vendredi 29 avril 2011

Jean 14: 1-12 le chemin , la vérité et la vie - dimanche 22 mai 2011



Jean 14 :1-12

Que votre cœur ne se trouble pas. Croyez en Dieu, croyez aussi en moi.
2 Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père. Sinon, je vous l'aurais dit ; car je vais vous préparer une place. 3 Donc, si je m'en vais et vous prépare une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous y soyez aussi. 4 Et où je vais, vous en savez le chemin.5 Thomas lui dit : Seigneur, nous ne savons où tu vas ; comment en saurions-nous le chemin ? 6 Jésus lui dit : Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. 7S i vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Et dès maintenant, vous le connaissez et vous l'avez vu.
8 Philippe lui dit : Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit. 9Jésus lui dit : il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu, Philippe ! Celui qui m'a vu, a vu le Père. Comment dis-tu : Montre-nous le Père ? 10 Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? Les paroles que je vous dis ne viennent pas de moi-même ; le Père, qui demeure en moi, accomplit ses œuvres. 11 Croyez-moi, je suis dans le Père, et le Père est en moi. Sinon, croyez à cause de ces œuvres. 12 En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera, lui aussi, les œuvres que moi je fais, et il en fera de plus grandes, parce que je m'en vais vers le Père ;



« Si je m’en vais et vous prépare une place, je reviendrai et vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous y soyez aussi, et où je vais, vous en savez le chemin. »

Une fois encore l’Évangéliste Jean entrouvre pour nous les portes du sublime et, en quelques phrases nous met en présence de l’ineffable. Dieu et son fils cohabitent en une harmonie extraordinaire vers laquelle nous nous savons aspirés par une élévation inexprimable de la pensée. Nous cohabitons à notre tour par la magie du verbe avec l’Éternité de Dieu qui nous absorbe dans sa divinité en un mouvement irréversible. La demeure céleste du Père devient comme par enchantement le prolongement de notre demeure terrestre. Notre vie terrestre irradiée par le Christ devient éternité : Vision réconfortante du monde transfiguré qui nous attend, mais monde tellement distant de celui où nous sommes!

Séduit par la magie du verbe, je pourrais pendant de longs moments vous faire rêver de ce monde extatique qui nous aspire. Nous aspirerions alors à nous lover au cœur même de Dieu, si Thomas ne nous interrompait avec son bon sens habituel et ne nous demandait de parler un langage plus accessible. Il nous invite à décoder notre jargon spirituel pour dire ce qui se cache derrière les mots. : « Nous ne savons même pas où tu vas »

J’ai volontairement emprunté en commençant mon propos des images fortes du monde spirituel, pour dire vers quelle réalité inexprimable notre foi au Christ ressuscité nous entraîne. Thomas pour sa part nous ramène dans ce monde matériel où nous somme, car il sait qu’on ne peut impunément s’élever vers le ciel sans tenir compte de la réalité matérielle où nous sommes. Jésus semble parler d’un monde qui n’est accessible que pour ceux qui ont déjà franchi les limites du monde des vivants, il parle d’un au-delà qui ne concerne plus notre réalité physique, c’est pourquoi Thomas ose dire à Jésus qu’il va trop vite et qu’il a du mal à le suivre car Jésus semble escamoter les vrais problèmes. C’est souvent ainsi que fonctionnent ceux qui veulent parler de Dieu et nous instruire des merveilles de la vie future car ils oublient de dire quel lien unit notre vie présente faite de labeur ou d’ennui, de banal ou d’excitant, avec le futur qui nous est promis


Notre vie d’aujourd’hui est en déphasage par rapport à ce futur merveilleux. Nous nous questionnons d’autant plus que la science nous déçoit, la technique ne nous satisfait pas et l‘avenir nous parait bouché. Thomas nous rappelle qu’avant de nous mettre à rêver il faut regarder la réalité où nous sommes, et que c’est à partir de là que l’on peut disserter sur ce qui transcende notre vie.

Comme toujours Thomas, n’a rien compris, mais il n’a pas tort, car son intervention permet de poser le problème à son juste niveau. Il n’a pas encore compris que si nous faisons dès maintenant de Jésus le compagnon de nos vies celui-ci nous fera passer, ipso-facto de ce monde-ci à la réalité céleste du monde de Dieu. Il n’a pas tort de nous rappeler l’importance de notre réalité terrestre parce que, comme chacun de nous il est suffisamment attaché à la réalité matérielle pour savoir que si on se laisse aspirer par le spirituel, sans avoir réglé le problème du matériel, on passe forcément à côté de la Vérité.


Thomas  dans son rôle de naïf pose ici les vraies questions pour demander à Jésus quelle sont les conditions qui permettent de le suivre dans son élévation céleste.

Il leur a parlé de la trahison des hommes, il a manifesté son trouble intérieur et il a parlé de sa mort. Comment Jésus gère-t-il tout cela? Comment appréhender les mystères célestes quand nous sommes bouleversés par les épreuves ou tout simplement les soucis? Nous sommes ces hommes et ces femmes du questionnement, insatisfaits de leur quotidien à qui Jésus affirme qu’il est « le Chemin, la Vérité et la Vie »

Je suis le chemin dit-il. Il s’agit bien évidemment du chemin de notre vie, et nous savons tous qu’au bout du chemin il y a inéluctablement l’échéance de notre mort. Mais la présence de Jésus dans notre vie modifie notre manière de voir cette échéance. Notre vie est un long chemin qui se perd dans un futur que l’on ignore, et Jésus agit à côté de nous comme celui qui éclaire ce chemin. Autant de contacts, autant de rencontres aurons-nous avec Jésus, autant de lumières aurons-nous sous nos pas.

Il appartient à chacun de nous de provoquer cet éclairage de Jésus sur le chemin de notre vie. Prière, culte, méditation, lecture de l’Écriture et bien d’autres, sont autant de lumières ponctuelles qui permettent à Jésus d’éclairer notre existence.
- Comme les disciples d’Emmaüs, nous devons repérer Jésus quand il vient à notre rencontre.
- Comme les pécheurs du lacs nous nous efforçons de le voir dans nos occupations de chaque jour.
- Comme Jaïrus, nous devons le retrouver dans les drames de notre vie. Chaque fois que nous faisons l’effort de repérer sa présence, il éclaire pour nous l’instant que nous vivons. Il ne supprime ni l’épreuve, ni l’obstacle, mais en les éclairant il permet de les dépasser et d’ancrer en nous la certitude que puisqu’il est présent sur notre chemin, il y place aussi sa résurrection, qui devient notre résurrection et c'est elle qui illumine le terme de notre chemin. Cet éclairage ultime devient pour lui, l’expression de la vérité.

La Vérité: Elle concerne notre réalité humaine. Elle nous dit que la résurrection et l’Éternité font partie de l’ordre normal de la création. Jésus essaye de nous convaincre que nous ne sommes pas nés pour finir dans le néant, sans quoi, Dieu lui-même deviendrait incohérent. Il a créé l’Éternité pour nous y accueillir dès maintenant. Encore faut-il lui faire confiance, encore faut-il lui faire l’honneur de croire en sa promesse. La Vérité consiste à croire qu’il y a de l’harmonie dans le plan divin et qu’il ne soumet pas les hommes aux caprices de sa fantaisie. Il nous prie de croire qu’il est un Dieu d’ordre et qu’il a prévu pour nous un devenir qui appartient à l’ordre de sa création. La création de Dieu consiste à faire surgir la vie là où elle n’est pas encore et à la maintenir là où elle est menacée.

