lundi 28 novembre 2016

Esaïe 52:7-10. Le visage caché du porteur de bonnes nouvelles dimanche 25 décembre 2016



Esaïe 52 :7-10En


7 Qu'ils sont beaux sur les montagnes, Les pieds du messager de bonnes nouvelles, qui publie la paix ! Du messager de très bonnes nouvelles, qui publie le salut ! Qui dit à Sion : Ton Dieu règne ! 8 C'est la voix de tes sentinelles ! Elles élèvent la voix, Elles poussent ensemble des cris de triomphe ; Car de leurs propres yeux elles voient L'Éternel revenir à Sion.9 Éclatez ensemble en cris de triomphe, Ruines de Jérusalem ! Car l'Éternel console son peuple, Il rachète Jérusalem.10 L'Éternel découvre le bras de sa sainteté aux yeux de toutes les nations ; et toutes les extrémités de la terre verront  le salut de notre Dieu.


Chacun d’entre nous a au fond de son esprit une idée, ou même une image de Dieu qui lui sert de référence quand le sujet du divin est évoqué devant lui. Cette représentation lui est personnelle et bien souvent il aurait du mal à la décrire si on le lui demandait.  Pourtant, on pourrait croire que l’image à laquelle il se réfère relève de l’éventail classique des représentations que l’on se fait de  Dieu. Pour être sûr de ne pas  égarer leurs interlocuteurs, certains philosophes disent  ne  pas croire en Dieu. Mais en quel Dieu ne croient-ils pas? Pourrait-on leur rétorquer  tant les représentions mentales qu’on se fait de lui  sont variées.  Elles vont du « pur esprit »  au « Dieu tout puissant créateur », « du Dieu omniprésent et panthéiste »  au « Dieu secret qui se cache derrière la notion d’amour et nous parle au fond de notre cœur ».  Notre référence à lui reste très privée si bien que quand on parle de lui, à part quelques idées généralement partagées, on ne sait pas vraiment de qui on parle.



Et pourtant quand on évoque son nom, on semble se référer à la même réalité, si bien que la conversation que l’on a à son sujet est forcément biaisée parce que sous le même mot se cache une réalité et parfois son contraire. Même si les religions utilisent de nombreux mots pour désigner Dieu, elles se réfèrent croient-elles à la même réalité qui ne se distingue que par quelques nuances  entre les différentes approches   qu’elles font de lui. Selon les uns il est unique, et selon les autres il est trois, selon d’autres encore, derrière son unicité, il cache des quantités de formes divines qui l’apparente au  polythéisme. A la grande surprise de nombreux croyants chrétiens, toutes ces interprétations de la notion de Dieu se retrouvent  dans leur Bible. Un simple exemple suffira à nous éclairer. Dieu est parfois présenté dans les Ecritures sous le mot  pluriel Élohim qui ne correspond pas à la même réalité que Yahvé, et pourtant c’est bien du même  Dieu qu’il s’agit.


Jésus se référait  dans ses discours  à une réalité de Dieu qui était celle du  « Père plein d’amour » qui ne correspondait pas à celle du « Dieu  Juge » de la Loi  sur lequel s’appuyaient les pharisiens. Ainsi en écoutant l’énumération de cette multitude d’approches de Dieu vous vous demandez sans doute où je veux en venir par ce discours déstabilisant.  Vous vous demandez sans doute si je vais vous conseiller de faire le tri et de ne conserver qu’une image qui conviendrait  mieux que les autres, telle celle d’un enfant dans la paille. En fait  pour compliquer un peu plus les choses je  vous invite à   constater que notre liturgie du culte dominicale  ainsi que nos cantiques  font référence à plusieurs aspects du même Dieu,  comme si la réalité de Dieu était si complexe que nous avions besoin  de plusieurs  images de lui pour formuler notre foi. Le « Notre Père » s’adresse  à un Père céleste dont nous devons sanctifier la sainteté, alors que  le Dieu auquel nous adressons notre  confession des péchés est toute intériorité et toute intimité. Il est à la fois le Dieu dont nous redoutons le jugement et le Dieu d’amour dans les bras duquel nous nous laissons  consoler.

