jeudi 28 mars 2019

Luc 15/11-32 la parabole des deux fils - dimanche 31 mars 2019


Luc 15/11-32

La parabole du fils perdu et retrouvé

11Il dit encore : Un homme avait deux fils. 12Le plus jeune dit à son père : « Père, donne-moi la part de fortune qui doit me revenir. » Le père partagea son bien entre eux. 13Peu de jours après, le plus jeune fils convertit en argent tout ce qu'il avait et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en vivant dans la débauche. 14Lorsqu'il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à manquer de tout. 15Il se mit au service d'un des citoyens de ce pays, qui l'envoya dans ses champs pour y faire paître les cochons. 16Il aurait bien désiré se rassasier des caroubes que mangeaient les cochons, mais personne ne lui en donnait. 17Rentré en lui-même, il se dit : « Combien d'employés, chez mon père, ont du pain de reste, alors que moi, ici, je meurs de faim ? 18Je vais partir, j'irai chez mon père et je lui dirai : “Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi ; 19je ne suis plus digne d'être appelé ton fils ; traite-moi comme l'un de tes employés.”  » 20Il partit pour rentrer chez son père. Comme il était encore loin, son père le vit et fut ému ; il courut se jeter à son cou et l'embrassa.21Le fils lui dit : « Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils. » 22Mais le père dit à ses esclaves : « Apportez vite la plus belle robe et mettez-la-lui ; mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds. 23Amenez le veau engraissé et abattez-le. Mangeons, faisons la fête, 24car mon fils que voici était mort, et il a repris vie ; il était perdu, et il a été retrouvé ! » Et ils commencèrent à faire la fête.


25Or le fils aîné était aux champs. Lorsqu'il revint et s'approcha de la maison, il entendit de la musique et des danses. 26Il appela un des serviteurs pour lui demander ce qui se passait. 27Ce dernier lui dit : « Ton frère est de retour, et parce qu'il lui a été rendu en bonne santé, ton père a abattu le veau engraissé. » 28Mais il se mit en colère ; il ne voulait pas entrer. Son père sortit le supplier. 29Alors il répondit à son père : « Il y a tant d'années que je travaille pour toi comme un esclave, jamais je n'ai désobéi à tes commandements, et jamais tu ne m'as donné un chevreau pour que je fasse la fête avec mes amis ! 30Mais quand ton fils que voici est arrivé, lui qui a dévoré ton bien avec des prostituées, pour lui tu as abattu le veau engraissé ! » 31Le père lui dit : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi ; 32mais il fallait bien faire la fête et se réjouir, car ton frère que voici était mort, et il a repris vie ; il était perdu, et il a été retrouvé ! »



Cette parabole est une histoire  que Jésus a racontée sans doute un soir où il mangeait à la table d’un hôte dont le nom nous est demeuré inconnu. Les paraboles sont nées de propos recueillis au vol, d’anecdotes, de  propos de table, d’incidents quelconques. Jésus s’en emparait, il en tirait un enseignement avec lequel il a forgé son Evangile. Chacun s’y reconnaissait et y découvrait un autre visage de Dieu, bien différent de celui de la tradition.

Qu’il nous soit permis aujourd’hui d’imaginer le fait divers qui l’aurait peut être inspiré. Cette parabole pourrait bien être l’écho d’une conversation surprise entre deux matrones le matin même sur un marché. Elles commentaient  la vie du village et donnaient leur avis. Elles parlaient de la famille de ce  brave Monsieur Lévi, (c’est moi qui donne ce nom au personnage du père de la parabole) qui avait bien du tourment à élever  tout seul ses deux garnements qui lui causaient bien du souci.

- Nous parlons de garnements, disait l’une mais ils sont arrivés à l’âge adulte et ils n’ont ni l’un, ni l’autre pas plus de cervelle qu’un moineau.

- Mais qu’a-t-il fait au Bon Dieu, ce pauvre homme renchérissait la seconde pour avoir deux fils aussi dissemblables ? Le grand dadais qui est l’aîné est toujours dans les basques de son père, il est bien brave, mais il n’a jamais pris une seule initiative, quelle femme voudra jamais de lui ?

