dimanche 30 décembre 2012

Jean 2:1-12


Les noces de Cana: Jean 2:1-12  Dimanche  20 janvier 2013

1 Le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là. 2 Jésus aussi fut invité aux noces, ainsi que ses disciples. 3 Comme le vin venait à manquer, la mère de Jésus lui dit : Ils n'ont pas de vin. 4 Jésus lui répond : Femme, qu'avons-nous de commun en cette affaire ? Mon heure n'est pas encore venue.

5 Sa mère dit aux serviteurs : Faites tout ce qu'il vous dira. 6 Il y avait là six jarres de pierre, destinées aux purifications des Juifs et contenant chacune deux ou trois mesures. 7 Jésus leur dit : Remplissez d'eau ces jarres. Ils les remplirent à ras bord. 8— Puisez maintenant, leur dit-il, et portez-en à l'organisateur du repas. Ils lui en portèrent. 9 Quand l'organisateur du repas eut goûté l'eau changée en vin — il ne savait pas d'où venait ce vin, tandis que les serviteurs qui avaient puisé l'eau le savaient — il appelle le marié 10 et lui dit : Tout homme sert d'abord le bon vin, puis, quand les gens sont ivres, le moins bon ; toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à présent. 

11 Tel fut le commencement des signes de Jésus, ce qu'il fit à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples mirent leur foi en lui. 12 Après cela, il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples, et ils n'y demeurèrent que peu de jours.


Le mariage n’est peut-être pas ce qu’on pense. En effet, ici on ne nous dit rien du mariage en lui-même, mais on parle d’autre chose. On pense habituellement que le mariage est le moment où deux familles se rencontrent pour accompagner un couple sur le chemin de son destin, mais ici on ne nous présente pas les familles, et on ne nous parle pas des mariés. On  espérait ici que Jésus allait nous éclairer sur le but du mariage, mais il n’en est rien! Pour lui, ce ne sont est pas les conventions humaines qui concernent le  mariage qui comptent, c’est autre  chose que nous allons essayer de découvrir.

En cette période où l’on parle de mariage de personne de même sexe, on s’aperçoit que les hypothèses émises aujourd’hui en faveur du mariage pour tous pourraient s’accommoder de l’attitude de Jésus dans ce récit des noces de Cana.

La  tradition veut que tout conflit soit évité lors d’un mariage. Tout le monde est prié d’être joyeux au risque de donner dans l’hypocrisie ! Les mots acides, les paroles blessantes n’ont pas lieu d’être, ou alors à mots couverts pour qu’on n’entende pas les dissonances.

Si de telles pratiques sont de rigueur, c’est qu’au centre de la fête, il y a les mariés, dont on ne parle pas ici, et rien ne dit qu’il serait inopportun qu’ils soient de sexe différent. En lisant ce texte à la lumière des préoccupations du moment,  on remarque qu’elles ne changent rien à l’histoire.  Ce ne sont pas les mariés qui posent problème à Jésus, mais c’est l’ordonnancement de la fête. Si Jésus intervient, un peu à contrecœur et surtout sur l’injonction de sa mère, c’est pour qu’il n’y ait   aucune ombre au tableau.

Dans ce mariage, les mariés ne sont pas nommés et ne font pas partie de ce qui retient l’attention. L’ordonnancement de la fête est mal fait et les personnages de l’Evangile que l’on retrouve ici ne sont pas dans leur rôle. Marie qui est la première nommée prend le pas sur Jésus et se mêle de ce qui ne la regarde pas. Jésus, mis en cause rabroue sa mère. Bien sûr il fait un miracle. Mais ce miracle était-il bien utile ? Jésus le fait en catimini, comme s’il avait honte de donner à boire à des gens déjà trop alcoolisés si bien que les gens responsables du repas et le marié lui-même qui fait ici une furtive apparition dans le texte n’en savent rien. Quant à l’autre marié(e) ici, qu’il soit homme ou femme, il n’en est nullement fait mention. Et les choses qui n’étaient pas conformes aux usages entrent dans l’ordre sans même que l’on sache s’il y avait eu vraiment du désordre. Étonnant, non ?