Ainsi, nous comprenons que nous ne pouvons nous référer à Dieu  sans utiliser plusieurs images mentales.  Mais toutes ces images relèvent sans doute de la même réalité. Notre expérience personnelle, nous laisse entendre qu’il est bon et qu’il s’intéresse au monde comme à chacun des humains qui habite la terre.  Jésus précise  qu’il se propose de participer à l’établissement de la paix sur terre et qu’il promet  le salut à beaucoup. Il console ceux qui  sont persécutés et s’intéresse à la veuve et à l’orphelin. Tout cela est bel et bon, mais pourquoi n’intervient-il pas avant que nous subissions les effets des catastrophes ? Pourquoi ne gère-t-il pas lui-même ce monde qu’il aime tant ? En posant ces questions  ne  donnerions-nous pas   raison à nos philosophes athées  qui  nient la réalité d’un Dieu qui n’interviendrait pas et ne servirait à rien pour faire avancer les choses ?  Au moment où nous croyons avoir trouvé  une notion de Dieu qui convienne à  tous, voila que ces derniers arguments viennent détruire les  images consensuelles de Dieu que nous avions  réussies à définir.

C’est alors qu’il faut nous souvenir du texte de la prophétie d’Esaïe que j’avais apparemment négligée jusqu’à maintenant. Voila que surgit à notre mémoire ce verset bizarre que nous connaissons tous, que nous évoquons régulièrement  et qui me pose personnellement un problème : « Qu’ils sont beaux sur les montagnes les pieds de ceux qui apportent de bonnes nouvelles ! » De qui le prophète parle-il ?  Et pourquoi parle-il des pieds et non du visage ?  On a  tant écouté ce verset,  on l’a  tant répété qu’on en a on oublié ce qu’il a d’incongru.  Ce sont rarement les pieds de ceux qui parlent qui attirent notre attention, c’est plutôt leur visage. Le prophète parle-t-il de lui et par modestie utilise-t-il la partie la moins noble de sa personne ? Parle-t-il de  Dieu ou de celui qui parle en son nom ?

S’il parle de Dieu, il s’agit d’un Dieu qui a plusieurs visages. Il a tellement de visages qu’on ne sait lequel le caractérise le mieux et le prophète se refuse à trancher entre les différents aspects que peut prendre Dieu, car  il se dissimule derrière chacun de ceux qui sont porteurs de bonne nouvelle. « La bonne nouvelle » est porteuse de paix et de salut pour les nations, « paix » et « salut » sont les deux mots prononcés par le prophète pour caractériser l’authenticité divine du message. Ce sont ces mêmes mots que l’on retrouve dans le message de Noël et dont nous allons développer le sens.

La paix selon Dieu, c’est ce qui concerne la plénitude de l’être, elle  désigne l’harmonie dont nous sommes enveloppés quand Dieu agit en nous. Elle fait de nous des êtres parfaits dans lesquels, chaque individu trouve la réalité que Dieu avait prévue pour lui quand il a été conçu et que les vicissitudes de l’existence  ont altéré. Il veut nous récréer à nouveau, c’est pourquoi il prodigue ses interventions auprès de nous. C’est pour cela qu’il prend tous les visages que lui prêtent les circonstances.  Cette paix correspond à l’état de celui qui est sauvé.  Quand la voix de Dieu nous atteint, elle vise à faire de nous ces êtres parfaits dont le destin s’accomplit en Dieu. C’est ce destin qu’il nous promet, qui se réalisera si nous nous efforçons de mettre nos pas dans les siens. Dieu donc s’acharne par tous les moyens à nous faire comprendre qu'il partage  notre destin. C’est cette vérité qui se dégage de l’événement de Noël.

Pour que nous comprenions ce projet qu’il a pour nous, Dieu s’offre à nous sous tous les visages que la situation du moment lui donne de prendre. Ils peuvent être conformes à l’image que nous nous faisons habituellement  de Dieu, mais ils peuvent ressembler au visage qu’affichent  tant d’autres témoins de la bonne nouvelle tel celui de l’enfant de Noël. Il est faible et impuissant mais il porte en lui la réalité de ce Dieu avec lequel nous sommes tous  appelés à assumer notre  destin quoi qu’il arrive et quels que soient les obstacles qui se mettent en travers de notre route.  Tous les moyens  sont bons pour Dieu  pour nous faire parvenir  ce message. Le philosophe athée  découvrira peut être  alors, le visage de Dieu qu’il récuse, mais ce visage prendra le plus souvent  les traits  du visage de Jésus Christ, non pas l’enfant de la crèche, mais celui de l’homme adulte  qui meurt, rejeté par les autres pour avoir prétendu que le but ultime de Dieu était que tous les hommes puissent s’épanouir en Dieu en harmonie avec lui, sans aucune contrainte et en dépit des menaces qui traversent le monde.