La vie, telle que la mène la plupart des humains de cette planète est perçue comme une existence sans lendemain, elle n’est vie qu’en apparence. C’est ce qu’a bien senti Thomas quand il interroge Jésus et qu’il lui avoue qu’il ne comprend pas ce qu’il dit. Jésus qui apparemment semble le désavouer lui donne raison. Jésus laisse bien entendre que la Vérité est au delà du monde sensible où nous sommes. Pour la percevoir, il nous faut faire un effort sur nous-mêmes pour rejoindre Jésus qui chemine dans notre intériorité. Il nous faut faire un effort pour pénétrer la réalité sensible de notre personne. S’il y a une intériorité invisible dans notre existence, elle n’en est pas moins authentique. Au contraire, la Vérité sur notre vie consiste à faire ce travail sur nous-mêmes pour que cette partie invisible habitée par Jésus irradie la partie visible et donne ainsi du sens à ce que nous vivons. Jésus confirme ainsi que sa présence sur le chemin de notre vie nous pousse toujours à dépasser la réalité visible, liée à la matière pour s’attacher au monde de l’esprit qui transcende la matière, le temps et l’espace, et nous introduit en présence de Dieu.

C’est la présence de Jésus en nous qui donne à notre avenir la dimension de l’Éternité, mais il appartient à chacun d’entre nous, non seulement de solliciter cette présence mais de l’entretenir. Il nous faut donc multiplier les rencontres avec lui et nous soumettre à son enseignement selon lequel notre prochain a plus de valeur que nous-mêmes. Il porte en lui le visage de Dieu et il n’y a ni vie ni vérité en dehors de Dieu. C’est ainsi que la vie s’inscrit dans la continuité de l’œuvre créatrice de Dieu. Elle est le complément indispensable de la Vérité, car en Dieu rien n’est vrai qui n’est éternel et la vie en Dieu ne peut être que porteuse d’éternité.

Qui que vous soyez, en méditant ce passage retenez qu’il vous appartient de repérer la présence du Christ en vous et de l’entretenir. Sachez que cette présence seule peut éclairer le chemin de votre vie et que ce chemin débouche dans l’Éternité. Celui qui a compris cela est déjà dans la résurrection du Christ et les portes de l’Éternité sont ouvertes pour lui.

Amen.


samedi 23 avril 2011

Jean 10:1-10 - le bon berger - dimanche 15 mai 2011



Jean 10/1-15 « La parabole du bon berger »

Le bon berger
1 En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n'entre point par la porte dans la bergerie, mais qui y monte par un autre côté, celui-là est un voleur et un brigand. 2 Mais celui qui entre par la porte est le berger des brebis. 3 Le portier lui ouvre, et les brebis entendent sa voix ; il appelle par leur nom les brebis qui lui appartiennent et les mène dehors. 4 Lorsqu'il a fait sortir toutes celles qui lui appartiennent, il marche devant elles ; et les brebis le suivent, parce qu'elles connaissent sa voix. 5 Elles ne suivront point un étranger ; mais elles fuiront loin de lui, parce qu'elles ne connaissent pas la voix des étrangers.

6 Jésus leur dit cette parabole, mais ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait.

7 Jésus leur dit encore : En vérité, en vérité, je vous le dis, moi, je suis la porte des brebis. 8 Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des brigands ; mais les brebis ne les ont pas écoutés. 9 Moi, je suis la porte ; si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et sortira et trouvera des pâturages. 10 Le voleur ne vient que pour voler et tuer et détruire ; moi, je suis venu, afin que les brebis aient la vie et qu'elles l'aient en abondance.

11 Moi, je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. 12 Mais le mercenaire, qui n'est pas berger et à qui les brebis n'appartiennent pas, voit venir le loup, abandonne les brebis et s'enfuit. Et le loup s'en empare et les disperse. 13 C'est qu'il est mercenaire et qu'il ne se met pas en peine des brebis. Moi, je suis le bon berger. 14 Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, 15 comme le Père me connaît, et comme je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis.


Nous sommes tellement habitués à cette image du bon berger qui donne sa vie pour ses brebis que nous ne faisons pas attention à tout ce qu’il y a derrière ce texte. Nous oublions la plupart du temps que le métier de berger était dans l’antiquité juive, un métier méprisé et qu’il était réservé aux plus modestes. Leur sort était parfois moins enviable que celui d’un esclave. Quant aux moutons, ils ne font pas partie de la catégorie animale la mieux perçue. Ils sont à juste titre considérés comme des animaux peu doués. On ne les élève que pour la viande et accessoirement pour la laine. Ils sont tous destinés à finir sous le couteau du sacrificateur ou du boucher. On a cependant une tendresse particulière pour les agneaux, quand ils sont tout petits. Mais cette tendresse est purement sentimentale et elle décroît à mesure que l’animal vieillit

Nous apprécions cette histoire en fonction de l’intérêt que nous y trouvons en tant qu’humain. Je vous propose cependant de la regarder du côté des moutons. Nous nous demanderons alors en quoi le sort des moutons est modifié s’ils périssent sous les dents du loup plutôt que sous le couteau du sacrificateur ? Violence et cruauté, mort et souffrance sont au même rendez-vous et l’issue de l’entreprise reste la même : la mort. Si le loup est mis en fuite, le berger du troupeau y trouve son compte et c’est pour une raison économique qu’il peut envisager d’exposer sa vie pour que le troupeau qui lui appartient ne soit pas anéanti. Le mercenaire n’en a cure, il sauve sa vie sans affronter le loup. Il est dit alors que le « bon berger » donne sa vie pour ses brebis ! La belle affaire, elles seront de toute façon sacrifiées et mangées et ne trouveront aucun intérêt dans cette nouvelle situation.

Pourtant, Jésus a bien pris soin d’attirer notre attention sur un autre aspect des choses. Il nous dit qu’il est le « bon berger » pour que ses brebis aient la vie en abondance. Le mot abondance pourrait sans doute être mieux rendu par l’expression : « une vie qui dépasse la mesure » ou une « vie super, » dirions-nous aujourd’hui. Plus question de mort ou de sacrifice, plus question de transformer les brebis en viande,   plus question de voir le côté utilitaire des choses. Avec Jésus les choses prennent une autre couleur, Il nous entraîne sur un chemin irréaliste qui consiste à octroyer aux moutons un autre destin que celui que nous leurs connaissons. Avec Jésus, les brebis auront un autre avenir que celui de servir de nourriture aux hommes.

Il est bien évident que pour nous approprier quelque chose de ce passage il faut que chacun de nous, à son tour se substitue aux moutons de ce texte et comprenne que chacun d’entre nous fait d’abord partie de cette masse humaine qui recouvre la planète comme un troupeau de moutons qui remplirait l’enclos où il est parqué.

Qui sommes-nous si non un individu parmi les milliards qui s’agitent sur la surface de la terre, malmenés par le hasard, bousculés par les éléments et parfois maltraités par les dirigeants ? A vue humaine Il semble que nous soyons tous destinés à disparaître sans ne laisser aucune trace, à part exception rarissime.

A la lecture de ce récit, les choses changent. Chacun d’entre nous, bien qu’il fasse partie de la masse des 7 milliards d’individus que l’on côtoie sur cette planète prend un visage distinct. Nous découvrons que notre existence prend une autre valeur que celle de se trouver mêlés à la masse de tous les humains qui peuplent cette terre. Notre existence ne consiste plus à être en survie parmi tous ceux qui nous entourent, mais nous sommes destinés à jouir d’ « une super vie » qui s’individualise sous l’influence de Dieu qui nous prend en charge, chacune et chacun à notre tour.

