit de trouver la trace de la présence de Dieu dans l’évolution spirituelle des hommes. Nous n’emprunterons pas à Darwin ses présupposés philosophiques, mais nous serons attentifs à ce que nous disent les textes de la Bible, et en particulier celui du Deutéronome qui rappelle à ses lecteurs que leurs ancêtres étaient des nomades araméens dont Dieu suivait la piste. Car à l’origine, c’est Dieu qui recherchait l’homme et non pas l’homme qui cherchait Dieu. Même si habituellement on pense le contraire. Il est commun d’ imaginer que c’est l’homme qui cherche Dieu et qui ne le trouvant pas le construit à sa ressemblance d’homme !

Il semble que nous avons existé dans la pensée de Dieu bien avant notre naissance, et même sans doute avant notre conception. Il s’est écoulé de nombreuses années entre le moment où les Araméens nomades descendirent en Egypte et le moment où le peuple hébreu découvrit son histoire dans le livre du Deutéronome. Selon l’écrivain biblique nos origines, dans le cœur de Dieu remontent infiniment loin dans le temps. Bien que la présence de Dieu dans nos origines soit très ancienne, ce n’est que dans notre vie présente que nous prenons conscience de sa réalité, quand pour la première fois nous éprouvons le besoin de sa présence et que nous crions vers lui.

Jérémie, un des plus ancien écrivain biblique avait laissé entendre que Dieu le connaissait déjà dès le ventre maternel, et ici, dans le Deutéronome, il est suggéré que Dieu s’intéressait déjà à nous dès l’origine de l’histoire de nos ancêtres. Je passe bien entendu sous silence l’histoire d’Adam et Eve dont le récit est beaucoup plus récent et qui ne relate pas un événement historique.

Déjà, dans la société des araméens nomades, Dieu était déjà à l’œuvre. Pourtant, ce peuple n’avait rien de remarquable en soi pour que Dieu s’intéressât à lui. Aucun de nous n’a d’ailleurs assez d’attrait pour que Dieu s’intéresse à lui ! Dieu s’appuie sur d’autres critères. Ce peuple insignifiant de la préhistoire biblique n’avait d’ailleurs aucun intérêt particulier pour ce Dieu unique qui le cherchait. C'est sans doute pour cela que l'auteur a omis de mentionner Abraham et les patriarches. Si cela nous pose un problème, cela n’en pose pas à l’auteur de notre texte. Le récit du Deutéronome présente le peuple araméen sous des traits différents de ceux auxquels nous sommes habitués. Ce peuple est décrit comme étant lui-même l’artisan de sa propre évolution.

C’est à cause de ses succès est-il dit qu’il excite contre lui la jalousie des égyptiens. En fait, quel que soit le passé des uns et des autres, Dieu s’intéresse à chaque peuple et à chaque individu avant même qu’ils le connaissent et qu’ils le reconnaissent comme leur Dieu. Dieu s’intéressait donc à ce peuple araméen. Il s’intéressait à lui en silence jusqu’à ce qu’il crie vers lui. C’est là le point important de ce passage. Que chacun en prenne leçon. Les hommes en difficulté appellent ce Dieu qui les accompagne depuis toujours sans savoir qui il est. C’est comme si la présence de ce Dieu était inhérente à leur histoire sans qu’ils en aient pris conscience. Dieu avait fait sa demeure chez eux depuis longtemps et attendait d’être découvert. Il semble que nous soyons habités par la présence de Dieu sans en avoir conscience jusqu’à ce qu’un élément déclenchant vienne nous révéler ce que nous savions déjà par intuition. C’est en tout cas ce qui se passe pour les descendants de ce peuple d’araméens nomades.