Ainsi, dans une fresque qui nous réjouit, le prophète nous présente-t-il notre Dieu dont il dissimule le visage afin que nous puissions le rencontrer dans toutes les situations où nous nous trouvons C’est pourquoi il parle de ses pieds pour mieux dissimuler  la  multiplicité de visages derrière lesquels il se révèle.

jeudi 24 novembre 2016

Matthieu 1:18-25 naissance de Jésus - naissance du monde - 18 décembre 2016



 
18 Voici comment arriva la naissance de Jésus-Christ. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph ; avant leur union, elle se trouva enceinte par le fait de l'Esprit saint. 19 Joseph, son mari, qui était juste et qui ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la répudier en secret. 20 Comme il y pensait, l'ange du Seigneur lui apparut en rêve et dit : Joseph, fils de David, n'aie pas peur de prendre chez toi Marie, ta femme, car l'enfant qu'elle a conçu vient de l'Esprit saint ; 21 elle mettra au monde un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. 22 Tout cela arriva afin que s'accomplisse ce que le Seigneur avait dit par l'entremise du prophète :
23 La vierge sera enceinte ; elle mettra au monde un fils
et on l'appellera du nom d'Emmanuel,
ce qui se traduit : Dieu avec nous.

24 A son réveil, Joseph fit ce que l'ange du Seigneur lui avait ordonné, et il prit sa femme chez lui. 25 Mais il n'eut pas de relations avec elle jusqu'à ce qu'elle eût mis au monde un fils, qu'il appela du nom de Jésus.

Il  est des temps hors du temps. Il est une histoire hors de l’histoire. Il est une aventure inaccessible. C’est l’histoire de la goutte d’eau qui pour la première fois se met à vibrer des germes de vie qu'elle contient. Mettez-vous à la place de Dieu et essayez de songer à l’état d’esprit qui se trouvait être le sien. Cette apparition de la vie dans l’univers fut sans doute pour lui un instant d’immense émotion, semblable à celui qu’il éprouva au moment où Jésus vint au monde portant dans ses gènes tout le mystère de l’incarnation. Des milliards d’années avant la naissance de Jésus quelque chose s’était produit quelque part dans les eaux, au cœur de la planète qui n’était pas encore la terre et la vie avait surgi.

C’était une apparence, une chose indéfinissable, une cellule peut être, qui pour la première fois se mit à se diviser de l’intérieur et devint matière vivante. L’événement n’a jamais été raconté et il n’y eut aucun témoin. On sait seulement que ça a eu lieu. On sait qu’après le fracas étourdissant que produisit l’onde de choc qui provoqua la naissance du monde, le Créateur retint son souffle pour que la vibration qui se propagea ne détruise pas ce qu’il avait en tête de voir se réaliser.

C’est ainsi, nous est-il dit, qu’il y eut un soir et qu’il y eut un matin, ce fut le troisième jour, et personne n’était là pour contempler cette merveille, si non Dieu lui-même. Le Créateur qui avait ouvert l’histoire de l’univers par le fracas du big-bang, dont on ne peut pas imaginer la puissance, suspendait son souffle pour contempler une goutte d’eau toute frémissante de la vie qui était en train de se mettre à exister. 

Le  même miracle de la vie qui surgit là où cela paraît impossible s’actualise chaque année à cette même époque quand le monde entier suspend le cours de ses activités pour évoquer le mystère de Noël. Une fois encore nous nous redisons les uns aux autres que la réalité fragile qui porte la vie est habitée par Dieu. Nous revivons encore dans un même émerveillement ce moment unique où Dieu mêle sa divinité à l’humanité, comme jadis il avait mêlé son souffle créateur à l’apparition de l’ADN qui de proche en proche avait rempli, la terre de toutes les formes que peut prendre la vie.

