lundi 29 septembre 2014

Matthieu 23:1-12 dimanche 2 novembre 2014





Matthieu 23 :1-12

Jésus met en garde contre les scribes et les pharisiens

1 Alors Jésus dit aux foules et à ses disciples : 2 Les scribes et les pharisiens se sont assis dans la chaire de Moïse. 3 Faites et observez donc tout ce qu'ils vous diront, mais n'agissez pas selon leurs œuvres, car ils disent et ne font pas. 4 Ils lient des charges lourdes, difficiles à porter, pour les mettre sur les épaules des gens, mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. 5 Toutes leurs œuvres, ils les font pour être vus des gens. Ainsi, ils élargissent leurs phylactères et ils agrandissent les houppes de leurs vêtements ; 6 ils se plaisent à avoir la première place dans les dîners et les premiers sièges dans les synagogues, 7 être salués sur les places publiques et être appelés Rabbi par les gens. 

8 Mais vous, ne vous faites pas appeler Rabbi ; car un seul est votre maître, et vous, vous êtes tous frères. 9 Et n'appelez personne sur la terre « père », car un seul est votre père, le Père céleste. 10 Ne vous faites pas appeler docteurs, car un seul est votre docteur, le Christ. 11 Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. 12 Qui s'élèvera sera abaissé, et qui s'abaissera sera élevé.

Il y a quelques temps, le mot d’ordre du philosophe Stéphane HesselI a fait un tabac:           «  Indignez-vous » recommandait-il. Puis le temps a passé mais la révolte qu’il préconisait est restée d’actualité. Il s’agissait de s’indigner parce qu’on ne trouvait pas sa place dans un monde en mutation. Il s’agissait de s’indigner parce que les vraies valeurs étaient bafouées, que les jeunes diplômés ne trouvaient pas d’emplois à la mesure de leurs études, et que les classes privilégiées continuaient à l’être au détriment de celles qui ne l’étaient pas.  Il s’agissait en  en y regardant un peu vite de s’indigner pour avoir sa place au rang des privilégiés et de s’indigner pour ceux qui n’avaient pas la capacité d’y accéder.

Ce mouvement des indignés a fait tâche d’huile et continue à se répandre sur toute la planète, il a provoqué des courants contestataires et s’en  est  pris pacifiquement aux gouvernements en place qui s’en sont émus. Il  a déclenché la sympathie des uns, et inquiété les autres.

 Très vite, il nous vient à l’idée de créer un amalgame entre le mouvement que Jésus a suscité il y a vingt siècle et celui dont je viens de parler. On imagine volontiers Jésus, descendant dans les rues, occupant pacifiquement l’espace publique et dénonçant comme il avait l’habitude de le faire l’attitude insupportable des privilégiées de son temps. N’était-ce pas d’ailleurs ce qu’il était en train de faire quand il s’en prenait aux pharisiens qui se prévalaient de leurs privilèges pour donner des leçons aux autres.

Jésus s’indignait au nom de préceptes divins dont les commandements étaient malmenées par ceux-là même qui étaient chargés de les enseigner et de les faire respecter. Il proclamait haut et fort que la justice était dans son camp et il s’attirait de nombreuses sympathies.

Mais avant de vous indigner à votre tour,  prenez quelques instants pour savourer les propos de Jésus. Vous constaterez sans doute, avec le décalage nécessaire du temps qu’ils collent à l’actualité. Il s’en prenait  aux pharisiens et aux scribes qui étaient les intellectuels de cette époque qui avaient accaparés des privilèges et qui se justifiaient du droit, en cours à l’époque, pour les conserver. Ils ne se rendaient pas compte que c’était le droit qu’ils utilisaient pour se légitimer qui les condamnait.

Certes le droit était de leur côté en dépit des sarcasmes de Jésus. Ils payaient l’impôt ecclésiastique sans rechigner. Ils étaient moralement vertueux. Ils respectaient tous les préceptes religieux. Tout en s’opposant au pouvoir de l’occupant romain, ils ne faisaient cependant pas de troubles dans les rues, si bien qu’un semblant de paix avait cours dans leurs cités. Citoyens soumis et contestataires à la fois, ils vivaient assez mal le procès d’intention que leur fait Jésus.



