lundi 22 février 2016

Luc 19:28-40 (41-46) Les Rameaux - dimanche 20 mars 2016



Après avoir ainsi parlé, il partit en avant et monta vers Jérusalem. 29 Lorsqu'il approcha de Bethphagé et de Béthanie, près du mont dit des Oliviers, il envoya deux de ses disciples, 30 en disant : Allez au village qui est en face ; quand vous y serez entrés, vous trouverez un ânon attaché, sur lequel aucun homme ne s'est jamais assis ; détachez-le et amenez-le. 31 Si quelqu'un vous demande : « Pourquoi le détachez-vous ? », vous lui direz : « Le Seigneur en a besoin. » 32 Ceux qui avaient été envoyés s'en allèrent et trouvèrent les choses comme il leur avait dit. 33 Comme ils détachaient l'ânon, ses maîtres leur dirent : Pourquoi détachez-vous l'ânon ? 34 Ils répondirent : Le Seigneur en a besoin. 35 Et ils l'amenèrent à Jésus ; puis ils jetèrent leurs vêtements sur l'ânon et firent monter Jésus. 36 A mesure qu'il avançait, les gens étendaient leurs vêtements sur le chemin. 37 Il approchait déjà de la descente du mont des Oliviers lorsque toute la multitude des disciples, tout joyeux, se mirent à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu'ils avaient vus. 38 Ils disaient : Béni soit celui qui vient, le roi, au nom du Seigneur ! Paix dans le ciel et gloire dans les lieux très hauts ! 39Quelques pharisiens, du milieu de la foule, lui dirent : Maître, rabroue tes disciples ! 40 Il répondit : Je vous le dis, si eux se taisent, ce sont les pierres qui crieront !
Jésus pleure sur Jérusalem

41 Quand, approchant, il vit la ville, il pleura sur elle 42en disant : Si toi aussi tu avais su, en ce jour, comment trouver la paix ! Mais maintenant cela t'est caché. 43 Car des jours viendront sur toi où tes ennemis t'entoureront de palissades, t'encercleront et te presseront de toutes parts ; 44 ils t'écraseront, toi et tes enfants au milieu de toi, et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n'as pas reconnu le temps de l'intervention divine.

Jésus chasse les vendeurs du temple

45 Entré dans le temple, il se mit à chasser les marchands 46 en leur disant : Il est écrit : Ma maison sera une maison de prière. Mais vous, vous en avez fait une caverne de bandits.



Luc 19/28-40

Sermon du 14 avril 2019


Nous nous plaisons à repérer les merveilles de Dieu dans les beautés de la nature. Nous  disons que les espaces infinis sont témoins de sa grandeur  et que sa toute-puissance se révèle dans l’harmonie de  l’univers. Par contre, il est aussi possible de contempler les merveilles de Dieu dans la qualité des relations qui peuvent s’établir entre lui et les créatures vivantes. Quand la Bible cherche à nous faire comprendre la grandeur  de Dieu elle nous parle surtout d’amour, de partage, de miséricorde ou de pardon. Il semblerait plutôt que ce soit à partir de ces sentiments que je viens d’énoncer que  Dieu cherche à se révéler au monde et il invite les hommes à intervenir dans la marche des nations en usant de ces qualités plutôt que de s’émerveiller sur  ce qu’il y a de prodigieusement divin  dans  le raffinement subtile de l’infiniment petit ou dans ce qu’il y a de grandiose dans l’infiniment grand. C’est en invitant les hommes à user de ces sentiments que Dieu cherche à piloter le monde, mais ça ne se passe pas toujours comme il le voudrait. Et quand les hommes n’agissent pas selon ses désirs, c’est lui Dieu qui en devient malheureux et il en souffre profondément.