A force de science et de patience, les hommes penchés sur leurs instruments et sur leurs ordinateurs, ont retrouvé les traces de l’histoire de la vie jaillie dans une goutte d’eau. Forts de leurs découvertes, au lieu de rendre grâce au Créateur, ils ont pris la grosse tête. Ils ont cru qu’en ayant découvert les secrets de l’origine de la vie, ils étaient devenus maîtres de la vie. Non seulement ils ont continué à en disposer à leur guise, ils ont continué à la supprimer là où elle les gênait. Ils ont aussi cherché à la soumettre à leur volonté, ils s’en sont pris à son mode de transmission et de reproduction. Ils croient pouvoir encore faire évoluer la vie à leur guise sans se soucier de Dieu. Pourtant ils ont des doutes.

Dieu qui contemple tout cela n’en est pas surpris. Il sait que la goutte d’eau qui pour la première fois a porté la vie avait en germe cette prétention de la créature vivante à supplanter son créateur. Le génie humain qui allait se mettre en ébullition au soir du sixième jour de la création était déjà conçu par Dieu pour se révolter contre son Dieu afin de trouver dans l’accomplissement de sa révolte le sens de son destin. En effet dans l’esprit de Dieu tout cela avait du sens et de la cohérence. 

S'il  m’a semblé nécessaire aujourd’hui de retourner si loin dans le passé, c'est qu'il fallait rappeler qu’il n’y a pas dans l’histoire du monde d’événement plus important que l’histoire de cette première goutte d’eau et l’histoire de la naissance de Jésus. L’une fait suite à l’autre à des milliards d’années d’intervalle. Le monde mettait en œuvre ce que Dieu avait décidé. Dans un premier temps il s’agissait de provoquer le jaillissement de la vie dans l’univers et dans un deuxième temps il s’agissait pour Dieu de venir s’installer au cœur de l’humanité. Toutes ces choses compliquées, la Bible nous les redit avec la  simplicité naïve que nous trouvons dans les récits de la nativité.

 -Tout nous est dit sur le projet de Dieu qui vient habiter l’humanité. C’est le récit de la vierge devenue mère qui nous en rend compte.
- Tout nous est dit sur la fragilité de l’existence et sur les menaces de mort qui planent sur la vie à peine éclose. C’est ce que nous découvrons dans le comportement du roi Hérode qui arme ses soldats pour tuer un enfant. Il confirme par son geste l’arrogance de ceux, qui arrivés au faîte du pouvoir le confisquent à leur profit.
- Tout nous est dit des combats que livrent les hommes à Dieu pour lui ravir ses secrets. Nous les repérons en contemplant les savants de Jérusalem qui consultent les Écrits, compulsent la Torah, vérifient les prophéties pour repérer que Dieu a choisi la petite ville de Bethléem pour s’incarner.
- Tout nous est dit de la tranquille assurance avec laquelle Dieu contrôle les puissances hostiles et déjoue les comportements du malin. C’est pour cela que les anges entrent en action, que Joseph écoute et obéit et que tout se passe conformément à ce qui avait été dit.
- Tout nous est dit sur l’espérance offerte à tous les hommes. Mages et bergers, tous sont là pour entendre et rapporter tout ce que l’humanité est en droit d’espérer. 

Malgré cela, le monde continue à fonctionner comme si cette histoire n’était qu’une fiction, et comme si le récit de Noël n’était qu’un conte pour enfants. Nous avons du mal à comprendre que Dieu vient au plus intime de la réalité humaine pour la transformer en une réalité divine. Nous n’arrivons pas à croire que Dieu en intervenant dans l’humanité transforme notre destin à tout jamais et nous avons du mal à croire que l’éternité fait désormais partie intégrante de notre avenir. Nous avons du mal à admettre que notre destin n’est pas lié aux promesses d’un progrès humain illimité mais à la certitude que Dieu habite dès aujourd’hui notre vie. Si nous ne savons pas ce que signifie ce mystère nous devons cependant réaliser qu’il est l’aboutissement de la création et que Dieu a prévu que nous soyons concernés. Tout se tient dans ces deux événements où Dieu crée la vie et où ensuite, il vient lui-même habiter la vie.

