dimanche 24 janvier 2016

LUC 9/28-36 La transfiguration - dimanche 17 mars 2019




LUC 9/28-36 La transfiguration - dimanche 17 mars 2019





28 Huit jours environ après ces paroles, il prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il monta sur la montagne pour prier. 29 Pendant qu'il priait, l'aspect de son visage changea, et ses vêtements devinrent d'une blancheur éclatante. 30 Il y avait là deux hommes qui s'entretenaient avec lui : c'étaient Moïse et Elie 31 qui, apparaissant dans la gloire, parlaient de son départ, qui allait s'accomplir à Jérusalem. 32 Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil. Réveillés, ils virent sa gloire et les deux hommes qui se tenaient avec lui. 33 Au moment où ces hommes se séparaient de Jésus, Pierre lui dit : Maître, il est bon que nous soyons ici ; dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie. Il ne savait pas ce qu'il disait. 34 Comme il parlait ainsi, une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de crainte, tandis qu'ils entraient dans la nuée. 35 Et de la nuée survint une voix : Celui-ci est mon Fils, celui qui a été choisi. Ecoutez-le ! 36 Quand la voix se fit entendre, Jésus était seul. Les disciples gardèrent le silence et ne racontèrent rien à personne, en ces jours-là, de ce qu'ils avaient vu….







Notre  inconscient  véhicule l’idée que plus on s’élève dans les montages, plus l’air se  fait pur, plus les idées se font sereines, plus on se rapproche de Dieu. C’est en regardant vers les hauteurs que celui qui adresse sa prière à Dieu  au psaume 121 se sent plus près de son Seigneur. "  Je lève mes yeux vers les montagnes, d’où me viendra le secours ?" Il se sent plus apte à recevoir ses messages et se laisse envahir par la paix qui lui vient d’en haut. Il n’est donc pas étonnant qu’à la suite de Jésus, ses trois plus proches collaborateurs lui emboîtent le pas et s’élèvent avec lui vers les sommets. Dans leurs pensées, comme dans la nôtre, les sommets de la montagne  se confondent  sans doute avec les sommets de l’esprit. Et c’est sur ces sommets-là, à n’en pas douter que Dieu nous  donne rendez-vous.




Arrivés au faîte de leur ascension, ils se trouvent confrontés à deux illustres  patriarches qui eux aussi semblent avoir fait, chacun pour sa part,  une expérience remarquable au cours de l’ascension d’une autre montagne. Ils y ont  fait eux aussi une expérience avec Dieu qui a fortement marqué l’histoire de la révélation et en ont fixé les règles immuables, à tel point que nous considérons encore aujourd’hui leur expérience comme normative pour tous les croyants.



Pierre Jacques et Jean montaient  à la suite de Jésus. Leur esprit n’était certainement pas tourmenté  par  les  mêmes soucis que ceux qu’avaient connus Moïse et Elie. Ils espéraient cependant  faire une  rencontre avec Dieu qui allait les marquer.  Ils savaient qu’ils allaient  le rencontrer  sous  un autre  aspect que celui auquel ils étaient habitués. On ne pourrait mieux dire.



Longtemps avant eux, et c’était encore dans la mémoire  de tous, Moïse avait gravi une montagne, plus redoutable que celle-ci,  le tonnerre y grondait et son sommet  se perdait dans les nuages. Le Dieu qui l’habitait s’annonçait comme le créateur de l’univers, il prétendait dominer tous les autres dieux et décidait de régenter la société des hommes en leur imposant sa Loi et  se proposait de châtier ceux qui la transgresseraient.



C’était justement pour  recevoir le don de cette loi de ses mains divines que Moïse avait entreprit de gravir la montagne.  Il avait laissé ses compagnons en chemin et avait achevé l’ascension solitaire. Au sommet il recueillit les précieuses tables gravées en lettres de feu  par le doigt même de Dieu. Elle faisait de l’amour pour Dieu et pour autrui la  condition essentielle de la vie avec Dieu. Cette image figeait à tout jamais les règles qui déterminaient les conduites des hommes avec lui. Avec l’histoire de Moïse en mémoire nos marcheurs  poursuivaient  leur route sans crainte ?