Il y avait donc eu du désordre et personne ne s’en était aperçu ou n’avait voulu s’en apercevoir. Mais dans les affaires confuses, le désordre n’est pas toujours là où on le soupçonne. Bien entendu l’idée  du mariage entre  gens de même sexe fait désordre.  Mais où se trouve vraiment le désordre? Est-ce dans le fait que les futurs mariés demandent à s’aimer devant Dieu  ou dans  le fait que ce n’est pas dans les usages, ou pour des raisons théologiques inavouables ? 

Dans le mariage dont il est question ici, on note qu’il y a du désordre. C’est la mère de Jésus qui s’en aperçoit et qui cherche à y remédier avec l’aide de son fils. Pour y remédier, Jésus doit se substituer à celui des deux époux chez qui la noce se déroule, ce qui n’est pas très indiqué quand on est invité. Jésus doit se substituer à lui en intervenant dans l’ordonnancement des boissons. En prenant pour un instant ce rôle, le désordre cesse. Et c’est sans doute à ce constat que le récit veut nous amener.

Pourquoi donc nous avoir raconté un mariage où les choses vont de travers et où l’auteur ne nous dit pas qui se marie et avec qui ? On ne voit pas pourquoi on nous a raconté cette histoire. Si nous avions un esprit mal intentionné, nous dirions que  Jésus s’est fait manipuler par sa mère et qu’il a  fait un miracle contestable que personne  n’a  remarqué, si non l’auteur du texte, et c’est cela qui est important. 

On a l’habitude de lire ce texte en focalisant notre attention sur le miracle et on oublie ce qu’il y a d’inhabituel dans le contexte. Pour ma part, compte tenu de toutes ces anomalies, je vais m’efforcer de le lire d’une manière symbolique. Apparemment ce n’est pas le récit de la noce qui est important, ni le miracle d’ailleurs mais ce sont toutes ces circonstances que je viens de pointer.

Le mariage se place habituellement au commencement de la vie en couple. C’est  donc une fête qui se déroule au début d’une aventure à deux. Si on réalise que l’on est au début de l’Evangile, il n’est pas impossible de penser que ce mariage pourrait bien être symboliquement le récit du mariage de l’Eglise avec le Christ. 

Depuis l’origine des temps, le couple formé par Dieu et les hommes ne marche pas fort. L’histoire du Premier Testament nous raconte la relation orageuse entre Dieu, qui s’offre comme époux à Israël présenté comme son épouse. Le prophète Osée a du symboliser dans sa propre vie l’union entre Dieu et Israël en épousant une prostituée. 
  
Nous avons vu que Jésus prend ici subrepticement le rôle de l’époux. Serait-il le futur époux du peuple de Dieu ? Est-ce pour cela qu’il est si discret ? Le récit de ce mariage commence par l’expression : Trois jours après ! Mais après quoi ? Nous savons bien que le 3 eme jour est le jour de la résurrection. Ce récit des noces de Cana ne peut donc être lu que dans le contexte de la résurrection. Et comme à la résurrection, Marie était là. Marie a toujours joué un double rôle, elle est mère de Jésus et elle est figure de l’Eglise qu’elle anticipe. 

En tant que mère, elle porte toute la tradition du peuple d’Israël et en tant qu’Eglise, elle en est l’héritière. C’est elle, en tant que porteuse de la tradition, qui reconnaît en Jésus le Fils de Dieu et c’est elle qui en tant qu’Eglise est témoin de la résurrection et devient servante du Seigneur. La prière de Marie exprimée dans son intervention :    « ils n’ont plus de vin » signifie que bien qu’enivrés de tous les biens que Dieu leur donne depuis toujours, les hommes n’ont toujours pas compris le mystère de Dieu !