L’enfant qui naît à Noël n’est que l’enfant d’un jour. Il provoque notre émotion et nous rend conscients de notre vulnérabilité. Nous comprenons au contact de son histoire que si les moutons qui l’entourent dans la bergerie sont inoffensifs, il y a cependant des loups dehors qui tel Hérode cherchent à se nourrir de la vie des autres. Le monde est un monde où les pouvoirs s’affrontent, les vaincus disparaissent et les vainqueurs deviennent plus forts, mais disparaissent à leur tour, vaincus par plus forts qu’eux. C’est la loi du genre. Mais Dieu ne s’y résigne pas. 

En  effet, si nous cherchons la vérité il faut la chercher ailleurs que dans les faits marquants de l’histoire des hommes. En se révélant dans un enfant Dieu nous apprend que la vérité reste invisible aux yeux des puissants et que même les savants ne la voient pas. L’enfant a grandi et la vérité sur Dieu est devenue plus pertinente à mesure qu’il se développait et qu’il enseignait.


Nous découvrons dans ce qu’il a dit que Dieu dépose dans tous les hommes,  un ferment d’éternité. Il ne peut se développer que si la sauvegarde de la vie prend le dessus sur toutes les activités humaines. C’est en valorisant la vie de tous  ceux avec qui nous sommes en contact que l’éternité pourra jaillir en nous, par une osmose subtile entre Dieu et nous. L’éternité n’est pas une valeur abstraite sur laquelle nous pouvons disserter sans fondement. Elle fait partie de l’espérance et nous ne pouvons y accéder que si nous la recevons de Dieu quand il nous met en relation avec nos semblables. Pour entrer dans l’éternité, il nous faut donc deux partenaires, Dieu et nos frères en humanité.

jeudi 17 novembre 2016

Esaïe 35:1-10 : La terre transformée - dimanche 11 décembre 2016



 Ce sermon a déjà été proposé le 15 décembre 2013

1 Que le désert et la terre manifestent leur joie!
Que le pays sec s'émerveille

et se couvre de fleurs,
2 aussi belles que les lis 
Oui, qu'il se couvre de fleurs, et qu'il s'émerveille à grands cris!
Le  Seigneur lui a donné la splendeur des montagnes du Liban
l'éclat du mont Carmel et de la plaine de Saron.
On pourra voir alors la glorieuse présence du Seigneur,
l'éclat de notre Dieu.
3 Rendez force aux bras fatigués,
affermissez les genoux chancelants.
4 Dites à ceux qui perdent courage:
" Ressaisissez-vous, n'ayez pas peur, voici votre Dieu" 
Il vient vous venger et rendre à vos ennemis
le mal qu'ils vous ont fait, il vient lui-même vous sauver."
5 Alors les aveugles verront et les sourds entendront.
6 Alors les boiteux bondiront comme des cerfs
et les muets exprimeront leur joie.
Car de l'eau jaillira dans le désert,
des torrents ruisselleront dans le pays sec.
7Le sable brûlant se transformera en étang,
et le pays de la soif en région de sources.
A l'endroit-même où les chacals avaient leur repaires
pousseront des roseaux et des joncs.
8 C'est là qu'il y aura une route
qu'on nommera le "chemin réservé".
Aucun impur n'y pourra passer, aucun idolâtre n'y rôdera.
Elle sera destinée au peuple du Seigneur
quand il se mettra en marche.
9 Sur cette route, pas de lion;
aucune bête féroce ne pourra y accéder, on n'en trouvera pas.
C'est là que marcheront ceux que le Seigneur aura libérés.
10 C'est là que reviendront ceux qu'il aura délivrés.
Ils arriveront à Sion en criant de bonheur.
Une joie éternelle illuminera leur visage.
Une joie débordante les inondera,
tandis que chagrins et soupirs se seront évanouis.


Une route, traversée par toutes sortes de dangers s’ouvre dans le désert aride,  devant les immigrants en quête d’une terre d’accueil.  Les broussailles se dressent devant  les pas des voyageurs et leur barrent le chemin. Elles  les  découragent de s’aventurer plus avant dans ces contrées hostiles. Et pourtant les marcheurs qui n’ont pas d’autres solutions continuent. Il n’y a rien de surprenant dans cette évocation, il s’agit là du paysage habituel du désert si souvent évoqué pour décrire la campagne des pays de la Bible qui était loin de ressembler à un pays où coule le lait et le miel comme l’avait laissé entendre Moïse  aux fugitifs qui l’accompagnaient depuis l’Égypte.