Pourtant, il ne se reconnait pas la possibilité de modifier le cours des choses afin que ça se passe comme il l’a prévu. Si les choses évoluent heureusement, c’est que les hommes sont entrés dans ses projets et ont décidés d’agir selon ce qu’ils ont compris de Dieu. En nous enseignant  ces choses, Jésus ne peut s’empêcher de prendre à son compte la tristesse de Dieu quand les hommes ne l’entendent pas et ne l’écoutent pas. Ici, dans cette traversée de Jérusalem,  il ne peut s’empêcher de pleurer quand il entrevoit  l’avenir d’une société qui s’égare en se détournant de Dieu sans même s’en rendre compte. Dans ce récit, il verse des larmes sur son  pays  en songeant à son avenir. Il  le voit avec clairvoyance. Déjà il pressent que le conflit latent des juifs et des romains va mal finir  et qu’il se terminera par une guerre  dont les conséquences seront terribles. On l’appellera la guerre des juifs, et amènera l’anéantissement de leur société. Jésus pleure sur Jérusalem alors que ses habitants et que ses dirigeants, prêtres,  scribes et pharisiens,  n’ont encore rien compris du message constant que Dieu adresse à son peuple par la voix des prophètes  et selon lequel l’avenir ne peut se régler par la violence à laquelle Dieu ne s’associe  jamais, même pour sauver l’honneur de son nom quand celui-ci est mis en cause.


Jésus  s’est attaché, pendant tout son ministère à mettre ces vérités en valeur.  L’honneur de Dieu dépend davantage de la manière dont les hommes pratiqueront l’amour entre eux que de la sauvegarde de sa dignité.  Jésus s’est attaché  à ce que le respect de la loi auquel ses contemporains étaient si attachés,  vise davantage à respecter la vie des autres, même des plus modestes, que la préservation de l’honneur de Dieu.  Luc, L’auteur de l’Evangile qui nous rapporte cet événement a mis au cœur de ce récit la description des  pleurs de Jésus  sur l’avenir de la nation qui va droit à la catastrophe parce que ses contemporains préféreront défendre l’honneur de Dieu bafoué par les romains en usant de leurs armes, plutôt que de pratiquer  l’amour du prochain sous toutes ses formes possibles.  Luc  écrivit son Evangile plusieurs années après que ces événements se soient produits, si bien qu’il peut  nous rapporter avec précision comment Jésus a vu prophétiquement  les conséquences que pouvaient entraîner le déchainement de la violence que jamais Dieu n’a préconisé, ni Jésus encouragé. 


Malgré les gestes courageux des prêtres qui  ont préféré brûler dans l’incendie du temple plutôt que de se faire prendre,  aucune action significative de Dieu n’a pu être discernée, et il ne semble pas avoir pesé par son intervention sur l’issue des combats. Jésus savait que l’entêtement des pharisiens à s’enfermer dans leur interprétation de la Loi  amènerait tôt ou tard leur perte. C’est ce qu’il a voulu faire comprendre en provoquant cet événement que nous célébrons sous le nom  de dimanche des Rameaux. Même s’il met ici en valeur l’amour de Dieu pour les hommes et que les hommes présents y participèrent en se mêlant à la joie populaire  savamment organisée, Jésus sait bien que cet épiphénomène ne changera rien. Les hommes, ce jour-là séduits par ses propos et par l’ambiance qu’il  créée, le renieront quelques jours plus tard, l’abandonneront au pouvoir de ceux qui le crucifieront et oublieront ses propos.  En acceptant de mourir quelques jours plus tard pour mettre en évidence toutes les valeurs de l’amour, Jésus révèle que l’amour  devient la seule clé possible pour comprendre la volonté de Dieu.


Cet événement qui raconte  la traversée de Jérusalem par Jésus sur un âne est comme une forme d’enseignement en acte, savamment mis en scène par lui.  Jésus agit  ici comme  un bon technicien de la communication. Tous les détails de la scène ont savamment été préparés par lui et rien n’a été improvisé.  Il lui fallait la participation d’un âne pour évoquer l’intronisation royale de Salomon que  Jésus propose   de s’attribuer à lui-même. Jésus a dû mettre dans le coup le propriétaire de l’animal qui le confiera à ses  disciples contre un mot de passe : « le Seigneur en a besoin». C’est dire la prudence de Jésus.  L’âne joue ici un rôle important. Dans ce court récit qui en rend compte,  il n’a pas fallu moins de 7 versets sur 18 pour décrire l’action du petit bourricot qui devient le héros du jour. Tout ça pour un âne ! Il est  pourtant si humble et si modeste que personne ne fait attention à lui 


Pourtant, c’est bien le petit âne ici qui prend Jésus en charge.  Chacun a compris qu’il est invité à jouer   le même rôle que lui, car il s’agit pour lui comme pour nous de porter Jésus. Si vous êtes  donc de bons chrétiens, vous devez vous comporter comme des  ânes  et porter Jésus humblement et sans prétention. 