-  Et la première mégère de renchérir en disant que le plus jeune est bien différent, il est fugueur et a toujours les poches percées. Il n’est pas travailleur et s’il continue, il finira sans doute bien mal.

- La deuxième d’en rajouter et de plaindre le père : Il est trop bon, il est incapable de bousculer le plus grand  pour qu’il se prenne en main à l’âge qu’il a. Il est aussi incapable de corriger le plus petit et de le mettre au travail. Il en serait autrement si sa pauvre défunte était encore là. Sans doute, tout le village connaissait ce riche propriétaire, un brave homme, dépassé par ses problèmes d’éducation.

Le portrait de cette famille étant tiré, revenons  aux propos de Jésus. Il a dressé le portrait d’un père qui a fait couler beaucoup d’encre sous la plume des commentateurs. On a dit qu’il était un mauvais éducateur selon les critères d’aujourd’hui, c’est cet aspect que soulignait l’une des deux commères.  On a constaté l’absence de présence féminine, ce que les féministes n’ont pas manqué de souligner. En supposant que ce personnage soit pour Jésus l’image   qu’il veut donner de Dieu, on peut se laisser aller à dire que l’amour de cet homme  exprime tout à la fois la tendresse du père et la douceur de la mère tant son comportement est ambigu.

L’amour de Dieu a toujours quelque chose de surprenant. Si le Père du récit est en décalage  par l’expression de son amour par rapport à un père humain, c’est que Jésus n’a aucune prétention pédagogique. Il  raconte son histoire  comme une forme de défi à la logique humaine pour nous parler de Dieu.  Ce père n’est donc pas un éducateur efficace, il n’exerce pas son autorité pour secouer son aîné sans personnalité  et corriger son cadet qui mériterait une bonne raclée. Il n’est que tendresse et amour. Tel est le Dieu que Jésus voudrait nous faire découvrir. Un Dieu qui n’est jamais violent, jamais sévère et qui déborde d’altruisme et d’affection.

Tout cela ne colle cependant pas avec l’image que nous avons de Dieu. Nous ne trouvons pas notre compte dans ce portrait car un tel Dieu en dépit de son amour paraît totalement impuissant.  Nous aimerions qu’il nous dresse le portrait  d’un Père efficace. Un Dieu qui interviendrait en bousculant les méchants en rendant justice aux faibles et aux opprimés nous conviendrait mieux.

Toute l’histoire Biblique ne nous brosse-t-elle pas le profil de Dieu sous les traits d’un Seigneur tout puissant qui aime son peuple d’un amour sans égal, mais qui le châtie quand il s’écarte de lui. Quand ce peuple lui reste fidèle, ce qui est rare, il le protège contre ses adversaires au point d’aller jusqu’à fracasser  sur les rocher le crâne de ses ennemis comme il est dit au psaume 68. Si on redoute la violence de Dieu, on la souhaite cependant car elle donne du sens à l’histoire.

C’est alors que nous nous posons la question de savoir quelle présence, ce Dieu qui est tout amour et toute tendresse, peut exercer dans ce monde. Comment se situer par rapport à lui dans nos sociétés où la violence prend le pas chaque jour sur le droit et la justice ? Dieu est-il devenu inefficace depuis les temps où il prêtait main forte à Moïse. A-t-il changé d’attitude  ou sa puissance s’exerce-t-elle d’une autre manière qu’il nous faut découvrir ?  Cette parabole ne nous apportera pas toutes les réponses, mais elle va nous permettre de réfléchir d’une autre manière à ce problème.

Rejoignons la table où Jésus raconte cette histoire. Il ne tient pas compte des regards obliques dans sa direction, ni des murmures qui parviennent jusqu’à lui. En effet, ce père trop bon, ce Dieu trop miséricordieux ne plaisait sans doute  pas à tout le monde. On le voit mal dans l’attitude du père vis-à-vis des deux fils.