C’est alors que nous devons prendre conscience des loups qui nous menacent. Les loups vont s’en prendre à l’aspect grégaire de notre personnalité, ils vont chercher à faire que nous nous comportions comme des moutons sans berger en détruisant en nous ce qui nous distingue des autres. Ils vont nous faire perdre toute spécificité et feront de nous des consommateurs qu’il faut séduire pour mieux les utiliser. Ils vont nous pousser à croire que pour le prix d’une jouissance immédiate, nous devons consacrer toute notre existence à la sacrifier aux lois du marché et de la mode afin de ressembler le plus possible aux modèles qu’on nous propose d’imiter. Ces loups qui dévorent notre autonomie et notre indépendance sont les alliés de tous les mercenaires qui se donnent des allures de bergers.

Ces mercenaires, ce sont tous ceux qui à coup d’arguments nous assurent que le succès de notre société n’a pas d’autres issue que de vendre son âme à la consommation et à la pensée unique. Ils prétendent que le bonheur est dans la jouissance immédiate. Suivant les époques, leurs discours se sont colorés différemment, mais ils ont toujours visés à engloutir la masse des humains dans des projets globalisants où chacun suivrait le même chemin que son voisin et redouterait d’être différent de lui au risque d’être rejeté.

Les faux bergers se cachent aussi derrières les idées du moment. Elles aussi empruntent le même chemin que la mode. Suivant les époques, et les intérêts de ceux qui influent sur nous, elles nous poussent à devenir des va-t-en guerre ou des va-t-en paix et nous entraînent à discriminer les uns pour valoriser les autres si bien que chacun est invité à faire chorus avec la foule. Chacun s’habille comme tout le monde pour finir par penser comme tout le monde. En tant que minoritaires protestants nous sommes avantagés sur les autres car nous avons du résister aux idées du moment pour conserver notre spécificité.

Grâce à Dieu le « bon berger » est là au milieu du troupeau pour faire de nous autres chose que des brebis qui suivent sans retenue celui qui les entraîne. Il est dit qu’il donne sa vie pour nous, c’est à dire qu’il offre son exemple, son évangile, sa manière de penser comme solution alternative aux pressions extérieures qui pèsent sur nous. Il propose le temps et l’éternité là où les valeurs ambiantes proposent l’urgence et les utopies provisoires.

Il nous propose de trouver en nous-mêmes du sens à notre existence qui ne soit dicté ni par les médias ni par la mode du moment. Il nous apprend que nous ne sommes pas des individus dont la vie est destinée à ressembler à celle de la masse. Il se propose d’enrichir et valoriser notre vie pour qu’elle devienne une super vie. Le bon berger se propose donc de donner de la valeur à notre individu. Il est capable d’aller jusqu’au fond même du cœur de chacun d’entre nous pour y injecter un supplément de vie dont lui seul est dépositaire.

Le « bon berger » ne conçoit nos existences que si lui même  les partage pour y introduire le divin qui est en lui. Ainsi il se propose de nous apporter une originalité qui nous soit propre. Cette originalité consiste à savoir qu’il nous prend lui-même en main et nous propose de vivre selon notre nature profonde qui est marquée du doigt de Dieu depuis les origines de l’humanité. En faisant de nous des individus autonomes et responsables il pèsera sur l’évolution du monde qui s’orientera dans le sens où il souhaite qu’il évolue.

Nous n’avons pas vocation à être une goutte d’eau parmi les autres gouttes d’eau, nous avons vocation a devenir des individus distincts des autres au service des autres pour que chacun puisse jouir ici bas d’une vie qui le dépasse. Pour cela il est nécessaire que nous soyons attentifs à la voix du berger et non à celle des mercenaires.


Les illustrations proviennent du Codex Vergilius Romanus

dimanche 17 avril 2011

Luc 24:13-35 les disciples d'Emmaüs - dimanche 8 mai 2011




Les disciples d'Émmaüs

13 Et voici que ce même jour, deux d'entre eux allaient à un village nommé Émmaüs, éloigné de Jérusalem de soixante stades, 14ils s'entretenaient de tout ce qui s'était passé. 15 Pendant qu'ils s'entretenaient et discutaient, Jésus s'approcha et fit route avec eux. 16 Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. 17 Il leur dit : Quels sont ces propos que vous échangez en marchant ? Et ils s'arrêtèrent, l'air attristé. 18 L'un d'eux, nommé Cléopas, lui répondit : Es-tu le seul qui séjourne à Jérusalem et ne sache pas ce qui s'y est produit ces jours-ci ? 19 — Quoi ? leur dit-il. Ils lui répondirent : Ce qui s'est produit au sujet de Jésus de Nazareth, qui était un prophète puissant en œuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple, 20 et comment nos principaux sacrificateurs et nos chefs l'ont livré pour être condamné à mort et l'ont crucifié. 21 Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël, mais avec tout cela, voici le troisième jour que ces événements se sont produits. 22 Il est vrai que quelques femmes d'entre nous, nous ont fort étonnés ; elles se sont rendues de bon matin au tombeau et, 23 n'ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire que des anges leur sont apparus et ont déclaré qu'il est vivant. 24 Quelques-uns de ceux qui étaient avec nous sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses tout comme les femmes l'avaient dit ; mais lui, ils ne l'ont pas vu. 25 Alors Jésus leur dit : Hommes sans intelligence, et dont le cœur est lent à croire tout ce qu'ont dit les prophètes ! 26 Le Christ ne devait-il pas souffrir de la sorte et entrer dans sa gloire ? 27 Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait.

28
Lorsqu'ils furent près du village où ils allaient, il parut vouloir aller plus loin.
29 Mais ils le pressèrent, en disant : Reste avec nous, car le soir approche, le jour est déjà sur son déclin. Il entra, pour rester avec eux. 30 Pendant qu'il était à table avec eux, il prit le pain, dit la bénédiction ; puis il le rompit et le leur donna. 31 Alors leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent ; mais il disparut de devant eux. 32 Et ils se dirent l'un à l'autre : Notre cœur ne brûlait-il pas au-dedans de nous, lorsqu'il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures ? 33 Ils se levèrent à l'heure même, retournèrent à Jérusalem et trouvèrent assemblés les onze et leurs compagnons, 34qui leur dirent : Le Seigneur est réellement ressuscité, et il est apparu à Simon. 35 Ils racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin, et comment ils l'avaient reconnu à la fraction du pain.



Bien que nous croyons avoir réponse à toutes les questions que l’on se pose depuis que l’univers existe, note siècle semble devoir être celui des pourquoi. En fait la pensée humaine ne cesse d’être féconde en questionnements. Le sens des choses, l’avenir du monde, la durée de la vie, la guerre ou la paix, jamais tant de problèmes n’ont hanté notre esprit. Nous baignons dans un univers de morosité qui nous pousse à penser que les générations passées devaient être plus heureuses que la nôtre. Pourtant, nous ne renoncerions pas pour autant à notre confort matériel pour un retour vers une vie plus calme.

Apparemment, nous sommes informés de tout ce qui se dit ou de tout ce qui se fait. Tous les courants spirituels ont visité peu ou prou notre esprit, mais aucun n’a laissé en nous de marque indélébile et nous traversons la vie sans enthousiasme, avides de nouveauté et incapables de changer.

Voila un portrait apparemment désabusé de notre société qui appelle sans doute correction, mais qui correspond à celui où nos contemporains se retrouvent le mieux et dont la principale caractéristique est le manque d’espérance. Est-ce une réalité propre à notre temps, ou est-ce un constat que toutes les générations ont pu faire à un moment ou à un autre de leur évolution ?

Quoi qu’il en soit, nous sommes quand même héritiers d’une tradition qui a porté en elle un fol enthousiasme. Il trouvait son origine dans la foi en la résurrection qui a donné envie de vivre et de lutter à bien des générations alors que leur espoir s’amenuisait à cause des provocations du moment. C’est sur cette promesse de la résurrection que les chrétiens des premiers siècles ont pris le pas sur les religions païennes et qu’ils les ont supplantées au point de les voir disparaître.