L’histoire se répète, Jésus  reconstitue par ce spectacle qu’il donne à la foule, la scène  au cours de laquelle Salomon fut intronisé roi par  son père David. Il suivi le même parcours pour rejoindre le temple caracolant sur un âne lui aussi. 


Le message est clair, chacun comprend qu’il a vocation de porter Jésus et de pratiquer son évangile d’amour. En agissant ainsi, il  participe à la royauté de Jésus  en œuvrant à la construction du Royaume de Dieu dont Jésus est l’initiateur. Jésus ne sera vraiment roi, et son règne se sera effectif que si, comme un âne nous prenons l’Evangile en charge et le portons à la connaissance de nos contemporains. Si nous ne le faisons pas le monde sera en danger  de ne pas comprendre la volonté de Dieu, comme ce fut le cas lors de la guerre des juifs qui pourrait se répéter à chaque génération.


Chacun a peut-être eu du mal à comprendre tout cela car la scène a du se passer très vite. Nous l’avons compris, Jésus était clairvoyant, le bruit de la foule en liesse a certainement attiré l’attention de la garde et l’affaire aurait pu tourner mal si on ne s’était hâté de libérer la place avant  qu’elle ne fasse cesser la manifestation. Heureux celui qui a compris ce message pendant les courts instants que cette scène a durée. 


Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Elle ne s’arrête pas, comme cela aurait pu se faire,  sur  une intervention violente des soldats de Pilate qui auraient pu interrompre l’événement, mais sur un geste de violence délibérément provoqué par Jésus lui-même en entrant sur le parvis du temple au sommet du chemin  qu’il suivait et qui le conduisait au sanctuaire. Pourquoi chassa-t-il les marchands à coups de fouet ?  Beaucoup ont donné des avis contradictoires. Pour ma part, il me semble qu’en agissant ainsi Jésus dénonçait la vanité de la violence. Il savait qu’il ne changerait rien aux rites du temple ni à ses sacrifices sanglants, il savait aussi qu’il n’allait pas non plus modifier la théologie des prêtres ni leur prédication qu’il critiquait chaque fois qu’il prenait la parole. Il savait que la révolution spirituelle qu’il était venue apportée ne  se ferait pas plus vite. Jésus montrait  en agissant ainsi que  rien ne changerait par la violence, mais que tout serait possible par l’amour et la douceur. Jésus démontrait ainsi par cette violence gratuite, que la violence ne sert à rien et que Dieu jamais ne s’y associerait pour faire avancer les choses. 



Sermon du 20 mars 2016
- Dans votre enfance, n’étiez-vous pas fascinés par les aventures des Trois mousquetaires ou de Robin des bois? Si bien sûr! Et puis un jour, les personnages ont perdu leur attrait et si vous n’avez plus du tout rêvé en pensant à eux, c’est que vous aviez grandi. Si vous êtes devenus moins sensibles c’est que vous avez perdu vos illusions et que votre faculté de rêver s’est affadie.

Pour comprendre toute cette histoire que nous avons lue, il va falloir que nous fassions un effort sur nous-mêmes pour revenir à l’époque candide de notre enfance et retrouver en d’Artagnan et Robin des bois les héros qui nous avaient fascinés.  Ces héros avaient consacré leur vie à sauver l’honneur de leurs rois. Ils avaient accepté de tout sacrifier pour que Richard Cœur de Lion, redevienne roi d’Angleterre ou que le Roi Louis XIII ne perde pas son honneur face aux intrigues du Cardinal. Ils étaient liés corps et âme à la personne de leur roi. Jésus ranime en nous ces sentiments d’absolu que seuls les enfants du CM2 ont encore.