 Si on projette l’histoire du peuple d’Israël sur chacun de ces deux enfants on  reconnaîtra dans le cadet le peuple d’Israël dans son rôle de peuple au cou raide, toujours en rébellion contre son Dieu.  Si ce portrait déplaît à certains auditeurs, ce n’est pas à cause de la fugue du jeune homme, ni de sa fréquentation des prostituées, ni du fait qu’il avait du garder les cochons. Les prophètes, jadis avaient utilisé ces mêmes images pour décrire les turpitudes de ce peuple, mais ce qui leur posait problème, c’est le retour du jeune homme – pas de repentance significative, pas de reproches, le pardon sans réserve, l’amour sans limite, la joie sans retenue. L’histoire leur avait appris le contraire, l’exil avait été perçu comme un châtiment, une épreuve de pénitence  avant le retour pénible en Terre Promise. Dieu avait-il changé, fallait-il faire une relecture des textes. Dieu pouvait-il pardonner sans repentir ?

Ils ne comprenaient pas non plus que l’on puisse voir dans le portrait du frère aîné celui du peuple d’Israël quand il était fidèle, comme si la fidélité à Dieu était perçue par Jésus comme une valeur négative. Les pharisiens présents de grincer des dents tant ils se reconnaissaient dans ce grand dadais de fils désavoué dans sa protestation moralisante mais enveloppé de l’amour du père qui l’invitait à se réjouir gratuitement de la miséricorde imméritée accordée à son frère.

En fait l’attitude du père révèle un autre problème, qui contient la clé de l’énigme. Elle met en évidence le manque de liberté des deux fils. Le cadet, en s’affranchissant de toute autorité se croyait libre. Il se croyait sans contrainte, capable de mener la vie qui lui plaisait. Bien vite il déchante, et à son corps défendant, il décide de choisir de perdre sa fausse liberté au profit de la soumission à l’autorité paternelle- échec sur tout la ligne - Le Père ne l’entend pas de cette oreille il renonce joyeusement à exercer son autorité sur lui pour laisser libre cours à son amour et il organise une fête.

A l’aîné qui lui parle de soumission résignée, le Père répond qu’il n’a rien demandé et que c’est lui qui  s’est volontairement soumis à une autorité que le père ne reconnaît pas comme étant la sienne. C’est alors  que le père lui offre la liberté qu’il n’avait pas su trouver, en l’invitant à se joindre à la joie de son frère.

L’histoire s’arrête là, Jésus nous laisse le soin de tirer les conclusions. Il y a fort à parier que Jésus essaye de nous faire comprendre que l’amour de Dieu est capable de transformer les hommes, de rendre libre  aussi bien le fils résigné que le fils prodigue. La joie et l’amour du Père vont-ils transformer les deux fils qui, ensemble vont joyeusement et librement gérer le domaine et révéler par leur réussite  que l’amour du Père est payant et qu’il dissimulait en lui une immense puissance de transformation ? Pas si sûr,   la partie n’est pas forcément  gagnée, les deux fils peuvent revenir à leurs anciens démons et tout  sera à recommencer.


Il en va de même pour la puissance de Dieu sur ce monde. Son amour gratuit, sa tendresse infinie, son pardon réparateur sont capables de transformer la société et de révéler à ce monde la puissance de transformation qu’il y a en Dieu. Les églises dont nous sommes les modestes représentants n’ont que ce message à donner  aux sociétés dans lesquelles elles vivent. Encore faut-il qu’elles croient elles-mêmes à l’efficacité de cette puissance d’amour par laquelle Dieu est capable d’exercer sa toute puissance pour faire évoluer le monde

mercredi 20 mars 2019

Luc 13/1-9 la parabole du figuier stérile dimanche 24 mars 2019


 Parabole du figuier stérile Luc 13/1-9


Les Galiléens massacrés par Pilate

1 En ce temps-là, quelques personnes vinrent lui raconter ce qui était arrivé à des Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang à celui de leurs sacrifices. 2 Il leur répondit : Pensez-vous que ces Galiléens aient été de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, parce qu'ils ont souffert de la sorte ? 3 Non, je vous le dis. Mais si vous ne changez pas radicalement, vous disparaîtrez tous de même. 4 Ou encore, ces dix-huit sur qui est tombée la tour de Siloam et qu'elle a tués, pensez-vous qu'ils aient été plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? 5 Non, je vous le dis. Mais si vous ne changez pas radicalement, vous disparaîtrez tous pareillement.