Chacun d’entre nous fait un jour ou l’autre cette expérience et quand il appelle vers Dieu, il ne le fait pas toujours dans des termes convenables. Après avoir passé de longues années dans l’ignorance complète de Dieu, certains se réveillent un beau matin au cours d’une épreuve et interpellent Dieu comme si Dieu avait manqué de vigilance : « Mais qu’attends-tu donc pour t’occuper de moi ? » Semblent-ils dire. Et Dieu de répondre : » j’attends depuis longtemps que toi et tes ancêtres s’adressent à moi ! »

Les hommes s’affairent sur la terre et mettent en œuvre toutes sortes d’industries . Ils se félicitent eux-mêmes de leurs capacités à inventer et à progresser. Ils sont fiers de leurs exploits et se rient du temps qui passe en tirant vanité du fait qu’aucun Dieu ne les a jamais aidés dans leurs entreprises de conquête du savoir humain. Dieu pour sa part attend. Il y a déjà longtemps qu’il a façonné des projets de vie pour chacun des hommes qui tiennent un tel langage, mais ce projet de vie ne pourra se mettre en œuvre sans eux et sans qu’ils interpellent ce Dieu dont ils savent intuitivement la présence mais auquel ils ne se sont jamais adressé. Quant à lui, il attend que les hommes crient vers lui, car c’est ce cri vers Dieu qui va déclencher un acte créateur de la part de Dieu.

Les textes anciens nous disent que Dieu crée par sa parole. Dès la première page de la Bible nous voyons que les choses se mettent à exister quand Dieu se met à parler. C’est alors que le monde s’organise et prend du sens. Mais pour que Dieu parle et que la chose existe, il lui faut un interlocuteur intelligent capable de comprendre. La matière inerte ne peut pas être un interlocuteur valable, pas plus que le néant ou la lumière. Il faut donc qu’une oreille intelligente puisse entendre. Depuis toujours, Dieu sait que l’être humain a cette capacité. Mais pour qu’il puisse entendre, il faut que la communication soit rendue possible avec Dieu. Il faut donc qu’il s adresse à Dieu pour lui dire qu’il est réceptif à sa parole. C’est alors que Dieu peut entrer en dialogue avec lui et parler. Il peut alors répondre à son appel et par sa parole ainsi libérée entreprendre un acte créateur.

C’est bien souvent dans des moments de faiblesse, quand l’homme ne croit plus en lui-même qu’il appelle à l’aide celui qu’il ne connaît que par intuition. C’est alors que Dieu entend et qu’il parle, c’est alors qu’un acte créateur peut se produire et que le destin de l’homme évolue. L’histoire biblique s’est intéressée à l’histoire de ce peuple araméen nomade et s’en est servi d’exemple pour que toute l’humanité en prenne leçon.

Dieu répond par un acte créateur à l’homme qui crie vers lui. La plupart du temps c’est dans un moment de détresse que cela se produit. Mais cet événement peut avoir lieu aussi dans un moment de grande exaltation dominé par la joie. Quand un homme réalise qu’il est visité par l’esprit de Dieu, cela peut lui procurer une grande joie qui le pousse à s’écrier Abba-Père ! C’est Paul qui le dit dans l’épître aux Romains. Tout devient nouveau pour lui, son âme découvre le monde sous un autre jour et son avenir prend une dimension d’éternité. Tout cela se produit dès qu’il a poussé ce cri qui a jaillit hors de lui et qui a permis à Dieu de faire pour lui toute chose nouvelle.

Quand chaque homme pressent la présence de Dieu à ses côtés et qu’il le dit par un cri à peine formulé, c’est alors que l’acte créateur de Dieu peut se mettre en œuvre. Il lui permet de dépasser la situation où il se trouve pour aller plus loin vers une solution meilleure. Ainsi, pour que Dieu puisse créer par sa parole, il faut que l’homme commence à parler pour que quelque chose se produise de la part de Dieu. Le Livre du Deutéronome nous permet de découvrir cette dimension formidable de la relation avec Dieu. Qu’on le veuille ou non, Dieu lie sa puissance créatrice à sa relation avec les hommes. Dieu s’active pour donner du sens à notre passé et pour créer notre futur.


Nous devons alors faire mémoire de ces temps particuliers où nous avons découvert la présence attentive de Dieu en nous et où nous avons osé l’ appeler. Ces moments de mémoire appellent notre reconnaissance qui se manifeste dans ce récit du Deutéronome par une offrande ! Cette dernière remarque appelle donc un développement que nous ne ferons pas ici, et selon laquelle l’évocation de notre conversion à Dieu appelle notre reconnaissance qui devrait se concrétiser par une offrande.







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