Etaient-ce les mêmes règles qui s’imposèrent aux hommes dans l’expérience  qu’avait faite  Elie ? Leur rencontre avec Dieu allait-elle se faire de la même façon ? Lui aussi, il avait  fait une expérience semblable. Un croutons de pain dans la poche, une gourde d’eau à son côté, Il  avait marché solitaire, pendant  quarante jours. Il  fuyait la colère de la reine Jézabel qui en voulait à sa vie de prophète et qui contestait son Dieu. Il se mit à gravir,  lui aussi,  la montagne à la recherche de Dieu. Arrivé au somment il ne le vit pas. Il n’était ni dans le vent, ni dans la tempête, comme le récit de Moise l’avait laissé entendre. Il ne se cachait pas non plus, dans cet horizon fascinant qui s’étendait à l’infini. Sans doute fut-il aussi tenté de le chercher dans le coucher du soleil dont le rougeoiement sur le soir, embrasait l’horizon et  plonge les humains qui le contemplent dans des ravissements ineffables ?  C’est au fond d’une grotte, le visage couvert de son manteau  qu’il fit la rencontre de Dieu alors qu’il était attentif au souffle d’un faible zéphire  dans lequel Dieu se cachait.  C’est  ainsi que Dieu se révéla à lui. Il lui apparut comme le  Dieu immuable qui se cache et dont aucun humain ne peut percer les secrets.



Puisque nous sommes dans les montagnes restons y pour accompagner un autre patriarche,  dans un autre récit, qui  gravit une autre montagne, encore une, et qui va nous aider à voir Dieu sous son véritable aspect. C’est d’Abraham dont il s’agit. Rejoignons le  cheminant solitaire avec ses deux serviteurs et son âne. Il suivait un chemin sinueux  gravissant une autre montagne au sommet de laquelle Dieu lui avait donné rendez-vous. Son fils   Isaac le suivait et l’interrogeait au sujet de cette étrange ascension. Isaac ne savait pas encore que Dieu avait convoqué son Père pour qu’il serve lui-même d’holocauste, lui l’enfant   du miracle.  Alors que le Père des croyants   montait lentement pour accomplir son destin, il était conscient que Dieu restait sourd à sa prière silencieuse. Il le  suppliait  secrètement d’interrompre cette ascension qui devenait un véritable supplice pour lui. Le vieillard, tout entier concentré dans  ses pensées trouvait que l’exigence de Dieu était bien dure  et qu’elle avait même dépassée la limite du supportable. Il montait toujours, recherchant plus la solitude que la compassion.



Sa femme était restée seule en bas,  sous la tente dans l’ignorance de ce qui se tramait. C’était entre Abraham et Dieu que tout se jouait  maintenant, c’est pourquoi il laissa ses serviteurs au pied de la montagne avec l’âne. Il montait toujours vers son Dieu qui lui réclamait son fils.



Arrivé au sommet, Dieu n’était pas au rendez-vous ! En tout cas Abraham ne le vit pas vraiment. C’est au moment où  il se préparait à faire le geste fatal qu’il réalisa qu’il n’avait rien compris et que Dieu n’était pas celui qu’il croyait.  Si Dieu lui demandait la vie de son fils, ce n’est pas de sa mort qu’il s’agissait. Il lui demandait qu’il le lui confie  pour le faire vivre. Il comprit alors, que depuis toujours il avait méconnu ce Dieu qui était son ami. Il y eut comme un sursaut de joie  dans sa tête  quand Dieu arrêta son bras et que la lumière se fit en lui. Il comprit que Dieu qu’il découvrait était le Dieu de la vie  et que rien d’autre ne le caractérisait. Le mystère derrière lequel il se cachait était la vie, le secret  qu’Elie n’avait pas compris était désormais dévoilé Rien si non la vie caractérisait Dieu pour toujours. Moïse devait donc revoir sa copie. Elie, à son tour devait comprendre que c’est de la vie que Dieu voulait l’entretenir, non seulement la sienne, mais celle de tous les hommes.



C’est maintenant pour découvrir son projet  de vie pour toute l’humanité que Jésus a entrainé ces 3 hommes à le suivre sur la montagne. Pour ce qui nous concerne, nous devons réfléchir à notre tour au fait que cette aventure nous concerne  et que Jésus  vient habiter notre vie pour la faire entrer dans le projet de Dieu pour toute l’humanité, car c’est pour donner du sens  à notre vie que Jésus aujourd’hui nous a invités à la suivre.  A la place de tout ce que nous inventons pour imaginer Dieu, c’est le mot vie qui ici nous est suggéré. 