S’ils étaient hypocrites, ils l' étaient  honorablement. Ils acceptaient de se mettre en cause si on le leur faisait remarquer courtoisement selon les règles qui ont cours dans les débats rabbiniques de leur temps. Mais ils n’acceptaient pas les provocations telles que Jésus les pratiquait en les interpelant dans les lieux publiques. Si tout bon lecteur de l’Evangile prend ici partie pour Jésus, il doit se méfier de ne pas mettre en cause tous les pharisiens de notre temps car nous  en faisons tous plus ou moins partie. 

En effet, nous nous indignons volontiers contre ceux qui abusent de la situation qui les favorisent. Nous souhaiterions que les privilégiés le soient moins et surtout que d’autres soient reconnus à leur tour dans les privilèges qu’ils ont acquis. Nous voudrions que les diplômes ouvrent la voie à des professions qui leurs correspondent. Nous voudrions que l’on reconnaisse aux indignés les privilèges auxquels ils n’ont pas encore accès mais auxquels ils aspirent justement croient-ils.

Privilégiés avons-nous dit, serviteurs répond Jésus. L’image du service est au cœur même de son Evangile et prend la place centrale de son propos que nous recevons aujourd’hui, « car le plus grand parmi-vous sera votre serviteur ».

Qu’on ne se méprenne cependant pas, Jésus parle bien de service et non d’esclavage. Ce n’est pas le même mot et Jésus ne pratique pas la confusion des genres. Il utilise bien le mot de serviteur et il fait référence à une fonction de service pour porter son indignation. En dépit de ce que les grammairiens ou les linguistes pourront dire, il y a une distinction qu’il faut faire entre serviteur et esclave. Nous n’envisagerons pas ici le problème des esclaves, nés comme tels, ni des mauvais maîtres qui les maltraitent, c’est un autre sujet contre lequel Jésus nous laissera le soin de nous indigner plus tard. Nous mettrons 17 siècles à le faire.

Nous en  resterons sur la notion classique  du service. Le serviteur, c’est celui qui a passé un contrat avec celui qui l’emploie. Les clauses de ce contrat peuvent se résumer en une seule. Le serviteur est embauché pour que le patron trouve dans son service un mieux être. Plus le patron trouve de satisfaction dans le service donné, mieux il se porte. Si Jésus envisage pour nous la fonction de serviteur, c’est pour que celui au service duquel nous sommes attachés se porte mieux.

Il s’agit maintenant de savoir de qui on est appelé à être le serviteur. De Dieu, allons-nous dire ! C’est ce que croyaient les pharisiens, Jésus leur donne tort. Il s’agit ici d’être le serviteur des autres. C’est à n’y rien comprendre. Si Jésus participe à notre indignation face aux injustices qui nous sont faites, pourquoi nous ramène-t-il dans une nouvelle situation de dépendance et de service ?  Au  service de quelle cause nous enrôle-t-il ? 

Défendons-nous la cause de ceux qui n’ont pas de privilèges et pour qui nous cherchons à  en acquérir ?  Dans ce cas nous acceptons que le fait d’être privilégiés est un principe incontournable puisque nous nous efforçons d’y faire entrer ceux qui n’y sont pas encore.

Vu sous cet angle là l’Evangile ne nous paraît-il pas un peu réducteur? J’ai fortement l’impression que Jésus ne nous suivrait pas dans cette voie. En fait Jésus ne précise pas au service de quelle cause nous sommes appelés, car nous sommes les serviteurs des autres, c'est-à-dire de l’humanité. En effet, nous est-il venu un jour à l’idée que si Dieu a été reconnu comme le créateur de l’humanité, c’est pour le bonheur des hommes et pour leur bien être? Si nous reconnaissons que Dieu donne du sens à l’humanité, ce n’est pas pour établir des catégories parmi les êtres humains, ni pour créer des castes de privilégiés en fonction de leurs diplômes ou de leurs lieux d’origine, mais pour établir un mouvement général selon lequel tous les hommes ont droit au bonheur. C’est pour accomplir ce projet que nous sommes embauchés par Dieu comme serviteurs.