Malgré leurs divisions internes sur la nature du Christ ou sur les formulations du dogme trinitaire, ils n’ont pas remis en cause l’affirmation de la résurrection dont l’apôtre Paul se fit le champion : « Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine » écrivait-il ( 1 Cor.15/17). La foi en la résurrection est devenue l’élément central de la foi chrétienne et c’est elle qui en fait sont originalité.

Force nous est donnée de constater que ce dynamisme des premiers siècles s’est amenuisé, alors même que l’affirmation en la résurrection se faisait plus diffuse. La foi chrétienne fait aujourd’hui partie des idées reçues. Elle ne se discute pas et aucune affirmation à son sujet ne passionne les foules. Pire, les tenants affichés de la foi chrétienne font figure de conservateurs et les idées qu’ils défendent sont perçues comme obsolètes.

Etait-ce pour en arriver là que Jésus a accepté de se laisser trainer au supplice et clouer sur une croix ? Telles étaient les questions que devaient se poser deux de ses adeptes qui suivaient à rebours le chemin qui les ramenait chez eux après l’avoir
suivi plein d’espoir. Disciples d’un prophète utopique devenu martyr, ils se demandaient ce qu’ils pourraient bien raconter de gratifiant de retour à la maison.

Ne trouvez-vous pas que ces deux hommes entrent bien dans le cadre que j’ai dépeint pour y situer l’Eglise du vingt et unième siècle ? Ils sont comme nous, ils n’ont plus rien de glorieux à raconter. Si le message chrétien a exalté les foules de jadis, on s’attend à autre chose aujourd’hui. Si l’événement de la résurrection a été au centre de la foi chrétienne, il suffit d’un simple sondage pour constater que les chrétiens n’y croient pas vraiment. Si on leur demande de s’exprimer sur la question, ils formuleront des idées banales qu’ils emprunteront aux philosophies orientales. Ils parleront de survie de l’âme, ils prononceront à coup sûr le mot de réincarnation, mais ils resteront prudents sur la notion de résurrection, car ils ne se sentent pas personnellement concernés par cette notion. Quant à la résurrection de Jésus elle est plus un événement du passé qu’une réalité qui les concerne. Il ne leur reste plus qu’à rejoindre les deux marcheurs en direction d’Emmaüs.

En effet, nos deux amis qui cheminaient solitaires partageaient cet état d’âme, même s’ils étaient devenus attentifs aux propos de celui qui les avait rejoints. S’il avait repris les enseignements que Jésus avaient formulés, ce n’était cependant pas suffisant pour qu’ils s’en émeuvent davantage. Sans doute continuaient-ils à se demander ce qu’ils pourraient bien raconter à leur retour de leur expérience spirituelle, si non leur espoir déçu et leur expérience ratée. Ils pourraient faire état de leur sentiment d’injustice, ils pourraient parler de l’abus de pouvoir de la part des autorités, rien que du banal et du déjà vu. Ils n’oublieraient pas de parler du silence de Dieu qui n’a rien fait pour sauver celui qui parlait si bien de lui. Mais il n’y avait rien de nouveau dans tout cela, en tout cas pas de quoi quitter sa famille.

Et puis, ces deux hommes avaient faim. On peut penser que la marche avait aiguisé leur appétit et que le fait de manger les empêchait de penser ! Les voila donc devenus consommateurs et ils invitent leur mystérieux compagnon à consommer avec eux. Celui-ci accepte, se prête à leur désir et entre dans le jeu de la consommation ( j’allais dire dans le piège de la consommation).

Nous consommons tous, c’est un droit que nous revendiquons et nous serions frustrés de ne pas l’exercer. C’est ce droit que nous reconnaissons aux peuples en révolution et nous lui associons les notions de justice, de liberté et de démocratie !

C’est à ce point bien précis de notre réflexion que nous rejoint le marcheur mystérieux qui entre dans l’auberge pour consommer avec les deux autres, croit-on. Il ne consomme pas. Il partage. Et au moment où il partage, leurs yeux s’ouvrent et ils comprennent.

Que comprennent-ils ? On nous a dit qu’ils comprennent que Jésus s’est fait reconnaître en renouvelant l’eucharistie qu’il a partagée avec eux, quatre jours au paravent. On nous a enseigné alors que sa résurrection était devenue leur résurrection et qu’une nouvelle histoire avait commencée pour eux, c’est pourquoi ils avaient décidé de revenir à Jérusalem. Certes, on peut lire les choses ainsi, mais on doit aussi se demander si eux aussi avaient partagé le dernier repas, car ils ne faisaient pas partie des douze. On ne s’empêchera pas non plus de constater que Jésus ne fait que rompre le pain. Il n’y a pas de vin. On est donc en droit de dire que ce n’est pas l’eucharistie qui est célébrée par le ressuscité sur le chemin d’Emmaüs.

On retiendra cependant qu’il y a eu partage. Le fin mot de l’histoire c’est que la résurrection ne prend de sens que dans le partage. Notre vie ne peut être habitée par Dieu que si nous la partageons. Notre société ne peut être témoin du Dieu qui l’habite que si elle préconise le partage comme élément essentiel de la présence de Dieu, car c’est seulement dans le partage que la vie prend du sens. Le sens profond de la résurrection, c’est que la vie est habitée par Dieu. Nous devons conclure que la résurrection n’a de sens que dans le partage et c’est par lui que s’ouvre pour nous l’éternité.

L’acte essentiel qui révèle la présence de Dieu dans notre vie d’Eglise c’est donc le partage du pain qui ne peut se réduire à un acte liturgique mais qui demande la mobilisation de toutes nos forces au service des autres.

Les illustrations sont de He-Qi

Voir aussi un autre sermon sur le même texte, sur le même bloc dimanche 03 avril 2010



mercredi 6 avril 2011

Jean 20: 19-31 apparition à Thomas dimanche 1 mai 2011




Jean 20/19-31

9 Le soir de ce jour, qui était le premier de la semaine, les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient fermées, par la crainte qu'ils avaient des Juifs ; Jésus vint, et debout au milieu d'eux, il leur dit : Que la paix soit avec vous ! 20 Quand il eut dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples se réjouirent en voyant le Seigneur. 21 Jésus leur dit de nouveau : Que la paix soit avec vous ! Comme le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie. 22 Après ces paroles, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l'Esprit Saint. 23 Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés, et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus.

24 Thomas, appelé Didyme, l'un des douze, n'était pas avec eux, lorsque Jésus vint. 25 Les autres disciples lui dirent donc : Nous avons vu le Seigneur. Mais il leur dit : Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets mon doigt à la place des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point.

26 Huit jours après, les disciples de Jésus étaient de nouveau dans la maison, et Thomas avec eux. Jésus vint, les portes étant fermées, et debout au milieu d'eux, il leur dit : Que la paix soit avec vous ! 27 Puis il dit à Thomas : Avance ici ton doigt, regarde mes mains, avance aussi ta main et mets-la dans mon côté ; et ne sois pas incrédule, mais crois ! 28 Thomas lui répondit : Mon Seigneur et mon Dieu ! 29 Jésus lui dit : Parce que tu m'as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru !

30 Jésus a fait encore, en présence de ses disciples, beaucoup d'autres miracles qui ne sont pas écrits dans ce livre. 31 Mais ceci est écrit afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant, vous ayez la vie en son nom.



Qui que nous soyons, un jour ou l’autre, au moment où nous ne nous y attendons pas, les questions fondamentales de notre vie surgissent devant nous:
- qui es-tu?
- que fais-tu dans ce monde?
- gardera-t-on mémoire de ton passage sur terre quand tu ne seras plus?
- quand le sommeil de la mort aura fermé tes yeux garderas-tu le souvenir de ce que tu as été ?
Nous nous posons tous ces questions un jour ou l’autre et si elles ne nous avaient jamais traversées l’esprit nous ne serions pas là aujourd’hui.