Ainsi, Dieu encore une fois ne se laisse pas enfermer par les hommes dans des constructions spirituelles. Le Dieu immuable, éternel  et tout puissant, tel que la loi le décrit et  que les hommes avait jadis enfermé dans le Temple n’a pas résisté à l’Evangile tel que Jésus l’a présenté. Il en a fait le Dieu de la vie qui entraine les hommes à y participer. Pourtant nous sommes  toujours tentés d’enfermer Dieu dans nos élaborations  humaines telles que les dogmes par exemple à qui nous donnons  force de loi.  Ne  soyons pas étonnés si  Dieu leur résiste à nouveau et s’échappe toujours de nos conventions pour nous imposer qu’un seul  aspect de sa divinité,celui de la vie, la vie éternelle quelle que soit la forme qu’elle peut prendre. Nous découvrons que c’est Dieu lui-même qui maintenant nous enferme  dans une culture de la vie dont les trois apôtres ont construit les Evangiles. Elle doit désormais devenir la règle qui s’impose à nous pour participer à la vie qui vient.


 

mercredi 20 janvier 2016

Luc 4:1-13 la tentation - dimanche 14 février 2016



La tentation 

Luc  4/1Jésus, rempli d'Esprit saint, revint du Jourdain et fut conduit par l'Esprit au désert, 2 où il fut mis à l'épreuve par le diable pendant quarante jours. Il ne mangea rien durant ces jours-là et, quand ils furent achevés, il eut faim. 3 Alors le diable lui dit : Si tu es Fils de Dieu, dis à cette pierre de devenir du pain. 4 Jésus lui répondit : Il est écrit : L'être humain ne vivra pas de pain seulement.
5 Le diable le conduisit plus haut, lui montra en un instant tous les royaumes de la terre habitée 6et lui dit : Je te donnerai toute l'autorité et la gloire de ces royaumes ; car elle m'a été livrée, et je la donne à qui je veux. 7 Si donc tu te prosternes devant moi, elle sera toute à toi. 8 Jésus lui répondit : Il est écrit : C'est devant le Seigneur, ton Dieu, que tu te prosterneras, et c'est à lui seul que tu rendras un culte.
9 Le diable le conduisit encore à Jérusalem, le plaça sur le haut du temple et lui dit : Si tu es Fils de Dieu, jette-toi d'ici en bas ; 10 car il est écrit :
Il donnera à ses anges des ordres à ton sujet, afin qu'ils te gardent ; 11 et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. 12 Jésus lui répondit : Il est dit : Tu ne provoqueras pas le Seigneur, ton Dieu.
13 Après avoir achevé de le mettre à l'épreuve, le diable s'éloigna de lui pour un temps.

Nous sommes nombreux sur cette terre à éprouver une sorte de fatigue par rapport à la vie qui nous y est offerte. Les temps qui courent, plus que d’autres sont propices au désenchantement. En disant cela, je ne voudrais pas en rajouter une couche. Mais pour guérir le mal, encore faut-il l’identifier pour tenter d’y voir clair.

Tenter : le mot est prononcé, car c’est de cela qu’il s’agit. Notre vie est assaillie par toutes sortes de tentations sans qu’on s’en rende compte vraiment. C’est par là qu’il faut commencer si l’on veut que Dieu nous fasse dépasser cette morosité pénible et transfigurer notre existence. C’est d’ailleurs en s’attaquant à la tentation que commence l’Évangile. Et s’il nous parle des tentations de Jésus c’est à coup sûr pour nous parler des nôtres.

Ce n’est pourtant pas très glorieux de commencer par parler de nos points faibles. Mais autant commencer par là pour nous en débarrasser.  Pourtant, comme nous n’en sommes pas très fiers, nous les gardons secrètement par devers nous en secret, enfermés au fond de nous-mêmes. Pas besoin d’être un grand penseur ou un saint pour se réfugier dans la solitude de nos déserts intérieurs pour y dissimuler nos rancœurs  afin de sauver les apparences.