 Marie exprime ici les revendications d’une humanité qui n’a toujours rien compris à l’amour  de Dieu et elle s’efforce cependant de rendre cet amour efficace.  On a vu que c’est sur l’intervention de Marie que Jésus remet de l’ordre dans les discordances de ce couple.  On a vu que le désordre n’est pas là où on le pense, il serait bon alors que dans ce désordre que crée la proposition de mariage pour tous, l’Eglise joue son rôle en essayant de voir quel et la juste place que l’amour de Dieu occupe dans la vie des hommes.  Ici ce qui est premier, ce ne sont pas les époux, mais l’amour de Dieu manifesté dans leur situation. Eglise, pauvrette Eglise douterais-tu  de toi ?

Marie, peuple de Dieu, Marie Eglise de Jésus Christ en devenir, attire l’attention de Jésus sur le vin. Le vin c’est la joie donnée par Dieu et l’espérance de la vie. Mais nous l’avons vu, il y a un conflit latent entre Dieu et l’humanité.  Les hommes aspirent à un autre vin, un vin nouveau. Jésus leur offre alors ce vin partagé au soir du vendredi saint, quand il ouvre l’éternité à son Eglise en devenir. Le vin qui fait défaut, c’est la joie du Royaume, c’est la résurrection. Mais la résurrection ne prend de signification profonde que si Jésus la donne en se donnant, comme l’époux. 

Jésus en se retournant vers Marie, l’Eglise, l’interroge sur la teneur de sa foi et l’on sent des reproches dans le ton de sa voix. A-t-elle vraiment compris qu’il est venu pour faire toute chose nouvelle ? Six jarres de vin nouveau suffiront-elles à apaiser nos doutes et à fortifier notre foi ? Non certes ! Les 6 jarres à nouveau pleines nous aideront sans doute à grandir sur le chemin de la foi, mais il n’y a que 6 jarres et non sept, comme on pourrait s’y attendre dans un langage symbolique. Il n’y a que 6 jarres, cela signifie que la Création n’est toujours pas achevée. Il faudra encore attendre que la 7 eme jarre nous soit offerte, que le 7 eme jour ait commencé pour que l’union du Christ et de son Eglise puisse être célébrée dans une harmonie enfin retrouvée.

Les choses commencées dans le désordre sont en train de rentrer dans l’ordre, la création continue à évoluer vers sa perfection qui se manifestera totalement quand nous verront les serviteurs apporter la septième jarre de vin nouveau. Cette septième jarre est encore à venir. Et les serviteurs qui la préparent, qui sont-ils ? Mais c’est vous bien sûrs qu’ils symbolisent. Ils préparent par leurs actions, par leur témoignage et par leur foi le Royaume qui vient. Ils accomplissent les désirs de Marie qui sait de quelle espérance les hommes ont besoin et qui la réclame à son fils. Elle est l’Eglise qui intercède pour le monde quand elle prie en disant « que ton règne vienne » afin que toutes choses deviennent nouvelles. 


Illustrations : Giotto : Les noces de Cana

mercredi 26 décembre 2012

Luc 3:15-22


Luc 3:15-22 Le Baptême de Jésus  dimanche 

10 janvier 2016 reprise du 13 janvier 2013

15 Comme le peuple était dans l'attente, et que tous se demandaient si Jean n'était pas le Christ, 16 il leur répondit à tous : Moi, je vous baptise d'eau, mais il vient, celui qui est plus puissant que moi, et ce serait encore trop d'honneur pour moi que de délier la lanière de ses sandales. Lui vous baptisera dans l'Esprit saint et le feu. 17 Il a sa fourche à la main, il va nettoyer son aire ; il recueillera le blé dans sa grange, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint pas.
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18 Jean annonçait la bonne nouvelle au peuple avec beaucoup d'autres encouragements.
19 Mais Hérode le tétrarque, à qui Jean faisait des reproches au sujet d'Hérodiade, femme de son frère, et au sujet de toutes les mauvaises actions qu'Hérode avait commises, 20 ajouta encore à toutes les autres celle d'enfermer Jean en prison.

21Quand tout le peuple reçut le baptême, Jésus aussi reçut le baptême ; et, pendant qu'il priait, le ciel s'ouvrit, 22 et l'Esprit saint descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe. Et il survint une voix du ciel : Tu es mon Fils bien-aimé ; c'est en toi que j'ai pris plaisir.