La parabole du figuier stérile

6 Il disait aussi cette parabole : Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint y chercher du fruit et n'en trouva pas. 7 Alors il dit au vigneron : « Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n'en trouve pas. Coupe-le donc : pourquoi occuperait-il la terre inutilement ? » 8 Le vigneron lui répondit : « Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je creuse tout autour et que j'y mette du fumier. 9 Peut-être produira-t-il du fruit à l'avenir ; sinon, tu le couperas ! »



Ce matin, l’Évangile de Luc s’ouvre pour nous comme les pages de notre  journal quotidien. Comme tous les journaux, il ne contient aucune bonne nouvelle en perspective, au contraire,  Il commence par l’énumération  d’une une série de mauvaises nouvelles qui nous attristent sans pour autant nous affecter, tant nous en  avons l’habitude. Par la suite le quotidien continue par la chronique « jardinage » en nous livrant  les commentaires d’un jardinier en difficulté avec un figuier. Même si cela ressemble à ce qu'on lit dans nos journaux,  à la différence de ceux-ci,  nous sommes ouvertement interpellés  par la question du rôle de Dieu  dans la marche de choses.

La première colonne de ce pseudo journal  s’ouvre sur  le récit d’un massacre de pèlerins par l’autorité occupante  dans le temple au moment des sacrifices. Nous sommes invités à nous demander pourquoi Dieu a permis une telle horreur. Nous cherchons  à la hâte des  explications  qui relèveraient du bon sens  et qui expliqueraient  une telle situation. Le contexte semble suggérer que ces  gens devaient être bien coupables pour que Dieu, même si son nom n’est pas prononcé, accepte que leurs dévotions soient interrompues d’une manière si cruelle. On ne s’étonne pas que le gouverneur Pilate ait  ordonné la chose, car sa brutalité est bien connue, mais on peut justifier son action, si non l’excuser en pensant plutôt que ces gens massacrés étaient des  rebelles Zélotes qui auraient fomenté un attentat dans le temple et dont le projet aurait été déjoué. En tout cas personne ne s’étonne vraiment de rien. Jésus  pour sa part semble prendre lui aussi de la distance par rapport à l’événement qu'il commente   d’une manière laconique en nous laissant le choix  de notre appréciation et  en disant  seulement que nous sommes tous menacés et qu’il faut s’y préparer. Il faut donc nous préparer au pire pour ne pas être surpris.  L’espérance, à la recherche de laquelle nous sommes venus au culte semble ne pas être  au rendez-vous.


La deuxième manchette du journal  va dans le sens  de la conclusion précédente. Elle fait état d’une catastrophe : « Une tour s’effondre à Siloé : 18 morts ». L’événement  est présenté comme un banal fait divers, et Jésus  fait le même commentaire que précédemment.  Aucune allusion directe à Dieu qui n’y est pour rien ! Dans  un journal d’aujourd’hui on n’aurait pas manqué de dire que les victimes étaient innocentes, comme si les journalistes étaient  qualifiés pour décider de l’innocence des uns ou des autres. Jésus semble accepter l’événement sans rien dire.  Mais dans quel monde cet évangile nous plonge-t-il ? Quelle est cette théologie ou plutôt cette absence de théologie que Jésus développe ici ? Dieu ne peut-il rien quand les catastrophes se produisent ? De quelle manière est-il présent dans ce monde ?  Comme dans le cas du massacre des Galiléens, Dieu se servirait-il  des événements pour exercer un châtiment  contre des gens qui seraient malgré tout coupables  d'un quelconque péché?  