Ils étaient nourris de l’idée qu’ils  allaient prendre possession de ce pays qui allait devenir leur  terre et où une nouvelle vie les attendait en dépit des  déboires de toutes sortes qu’ils allaient rencontrer.  Ces pèlerins audacieux  avaient remplis  leur âme de toutes sortes d’images qui rendent désirable la terre vers laquelle ils orientaient leurs pas.  Tels étaient sans doute les illusions qui permettaient aux  nouveaux venus d’avancer.  D’où venaient-ils ? Le texte ne permet pas vraiment de le savoir.

Le peuple de la Bible a connu de nombreux exodes depuis qu 'à la suite de Moïse il a quitté la terre d’Égypte où il étaient opprimé.  Les gens dont parle ici le prophète étaient-ils des exilés venus du Royaume du Nord fuyant une première déportation? Étaient-ce  des exilés revenus au pays après la deuxième déportation? Qu’importe. Ils avançaient  vers une terre où ils voyaient s’accomplir leur destin et où ils espéraient bénéficier d’une bénédiction divine. A mesure qu’ils avançaient le ciel se faisait plus doux sur leurs têtes, et leurs pas se faisaient plus fermes sur un  sol moins caillouteux. Les ronces laissaient la place à des herbes moins agressives. Du moins le croyaient-ils. Telle est l’illusion de tous les exilés qui s’approchent d’une terre qu’ils croient plus accueillante que celle qu’ils ont laissés? Même s’ils ne sont pas dupes, ils sont tous animés par la foi en un avenir meilleur et ils s’efforcent de croire que Dieu habite leur espérance.

Dans leurs pensées la campagne se transforme, les champs se mettent à fleurir, la steppe aride fait place à de verts pâturages où gambadent  les agneaux et les cabris. Les paysans en pleines santé qu’ils croisent sur leur chemin ne sont pas fatigués, toujours joyeux, ils manifestent une éternelle jeunesse. Avec un peu d’imagination nous pourrions nous laisser aller à penser que  le prophète Esaïe qui décrit l’arrivée des exilés en terre d’Israël, se soit inspiré du "conte du Prince charmant" bafouant les ronces et les épines pour aller réveiller "la belle au bois dormant" bien que ni les dates ni les lieux ne correspondent. Mais l’idéal du pays enchanteur qui s’ouvre après un parcours hasardeux existe dans toutes les civilisations. Le voyageur qui traverse le désert de la soif n’a-t-il pas à l’esprit  le mirage de l’oasis couverte d’une palmeraie  accueillante?

Notre récit serait-il la description de cette oasis de bonheur jamais atteinte qu’entrevoyait le prophète et qu’il décrirait avec complaisance pour aider son peuple à patienter en attendant un bonheur illusoire qui ne viendra jamais ? On a pris l’habitude de lire ce passage dans le temps de l’Avent, ce moment de l’année où on fait place aux contes et légendes pour mieux dominer la rudesse des temps. On se laisse plus facilement saisir par l’émotion en pensant  que Dieu est descendu du ciel pour se geler dans la paille afin de sauver les hommes. Pourtant, nous le savons bien, Noël n’est pas une illusion et les contes  contiennent eux aussi des vérités qu’il nous faut forcer pour en trouver le sens.Les contes que nous allons évoquer contiennent un parcours initiatique qu’il nous faut décrypter si on veut en saisir le sens.

 Sans la clé du texte, nous n’en découvrons pas l’énigme. Ainsi, le Prince charmant doit-il franchir de nombreux obstacles avant de découvrir le secret de sa propre vie  qui sommeille sous les traits d'une princesse  qui l’attend depuis cent ans dans un château niché au milieu des bois. Le petit Poucet lui aussi doit suivre un chemin au milieu des bois, mais il connaît la clé de l’énigme et retrouve sa route grâce aux pierres blanches qu’il laisse tomber sur le chemin. Malheur à lui s’il néglige la clé et se croit trop  malin. Il remplace les cailloux par du pain que mange les oiseaux et ce sont les ennuis qui arrivent. Le Petit Chaperon rouge voit deux routes s’ouvrir devant elle. La plus longue contourne la forêt et l’emmène saine et sauve chez sa grand-mère  ainsi que sa galette et son pot de beurre. Elle peut vivre alors sa vie de femme. Malheur à elle si elle fait un mauvais usage de sa clé et si elle brûle les étapes en prenant le chemin qui traverse la forêt. Le loup la devance, mange la grand-mère ainsi que la galette et le pot de beurre et l’enfant par-dessus le  marché. 