La prédication de Jean laisse entrevoir le début d’une ère de paix, de partage et d’amour que Dieu est en train d’instaurer pour le bonheur des hommes. Mais qu’en est-il vraiment de ce Dieu auquel il se réfère comme un Dieu d’amour et que son successeur Jésus considérera comme son père?  Malgré les sentiments d’amour qu’on prête à Dieu, il n’est pas pourtant pas venu secourir le prophète annonciateur du Messie  menacé par Hérode. On le soupçonne aussi d’avoir laissé son propre fils mourir sur une croix pour sauver les hommes. On a prétendu qu’il a accepté ce mal pour provoquer un bien beaucoup plus grand. Dieu peut-il s’accommoder d’un moindre mal pour favoriser un bien plus grand? C’est ici la grande question que se pose le  christianisme  depuis deux mille ans. Nous allons essayer d’y répondre à propos de l’histoire de Jean Baptiste et de Jésus.

Le texte unit les deux hommes dans la même continuité spirituelle. Il s’achève sur le récit du  baptême de Jésus par lequel  Jean semble lui conférer  un droit de succession. Dans le même temps, l’ombre du tétrarque plane au-dessus de Jean annonçant sa mort prochaine. La mort de Jean semble arriver  en temps opportun pour laisser toute la place à Jésus. Si Dieu avait miraculeusement sauvé Jean, sa présence aux cotés de Jésus n’aurait-elle pas nuit à sa mission?  La question est bien évidemment sans réponse.  On peut cependant  se demander si Dieu n’a pas laissé faire pour que les choses se passent sans qu’il y ait interférence de l’un sur l’autre.

A partir de cette question, on peut   se demander si Dieu n’utilise pas parfois  certaines actions mauvaises menées par les hommes ou provoquées par la nature pour permettre qu’un mieux  s’installe parmi les humains afin de faire avancer l’histoire à sa guise.    Il nous faut donc approfondir la question pour savoir comment Dieu se situe. Gardons   la question en suspens pour l’instant et projetons-nous  trois ans plus tard au moment où Jésus lui-même fut mis à mort. On  a encore aujourd’hui l’impression pénible que Dieu aurait pu intervenir au lieu d’opposer un silence insupportable aux coups de marteau du bourreau clouant Jésus sur la croix.

Les Écrivains bibliques, n’ont pas commenté ce silence de Dieu lors de la mort de Jean, par contre, pour Jésus, ils ont laissé entendre que c’était écrit à l’avance et que la mort de Jésus aurait été bel et bien programmée par Dieu. En acceptant  de mourir d’une manière aussi infâme que celle qu’il a connue, Jésus se serait soumis à la volonté de son Père. 

 
Ce n’est pas parce que nous posons la question du silence de Dieu que nous allons la résoudre, mais elle va cependant alimenter notre réflexion pendant quelques instants. Est-il donc possible que Dieu se taise quand les hommes souffrent, et est-il possible qu’il tire un bien d’un mal qu’il aurait laissé faire? 

Beaucoup de croyants trouvent une réponse à leurs souffrances  dans une telle approche,  et acceptent  plus volontiers leurs souffrances s’ils pensent qu’elles entrent dans un projet de Dieu. Ils considèrent  que si Dieu laisse faire c’est que, dans sa bonté il a construit un projet    qui permettra que d’autres humains en éprouvent un mieux-être. Le malade qui souffre d’un mal incurable espère que son mal  permettra aux chercheurs de faire un pas de plus sur le chemin de la découverte d’un médicament ou d’un vaccin et que Dieu en lui donnant du courage pour résister dans la souffrance permet à la médecine de progresser.  


Le prophète Esaïe semble vouloir aller dans ce sens quand il campe le portrait du serviteur souffrant qui accepte sans protester qu’on lui arrache  la barbe ou qu’on agisse envers lui comme on le ferait d’un mouton que l’on traine à la boucherie (1). Les évangélistes en rapportant le récit sur la mort de Jésus ont vu en lui une figure prophétique du Messie agonisant pour sauver le monde.