C’est dans ce désert intime  que nous cultivons le sentiment de nos frustrations, que nous songeons à la vindicte, que nous mettons en place des projets  de vengeance que nous ne réaliserons jamais, cela n’empêche pas pour autant qu’ils pourrissent notre âme. Mais le fait de les formuler nous soulage quand même. Quand nous pénétrons dans ces jardins intérieurs où fermentent ces choses inavouables, nous prenons soin de fermer la porte derrière nous, sans jamais y inviter personne afin d’en garder le secret.

Nous voila donc dans le désert de la phase cachée de notre vie, et personne ne sait rien de ce qui s’y passe, mais le tentateur s’y est engouffré avec nous  et se délecte à l’avance de ce que nous allons mijoter. Le tentateur n’est pas un étranger venu d’ailleurs comme nous aimerions le dire pour nous disculper et élaborer ainsi une première tentation, c’est seulement un autre aspect de nous-mêmes, c’est le mauvais côté de la force qui nous habite, c’est l’autre aspect de notre personnalité. Il n’a donc rien de diabolique en lui.

C’est alors qu’il nous donne faim de ce que nous n’avons pas. Vous pouvez remarquer que  je décris ce qui se passe en nous en suivant  exactement les mêmes étapes que la tentation de Jésus : désert, solitude, faim, tentation. Il nous donne faim de ce que nous n’avons pas, il nourrit nos frustrations, il remet sur le grill le souvenir de nos échecs et entretient les désillusions. Il alimente ainsi nos désirs de vengeance.  Nous savons résister par nos silences, mais les frustrations rentrées  continuent à empoisonner notre vie.

A Jésus qui est le témoin silencieux de nos secrets, nous disons nos rancœurs. Nous nous plaignons à lui parce que Dieu n’a rien fait,  nous sommes tentés, d’aller voir ailleurs. Nous espérions une vie normale, la gloire, la grandeur et la fortune, et aucune n’a répondu  vraiment à l’appel. Nous suggérons alors à Jésus, sans trop y croire, de faire un miracle pour soulager nos meurtrissures  afin que ses anges accourent,  nous portent sur leurs mains et  nous fassent grandir aux yeux des autres. « Ah ! si les cieux voulaient bien s’ouvrir dit l’auteur du psaume, alors  tu descendrais ». Mais face à ces  demandes de miracles,  Jésus  reste impassible. Il nous rappelle nous semble-t-il,  que derrière notre demande il y a peut être la tentation d’un faux acte de foi, car dans une telle demande nous ferions  de Dieu le responsable des coups du sort qui nous arrivent.

Jésus  quant à lui nous suggèrerait plutôt de puiser en nous la force qui sommeille et qui ne demande qu’à se mettre en action sous son impulsion. «  Prends ton lit et marche » dit-il à l’infirme car il y a encore en lui une force que Dieu peut ranimer et qui  lui permettra de se redresser et de retrouver  la dignité de l’homme qui marche tout seul.  A Gédéon, qui attendait lui aussi un miracle pour agir et gagner la bataille Dieu lui dit « Va avec la force que tu as » et la victoire se profila à l’horizon

Face à la tentation de croire que Dieu peut intervenir miraculeusement dans nos vies, Jésus nous rappelle qu’il y a en nous des possibilités cachées que Dieu peut ranimer à notre demande pour nous aider à poursuivre notre route dans les difficultés que nous traversons. Mais attention, une tentation peut souvent en cacher une autre. La société du XXI eme siècle en dépit des apparences favorise toute les tentations car elle est inégalitaire. Elle favorise les surdoués et accable les médiocres.

 Nous élevons nos enfants dans l’espoir de les voir supplanter les autres, nous développons l’idée que leurs talents sportifs, artistique, intellectuels ou autres, leur donnent le droit de dominer les autres, souvent  cela s'assortit de compensations financières. La tentation serait de croire que Dieu approuve cela, en considérant que c’est lui, qui en donnant leurs talents  aux hommes cautionne la société qui  se  construit sous nos yeux sans  en voir les défauts.