Sans doute le bonheur se définit-il différemment suivant les lieux où l’on habite ou selon la culture à laquelle nous appartenons, mais tous les humains ont droit au bonheur et à la satisfaction de vivre. Si ce n’était pas le cas, Dieu n’aurait plus sa place parmi nous en tant que créateur.

Nous sommes donc mis par Dieu au service du mieux être de l’humanité, et si cela passe par le combat pour l’acquisition  de privilège pour ceux qui n’en ont pas encore, ce ne peut être que provisoire, car tout ne peut être fait en un seul mouvement,  il faut donner du temps au temps pour que le vaste monde se mette à l’unisson de Dieu qui réclame nos services pour que l’harmonie du monde s’approche le plus possible de la perfection, sans aucune catégorie de privilèges.

mardi 23 septembre 2014

Matthieu 22:34-40 Aimer Dieu de tout son coeur et son prochain comme soi-même - dimanche 26 octobre 2014





Aimer Dieu de tout son cœur
Aimer son prochain comme soi-même

34 Les pharisiens apprirent qu'il avait réduit au silence les sadducéens. Ils se rassemblèrent 35 et l'un d'eux, un spécialiste de la loi, lui posa cette question pour le mettre à l'épreuve : 36 Maître, quel est le grand commandement de la loi ? 37 Il lui répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ton intelligence. 38 C'est là le grand commandement, le premier. 39Un second cependant lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 40 De ces deux commandements dépendent toute la Loi et les Prophètes.

Il n’y a pas de slogan plus porteur, ni d’idée plus séduisante que d’affirmer que c’est l’amour qui doit mener le monde. Il doit être le moteur de nos relations avec Dieu et avec les hommes. Quiconque nie une telle affirmation fait figure d’irresponsable archaïque et rigide, mais à l’inverse, quiconque défend une telle idée sera très vite taxé d’utopiste irréaliste. Les sages, comme toujours vont se situer dans le juste milieu : un peu d’amour mettra de l’huile dans les rouages, mais trop d’amour nous entraînera à la dérive et ne nous apportera que des déboires.

Pourtant Jésus se positionne clairement dans une pratique de l’amour sans réserve. Ce n’est pas lui, par ailleurs qui est l’auteur de ces deux préceptes. Il est allé les prendre à leur source dans deux livres au cœur de l’Ecriture : le Livre du Lévitique et celui du Deutéronome. Il s’agit donc là d’une vérité qui habite toute la Bible depuis ses origines.

Soyons réalistes pour un temps, et rejoignons le camp des sages dont je viens de parler. En effet, la position de Jésus semble insoutenable. Comment aimer Dieu sans restriction alors que l’Ecriture nous enseigne à le craindre ? Il est certes lent à la colère et prompt à la miséricorde, mais certaines de ses colères restent mémorables.

La Bible, dans les deux Testaments ne manque pas d’exemples à commencer par la destruction de Jérusalem en -586 que Dieu a laissée faire, voire même provoquée. Jésus lui-même ne nous met-il pas en garde en nous disant que certaines de nos erreurs seront sanctionnées par des pleurs et des grincements de dents. Certes, les commentateurs les plus optimistes ont dit que Jésus utilisait des formules stéréotypées qui avaient cours en son temps. Il n’empêche qu’il les a quand même utilisées.

Dans notre relation personnelle avec Dieu, nous éprouvons parfois du ressentiment à son égard et quand on éprouve un tel sentiment on ne peut aimer sans réserve celui qui nous l’inspire. Inutile d’énumérer toutes ces prières sans réponse faites dans la foi, elles sont encore dans notre mémoire. On ne fera pas non plus la liste de ces catastrophes naturelles où l’absence de Dieu s’est faite douloureusement sentir. Il nous arrive aussi d’être à l’écoute des propos selon lesquels il n’y aurait pas tant de malheurs dans le monde si Dieu y était vraiment présent. Des questions lancinantes reviennent à notre pensée, bien que nous essayions de les écarter : pourquoi ceux qui ont donné leur vie à Dieu sont-ils victimes d’injustices, de violences, de famines et de maladies ?