Il organise donc une parodie de procession royale au cours de laquelle il fait appel à nos sentiments les plus nobles. Il réclame de ceux qui participent à cette aventure qu’ils aient envers lui la même fidélité que celle que les partisans de Robin des Bois avaient pour Richard Cœur de Lion. Les romanciers qui ont imaginé ces récits avaient inventé des hommes dont la grandeur d’âme était telle qu’ils s’engageaient à mourir si nécessaire pour leur roi. C’est cette loyauté là que Jésus revendique de notre part pour lui.

Il organise alors une saynète, dans laquelle il se donne le premier rôle et où il propose à ses amis de jouer le rôle des ses sujets. Bien sûr il pense aux rois David et Salomon. Pardonnez-moi si j’ai extrapolé en utilisant des héros d’un autre siècle pour introduire mon propos, mais ceux que j’ai choisis vous sont sans doute plus familiers. Jésus organise donc un jeu de rôle dont ses amis doivent tirer la leçon.

La Leçon dépasse bien sûr la fiction. Il appartient maintenant à chacun d’entre-nous de déterminer s’il accepte de se cantonner au niveau du jeu ou s’il court le risque de s’investir plus personnellement et de chercher à savoir ce que tout cela représente pour lui. Pour Jésus, on le sait, ce n’est pas seulement un jeu, il entend bien être roi, non pas roi de carnaval dont il joue le rôle ici, non pas, non plus le roi politique dont Pilate cherchera à l’affubler du titre, mais il veut être le roi de nos vies intérieures, le roi qui gère notre avenir et notre devenir.

Nous seuls savons quel rôle nous décidons qu’il va tenir dans notre existence.  Si aujourd’hui, nous célébrons Jésus comme notre roi, ce ne sera pas pour le trahir demain en faisant comme s’il n’avait rien à voir dans notre existence.

Si cette histoire nous est rapportée dans l’Évangile, c’est que les évangélistes ont fort bien compris qu’il fallait proposer ce jeu de rôle à chaque génération de chrétiens. A chacun de nous, chaque année, à cette même époque, il nous est proposé de nous déterminer au sujet du pouvoir que nous laissons à Jésus le soin de prendre sur nous. Notre relation à Jésus est-elle seulement une relation de façade ou intériorisons-nous cette histoire? Acceptons-nous de rentrer dans le jeu et acceptons-nous de lui abandonner notre vie, notre âme et comme les mousquetaires acceptons-nous de mettre notre épée à son service pour le meilleur et pour le pire?

Notre épée, n'est pas pour nous une arme pour se protéger dans quelque combat violent, c’est tout ce dont nous disposons, c’est notre métier, nos capacités intellectuelles ou physiques, c’est tout ce qui nous rend forts aux yeux des hommes. Quand les mousquetaires mettaient leur épée au service du roi, ils n’en attendaient rien de lui,  leur seule récompense était la satisfaction du devoir accompli. Leur relation avec leur roi s’arrêtait là et ça leur suffisait. Quant à Jésus apparemment il ne nous en propose pas davantage, si non, et ce n’est pas rien, de remplir notre âme de paix et de sérénité. Mais le récit ne s’arrête pas là seulement. Nous sortons du jeu de rôle et nous entrons  dans une aventure d’une autre nature.

Jésus poursuit sa montée vers le Temple dans lequel il va jeter le trouble. Il entraîne dans cette entreprise ceux qui le suivent. Là, dans ce Lieu Saint il  bouscule les étales des commerçants et des changeurs de monnaie. « Il met de l’ordre dans la maison de son Père », dit-il. Il se donne lui-même en spectacle et chacun doit en tirer la leçon en se demandant ce que signifie le fait qu’il est venu mettre de l’ordre dans le lieu de prière.

Jésus en se  livrant  dans le temple à une cène de bousculade,  essaye de nous dire que notre âme est, elle aussi un temple dédié  à l’Éternel, un lieu où se formulent les prières qui lui sont adressées. Paul ne dira-t-il pas que notre corps est un temple pour Dieu et Jésus lui-même parlera du temple de son propre corps ? Dans ce temple là aussi, il y a du ménage à faire.  Il faut donc, pour que Jésus soit parfaitement notre roi, qu’il s’empare de toute notre personne, qu’il y mette de l’ordre et qu’il nous rende aptes à rendre un culte raisonnable au Seigneur.