On ne veut pas croire cependant que le hasard est aveugle et qu’il frappe sans raison. «Qu’ai-je fait au bon Dieu pour qu’il en soit ainsi ? » Disons-nous souvent, comme si cette dernière thèse avait un fond de vérité. On ne peut croire en Dieu et considérer qu’il regarde le monde du haut de ses demeures sans réagir aux événements.  La bonne nouvelle espérée au début de ce propos est en train de se déliter. 

Sans transition, nous tombons sur la  rubrique jardinage. Nous sommes placés face au dilemme  qui  oppose un propriétaire à  son jardinier. Ils ne sont pas d’accord sur le sort que  l’on doit réserver à un figuier qui ne porte pas de fruits. C’est un cas suffisamment rare pour qu’on en parle car ce type d’arbre s’accommode de tout terrain et produit des fruits dans les 3 ans qui suivent sa plantation. Celui dont il est question ici n’obéit pas aux règles. Il n'est pas surprenant que le propriétaire  qui  se soucie de valoriser son champs décide de le couper  avant qu’il n’ait épuisé la terre de la vigne au milieu de laquelle il a été planté.

L’affaire aurait bien vite  été réglée si le propriétaire n’avait pas eu à faire à un jardinier zélé, trop amoureux des plantes pour obtempérer sans rien faire. Ce serait un véritable supplice pour lui de détruire un arbre, même improductif, sans avoir tout tenté  pour le valoriser. Il plaide donc auprès du propriétaire la cause de l’arbre rétif. Il se propose de mettre la main à la pioche, de creuser la terre, de l’amender.  Il espère que  peut-être ses soins ajoutés à  une année supplémentaire sauveront l’arbre.

En disant  "peut-être», le jardinier apporte comme l’ombre d’un espoir pour le figuier. Peut-être cette histoire va-t-elle changer notre regard sur l'action de Dieu sur ce triste monde où nous vivons ?  Mais la note d’espoir, c’est le jardinier  qui l’apporte ici, pas le propriétaire  que l'on confond à tort avec Dieu. Pourtant  si ça ne marche pas, si l’espoir du jardinier est déçu, si l’arbre ne porte pas de fruit, il sera coupé, par le maître  est-ce à-dire par Dieu ? Ce qui signifierait peut-être que celui qui ne porte pas de fruits pour Dieu serait apparemment inutile et devrait disparaitre. 


A ce moment-là, se produit un  renversement de situation. Le jardinier  ouvre la porte à l'espérance pour que  l'arbre inutile continue à vivre.  Il remet en cause l'image de Dieu qui s'est dissimulée derrière celle du propriétaire.  Qui est donc ce propriétaire amateur de figues ? On s'est laissé aller à croire  un instant qu'il était Dieu, mais un instant seulement, car apparemment, Dieu n’est pas dans ce rôle-là. On l’imagine mal dans le rôle du propriétaire recevant des consignes de la part de son serviteur. Or dans cette parabole, c’est , le vigneron qui prend les initiatives et qui dit au maître ce qu’il doit faire.

Pour comprendre, il va falloir inverser les valeurs. Pour que le texte rende justice à Dieu , il faudrait que ce soit  le propriétaire  qui  mettre  la main à la pioche or, celui qui est généreux envers le figuier c'est le jardinier et  celui  qui tient le mauvais rôle  c'est le propriétaire,  ce ne peut pas être Dieu. C'est l'image traditionnelle  du Dieu exigeant à l'égard de ses créatures  qui est ici remise en cause,  il est suggéré par Jésus qui raconte la parabole qu'il  doit  tenir un autre rôle.  

Habituellement les hommes n’accordent leur confiance à Dieu que s’il ressemble au propriétaire de la parabole qui met les hommes et les choses au service de sa divinité. Mais ça ne marche pas ainsi selon Jésus. Il voit les choses autrement, il estime que la bonne nouvelle c’est  de considérer que le monde n’est pas voué à la fatalité d’un Dieu  qui mettrait les hommes au service de sa divinité.  Le bon visage de Dieu selon Jésus c'est celui d'un Dieu   qui travaille à améliorer le monde. Jésus  enseigne aux hommes à le considérer autrement qu’ils ne le font habituellement. Un Dieu qui n'intervient dans le monde que par les hommes qu'il inspire.