On s’est tellement habitué à cette  explication qu’on  imagine mal qu’il puisse y en avoir d’ autres, car la souffrance pèse d’un tel poids dans notre existence et dans l’histoire des hommes qu’il faut bien l’intégrer dans un  projet divin, sans quoi la vie elle-même deviendrait inacceptable et la porte serait ouverte au désespoir et à la perte de la foi.  Il faut bien que les choses en soient ainsi sans quoi on n’aurait pas pu dire que l’Église s’est nourrie du sang des martyrs, car leur supplice,  loin de l’anéantir l’a faite progresser, comme si  la mort héroïque des témoins de Dieu avait nourri la foi des incroyants au point  qu’ils se convertissaient. C’est un fait  incontestable  que  les persécutions ont entrainé des actes de foi et des conversions. Mais était-ce inscrit dans le plan de Dieu? 

Jean Baptiste, et Jésus  après lui ont parlé d’un Dieu  d’amour. Ils n’ont pas cherché à instaurer une pratique religieuse basée sur la souffrance. Mais pour bannir la souffrance et l’injustice qui règnent sur le monde, n’a-t-il  pas   fallu que Dieu s’en mêle au prix de compromissions choquantes?

Face à un monde qui s’enlise dans l’injustice, Jésus n’a proposé qu’une seule porte de sortie, celle de l’amour et de l’altruisme. Il n’ignorait pas cependant qu’il rencontrerait plus  d’incompréhensions que d’adhésions.  Il savait, que ceux qui chercheraient à mettre ses préceptes en pratique en pâtiraient, mais  il savait aussi que son enseignement finirait par porter ses fruits, parce qu’il portait en lui une vérité qui émanait de Dieu, c’est pourquoi malgré  les souffrances des martyrs,  la foi chrétienne a réussi à gagner toute une partie du monde.

Le monde dans lequel vivait Jésus, comme le nôtre est un monde où la vie du plus fort  se nourrit de la vie des plus faibles. Nous  considérons comme une vérité fondatrice que  dans ce monde  les plus forts doivent se nourrir des  plus faibles. Cela entraine des injustices et  aussi  des souffrances. L’espèce humaine évolue dans ce milieu mais y participe aussi.  Or  depuis  que Dieu    est entré en contact avec les hommes, depuis qu’Abraham s’est senti personnellement interpelé par Dieu, Dieu a montré son désaccord avec  ce mode de vie  où la domination  des uns sur les autres aurait  force de loi.

Les prophètes ont  répercuté cette protestation de Dieu,  et c’est par leurs écrits qu’elle nous est connue. On trouve ainsi sous la plume d’Esaïe une prophétie étrange selon laquelle le lion  et le bœuf ensemble mangeront de la paille  (2). Ceux qui  ont reçu pour mission de parler au nom de Dieu se sont  laissés  aller à envisager un monde utopique où la violence sera proscrite et ne servira plus de règle pour gérer l’avenir. Loin d’envisager que la violence puisse   servir ses projets, Dieu inscrit l’absence de violence,  comme seule méthode possible pour gérer le monde selon sa volonté.  Ce projet prend déjà corps dans le baptême que Jean propose aux foules et dont il baptise Jésus. 

 Bien entendu, les ablutions de purification étaient déjà pratiquées dans le judaïsme, mais avec Jean et plus tard avec Jésus elles deviendront un rite d’adhésion à la foi. Le baptême va alors  remplacer la circoncision qui était caractérisée par une souffrance et une blessure du corps. Il remplacera aussi les sacrifices qui  eux aussi  faisaient souffrir les  animaux. Seul un peu d’eau suffira désormais à marquer l’entrée des hommes dans le projet de vie établi par Dieu à leur intention.  Toutes les souffrances requises par le passé  au nom de Dieu seront désormais abolies.