La royauté de Jésus se fait donc en deux temps pour nous. Dans un premier temps nous l’acceptons pour roi, et dans un deuxième temps, il se met à régner en nous. Il me semble que dans ce passage pour lequel j’ai volontairement fait une lecture allégorique, il nous est suggéré que pour réaliser notre vocation de créature du Seigneur il nous faut accepter Jésus comme roi. Cela dépend de nous, de notre choix et de notre désir. Jésus ne s’impose nullement à nous, il s’offre à nous.

Si nous lui faisons allégeance, il nous, faut courir le risque d’être incompris des autres, d’être rejeté ou d’avoir l’air ridicule, l’allégeance à Jésus n’est pas gratifiante, elle n’apporte apparemment aucun avantage, mais elle fait naître en nous l’espérance et ouvre en nous une vie intérieure qui met notre âme en paix. Mais tout cela n’est que la première partie de l’opération, il faut maintenant que Jésus se mette à l’œuvre pour travailler notre âme de l’intérieur. Et c’est là que le bât nous blesse, c’est là que nous renâclons. 

En effet, choisir Jésus pour roi correspond bien à notre libre choix. Et par ce libre choix, nous affirmons la gratuité du salut, le salut par la foi, "la sola fide," chère aux Réformateurs et nous nous en tenons là. Nous répugnons alors à laisser Jésus travailler en nous pour transformer notre être intérieur, afin que notre vie devienne conforme à la foi que nous professons. Nous répugnons à nous laisser manipuler par Jésus pour qu’il redresse ce qu’il y a de tordu en nous. Nous avons du mal à accepter Jésus dans le rôle de Kinésithérapeute de nos âmes. Pourtant, il faut que Jésus entreprenne un combat contre nous-mêmes pour que notre vie lui soit toute dédiée et que tout notre être devienne un Temple consacré à l’Éternel.

Cela ne peut être que le fruit d’un long combat que Jésus mène dans le cœur de tous les croyants pour qu’ils soient en accord avec la foi qu’ils professent. Ce combat provoque en nous la repentance qui nous conduit à accepter le pardon déjà donné, mais pas forcément accepté. A mesure que Jésus s’empare de notre personne, à mesure que nous prenons conscience du pardon, à mesure que le Temple de notre corps s’ouvre aux exigences du Seigneur, s’établit en nous une sérénité qui nous fait entrer lentement dans la plénitude de Dieu. Cet effet est le fruit de la résurrection qui s’installe en nous.

mardi 16 février 2016

Jean 8:1-8 La femme adultère - dimanche 13 mars 2016


1 Jésus se rendit au mont des Oliviers. 2 Mais dès le matin, il retourna au temple, et tout le peuple vint à lui. S'étant assis, il les instruisait. 3 Alors les scribes et les pharisiens amènent une femme surprise en adultère, la placent au milieu 4 et lui disent : Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d'adultère. 5 Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes : toi, donc, que dis-tu ? 6 Ils disaient cela pour le mettre à l'épreuve, afin de pouvoir l'accuser. Mais Jésus se baissa et se mit à écrire avec le doigt sur la terre. 7 Comme ils continuaient à l'interroger, il se redressa et leur dit : Que celui de vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre ! 8 De nouveau il se baissa et se mit à écrire sur la terre. 9 Quand ils entendirent cela, ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus âgés. Et il resta seul avec la femme qui était là, au milieu. 10 Alors Jésus se redressa et lui dit : Eh bien, femme, où sont-ils passés ? Personne ne t'a donc condamnée ? 11 Elle répondit : Personne, Seigneur. Jésus dit : Moi non plus, je ne te condamne pas ; va, et désormais ne pèche plus.]