La force qui est en nous, le dynamisme que nous avons évoqué consistent non pas à se mettre à part, à cause de nos talents propres, mais à se laisser habiter par Dieu qui agit en nous et nous aide à construire la société égalitaire que Jésus appelle son Royaume et dont la réalisation est à portée de main si nous  lui faisons confiance.  Il nous faut considérer que  ce qui est mobilisateur et déterminent, c’ est l’intérêt que l’on porte aux autres et que nos nombreux talents et avantage doivent servir à l' amélioration du sort des plus malchanceux.  Mais il ne serait pas sage, et ce serait une nouvelle tentation que de croire que quand nous avons repéré l’action de Dieu en nous, nous soyons détenteurs de sa sagesse.

Forts de ces succès, dont ils attribuent les origines à Dieu, les plus solides  dans la foi   sont alors tentés de régenter les autres et le monde en son nom, oubliant que le dynamisme que Dieu développe en eux doit les conduire sur le chemin de ceux  qui sont en manque et non à la recherche de leur propre gloire. Je pense alors à ces puritains anglo-saxons que la société britannique   avait contraints à l’exil. Embarqués sur les caraques et les caravelles telles la May Flower.  Ils avaient lutté contre les éléments avec la force qui était en eux  et la grâce du Seigneur les accompagnait. Ils atteignirent  le nouveau monde et construisirent des colonies  prospères. Mais fiers  de leurs succès et pour honorer leur Dieu, ils se prirent pour les détenteurs de sa volonté. Subtile et ultime tentation, ils  imposèrent là-bas en son nom,  une société aussi intolérante que celle qui les avait chassés. Ils avaient négligé le fait que la force que Dieu avait réveillée en eux ne leur donnait aucun droit sur leurs frères. Je vous renvoie à l’histoire des sorcières de Salem. La tentation restait vivante et habitait ce qu’ils croyaient être la sagesse de Dieu.

La tentation nous guette à chaque instant  de notre vie. Elle peut aussi bien s’emparer de nous dans nos moments de faiblesse que nous faire déraper dans nos succès. Tournons nos yeux vers Jésus Christ qui nous enseigne que le sens de notre vie n’est pas dans la satisfaction de notre « égo » mais dans la construction d’une société dont le seul but est de rechercher le mieux être de nos compagnons de routes et non pas la satisfaction de nous-mêmes. Dieu nous a créé pour cela et nous en a donné les moyens.

Illustrations Nicolas Roerich

mardi 19 janvier 2016

Luc 5:1-11 La pêche miraculeuse dimanche 7 février 2016


1 Comme la foule se pressait autour de lui pour entendre la parole de Dieu, et qu'il se tenait près du lac de Génnésareth, 2 il vit au bord du lac deux bateaux d'où les pêcheurs étaient descendus pour laver leurs filets. 3 Il monta dans l'un de ces bateaux, qui était à Simon, et il lui demanda de s'éloigner un peu du rivage. Puis il s'assit, et du bateau il instruisait les foules. 
 
4 Lorsqu'il eut cessé de parler, il dit à Simon : Avance en eau profonde, et jetez vos filets pour pêcher. 5 Simon lui répondit : Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre. Mais, sur ta parole, je vais jeter les filets. 6 L'ayant fait, ils prirent une grande quantité de poissons : leurs filets se déchiraient. 7 Ils firent signe à leurs associés qui étaient dans l'autre bateau de venir les aider. Ceux-ci vinrent et remplirent les deux bateaux, au point qu'ils enfonçaient. 8Quand il vit cela, Simon Pierre tomba aux genoux de Jésus et dit : Seigneur, éloigne-toi de moi : je suis un homme pécheur. 9 Car l'effroi l'avait saisi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, à cause de la pêche qu'ils avaient faite. 10 Il en était de même de Jacques et de Jean, fils de Zébédée, les compagnons de Simon. Jésus dit à Simon : N'aie pas peur ; désormais ce sont des êtres humains que tu prendras. 11 Alors ils ramenèrent les bateaux à terre, laissèrent tout et le suivirent.