Tout se passe comme si Dieu se désolidarisait    définitivement  de toutes les formes que pouvait prendre la violence. Bien entendu, les souffrances subies par les hommes  n’ont pas Dieu pour cause, mais cela n’empêche  pas pour autant Dieu   de transformer en bien le mal causé par la souffrance. Il nous faut donc innocenter Dieu de la mort de Jean Baptiste ou de Jésus et de toutes les souffrances qui sont subies sur cette terre. Il nous faut donc expliquer l'implication de Dieu dans la mort de Jésus d'une autre manière que celle que nous admettons habituellement.  Dieu  combat le mal et ne l’utilise pas.
Dans cette longue  aventure de  la lutte de Dieu contre la souffrance, Jésus   prendra soin de rajouter un nouveau rite qui contient  peut être la clé de l'énigme : celui du partage. Il est tellement fort qu'il prendra par la suite une valeur  sacramentelle. Ce partage sera celui du pain et du vin qui sont les éléments de base de la nourriture. Ils ne nécessitent aucune violence pour les acquérir si non une violence sur soi-même puisque le partage est un rite d’amour   qui implique que l’on s’efforcera d’aimer ceux que l’on n’aime pas forcément. 

Ce geste d’amour ne nous est nullement imposé, il correspond à un élan du cœur vers Dieu et  implique notre accord sur sa manière de gérer le monde. Si le nombre des croyants se mettait  à augmenter nous pourrions augurer de la venue d’une ère de paix pour ce monde. L’avenir heureux du monde dépend donc de la manière dont  les croyants d’aujourd’hui sauront convaincre leurs contemporains de la justesse du projet divin pour ce temps et les encourager à y adhérer.

Les illustrations sont de Nicolas Poussin

1  Esaie 50: 6 / 53:  7
2 Es 65 : 25






mercredi 12 décembre 2012

Matthieu 2:1-12


Matthieu 2:1-12 Adoration des Mages - dimanche  6 janvier 2013

1 Après la naissance de Jésus, à Bethléem de Judée, aux jours du roi Hérode, des mages d'Orient arrivèrent à Jérusalem 2 et dirent : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus nous prosterner devant lui. 3 A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. 4 Il rassembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple pour leur demander où devait naître le Christ. 5 Ils lui dirent : A Bethléem de Judée, car voici ce qui a été écrit par l'entremise du prophète : 

6 Et toi, Bethléem, terre de Juda,
tu n'es certainement pas la moins importante dans l'assemblée des gouverneurs de Juda ; car de toi sortira un dirigeant qui fera paître Israël, mon peuple.
7 Alors Hérode fit appeler en secret les mages et se fit préciser par eux l'époque de l'apparition de l'étoile. 8 Puis il les envoya à Bethléem en disant : Allez prendre des informations précises sur l'enfant ; quand vous l'aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que moi aussi je vienne me prosterner devant lui. 

9 Après avoir entendu le roi, ils partirent. Or l'étoile qu'ils avaient vue en Orient les précédait ; arrivée au-dessus du lieu où était l'enfant, elle s'arrêta. 10 A la vue de l'étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. 11 Ils entrèrent dans la maison, virent l'enfant avec Marie, sa mère, et tombèrent à ses pieds pour se prosterner devant lui ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors et lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la myrrhe. 12 Puis, divinement avertis en rêve de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.


SI l'Evangile avait été écrit aujourd'hui il aurait pu commencer de la manière suivante: Il était une fois, un groupe de marcheurs de la paix qui partirent de chez eux à la recherche de Dieu. Ils venaient de la-bas pour aller on ne sait où, là où les étoiles voudraient bien les guider. Leur méthode était bien empirique dans un monde où seule la science avait force de loi. On finalement repéré leur trace dans un petit village d’une lointaine province d’un petit état dont le dictateur sans scrupule faisait partie des plus cruels. Le ciel était rempli d’étoiles, c’est dire qu’ils allaient dans tous les lieux où la voûte des cieux les éclairait. Il y avait dans le monde, des centaines de milliers de villages  semblables à celui où on avait repéré leur passage. Autrement dit, il y avait tant de lieux où ils pouvaient rencontrer Dieu qu’on ne pouvait les dénombrer. Il y avait donc la trace de Dieu  de partout dans ce monde si vaste.