Si on voulait résumer en quelques mots l’enseignement de Jésus pour lequel ses amis ont consacré quatre évangiles, c’est à  coup sûr,  la conclusion de cet épisode de la femme adultère qu’il faudrait prendre : «  moi non plus, je ne te condamne pas ! » Jésus, parlant au nom de Dieu ne condamne pas les simples pécheurs ni les pécheurs scandaleux, ni les autres. Il  ne prive personne ni de l’amour ni de la grâce de Dieu, même pas  ceux que la justice des hommes condamne à de lourdes peines ou même à la mort.  A tous Jésus offre la vie.  

Dans ce passage, vous avez sans  doute  admiré la manière dont Jésus s’était sorti de piège remarquablement tendu par ses adversaires. Mais sommes-nous bien sûrs d’avoir compris ce qui s’était passé, car Jésus ne s’est pas livré à une entourloupette juridique comme le font les grands avocats pour  que leurs clients échappent à une peine méritée. Jésus n’a pas cherché à sauver la femme par des artifices juridiques, mais elle a quand même été sauvée. Ceux qui ont compris l’attitude de Jésus n’ont pas forcément accepté sa conclusion du pardon universel sans condition. Sans condition avez-vous dit ? Sans condition, avons-nous dit !

Si j’en crois la manière dont ce texte a été reçu dans le canon de l’Évangile de Jean, je dirais que les premiers chrétiens ont eu du mal à s’approprier la conclusion de Jésus et à la considérer comme l’aboutissement normal de son Évangile.  Pendant 3 siècles les premiers fragments  des parchemins de l’Évangile  de Jean qui nous sont parvenus n’ont  pas fait état de cet épisode. Ce n’est qu’au quatrième siècle qu’on l’a vu  apparaître une seule fois en finale de l’Évangile de Luc, puis  lentement il  s’est  imposé comme partie intégrante de l’Évangile de Jean. La chose est curieuse et mériterait de plus amples commentaires,  d’ailleurs, selon les spécialistes du texte, ce récit relève plus du style de Luc que de celui de Jean. En fait pendant  longtemps ce texte a fait la navette entre les deux Évangile, tantôt accepté par les copistes  de  l’un tantôt  refusé par les autres.  Toutes ces hésitations plaident d’ailleurs en faveur de son authenticité. Ce n’est sans doute pas le récit en soi qui était ainsi discuté, mais sa conclusion. Il serait donc mal venu de critiquer les scribes et les pharisiens qui soupçonnent Jésus de laxisme, L’Église aussi l’a fait à propos de ce texte.

Jésus annonçait le pardon des péchés sans aucune contrepartie. Les plus grands pécheurs seraient accueillis devant Dieu de la même façon que  les moins fautifs ! C’est tellement choquant qu’on a essayé de minimiser la situation et d’innocenter la femme en se faisant son avocat. On va inventer toutes sortes d’arguments  pour justifier les propos de Jésus et les rendre acceptables.  On a fait valoir que son complice ne comparaissait  pas avec elle, or, pour  qu’un adultère soit flagrant, comme il est dit ici, il faut que le complice soit cité en même temps que l’accusé. Ce n’est pas le cas ici.  Pour qu’il y ait procès, car c’est bien d’un procès qu’il s’agit, il faut un plaignant, or le seul plaignant habilité en l’occurrence serait le mari. Il n’est pas présent non plus et ne se présente pas en accusateur. Cette mise en scène était donc un piège pour faire tomber Jésus et il n’y est pas tombé. Après ces commentaires la femme, ne semblait pas coupable. Personne ne s’y trompe et on se réjouit de voir que Jésus s’en sort habilement, comme toujours.