Qu’est-ce que Jésus a pu dire ce jour là pour que ses paroles soient suivies d’un miracle apparemment très spectaculaire dont l’Église aujourd’hui nourrit encore sa foi ? Jésus parle devant une foule nombreuse. Apparemment il prend ses précautions pour que ses paroles portent. C’est la seule fois dans l’Évangile que l’on nous décrit la minutie avec laquelle il prend soin de l’organisation de la situation pour que sa voix porte loin. En vrai professionnel de la communication il maîtrise l’art de l’acoustique : Il se met en retrait de la foule sur une barque pour être bien vu, c’est pourquoi il fait avancer le bateau en pleine eau. Il profite ainsi de l’amplification de la voix provoquée par la masse de l’eau. Pour obtenir l’effet désiré, il n’hésite pas à déranger Pierre qu’il ne connaît pas encore. Fatigué par une nuit de pêche harassante et infructueuse il répare ses filets avec ses compagnons d’infortune. Jésus s’assoit alors à la manière des rabbis pour manifester son autorité de pédagogue. Il peut ainsi, toutes ces dispositions étant prises, enseigner les foules.

Mais qu’a-t-il dit ? Nul ne le sait! Ses propos n’ont été recueillis par personne. Pierre ravaudant ses filets, préoccupé par sa mauvaise nuit, ne semble pas avoir été particulièrement attentif. Pourtant, tout se passe comme si le discours avait agi en lui comme une parole de Dieu particulièrement efficace qui le mobilise tout entier et change sa situation.

Nous voilà maintenant assaillis par toute une série de questions. On assiste à une mise en scène particulièrement élaborée pour que la parole puisse être entendue alors que l’intérêt du récit est ailleurs que dans l'enseignement à la foule, car on ne sait rien de la teneur du discours. Notre attention mobilisée par le miracle oublie vite l’environnement. Nous cherchons à récupérer la situation en attribuant aux événements une valeur qu’ils n’ont peut être pas. Ainsi, nous concluons un peu vite que le filet symbolise l’Église et qu’elle est appelée à rassembler tous les hommes en son sein. Il suffit que Jésus parle, semble-t-il pour que L’Église se mobilise sous la conduite des futurs apôtres et fasse des merveilles.

Tout se passe comme s’il nous suffisait d’écouter Jésus pour sauter à pieds joints du monde hostile où nous sommes dans le monde merveilleux du Royaume de Dieu qu’il nous propose. Tout cela est beaucoup trop simple pour sonner juste. Trop de questions pratiques et matérielles surgissent alors ! Que va-t-il advenir de la femme et des enfants de Pierre de Jacques et de Jean qui abandonnent leur activité professionnelle pour devenir des partenaires non salariés d’un faiseur de miracle? Qui va les nourrir et les prendre en charge ? L’émerveillement fait place au questionnement, et nous découvrons vite que les choses ne sont pas si simples.

Sans doute faut-il lire ce récit d’une autre façon? Il y a peut être un sens caché dans l’interprétation des événements que nous n’avons pas encore réussi à discerner. Les hommes qui sont les instruments de ce miracle sont des hommes découragés, fatigués, contraints de faire le travail ingrat de la réparation des filets avant une nouvelle nuit de pêche aussi aléatoire que la précédente. Le comportement de Jésus à leur égard n’est pas évident, on pourrait même penser qu’il manque de charité. Il intervient dans leur univers désenchanté pour leur demander un service. Il pousse Pierre à manœuvrer la lourde barque pour la squatter pendant de longues heures afin qu’elle lui serve de podium.

Non seulement il leur impose son discours mais encore il s’avise de leur donner une leçon de pêche à eux les professionnels alors que lui Jésus, en tant que charpentier n’a aucune compétence. Si toutes ces nouvelles questions surgissent du texte, c’est que l’Évangéliste Luc a écrit son récit de telle façon que tout lecteur attentif se les pose. Il nous considère comme des lecteurs intelligents et adultes qui ne vont pas manquer de se sentir interpellés par son récit. Tout cela nous est raconté pour que nous nous interrogions sur la manière dont fonctionne la parole de Dieu quand elle est prononcée par Jésus et qu’il s’adresse à nous.

Il veut attirer notre attention sur la manière dont la Parole chemine dans l’âme fatiguée d’un homme pour l’amener à découvrir que Dieu n'est pas indifférent à sa situation et qu’ il a vraiment de l’importance aux yeux de Dieu.

Pierre se sait au creux de la vague. Même s’il n’a sans doute rien écouté du discours de Jésus, il a compris que cet homme qui avait la faveur des foules et qui parlait avec autorité avait besoin de lui. Lui, pour l’instant fait figure de pêcheur incompétent puisqu’il est revenu bredouille. Il est incontestable que le petit service que Jésus lui demande ne le dérange pas beaucoup mais lui donne un semblant d’utilité. Il lui demande le droit de s’asseoir sur le coin de sa barque et de donner quelques coups de rames pour s’écarter du bord. Ensuite, il pourra continuer à réparer ses filets.