Tel est la réalité de Dieu que Jésus suggère ici.  Or ce n'est pas celui auquel nous pensons  habituellement. Nous pensons à  un Dieu  qui dans le cas présent   aurait  protégé les pèlerins au moment où ils faisaient leurs dévotions,  qui aurait  retenu la tour avant qu’elle ne s’écroule, et qui maintenant devrait éliminer le figuier qui ne sert à rien. Jésus conteste ici l'idée selon laquelle  les hommes voudraient influencer Dieu pour qu'il fasse ce  qu'ils souhaitent  qu'il fasse. Ils se comportent généralement, comme s’ils  étaient les maîtres d’un  Dieu qui ne veut pas leur obéir.

La bonne nouvelle ici, c’est que Dieu n’a pas besoin de nous pour  que nous lui  donnions  des  conseils et encore moins des ordres, car il sait déjà ce qu’il faut faire pour que les choses aillent mieux et il nous inspirent les choses à faire. Il nous  suggère de mettre la main à la pâte et de travailler pour que la vie s’enrichisse autour de nous. Ce n’est pas à nous  de couper les arbres improductifs, mais c’est à nous de bêcher le sol pour que l’arbre s’améliore. En fait Dieu n'a pas lui-même des mains pour agir. Dieu n'agit pas, il inspire! C'est à nous de mettre en pratique ce qu'il nous suggère. Ici c'est à l'homme de mettre les mains dans le fumier, pas à Dieu. 

En fait, la plupart de nos concitoyens  vivent dans ce monde comme si Dieu n'existait pas pas, mais  il est tellement plus profitable à tous, et c’est tellement plus porteur d’espérance, de savoir que Dieu est avec nous dans ce monde  et qu’il nous inspire  les idées généreuses que nous avons pour que ce monde aille mieux.  Ainsi nous serons assez patients pour attendre que le figuier produise des fruits et que les idées pour le mieux-être de tous que Dieu nous inspire s’emparent du monde. C'est pour cela que nous œuvrons dans le monde pour  le rendre conforme à ce que Dieu a prévu pour le mieux-être de tous.

vendredi 8 mars 2019

Luc 9/28-36 la transfiguration - dimanche 17 mars 2019


LUC 9/28-36 La transfiguration - 






28 Huit jours environ après ces paroles, il prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il monta sur la montagne pour prier. 29 Pendant qu'il priait, l'aspect de son visage changea, et ses vêtements devinrent d'une blancheur éclatante. 30 Il y avait là deux hommes qui s'entretenaient avec lui : c'étaient Moïse et Elie 31 qui, apparaissant dans la gloire, parlaient de son départ, qui allait s'accomplir à Jérusalem. 32 Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil. Réveillés, ils virent sa gloire et les deux hommes qui se tenaient avec lui. 33 Au moment où ces hommes se séparaient de Jésus, Pierre lui dit : Maître, il est bon que nous soyons ici ; dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie. Il ne savait pas ce qu'il disait. 34 Comme il parlait ainsi, une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de crainte, tandis qu'ils entraient dans la nuée. 35 Et de la nuée survint une voix : Celui-ci est mon Fils, celui qui a été choisi. Ecoutez-le ! 36 Quand la voix se fit entendre, Jésus était seul. Les disciples gardèrent le silence et ne racontèrent rien à personne, en ces jours-là, de ce qu'ils avaient vu….








Notre  inconscient  véhicule l’idée que plus on s’élève dans les montages, plus l’air se  fait pur, plus les idées se font sereines, plus on se rapproche de Dieu. C’est en regardant vers les hauteurs que celui qui adresse sa prière à Dieu  au psaume 121 se sent plus près de son Seigneur. "  Je lève mes yeux vers les montagnes, d’où me viendra le secours ?" Il se sent plus apte à recevoir ses messages et se laisse envahir par la paix qui lui vient d’en haut. Il n’est donc pas étonnant qu’à la suite de Jésus, ses trois plus proches collaborateurs lui emboîtent le pas et s’élèvent avec lui vers les sommets. Dans leurs pensées, comme dans la nôtre, les sommets de la montagne  se confondent  sans doute avec les sommets de l’esprit. Et c’est sur ces sommets-là, à n’en pas douter que Dieu nous  donne rendez-vous.