En nous racontant  cette histoire à sa façon, la Bible a ouvert les Evangiles par l’affirmation de l’universalité de Dieu. Il  est en tous lieux, Il est accessible à tous et les héros de l'histoire viennent d'ailleurs. Ils repèrent la présence de Dieu  dans une maison que l’Evangile de Matthieu signale à notre attention. Relisez bien les textes, cet Evangile ne nous la présente pas comme  une étable un lieu propice à rassembler les bestiaux. Cette maison toute banale  pourrait bien être la vôtre. On ne nous parle pas non plus  de  merveilles célestes. Pas de  concert d’anges, si non l’arrivée discrète de mystérieux personnages. Aucune agitation non plus  dans le monde des bergers. On nous parle seulement d’un fabuleux trésor composé d’or, de myrrhe, et d’encens. N'est ce pas là une manière symbolique pour nous parler des richesses insoupçonnées de Dieu. Dieu fait  ainsi sa demeure chez n’importe qui, pour vue que la lumière des cieux y  soit accessible. La lumière des cieux !  voilà encore un mot pour dire l’espérance.

Même rapporté ainsi ce texte garde tout son mystère, cependant  nous comprenons  que Dieu se laisse trouver par tous ceux qui le  cherchent et c'est cela qui et important même s'il y a de nombreux obstacle qui se dressent sur leur chemin. Le premier de ces obstacles est en nous-mêmes. En effet, comme nous sommes avides de merveilleux, nous en avons rajouté. Nous  sommes allés le  chercher dans un autre  Evangile, celui de Luc. Nous lui avons emprunté les anges pour mettre du mouvement dans le ciel et les bergers  pour créer de l’agitation sur terre. Mais en agissant ainsi nous avons gommé une grande    partie du message que Matthieu voulait nous faire partager.

Le récit de l’Evangile de Matthieu nous parle  seulement des Mages qui découvrent que Dieu se fait présent dans un monde de  désolation. Il le campe son récit  dans un décor qui a pour toile de fond  la même atmosphère que celle où notre société évolue. C'est un massacre d'enfants innocent,  c'est aussi l'histoire de pauvres gens  qui quittent leur pays et s' éxilent à l'étranger pour avoir la vie sauve.  En présentant ainsi son récit, il   devance  les questions qui sont déjà sur les lèvres des incroyants  et qu'ils expriment  généralement pour justifier leur manque de foi: «  Si Dieu existait, le monde  évoluerait avec raison, il n’y aurait pas tant de guerres , pas de persécutions, pas de famines ».. Pour en rajouter une couche, nous  ne pouvons  nous empêcher d'imaginer que  cette histoire  se situe  en hiver et que nous  rajoutons à tout cela   du froid et de la neige.
Ainsi, ni les éléments météorologiques, ni le mauvais comportement des humains, ni tous les éléments discordants que l'on peut imaginer n’entravent  la marche de Dieu dans sa révélation au cœur des hommes.

Si les mages renouvelaient leur exploit aujourd’hui, ils le feraient dans un décor pas très différent du décor traditionnel. Les réfugiés  fuyant les cavaliers du despote  sur un âne  à travers les congères, deviendraient des réfugiés fuyant d’autres tyrans modernes, tout à fait semblables à ceux du passé cherchant leur salut à travers les flots, sur des bateaux qui prennent l’eau sur une mer hostile. Ces horreurs du monde moderne, pas plus que celle du monde ancien n’empêchent Dieu de se faire connaître..
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Rejoignons maintenant les Mages que l’histoire nous a  présentés comme des savants cherchant les mystères de Dieu dans les étoiles. Nous les retrouverions sans doute  aujourd’hui sous les traits de  savants modernes.  A force de calculs subtiles  et d’observations minutieuses, ils auraient sans doute  découvert que la question de Dieu venait sans doute troubler leurs équations. Ils se seraient rendu compte que Dieu n’était pas seulement celui que l’on vénère dans les temples, qu’il n’avait pas seulement le clergé à son service, mais que l’on trouvait sa trace  dans les hypothèses de travail que certains hommes de science formulent à partir de leurs équations.