Si Jésus ne lui a même pas dit merci, c’est qu’il n’en a pas encore fini avec lui. Le dialogue avec Pierre ne s’arrête pas là, il va prendre tout l’espace du récit. Si bien que ce n’est pas le discours de Jésus qui a de l’importance, ni le miracle, mais l’échange des quelques paroles avec Pierre. C’est pourquoi on ne nous dit rien sur la teneur de son discours à la foule.

Après son enseignement, Jésus semble se désintéresser de la foule pour concentrer toute son attention sur Pierre. Pierre, quant à lui, a bien noté qu’il est devenu à cet instant le centre d’intérêt de Jésus. Comme nous le devenons à notre tour quand sa parole nous interpelle ! Il intervient sur le sujet qui lui fait mal, il lui parle de pêche. Il ne lui parle pas de religion, Il n
e cherche pas à le convertir. Il ne lui parle ni de son âme, ni du salut, ni de Dieu, il ne lui demande surtout pas s’il a compris les subtilités de son discours. Jésus sait bien qu’il n’a rien compris puisqu’il n’a rien écouté. Il sait que ce n’est pas dans ce type de discours que Pierre va reconnaître la Parole de Dieu.

Jésus, à la différence de beaucoup de prédicateurs ne se fait pas d’illusion sur la portée de son art oratoire, ni sur la capacité d’écoute de ses auditeurs. C’est dans le défi que Jésus lui lance au niveau de sa personne que Pierre découvre les effets de la parole de Jésus. C’est quand Jésus s’adresse à lui qu’il comprend que Dieu lui parle :

- puisque je viens de te montrer mon talent de prédicateur auquel tu n’as rien compris, à toi de montrer ton talent de pêcheur ! - Mais je suis un raté et je suis fatigué ! se défend Pierre - Ne te minimise pas à mes yeux, je sais que tu as plus de valeur que tu ne crois.

Jésus sait la valeur de Pierre et il l’aide à le montrer. » Avance en pleine eau et jette le filet. » « Sur ta Parole je jetterai le filet. » Le mot est prononcé. Pierre soupçonne dans la Parole de Jésus une puissance dont il ne connaît pas encore la portée. Jésus a gagné sa confiance parce qu’il s’est intéressé à lui et à sa détresse d’homme blessé. Le miracle qui se produit alors, devient la conclusion du dialogue,  quasiment sans parole, qui s’est produit entre Jésus et Pierre. C’est une rencontre personnelle qui semble avoir eu lieu en marge du récit et qui a pris toute la place. Mais ni Jésus ni Pierre n’en sont quitte. Pierre n’a pas fini de faire des découvertes. Mais avant d’aller plus loin, il prend ses précautions pour que Jésus ne l’entraîne pas trop loin.

Il met immédiatement son péché en avant, comme pour l'avertir qu’il y a une limite à ne pas franchir. « Je suis pêcheur » dit-il. L’obstacle qu’il croyait infranchissable vole en éclats. L’argument ne porte pas pour Jésus. Mais celui qui se cache derrière son péché peut-il rester caché quand Dieu lui parle ? Comment se cacher derrière quelque chose qui n’existe plus ? Jésus ne tient nullement compte de l’argument. Au contact de Jésus le statut de pécheur, je veux dire de celui qui commet des péchés, s’efface. Et celui qui se cache derrière son péché se trouve investi par Jésus dans un programme qui est tout rempli de vie et d’espérance:

" N'ai pas peur, c'est désormais des êtres humains que tu prendras". On peut aussi préférer la traduction plus classique: "je te ferai pêcheur d’hommes".  Cela veut dire qu’il l’invite à se mettre au service des hommes pour construire avec eux des projets qui les font vivre. Quant à son péché, il a disparu à tout jamais car, la parole de Dieu a pour fonction de détruire toute forme de péché quand elle se fait entendre. Tel est le destin de quiconque découvre que quand Jésus parle, c’est comme si Dieu lui-même s’exprimait, et celui qui comprend cela entre dans la vie de Dieu sans autre commentaire. Avez-vous compris cela ?