Le récit de l’Evangile de Jean que nous venons de lire, malgré la distance qui nous sépare de lui correspond sans doute à la situation qui est peut être la nôtre. Les amis de Jésus savent d’après les récits des autres, que le maître que l’on a vu mort est désormais vivant ; mais ceux qui n’ont pas été témoins de l’événement restent étrangers à ce qui vient de se passer, car ils n’en ont pas été directement les témoins. Ils savent la résurrection, mais ils ne se sont pas encore approprié l’événement. Ils ont besoin qu’on les aide à croire ce à quoi ils se refusent à croire. La plupart de nos contemporains partagent cette situation, c’est dire que la résurrection est loin d’être un fait acquis pour tous.

On nous décrit ces gens comme enfermés dans leur peur alors que la nuit les environne. C’est aussi la nuit dans leurs pensées, c’est également la nuit dans leur âme. Ils se sont enfermés chez eux pour mieux résister à ce qu’ils ne comprennent pas. Les expériences de ces derniers jours ont tout remis en cause dans leurs certitudes : l’arrestation du maître, leur fuite, l’interrogatoire, le procès, leurs désillusions, et puis la mort. Tout cela a bousculé leur dernière semaine, comme un épisode de leur propre histoire dont ils ne gardent qu’un sentiment de profonde amertume et la certitude de n’avoir pas fait ce qu’il fallait faire. Ils se sentent coupables de trop de sentiments confus.

C’est non seulement la nuit dehors, mais c’est aussi la nuit dedans, et en plus, ils ont peur. Bien sûr ils ont peur des représailles et de la vengeance, car ils se sont affichés publiquement comme les amis de celui qui a troublé l’ordre public. Tout le monde sait qu’il n’est pas bon de mettre en cause la « pax romana », la paix romaine. Ils ont peur aussi d’eux-mêmes, et peut être aussi de Dieu, car ayant perdu leurs références ils se trouvent seuls face à l’inconnu. Ils ont peur de ne plus croire.

Franchissant les murs de leur maison, on pourrait dire « les murs de leur tombeau », car il s’agit bien pour eux d’un tombeau volontaire, le ressuscité vient. C’est justement de cela qu’ils ont peur. Ils ont peur que l’idée de la résurrection vienne en rajouter à leurs désillusions : « Shalom » leur dit-il : la « paix ». Quelle paix? Non pas la paix politique bien sûr. La paix dans le langage de la Bible c’est ce sentiment diffus qui vient d’ailleurs, qui change la réalité humaine et qui exprime la présence de Dieu.

Il souffle sur eux pour concrétiser cette parole de paix qu’il a prononcée. Le souffle ne se voit pas, ne se s’entend pas, il ne se saisit pas et pourtant quand il arrive sur vous, il vous pénètre et il se passe quelque chose de profondément invisible qui s’empare de votre personne et vous révèle la présence de Dieu. Avec ce souffle qu’ils reçoivent ils réalisent alors que tout devient possible, le mort est vivant, et ils le sont avec lui. Le ressuscité les ressuscite. L’esprit qu’il a soufflé sur eux leur a redonné vie. Une vie étrange à laquelle ils ne s’attendaient pas

L’esprit que Jésus souffle sur eux, c’est le même esprit créateur qui selon les Ecritures était présent à tous les grands moments de la Révélation. Il est cette force qui vient d’en haut et qui pénètre jusqu’au très fond de l’âme pour donner vie à ces humains en mal de vivre.

Nous pensons alors : « Heureux donc étaient-ils, ceux qui se sont trouvés dans cette pièce ce jour là, à portée de souffle. Heureux étaient-ils parce qu’ils étaient là, au bon moment. Heureux celui qui est réceptif au moment où cela se donne? En disant cela j’entends peut-être les soupirs secrets de chacun d’entre nous pour qui les choses ne sont pas si simples, la vérité de la résurrection est moins évidente, le souffle de l’esprit moins fort et rien n’à pu s’imposer à eux pour transformer leur marasme en espérance.

Combien, voudraient être de ceux là, de ceux qui auraient aimé voir et entendre. Nombreux sont ceux qui aimeraient croire et qui n’y arrivent pas. Nombreux sont ceux qui voudraient croire mais qui se sentent empêchés par les événements. Nombreux sont ceux qui ne croient pas parce que les hommes ont provoqué en eux des blocages tels qu’ils ne pourront plus jamais croire. Nombreux sont-ils aussi ceux qui rejettent Dieu lui-même parce que des événements ont rendu leur vie incompréhensible et ont entraîné la mort de leur foi.

Combien auraient aimé être de ces témoins privilégiés pour qui le ressuscité présent devant eux mettrait un terme à tous leurs questionnements. Pourquoi eux et pourquoi pas moi? Pourquoi n’ai-je pas eu accès à cette sérénité que les autres ont eu et que je n’ai pas? Pourquoi n’ai-je pas reçu cette puissance qui vient d’en haut et qui me permettrait de traverser sereinement cette vallée de larmes.

J’insiste sur ces frustrations, qui sont les nôtres, parce qu’il y en a un parmi les intimes de Jésus qui les a profondément ressenties. C’est Thomas, celui que l’on appelle Didyme, en hébreu cela veut dire le jumeau. Le jumeau de qui? Il n’en a pas dans l’Ecriture, mais il en a dans la vie. Didyme, c’est mon jumeau à moi, c’est celui qui pose les bonnes questions pour moi, c’est mon alter ego dans ma nuit, dans ma tombe, dans ma détresse ou dans ma tristesse. C’est lui qui ose dire pour nous tous: « Et moi, pourquoi suis-je laissé pour compte? » Et c’est pour lui que Jésus revient. Comme c’est pour moi que Jésus revient.

Ainsi l’attente de chacun trouve un jour son terme. Jésus prévoit pour chacun de nous des moments où il nous visite personnellement, des moments où il prévoit de prendre en charge cette partie de nous-mêmes qui est en révolte et en même temps qui est en quête de vérité. « Voici mes mains, voici mes pieds, voici mon côté, touche mes blessures. » Et Thomas ne les touche pas.

Pourquoi ne s’autorise-t-il pas ce contact physique qu’il a tant désiré ? Et pourquoi Jésus s’offre-t-il à lui comme un homme blessé ? Si Jésus est ressuscité, s’il a déjà revêtu son corps de gloire, pourquoi présente-t-il encore des blessures? Jésus s’approche de lui dans la dimension physique que Thomas a souhaitée. Jésus se présente à lui dans une réalité acceptable par lui et capable de déclencher sa foi.

S’il ne le touche pas, c’est qu’il découvre en même temps que la résurrection a une autre réalité que l’apparence physique. Thomas ne touche pas physiquement, car il est touché intérieurement. C’est dans l’intériorité de son âme que cela se passe. C’est à l’intérieur de lui que la résurrection est devenue réalité. Ce ne sont ni les apparitions ni les développements philosophiques ou théologiques qui lui démontreront cette réalité, c’est la conviction intérieure que dépose en lui l’esprit de Dieu.

Cette expérience s’est produite 8 jours après celle des autres, c’est dire que Thomas l’a désirée pendant longtemps. Jésus, au moment où il ne s’y attend plus, vient vers lui pour donner vie à son désir. Il y a comme un exaucement à cette prière secrète que Thomas a certainement formulée : « Seigneur mets en moi la certitude de ton amour pour moi ». Jésus son vieux compagnon de route vient alors vers lui, ils ont vécu de longues années ensemble. La mort les a séparés et pourtant il est là.Tout devient nouveau, rien n’est plus comme avant. Il est à côté de lui, il est avec lui, il est en lui et par le souffle qu’il lui donne il lui transmet la plénitude dont il a besoin pour commencer à vivre la résurrection qui lui est promise.