Compte tenu de toutes les réserves que je viens de faire, on peut certainement concevoir que l’on puisse avoir un élan d’amour vers le créateur de toutes choses qui a fait tant de beautés et qui a organisé le monde avec tant de subtilité, mais peut-on pour autant lui réserver un amour total et sans réserve compte tenu des griefs que je viens d'évoquer? Cela nous paraît bien impossible.


Même si on se forçait à aimer Dieu par obéissance ou par intérêt, un tel amour n’aurait pas grande valeur puisqu’il ne serait pas le résultat d’un élan du cœur qui ne se démontre pas mais qui jaillirait de nous-mêmes après avoir transformé tout notre être.

Pour qu’une telle chose soit possible, il nous faudrait changer radicalement notre relation à Dieu. Il faudrait la penser en d’autres termes que ceux que nous avons utilisés jusqu’à maintenant et essayer de trouver une autre approche de Dieu. C’est sur ce point que nous rejoignons l’enseignement de Jésus, car il a essayé toute sa vie de nous apprendre à voir Dieu autrement que ce que la tradition nous a appris de lui. Il nous faut donc opérer une transformation radicale en nous-mêmes pour nous permettre d’avoir un autre regard sur Dieu et sur les autres au point de les aimer eux-aussi sans aucune restriction.

Il ne nous est pas plus facile d’aimer les autres. Si chacun faisait un examen de conscience attentif sur lui-même, il découvrirait bien vite que ceux auxquels il accorde son amour se réduisent à un tout petit nombre. L’amour, nous l’avons dit est un élan du cœur qui ne se commande pas. Le sentiment que nous éprouvons pour ceux que nos aimons vraiment est d’une toute autre nature que celui que nous réservons à tous les autres. Car l’amour ne se commande pas. On peut se contraindre à être aimable, on peut forcer sa nature en approchant les autres avec respect. On peut même leur donner une partie de nos biens. On peut leur consacrer beaucoup plus de temps que raisonnable mais tout cela n’est pas de l’amour, c’est de l’altruisme.

Alors comment aimer vraiment Dieu, et par voie de conséquence comment aimer son prochain ? Jésus part d’une approche que nous connaissons bien. Il considère avant tout Dieu comme un Père dont de nombreuses paraboles nous donne l’exemple. Il est un Père tellement aimant que son comportement, s’il était celui d’un Père humain, pourrait être considéré comme laxiste. C’est ce que nous pourrions retenir de la parabole des deux fils par exemple. C’est ce Père admirable qui cherche son fils, qui vient vers lui, et quand il l’a trouvé et réconforté, c’est à l’autre qu’il consacre le reste de son temps. Ce Dieu à l’image duquel Jésus nous renvoie ne provoque personne, mais il attend patiemment que chacun soit prêt à entrer en relation avec lui. Sa patience est telle qu’elle peut durer toute une vie et ne jamais obtenir le résultat espéré.

Nous réalisons que sa présence est effective en nous quand nous en ressentons du bien et que ce contact produit comme une sorte de bonheur en nous. Nous découvrons alors que la place de Dieu était prévue dans notre inconscient depuis toujours, comme si nous étions conçus pour vivre avec lui, mais jamais il ne revendique cette place qui lui est due, si bien que sa présence est perçue comme un vide qui se comble, une absence qui devient présence, une soif d’absolu,et un désir qui ne saurait se dire.

Une telle présence en nous qui crée des états d’âme heureux, qui apporte apaisement et délivrance est totalement différente de celle que l’on nous a appris toutes les fois que l’on nous a parlé de Dieu. Cette quiétude qui nous envahit par sa présence devient la seule réalité de Dieu que le Père de Jésus voulait établir en nous. Jésus nous a préparé lui-même à cette rencontre en faisant jaillir en nous le désir d’un Dieu qui soit différent de celui dont les hommes témoignent et que sans lui on n’aurait jamais pu imaginer.