Imaginons alors  que l’on convoque une conférence internationale sur la question. C’est alors que ceux qui exercent le pouvoir  pourraient s’inquiéter. Ils enverraient  des observateurs, et chercheraient peut-être  à brouiller les cartes, à l’instar d’Hérode.  Sans croire lui-même en Dieu, il considérait que son pouvoir humains était  mis en cause  par les allégations des mages selon lesquels Dieu dirigerait l’histoire des hommes et viendrait troubler l’ordre de la succession monarchique.  Les savants du récit biblique, même s’ils furent  surpris  par l’attitude du roi, ne changèrent en rien leur opinion. Ils restèrent convaincus que Dieu intervenait dans l’histoire des hommes, et pour ne rien compromettre repartirent par un autre chemin  laissant le monarque ruminer ses rancœurs. Nos dirigeants sont-ils conscients du fait que c'est Dieu qui détient les secrets de l'avenir du monde et que celui-ci dépend de la manière dont ils collaboreront avec lui.

En abordant ce problème nous sautons à pieds joints dans nos problèmes contemporains concernant l'écologie et l'avenir de la planète. Les savants certes peuvent discuter à n’en plus finir sur l’existence d’un esprit supérieur qui serait ou ne serait pas à l’origine du big-bang. Cela ne troublerait personne. Mais ce qui serait gênant   c’est que,  identifiant Dieu avec le principe de vie sur la planète, ils découvriraient , qu’à court terme, tout le système de gestion du monde serait à revoir.  Comme Hérode, ils chercheraient  à remettre les déductions des savants  en cause, à contourner leurs conclusions et à faire  comme si personne ne les avait avertis du fait que Dieu ne cautionnait pas leur  manière de gérer le monde.

Il n’est pas difficile de voir que les déductions  que font souvent les hommes de science s’harmonisent avec ce que tout un chacun  peut lire dans les Evangiles. Dieu, auquel il n’est plus l’habitude de croire  dans ce monde moderne,  avait déjà mis dans la bouche de Jésus, et des prophètes avant lui, des paroles qui auraient pu apporter des réponses aux défis que les savants découvrent par leurs calculs souvent  alarmistes  que les hommes  au  pouvoir ne semblent toujours  pas disposés à entendre. Il s’agit de partage équitable,   de richesses à mettre en commun et d’une autre façon de gérer  les produits de la terre et ceux de la mer.

On peut certainement imaginer Dieu de différentes façons, mais  pour les Mages, Dieu s’intéressait à la  vie ce cet enfant  qu’il fallait préserver à tout prix. Il est merveilleux et banal tout à la fois de réaliser  que Dieu mobilisait  tout son génie  pour que cet enfant puisse vivre. Son esprit habitait les mages qui  savaient que Dieu  agissait dans les événements pour lesquels il inspirait les conduites nécessaires aux hommes et aux femmes de bonne volonté. C’est ainsi qu’il a inspiré Joseph qui a organisé  la fuite en Egypte, et Marie qui l’a suivi, et peut être a-t-il donné un supplément d’énergie à  l’âne qui les a portés. Mais Dieu n’en a pas fait plus, parce que c’est  aux hommes de faire le reste. Et si parfois  les événements tournent  mal, ce n’est pas à Dieu qu’il faut s’en prendre mais aux hommes qui n’ont pas su se mettre à l’écoute de Dieu.
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Ce qui ressort de cette histoire, c’est qu’il dépend des humains qui sont tous engagés dans des problèmes de survie, pour que la divinité de Dieu devienne manifeste. C’est lui qui met en nous le vouloir et le faire, c’est lui qui  inspire aux hommes la fraternité, le partage et l’espérance qui sont les seuls outils que Dieu met à notre disposition pour que la vie dont il est porteur subsiste sur cette terre. On peut ainsi dire que Dieu  vient visiter le génie humain  pour que les valeurs qu’il a déposées en lui s’emparent du monde et qu’enfin les hommes comprennent que Dieu est en eux, qu’ils sont stimulés par lui et ouverts par lui à l’ espérance qui seule est porteuse de l’avenir.




Adoration des  Mages: musée de Tulle