Pour nous aussi Jésus vient vers nous, il traverse notre passé pour souffler sur notre présent et y aviver la flamme de l’éternité. Cela signifie que pour que le souffle de vie me fasse vivre aujourd’hui, il faut aussi que j’accepte qu’il souffle sur mon passé, anéantisse ce qui n’a pas lieu d’être, détruise tout ce qui était chargé de mort afin que seul ce qui doit vivre soit réanimé par le souffle divin.

lundi 4 avril 2011

Matthieu 28:1-10 la résurrection - dimanche 24 avril 2010


Matthieu 28/1-10


1 Après le sabbat, dimanche au lever du jour, Marie de Magdala et l'autre Marie vinrent voir le tombeau. 2 Soudain, il y eut un fort tremblement de terre ; un ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la grosse pierre et s'assit dessus. 3 Il avait l'aspect d'un éclair et ses vêtements étaient blancs comme la neige. 4 Les gardes en eurent une telle peur qu'ils se mirent à trembler et devinrent comme morts. 5 L'ange prit la parole et dit aux femmes : « N'ayez pas peur. Je sais que vous cherchez Jésus, celui qu'on a cloué sur la croix ; 6 il n'est pas ici, il est revenu de la mort à la vie comme il l'avait dit. Venez, voyez l'endroit où il était couché. 7 Allez vite dire à ses disciples : “Il est revenu d'entre les morts et il va maintenant vous attendre en Galilée ; c'est là que vous le verrez.” Voilà ce que j'avais à vous dire. »

8 Elles quittèrent rapidement le tombeau, remplies tout à la fois de crainte et d'une grande joie, et coururent porter la nouvelle aux disciples de Jésus. 9 Tout à coup, Jésus vint à leur rencontre et dit : « Je vous salue ! » Elles s'approchèrent de lui, saisirent ses pieds et l'adorèrent. 10 Jésus leur dit alors : « N'ayez pas peur. Allez dire à mes frères de se rendre en Galilée : c'est là qu'ils me verront. »


Comment se fait-il qu’un individu aussi merveilleux que l’être humain puisse disparaître à tout jamais après avoir fini son parcours sur terre? Vous l’avouerez sans doute difficilement, mais cette idée vous a certainement traversé l’esprit, un jour où l’autre. Si ce n’était pas le cas, on ne passerait pas tant de temps à préparer son grand départ. On dispose de ses biens, de son corps, de ses idées même, en pensant qu’il n’en restera rien après-nous, tout en agissant comme si, quand même quelque chose devait subsister. L’Ecclésiaste, un sage de la Bible s’était déjà penché sur ce phénomène de la pensée humaine selon lequel, nous avons du mal à nous détacher de la réalité du monde des vivants.


Pour ma part, j’inverserai volontiers les valeurs. Au lieu de penser à partir de moi-même sur mon devenir, je vais essayer de pénétrer la pensée de Dieu. Présomptueuse audace ! N’est ce pas ? Mais pourquoi ne pas essayer ?


Je suis sûr pour ma part que Dieu ne cesse jamais de s'émerveiller en regardant les hommes se mouvoir sur cette terre. Certainement, il doit s’étonner de leur esprit d’invention, de leur capacité à s’adapter aux situations nouvelles et de leurs facultés à maîtriser les catastrophes. Depuis que l’homme existe sur terre, malgré sa fragilité apparente, il a résisté à toutes les épidémies, à toutes les famines, à tous les changements climatiques. Les mammouths ont disparu, mais les hommes ont survécu.


Dieu est sans doute très fier de cet être merveilleux qu’il a conçu et qu’il continue à améliorer selon les lois de l’évolution. Pourtant, la capacité humaine à maîtriser les situations a aussi ses faiblesses. Les hommes n’acceptent pas de ne pas être seuls à bord pour piloter le monde. Ils ont du mal à imaginer qu'un être pensant puisse les dominer et qu'il pourrait inspirer la sens de l’évolution. Si Dieu admire les hommes, les hommes par contre sont plus réticents à lui rendre la pareille. C’est d’ailleurs là un des sujets de contestation entre les humains.


Ils ne s'accordent pas entre eux sur le principe de l’existence ou de la non existence de Dieu. Si les plus entreprenants arrivent à concéder aux autres qu’il y a au-delà de tout, un être pensant qui leur est supérieur, ils répugnent pourtant à lui reconnaître du pouvoir sur le monde et une capacité quelconque à inspirer les actions humaines. Y a-t-il alors un être suprême ? Si oui nous juge-t-il, nous condamne-t-il, à quoi sert-il ? Quel est son volent de manœuvre : créationnisme ou évolutionnisme ?



Au delà de ces clivages, il y a d'autres penseurs, et ils sont nombreux, qui se croient capables de tout comprendre sans le secours de Dieu. Ils pensent qu’il leur suffit d’être un peu plus perspicace que les autres pour tout comprendre. Le fait de formuler l’hypothèse qu’un Dieu organisateur soit à l’origine de toute chose est pour eux une facilité qui ne convient pas à des êtres évolués. Ainsi nient-ils tout en bloc. Beaucoup d'autres encore ne se posent pas de problèmes du tout, ils se contentent pour la plupart de vivre comme si la notion de Dieu était un principe à ne pas mettre en cause pour le bon ordre des choses, mais ce principe ne changerait pas grand-chose à l’être ou au non-être des humains. C’est là encore un autre sujet d’étonnement de la part de Dieu qui a du mal à concevoir que les humains se divisent à cause de lui.


Comment se fait-il, doit-il se demander, que les hommes si intelligents, si inventifs, si entreprenants sur le plan technique et sur le plan scientifique manifestent si peu d’intelligence face aux problèmes métaphysiques? Comment se fait-il qu’ils agissent vis à vis de Dieu comme si leur opinion ne dépendait que d’une intuition subjective ou d’une tradition héritée des ancêtres ? Comment se fait-il que l’humanité si rationnelle pour gérer ses intérêts dans le monde, soit si énigmatique dans sa relation à Dieu ? N’est-ce pas là un sujet d’étonnement pour Dieu s’il existe ?


Le Dieu dont Jésus est le témoin n’ignore pas ce comportement, c’est pourquoi il a choisi d’établir un rapport privilégié avec l’humanité. Il se révèle donc au monde des humains comme un Père, et c’est à ce titre là qu’il se définit comme créateur. Ce processus s’est fait dans la durée. Il s’est révélé à Abraham lit-on dans les Ecritures, il s’est fait connaître à Moïse, il a parlé par les prophètes et avec Jésus pour porte parole, il a confirmé le processus de vie qui ouvre à l’humanité le chemin de l’éternité comme l’Ecclésiaste en avait déjà eu l’intuition .


A la suite de ce long cheminement à travers les âges Dieu se propose maintenant, de vivre une expérience personnelle avec chacun de nous et d’éclairer notre histoire. Jésus se tient devant nous comme le promoteur de cette expérience et nous invite à la vivre. Un jour chacun de nous a plus ou moins pris conscience de la présence de Dieu à ses côtés. Les uns ont pris soin de cultiver cette intimité, elle s'est épanouit dans un acte de foi qui a illuminé leur vie. Les autres mal guidés ou trop indépendants n’ont pas entretenu cette relation. Ils ont oublié que Dieu s’était approché d’eux. Leur foi trop faible pour résister s’est desséchée et n’a subsisté alors que sous forme de souvenir.