Le Dieu qui apparaît comme un maître arbitraire pour les hommes et pour le monde, qui conduit ses projets jusqu’à leur aboutissement sans les partager est en dehors de la pensée de Jésus Christ. Un Dieu qui jugerait et condamnerait, un Dieu qui ne serait compatissant qu’après avoir reçu le repentir et qui n’accorderait son amour qu’après avoir sanctionné les coupables, même faiblement, ce Dieu là n’est pas celui avec lequel nous pourrions avoir une total relation d’amour. Il nous faut donc oublier tout ce que l’on a appris sur Dieu et ne retenir de lui que ce que nous en avons perçu quand nous avons senti sa présence en nous, cœur à cœur. C’est alors que Dieu prendra un autre visage et que nous pourrons nous mettre à l’aimer en totalité.


 L’amour que nous manifesterons à notre prochain deviendra alors le reflet de l’amour divin qui désormais nous habite. Ce sera un mouvement naturel qui se fera sans que nous cédions aux exigences que la bonté nous impose. Les choses se feront alors d’une manière tellement naturelle que c’est en considérant les actes que nous avons faits que nous reconnaîtrons que c’est l’amour de Dieu qui agit en nous comme conséquence inconsciente de l’amour que nous avons pour lui

Pour répondre à l’injonction de Jésus en aimant Dieu de tout notre cœur et notre prochain comme nous-mêmes, il nous faut tout oublier de ce que nous avons appris sur Dieu et nous préparer intérieurement à le laisser agir en nous. C’est alors que tout ce que la Bible nous a dit sur Dieu se tintera d’une autre couleur et prendra des reflets inattendus, car nous comprendrons que dans toutes les situations dont l’Ecriture témoigne, l’amour était premier en toute chose, si bien que fort de cette expérience, nous lirons notre Bible autrement. S’il reste encore des zones d’ombre en nous, c’est par la prière, c'est-à-dire par une relation encore plus approfondie avec Dieu qu’elles s’éclaireront.

Illustrations Marc Chagall : l'amour



jeudi 18 septembre 2014

Matthieu 22:15-21 l'impôt dû à César - dimanche 19 octobre 2014



L'impôt dû à César
 

15 Alors les pharisiens allèrent tenir conseil sur les moyens de le prendre au piège en parole. 16 Ils envoient leurs disciples, avec les hérodiens, pour lui dire : Maître, nous savons que tu es franc et que tu enseignes la voie de Dieu en toute vérité, sans te soucier de personne, car tu ne regardes pas à l'apparence des gens. 17 Dis-nous donc ce que tu en penses : est-il permis ou non de payer la capitation à César ? 18 Mais Jésus, qui connaissait leurs mauvaises intentions, répondit : Pourquoi me mettez-vous à l'épreuve, hypocrites ? 19 Montrez-moi la monnaie avec laquelle on paie la capitation. Ils lui présentèrent un denier. 20 Il leur demande : De qui sont cette image et cette inscription ? 21— De César, lui répondent-ils. Alors il leur dit : Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.


Dès que l’on parle d’argent la méfiance s’installe et les conversations prennent une autre tournure, car c’est l’argent qui provoque les cassures au sein de la société ou même au sein des familles. Il y a ceux qui ont de l’argent et il y a ceux qui n’en ont pas. A partir de ce fait incontournable, chacun y va de son couplet. Pour les uns il s’agit de  décrier l’argent comme la pire des choses quant aux autres ils s’accordent à dire que puisqu’il est nécessaire, il faut bien s’en accommoder. Dans la vieille Europe l’argent était considéré comme impur, c’est pourquoi on a laissé les marginaux s’en occuper: les Juifs d’abord, les Protestants ensuite. A eux de se salir les mains avec l’argent qui souille et pervertit, puisqu’ils étaient hors de l’Eglise - entendre hors du salut -  A eux aussi de le faire fructifier pour ceux qui le leur confiaient et espéraient en tirer des bénéfices. On voit que l’hypocrisie des milieux religieux n’est pas nouvelle

On dit que l’argent est le nerf de la guerre et que c’est lui qui fait marcher le monde. Le phénomène de la mondialisation nous montre que ce sont les détenteurs de grosses fortunes qui gèrent le destin de la planète à l’instar des hommes politiques qui sont obligés de s’aligner pour garder l’illusion de gouverner.