Ceux qui ont une sérieuse culture biblique verront dans ce récit une parenté avec l’histoire de Suzanne et des vieillards que l’on trouve dans l’apocryphe de Daniel, ignoré des publications protestantes de la Bible. Suzanne se baignait dans son jardin clos de murs, cette imprudente avait bien le droit d’être ainsi dévêtue dans ce lieu privé ! Deux  vieillards regardant par où il ne fallait pas,  contemplèrent la scène et tentèrent d’abuser de la baigneuse.  Celle-ci  résista  et ne succomba pas. Par esprit de vengeance, les deux vieillards lubriques, juges pour la communauté juive à Babylone, l’accusèrent d’adultère en lui inventant un partenaire, et tant qu’à faire jeune et beau. Elle fut condamnée à mort et aurait été exécuté si Daniel n’avait eu l’idée de faire interroger les vieillards séparément. Ils se contredirent bien évidemment. C’est eux qui furent alors  condamnés et exécutés. L’histoire est belle, la morale est sauve, mais ce n’est pas du tout le cas de l’histoire dans laquelle on sollicite l’avis de Jésus, et tout essai de rapprocher les deux textes, comme on l’a souvent fait  nuirait à la compréhension de l’Evangile.

 Jésus  n’essaye pas de disculper la femme, il ne prend pas à son compte les arguments que nous avions développés pour la disculper.  Il la considère comme coupable et demande qu’on la lapide, ce qui ne se faisait plus à l’époque, mais  il ajoute une  condition, celle de la nécessité de  l’absence de péché des bourreaux. Tous se dégonflent.

Jésus ne veut pas savoir si elle est coupable où non. Il fait valoir un principe qui est  incontournable, pour lui et donc pour Dieu, bien qu’on en discute encore aujourd’hui, c’est le droit absolu à la vie sans aucune restriction. C’est en regardant le texte d’un peu plus près que nous comprendrons ce que son auteur veut nous faire comprendre. Assis parterre, Jésus face à l’accusée, sans regarder personne,  écrit avec son doigt  dans la poussière. Tout ici prend du sens. Jésus regarde à terre et écrit avec son doigt comme jadis Dieu le fit sur les tables de la  loi cassées par Moïse au Sinaï.

La loi, en vigueur à cette époque n’était donc que le pale reflet des tables écrites par Moïse. Elles attendaient une réédition de Dieu quand le peuple serait prêt à la recevoir. L’était-il ? Le sommes-nous ? Cette réflexion éclaire la suite.   Si Jésus écrit dans la poussière, c’est que l’homme en a été issu et  qu’il y retournera. Jésus est donc en train d’écrite avec son doigt  la nouvelle loi, comme Dieu le fit avec Moïse. Il le fait dans la poussière, l’élément qui constitue la structure même l’humanité. Puis, le texte étant écrit, il se redresse et cette fois il regarde les hommes et les enjoint à appliquer la loi dont ils se réclament. Lapidez-là si la loi ordonne la mort. Mais cette loi venue de Dieu ne peut être appliquée que par celui qui en est digne. Elle ne peut être appliquée  que par une main sans péché.

Aucun humain n’en  est digne, Jésus ne le dit pas explicitement, mais tous comprennent.  On ne peut en rester là !  Heureux  celui qui comprendra la suite, il pourra alors avancer sur le chemin de la compréhension de Dieu.  Le regard de Jésus se tourne à nouveau  vers le sol, il ne regarde personne, chacun se retire jugé par sa propre conscience, mais pas par Jésus qui ne regarde pas  puisqu’il regarde à terre et poursuit son écriture. A coup sûr ce sont des paroles de vie qu’il écrit dans la poussière, c'est-à-dire dans les fondements de notre humanité. Cette poussière insignifiante que l’on méprise en la foulant au pied  est désormais porteuse de la vie que Dieu nous demande de respecter comme le bien le plus précieux dont dépend  l’humanité et dont personne ne peut disposer.

Et la femme ? Il est normal de s’intéresser à son sort avant de conclure. L’histoire personnelle de cette femme marque ici un temps d’arrêt mais elle ne s’arrête pas pour autant. N’ayant reçu aucun condamnation, elle  peut retourner  normalement à la vie. Etai-elle coupable ? Sans doute, car on n’aurait pas pu monter un tel piège avec une innocente comme appât.  Si elle avait été innocente, Jésus n’aurait pas pu tirer les conclusions qu’il a tirées, mais sa faute, même avérée ne suffisait pas à l’empêcher de vivre et Jésus  lui a ouvert un chemin de vie. S’il lui dit de ne plus pécher, ce n’est pas  d’adultère qu’il  parle, c’est de cette situation qui consiste à se considérer comme  séparé de Dieu quand on se sait coupable, car c’est cela le péché, c’est être séparé de Dieu. Or  Dieu n’exclut personne c’est pourquoi il nous  pardonne tous. Quand ils ont compris cela, ce texte a paru irrecevable, même aux évangélistes. Et pour nous qu’en est-il ? Quant à la repentance  dont on n’a pas parlé et que Jésus ne demande pas à cette femme, c’est une autre histoire, c’est une histoire entre Dieu et nous qui n’a pas sa place ici.