Notre relation avec Dieu n’est pas liée au hasard. Elle est l’aboutissement d’une longue aventure dont les racines se trouvent aux origines de l’humanité, et telle la sève de la plante, l'esprit de Dieu a cheminé lentement jusqu’à nous par des canaux mystérieux. Dieu était à l’œuvre dans l’humanité bien avant que nous nous éveillions à la foi. Elle s’est manifestée un jour à nous comme une prise de conscience, telle un éveil à une nouvelle dimension de la vie. Tel en tout cas était le but de Dieu qui nous a cependant laissé libres de le suivre.


Ce constat étant fait, il nous appartient maintenant d’assumer librement nos responsabilités et de travailler sur nous-mêmes. Guidés par Jésus, il nous faut descendre en notre fort intérieur pour découvrir la source qui peut irriguer nos jardins secrets. C'est elle, qui peut ouvrir notre être au souffle de Dieu qui pourra définitivement bousculer nos a priori et nos idées reçues. Si nous l’accompagnons dans ce travail d’exploration de nous-mêmes nous découvrirons alors l’action créatrice de Dieu en nous. Nous collaborons donc avec lui pour qu'il fasse de nous des êtres nouveaux qu'il marque de son sceau et qu'il introduit dans son éternité. C’est cela la résurrection.


Grâce à Jésus qui nous guide nous retrouvons l’itinéraire que chacun doit suivre pour que sa foi se charge de vie. Si la résurrection est un don de Dieu, nous n'en prenons conscience qu'au prix d'un certain effort de notre part. Tous ne suivent pas ce chemin à la suite de Jésus et se refusent à tenter une aventure personnelle avec Dieu, si bien que Dieu après s’être émerveillé du comportement de l’homme se trouve navré de sa facilité à repousser les expériences de vie intérieure qu’il leur propose.


Nous avons pris conscience du fait que la résurrection s’impose à nous comme le résultat d’un long cheminement avec Dieu au terme duquel nous le découvrons en tant que créateur de notre vie. Comme tout acte créateur de Dieu, cet événement est lié à une parole qui vient de lui, car Dieu, quand il crée, est-il dit, le fait par sa parole, c’est à dire par un acte qui le rend accessible. Il adresse ainsi une parole à chacun de nous qui appelle notre adhésion. « Pourquoi me persécutes-tu » avait entendu Paul en tombant de cheval. Ce fut dans la voix et non dans la chute qu’il avait reconnu la présence de Dieu. Il évoquera plus tard cette voix comme étant l’élément qui a provoqué sa prise de conscience de sa propre résurrection.


Chaque fois que l’Ecriture fait état de la résurrection il nous est dit qu’une voix a accompagné la prise de conscience des témoins pour bien signifier que la résurrection est un acte créateur de Dieu. Nous prenons conscience de cette voix sans que pour autant elle se manifeste à nos oreilles. C'est une voix qui est pleine de vie puisqu'elle met en route ceux ou celles qui l'entendent. "Allez dire à mes frères que je les précède en Galilée". La voix renvoie les femmes chez elles, dans leur maison, car c’est là qu’elles vont vivre leur propre résurrection, car c’est d’abord pour vivre sur terre qu’il nous est donné de prendre conscience de la résurrection.


Pourquoi alors s’étonner si pour décrire une telle transformation, l’écrivain biblique a eu recours à la description d’un ange de lumière. Il a traduit ainsi l’émerveillement qu’il a ressenti, car l’expérience de la foi est intraduisible dans notre langage usuel et quand on l’exprime il faut utiliser des images fortes pour qu’elle devienne accessible aux autres.


Ecoutez donc, frères et sœurs toutes ces voix intérieures qui créent en vous la certitude que la résurrection vous est donnée comme l’aboutissement de vos expériences spirituelles avec Dieu. C’est par elles qu’il crée en vous l’être nouveau dont il a besoin pour provoquer vos semblables afin qu’ils se laissent saisir à leur tour par l’aventure de la résurrection qui est en même temps une expérience de création et qui a pour effet de remplir le monde d'espérance.


illustrations Giovanni Bellini

vendredi 1 avril 2011

Matthieu 20:29-21-11 Les rameaux dimanche 17 avril 2011




Matthieu 20 /29-31 et 21/1-11


20/29

Lorsqu'ils sortirent de Jéricho, une grande foule suivit Jésus. 30 Or, deux aveugles assis au bord du chemin entendirent que Jésus passait et crièrent : Aie pitié de nous, Seigneur, Fils de David. 31 La foule leur faisait des reproches, pour les faire taire, mais ils crièrent plus fort : Aie pitié de nous, Seigneur, Fils de David. 32Jésus s'arrêta, les appela et dit : Que voulez-vous que je vous fasse ? 33 Ils lui dirent : Seigneur, que nos yeux s'ouvrent. 34 Saisi de compassion, Jésus toucha leurs yeux ; et aussitôt ils recouvrèrent la vue et le suivirent.


Entrée de Jésus à Jérusalem


21/1 Lorsqu'ils approchèrent de Jérusalem et qu'ils furent arrivés à Bethphagé, vers le mont des Oliviers, Jésus envoya deux disciples 2 en leur disant : Allez au village qui est devant vous ; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée, et un ânon avec elle ; détachez-les, et amenez-les-moi. 3 Si quelqu'un vous dit quelque chose, vous répondrez : Le Seigneur en a besoin. Et à l'instant il les laissera aller. 4 Or, ceci arriva afin que s'accomplisse la parole du prophète : 5Dites à la fille de Sion : Voici que ton roi vient à toi, Plein de douceur et monté sur une ânesse, Sur un ânon, le petit d'une bête de somme. 6 Les disciples allèrent et firent ce que Jésus leur avait ordonné. 7 Ils amenèrent l'ânesse et l'ânon, mirent sur eux leurs vêtements et le firent asseoir dessus. 8 La plupart des gens de la foule étendirent leurs vêtements sur le chemin ; d'autres coupèrent des branches aux arbres et les étendirent sur le chemin. 9 Les foules précédaient et suivaient Jésus en criant : Hosanna au Fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna dans les lieux très hauts ! 10 Lorsqu'il entra dans Jérusalem, toute la ville fut en émoi et l'on disait : Qui est celui-ci ? 11 Les foules répondaient : C'est Jésus, le prophète, de Nazareth en Galilée.


Les vendeurs chassés du temple


12 Jésus entra dans le temple, il chassa tous ceux qui vendaient et qui achetaient dans le temple, il renversa les tables des changeurs et les sièges des vendeurs de pigeons. 13 Et il leur dit : Il est écrit : Ma maison sera appelée une maison de prière.Mais vous, vous en faites une caverne de voleurs. 14 Des aveugles et des boiteux s'approchèrent de lui dans le temple. Et il les guérit. 15 Mais les principaux sacrificateurs et les scribes furent indignés, à la vue des merveilles qu'il avait faites, et des enfants qui criaient dans le temple : Hosanna au Fils de David. 16 Ils lui dirent : Entends-tu ce qu'ils disent ? Oui, leur répondit Jésus. N'avez-vous jamais lu ces paroles : Tu as tiré des louanges de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle ? 17 Il les laissa et sortit de la ville pour aller à Béthanie où il passa la nuit

.

Si nous avions été à Jérusalem ce jour là, aurions-nous été dans la foule qui acclame et gesticule ou parmi les disciples et les apôtres qui ici ne tiennent pas un très grand rôle ? Peut-être aurions-nous rejoint les rangs de ceux qui sur le bord du chemin se tenaient à distance, ne disaient rien et n’en pensaient pas moins. Ils étaient tellement discrets que Matthieu a oublié de les mentionner. Si aujourd’hui, ils se tiennent sur le bord du chemin et observent sans rien dire, demain ils seront les premiers à élever la voix pour demander la mort de Jésus. Je n’ose croire, pour ma part, que ce sont les mêmes qui aujourd’hui ont acclamé et qui demain conspueront. Pourtant, ce n’est pas exclu, tant l’âme humaine est versatile.