Arrivés au faîte de leur ascension, ils se trouvent confrontés à deux illustres  patriarches qui eux aussi semblent avoir fait, chacun pour sa part,  une expérience remarquable au cours de l’ascension d’une autre montagne. Ils y ont  fait eux aussi une expérience avec Dieu qui a fortement marqué l’histoire de la révélation et en ont fixé les règles immuables, à tel point que nous considérons encore aujourd’hui leur expérience comme normative pour tous les croyants.



Pierre Jacques et Jean montaient  à la suite de Jésus. Leur esprit n’était certainement pas tourmenté  par  les  mêmes soucis que ceux qu’avaient connus Moïse et Elie. Ils espéraient cependant  faire une  rencontre avec Dieu qui allait les marquer.  Ils savaient qu’ils allaient  le rencontrer  sous  un autre  aspect que celui auquel ils étaient habitués. On ne pourrait mieux dire.



Longtemps avant eux, et c’était encore dans la mémoire  de tous, Moïse avait gravi une montagne, plus redoutable que celle-ci,  le tonnerre y grondait et son sommet  se perdait dans les nuages. Le Dieu qui l’habitait s’annonçait comme le créateur de l’univers, il prétendait dominer tous les autres dieux et décidait de régenter la société des hommes en leur imposant sa Loi et  se proposait de châtier ceux qui la transgresseraient.



C’était justement pour  recevoir le don de cette loi de ses mains divines que Moïse avait entreprit de gravir la montagne.  Il avait laissé ses compagnons en chemin et avait achevé l’ascension solitaire. Au sommet il recueillit les précieuses tables gravées en lettres de feu  par le doigt même de Dieu. Elle faisait de l’amour pour Dieu et pour autrui la  condition essentielle de la vie avec Dieu. Cette image figeait à tout jamais les règles qui déterminaient les conduites des hommes avec lui. Avec l’histoire de Moïse en mémoire nos marcheurs  poursuivaient  leur route sans crainte ?



Etaient-ce les mêmes règles qui s’imposèrent aux hommes dans l’expérience  qu’avait faite  Elie ? Leur rencontre avec Dieu allait-elle se faire de la même façon ? Lui aussi, il avait  fait une expérience semblable. Un croutons de pain dans la poche, une gourde d’eau à son côté, Il  avait marché solitaire, pendant  quarante jours. Il  fuyait la colère de la reine Jézabel qui en voulait à sa vie de prophète et qui contestait son Dieu. Il se mit à gravir,  lui aussi,  la montagne à la recherche de Dieu. Arrivé au somment il ne le vit pas. Il n’était ni dans le vent, ni dans la tempête, comme le récit de Moise l’avait laissé entendre. Il ne se cachait pas non plus, dans cet horizon fascinant qui s’étendait à l’infini. Sans doute fut-il aussi tenté de le chercher dans le coucher du soleil dont le rougeoiement sur le soir, embrasait l’horizon et  plonge les humains qui le contemplent dans des ravissements ineffables ?  C’est au fond d’une grotte, le visage couvert de son manteau  qu’il fit la rencontre de Dieu alors qu’il était attentif au souffle d’un faible zéphire  dans lequel Dieu se cachait.  C’est  ainsi que Dieu se révéla à lui. Il lui apparut comme le  Dieu immuable qui se cache et dont aucun humain ne peut percer les secrets.