C’est un chemin semblable qui s’ouvre devant Esaïe, car son récit fonctionne comme un conte de fée. Que l'auditeur ne s’en offusque pas, il sait bien que le récit lui est donné pour qu’il réfléchisse et exerce sa sagacité. Les aveugles ne guérissent pas par simple miracle généralisé, ni les infirmes et l’eau ne jaillit pas en plein désert s’il n’y a pas de source, à moins qu’on l’y amène. Les lions ne disparaissent pas sans qu’on les chasse. Rien ne se fait sur ce chemin du désert si l’homme n’en change le cours des choses. 

Et maintenant, où se trouve la clé du texte ? Est-elle dans l’intelligence des hommes et leur bonne volonté ? Le prophète entrevoit-il des jours nouveaux qui se réaliseront quand l’intelligence humaine sera rejointe par la sagesse divine et que les deux se confondront? L’espèce humaine gagnée par la grâce partagera tous ses talents et chacun échangera son savoir-faire pour le mieux-être de tous. Toute la planète gagnée à l’idéal évangélique deviendra une terre habitable par tous. Ce sera merveilleux, c’est techniquement possible mais ça ne marche  pas ! Et chacun de se poser des tas de questions sans trouver une seule bonne explication.

Les contes évoqués plus haut  pourraient-ils nous ouvrir une autre grille de lecture ?  Même quand on a compris la bonne clé, le conte se poursuit par une incertitude qui est liée à la liberté de chacun et mais l'issue de l'histoire est liées à  une bonne part de hasard et à la manière dont chacun le gérera. Que sera la suite de la vie de la belle endormie qui se réveille dans les bras de son prince? Nul ne le sait. Quantité de gosses braillards vont-ils hanter le palais au point d’y rendre la vie impossible ? Que chacun imagine la suite. Le petit Poucet revient bien à la maison grâce à ses cailloux, mais la famine n’a pas disparu et l’histoire recommencera  jusqu’à son dénouement, bon ou mauvais. Quelle vie attend  le Petit Chaperon rouge qui aurait fait le grand tour? Il n’a pour s’ouvrir à la vie qu'une grand mère dont elle ne décryptera les secrets que si le chevillette est correctement manipulée pour que puisse choir la bobinette. Un petit  pot de beurre et une galette sont-il suffisants pour les nourrir toutes deux et le danger du loup est-il définitivement écarté ?

Face à ces conclusions,  nous pouvons dire que le prophète Esaïe a  cependant raison. Oui, la transformation de l’humanité est possible, oui le partage des ressources est possible, mais il nécessite une prise en main de notre personne par Dieu. Notre conversion est un acte personnel qu’on ne peut imposer à personne. Elle est liée à une relation  que Jésus établit  avec chacun de nous par l’action permanente de son saint Esprit qui plane sur l’humanité. Chacun de nous peut le  recevoir mais il ne s’impose  à personne. Liberté oblige.


Il existe encore une clé de compréhension que je n’ai pas mentionnée car je la gardais pour la fin, c’est celle de l’action du péché en nous. Malgré notre conversion et la présence de l’esprit en nous, malgré notre bonne volonté et notre désir de bien faire, le péché  ne  s’est pas écarté de chacun de nous. Il continue à habiter nos bas instincts,  il ne cesse de nous tenter et de plaider le faux  pour le vrai. Chacun de nous est vulnérable et se retient  d’entrer  à corps perdu dans l’altruisme et l’amour inconsidéré du prochain. Le pardon, sans cesse prodigué par Dieu nous permet d’avancer et de rester raisonnables, mais le Royaume promis par Jésus n’est pas encore  accompli. Esaïe en avait l’intuition, Jésus nous a donné les clés pour y arriver,  Dieu nous donne, la foi, l’espérance et la patience pour le construire brique après brique. Il nous donne le pardon, sans cesse renouvelé pour toujours repartir quand nous nous sommes  trompés et que nous avons mal agi. Nous  n' avons peut être  pas toutes les clés en main mais nous en avons beaucoup à notre disposition. Faisons-en bon usage.