Il y a peut être encore un endroit où l’on pourrait trouver le lecteur, c’est parmi les marchands du Temple qui s’indignent de voir Jésus bousculer leurs étales. Nous serions, comme eux scandalisés qu’on nous empêche de faire notre négoce indispensable à la sérénité des offices religieux. Sans les marchands, l’autel serait déserté par les prêtres incapables de sacrifier, et sans le service des prêtres le pardon de Dieu ne pourrait être accordé aux pèlerins.

Il se peut encore que nous fassions partie des aveugles qui mendiaient sur l’esplanade et que Jésus a guéris. A ce propos, avez-vous remarqué que ce récit commençait par la guérison de deux aveugles et s’achevait par la guérison d’autres aveugles ? Il est vraisemblable que ce ne soit pas une coïncidence. Le fait que le récit soit encadré par deux guérisons d’aveugles laisse entendre que le lecteur doit se ranger parmi ces aveugles qui ont besoin qu’on leur ouvre les yeux pour qu’ils comprennent. Dans les deux cas, après avoir ouvert les yeux et recouvré la vue, ils saluent Jésus du titre de « Fils de David ». Il est donc nécessaire que Jésus nous ouvre les yeux à notre tour pour que nous reconnaissions en lui le « Fils de David ».


La question qui se pose à nous maintenant c’est de chercher à savoir ce que nous ne voyons pas afin qu’il soit nécessaire de nous ouvrir les yeux ? En fait, il nous sera sans doute plus facile de répondre si nous commençons par nous interroger sur ce que nous voyons et nous nous demanderons en quoi cela nous empêche de voir ce que nous devrions. Ce que nous voyons, c’est une manifestation populaire que l’Evangéliste Matthieu s’efforce de nous décrire comme une procession royale, semblable à celle qu’il y eut à l’époque de David, quand il désigna Salomon pour son successeur. Le jeune prince, monté sur la mule de David suivit le même chemin pour recevoir l’onction royale. (1)


Ce sont la tradition biblique et l’art de l’Evangéliste qui nous permettent de comprendre cela. Mais est-ce suffisant pour que Jésus soit obligé de nous ouvrir les yeux sur une autre réalité que nous ne voyons pas. Ce que nous ne voyons pas, c’est que cette pantomime est dérisoire, ridicule même. Si le calendrier de l’époque est respecté, (et pourquoi ne le serait-il pas ?) nous sommes dans le temps de la fête de Pourim, la fête des sorts qui commémorait l’histoire de la reine Esther. Cela donnait lieu à des réjouissances populaires au début du printemps comme dans un carnaval.


Pour ce qui est de notre récit et compte tenu du calendrier et de la modestie de l’événement, les gardes n’ont pas réagi. Ce qu’on ne voit pas non plus, c’est le rôle ridicule que Jésus, le rabbi contestataire devenu célèbre a accepté de tenir en laissant la vedette à un âne. L’auteur de l’Evangile a assez insisté sur le rôle tenu par l’ânon pour qu’on ne le passe pas sous silence. En fait, il est ici question de deux animaux : l’ânon et sa mère. L’Evangile de Matthieu ne nous dit pas sur lequel des deux Jésus est juché : Le petit ou sa mère ? Nous pouvons penser qu’il est assis sur la mère. Et bien non, les 3 autres évangiles qui nous relatent le même événement le placent sur l’ânon ce qui rend la situation encore plus incongrue.


Mais nous ne nous sommes pas encore arrêtés sur l’aspect symbolique de cette histoire. En fait, le but de cette procession était d’arriver au Temple, d’y créer une bousculade afin que Jésus y prononce une parole symbolique qu’il a empruntée à la tradition prophétique : « Ma maison est une maison de prière et vous en avez fait une caverne de voleurs » Certes, il parlait du Temple, mais sous la plume des écrivains de l’Evangile le mot « Temple » a pris d’autres significations et c’est sur ce point qu’il nous faut ouvrir les yeux.


Nous savons que pour l’Evangile de Jean le Temple est identifié au corps du Christ. : Il parlait du « Temple de son corps est-il dit en Jean 2/21 » Pour que le corps de Jésus soit identifié au Temple, il faut qu’il soit débarrassé de tout ce que les hommes lui ont rajouté. Chaque génération a apporté son lot de traditions qui ont donné un aspect particulier à la personne de Jésus, ne serait-ce que toute la piété de Noël, avec ses rois mages, et ses légions d’anges. Ce n’est là qu’un exemple et chaque tradition doit faire le ménage dans ses propres interprétations.


Jésus par ce geste attire l’attention sur le risque que court l’Eglise si elle laisse s’agglutiner sur sa personne toutes sortes d’ajouts qui modifient son aspect au point de le rendre méconnaissable. Jésus voulait que l’on voit en lui cet héritier de David qui est salué par les aveugles du titre de « Fils de David ». Il voulait qu’on le perçoivent comme conforme à la tradition des prophètes. En suivant Jésus et en cherchant à l’imiter, les hommes à sa suite deviendront, comme lui et à leur tour le Temple de Seigneur.


Les hommes, selon la parole de Paul en 1 Corinthiens 3/16 s sont appelés à être le temple du Seigneur. Cette image n’a sans doute pas été inventée par Paul, elle devait avoir cours dans la première église, mais elle était trop provocante pour être retenue par les Evangiles. Pour notre part, nous la retiendrons cependant comme une allégorie possible pour le temple. Dans ce cas, le lecteur en devient le personnage central. De ce fait il me semble évident que l’ânon cesse de jouer un rôle quelconque. En effet, puisque le lecteur lui-même se trouve prendre sa part à l’événement, il en pend la place centrale, son rôle est alors de porter le Christ à la place de l’âne et c’est par son action que Jésus devient vraiment le Messie, le fils de David.

En grimpant vers le faîte de la colline couronnée par le temple, c’est vers nous que vient le Christ puisque c’est nous, maintenant qui sommes destinés à être le Temple. En le purifiant, Jésus s’empare de notre personne à qui il demande d’assumer sa royauté. Il laisse à chaque croyant le soin d’en dessiner les contours car Jésus ne peut régner vraiment que si son règne est révélé par ceux qui le portent.


C’est eux maintenant qui assument le rôle de l’âne. Ce n’est ni une royauté terrestre que Jésus exerce comme serait celle d’un Seigneur de la guerre, ce n’est pas non plus une royauté céleste qui ne concerneraient que les anges. La royauté de Jésus est faite de ce que les croyants manifestent de lui. Il règne sur nous avec le pouvoir que nous lui concédons.


C’est bien là où nous en sommes aujourd’hui. Jésus nous a dit, mais est-ce besoin de le répéter, que son seul pouvoir réside dans l’amour et que sa seule force est dans la justice ? Il préconise le partage de toutes choses et nous invite a faire du mieux-être de nos semblables le centre de nos préoccupations. Chacun de nous s’efforce d’ajuster au mieux son comportement à cette volonté du Seigneur. Cela peut prendre une part insignifiante dans ses actions, cela peut aussi prendre beaucoup de place. C’est nous seuls qui le savons en fonction de l’intérêt que nous portons à Jésus.


Jésus, quant à lui, n’utilisera jamais la force mais la conviction pour nous persuader d’en faire davantage. C’est sur ce point qu’il est nécessaire qu’il nous ouvre les yeux afin que nous discernions quel rôle nous avons à jouer dans la manifestation de sa royauté. C’est pour cela qu’il faut que Jésus chasse de son temple, que nous sommes, toutes les fausses piétés pour laisser la place à la vraie adoration. C’est alors que le saint Esprit permettra à nos yeux d’aveugles de s’ouvrir.


(1) 1 Rois 1/32-2/11

Illustrations: Les Riches heures du Duc de Berry : Limbourg brothers 1416