Quiconque veut avoir de l’influence en ce bas monde, quiconque veut faire valoir une idée a besoin d’argent pour séduire les médias et payer leur temps de pub ou d’antenne. Pour cela il doit se trouver un mécène disait-on jadis, un sponsor dit-on aujourd’hui, qui le soutiendrait  pour le prix de son talent ou de sa vertu.


Forcément ceux qui manient l’argent et qui ont du pouvoir grâce à lui cherchent à légitimer ce pouvoir en cherchant la caution de Dieu. C’est ce que font les  interlocuteurs de Jésus, nous  allons y revenir. Ils étaient déjà dans le courant moderne de notre temps. Le modernisme a besoin d’idées généreuses pour donner de la vertu à l’argent. C’est ainsi que les
multinationales achètent des parts de bonnes actions auprès des ONG et à défaut de vertu s’acquièrent une morale. C’était aussi le but des prêtres du Temple de Jérusalem qui essayaient de trouver des valeurs morales au prélèvement de la dîme. La suite nous montrera que leur quête était sans fondement théologique.

Ne soyons donc pas surpris si les gens de pouvoir ont cherché à s’allier avec les gens qui relèvent du domaine spirituel, à moins que ce soit le contraire, car le mouvement va dans les deux sens. Cela est connu comme le principe de l’alliance du trône et de l’autel. L’Ecriture semble pourtant avoir mis des garde-fous en opposant Dieu et Mammon : « on ne peut servir Dieu et Mammon » disait Jésus et les hommes puissants de rétorquer : « nous ne servons pas l’argent, nous nous en servons  pour servir Dieu. »  Ce faisant,  ils se comportaient en bons théologiens, car c’est ainsi que Dieu entend les choses. Il nous confie l’argent comme un des nombreux talents qu’il met à notre disposition pour gérer harmonieusement  l’évolution de la planète. C’est ainsi que les choses doivent fonctionner. C’est ainsi que l’homme a été prévu dès l’origine pour gérer la création. Mais les narrateurs de la Bible ont bien vu que cela ne cadrait pas avec la réalité. L’homme  exploite plus la création qu’il ne la valorise. Pour remédier à ce constat désastreux, on a introduit le récit de la chute au milieu des récits de la création. Si nous sommes attentifs aux événements qui mettent notre société en émoi nous pourrons constater que la chute a été vertigineuse.

Pourtant, il  est une tradition qui découle de l’Evangile et qu’on élève au rang de vertu: c’est la pauvreté volontaire. C’est ce que l’on retrouve dans les voeux monastiques. On est pauvre individuellement, mais on vit au sein d’une communauté qui gère l’argent de la collectivité pour le mieux être de chacun et des autres. Cet idéal que nous admirons a hélas montré qu’il pouvait être perverti. Les sectes mondialement connues ont profité de cet idéal pour asseoir leur pouvoir a des fins de dominations et non pas  d’édification. A tout bon scientologue: Salut!  Salut aussi à la foultitude  de toutes les communautés qui se sont engouffrées dans la brèche utilisant  la vie en collectivité  pour cautionner leur soif de pouvoir et de domination sur l’autre par l’appropriation de ses biens. L’idéal monastique, mal conçu peut donner une perversion qui relève plus du pouvoir du diable que de la candeur angélique.