Puisque nous sommes dans les montagnes restons y pour accompagner un autre patriarche,  dans un autre récit, qui  gravit une autre montagne, encore une, et qui va nous aider à voir Dieu sous son véritable aspect. C’est d’Abraham dont il s’agit. Rejoignons le  cheminant solitaire avec ses deux serviteurs et son âne. Il suivait un chemin sinueux  gravissant une autre montagne au sommet de laquelle Dieu lui avait donné rendez-vous. Son fils   Isaac le suivait et l’interrogeait au sujet de cette étrange ascension. Isaac ne savait pas encore que Dieu avait convoqué son Père pour qu’il serve lui-même d’holocauste, lui l’enfant   du miracle.  Alors que le Père des croyants   montait lentement pour accomplir son destin, il était conscient que Dieu restait sourd à sa prière silencieuse. Il le  suppliait  secrètement d’interrompre cette ascension qui devenait un véritable supplice pour lui. Le vieillard, tout entier concentré dans  ses pensées trouvait que l’exigence de Dieu était bien dure  et qu’elle avait même dépassée la limite du supportable. Il montait toujours, recherchant plus la solitude que la compassion.



Sa femme était restée seule en bas,  sous la tente dans l’ignorance de ce qui se tramait. C’était entre Abraham et Dieu que tout se jouait  maintenant, c’est pourquoi il laissa ses serviteurs au pied de la montagne avec l’âne. Il montait toujours vers son Dieu qui lui réclamait son fils.



Arrivé au sommet, Dieu n’était pas au rendez-vous ! En tout cas Abraham ne le vit pas vraiment. C’est au moment où  il se préparait à faire le geste fatal qu’il réalisa qu’il n’avait rien compris et que Dieu n’était pas celui qu’il croyait.  Si Dieu lui demandait la vie de son fils, ce n’est pas de sa mort qu’il s’agissait. Il lui demandait qu’il le lui confie  pour le faire vivre. Il comprit alors, que depuis toujours il avait méconnu ce Dieu qui était son ami. Il y eut comme un sursaut de joie  dans sa tête  quand Dieu arrêta son bras et que la lumière se fit en lui. Il comprit que Dieu qu’il découvrait était le Dieu de la vie  et que rien d’autre ne le caractérisait. Le mystère derrière lequel il se cachait était la vie, le secret  qu’Elie n’avait pas compris était désormais dévoilé Rien si non la vie caractérisait Dieu pour toujours. Moïse devait donc revoir sa copie. Elie, à son tour devait comprendre que c’est de la vie que Dieu voulait l’entretenir, non seulement la sienne, mais celle de tous les hommes.



C’est maintenant pour découvrir son projet  de vie pour toute l’humanité que Jésus a entrainé ces 3 hommes à le suivre sur la montagne. Pour ce qui nous concerne, nous devons réfléchir à notre tour au fait que cette aventure nous concerne  et que Jésus  vient habiter notre vie pour la faire entrer dans le projet de Dieu pour toute l’humanité, car c’est pour donner du sens  à notre vie que Jésus aujourd’hui nous a invités à la suivre.  A la place de tout ce que nous inventons pour imaginer Dieu, c’est le mot vie qui ici nous est suggéré. 

Ainsi, Dieu encore une fois ne se laisse pas enfermer par les hommes dans des constructions spirituelles. Le Dieu immuable, éternel  et tout puissant, tel que la loi le décrit et  que les hommes avait jadis enfermé dans le Temple n’a pas résisté à l’Evangile tel que Jésus l’a présenté. Il en a fait le Dieu de la vie qui entraine les hommes à y participer. Pourtant nous sommes toujours tentés d’enfermer Dieu dans nos élaborations  humaines telles que les catéchismes qui sont le reflet des dogmes les dogmes à qui nous donnons  force de loi.  Ne  soyons pas étonnés si  Dieu leur résiste à nouveau et s’échappe toujours de nos conventions pour nous imposer qu’un seul  aspect de sa divinité,celui de la vie, la vie éternelle quelle que soit la forme qu’elle peut prendre. Nous découvrons que c’est Dieu lui-même qui maintenant nous enferme  dans une culture de la vie dont les trois apôtres ont construit les Evangiles. Elle doit désormais devenir la règle qui s’impose à nous pour participer à la vie qui vient.