Ces quelques idées, glanées de ci, de là dans l’actualité nous permettent de comprendre l’ampleur du piège que l’on tend à Jésus quand on  lui demande de choisir entre le pouvoir de l’argent et le pouvoir spirituel.  Jésus sait que l’argent donne du pouvoir à celui qui en possède. Il sait que l’empereur s’enrichit ouvertement sur le dos des citoyens. Il sait aussi que les prêtres du Temple s’enrichissent sur le dos du bon peuple en lui laissant croire que Dieu cautionne la dîme et l’impôt ecclésiastique. Jésus va s’arranger pour ne pas leur donner tort sans leur donner raison, car pour lui ils sont à mettre du même côté que l’empereur. L’histoire montrera en effet que la foi juive subsistera fort bien après la destruction du Temple et que la fortune des prêtres amassée grâce à la dîme ne servait à rien. Voila pour les juifs, on parlera des chrétiens  plus loin.

Jésus ne tombe pas dans le piège. Donnez à chacun ce qui lui revient dit-il. Le problème ne se pose pas au niveau de  l’empereur. L’empereur récupère auprès des citoyens l’argent dont il a besoin. Mais le problème va se poser au niveau de Dieu. Dieu a-t-il besoin d’argent? «  Rendez à l’empereur ce qui lui est du et à Dieu ce qui lui revient. » Pour l’empereur, on l’a vu, ça ne se discute pas.  Ce qui lui revient c’est une partie de notre argent.  Jésus ne précise pas ce qui revient à Dieu. En fait,  Dieu n’a pas besoin d’argent, en tout cas pas de la même façon que l’empereur.  Mais les hommes qui se disent au service de Dieu ont besoin d’argent. Quant à Dieu lui-même, c’est un autre problème. Tout appartient à Dieu, tout doit  lui revenir y compris l’argent que l’empereur nous  prend! Il n’y a pas de partage entre le temporel et le spirituel. Tout va à Dieu, tout relève de Dieu. Cela appartient du domaine de la foi et ce n’est pas avec de l’argent que l’on rend son du à Dieu.

L’empereur nous prend ce qu’il ne nous a pas donné. En effet, l’impôt est une ponction sur nos revenus faite par le pouvoir en place. A l’opposé, Dieu nous donne ce qu’il nous demande de lui donner. C’est au niveau de l’amour que ça se passe. Dieu nous donne son amour et espère le nôtre. La relation n’est pas du tout, au même niveau que l’argent de l’empereur.

Si je dis que l’on doit seulement notre amour à Dieu, le trésorier de la paroisse ne va pas être content. Certes on peut manifester son amour à Dieu de plusieurs façons, avec son argent, avec son temps, avec son talent; avec ses dons, mais toutes ces choses que l’on donne à Dieu ne sont que des outils pour lui manifester notre amour qui demeure premier.

Mais que l’on y prenne garde, tout cela peut  être perverti.  Car certains pensent que l’on peut capitaliser toutes ces choses que l’on est sensé faire pour Dieu et qu’on peut espérer des avantages en retour. Plus on aura fait de gestes qui plaisent à Dieu pensent-on,  plus notre place dans le Royaume sera assurée.  C’est, sans doute la manière la plus mesquine d’apprécier nos actions car elle sous-entendrait que Dieu pourrait échanger notre amour contre des bonnes actions. L’amour ne s’échange pas, il ne se monnaie pas, on ne le capitalise pas bien  sûr, il n’a aucune valeur marchande. Il ne se manie pas comme de l’argent. Pour subsister, l’amour doit continuellement être en action, car comme notre coeur, notre amour est vivant et il doit être en activité sous peine de mort. Si l’amour de Dieu nous fait vivre, Dieu a besoin de notre amour pour exister lui aussi  aux yeux du monde.

Nous sommes donc sur un tout autre registre que celui de l’impôt que l’on paye au roi ou à l’institution ecclésiastique. Notre relation à Dieu ne profite à personne si non à Dieu lui-même, pour son propre bien-être. C’est cela  la gratuité du salut, c’est de savoir que l’on aime Dieu sans espérer de récompense de lui puisque nous avons déjà tout reçu. Son amour est total et il demande que nous le lui rendions totalement. C’est pourquoi Dieu réclame seulement notre amour et rien que notre amour. «  Aime et fais ce que voudra » disait saint Augustin. Et Rabelais fit graver cette devise sur le fronton de l’abbaye de Thélème. Quant à notre argent il ne devrait nullement être concerné par notre relation à Dieu.