jeudi 11 février 2016

2 Corintiens 5 :17-21 Conflit avec Dieu et réconciliation - dimanche 6 mars 2016



2 Corinthiens  5 :17-1   Réconciliation avec Dieu


17 Si quelqu'un est dans le Christ, c'est une création nouvelle. Ce qui est ancien est passé : il y a là du nouveau. 18 Et tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par le Christ, et qui nous a donné le ministère de la réconciliation. 19 Car Dieu était dans le Christ, réconciliant le monde avec lui-même, sans tenir compte aux humains de leurs fautes, et mettant en nous la parole de la réconciliation.

20 Nous sommes donc ambassadeurs pour le Christ ; c'est Dieu qui encourage par notre entremise ; au nom du Christ, nous supplions : Laissez-vous réconcilier avec Dieu ! 21 Celui qui n'a pas connu le péché, il l'a fait pour nous péché, afin qu'en lui nous devenions justice de Dieu.
 

Ce  monde sous certains aspects est perçu comme  intolérable. C’est de la faute de Dieu disent les uns, c’est de la faute des hommes pensent les autres. Il  s’établit entre l’humanité pensante et Dieu comme un profond désaccord  où tous semblent s’accuser  les uns les autres. D’un côté pensent certains, Dieu endosse  le costume du vengeur masqué et rend les hommes responsables de tout ce qui ne va pas. Il  les punit de leurs méfaits tandis que d’autres hommes prennent la défense Dieu en disant qu'il n'en est pas ainsi,  mais ne comprennent pas son silence face aux événements insoutenables qui se passent sous nos yeux, et lui en font grief. Les enjeux  semblent être posés entre colère de Dieu et silence de Dieu. Dans les deux cas de puissants théologiens et philosophes rivalisent sans imposer vraiment  une réponse crédible.
 
Des hommes, des femmes, des enfants périssent en tentant de traverser les flots pour sauver leur vie ! Ce ne peut pas être  la volonté de Dieu. Arrêtés par des frontières infranchissables,  des fugitifs  stagnent  dans des camps  où la faim et la soif les attendent. C’est une situation intolérable que rien ne justifie.  Quand   la nature s’en mêle et que  les flots  inexorables se gonflent sous l’action des pluies, quand la fonte des glaces  rend pour ceux qui les occupent leurs terres  inhabitables, c’est intolérable aussi et cela n’explique en rien le silence ou la colère de Dieu

D’un côté ce sont des humains qui sont chassés par d’autres humains, ailleurs, c’est la nature qui les rend indésirables. C’est inacceptable,  et nous ne cessons de le dire dans nos prières en rappelant à Dieu qu’il n’a pas créé les hommes pour ça et nous l’interrogeons pour  savoir les raisons de ces injustices. Mais rien de semble y faire.

Pourtant ce vent de panique et d'inquiétude ne souffle pas de partout. Ailleurs, dans d' autres coins de cette même planète, avec une inconscience évidente, d’autres hommes, poursuivent leur existence sans excitation excessive. Ils justifient leur inaction en accusant le destin pour mieux se disculper. Ainsi, ils peuvent se justifier sans trop se culpabiliser de  garder la bonne place qu’ils occupent au soleil. Il y a bien longtemps que le souci de Dieu n’accapare plus leurs esprits, ce qui ne les empêche pas de se demander pourquoi il en est ainsi. Ils restent persuadés que la planète s’en sortira, comme elle l'a toujours fait et que les crises de civilisation seront surmontées. Pourtant, sans vraiment prendre parti, la plupart des autres, sont bien conscients que personne n’est vraiment innocent et que tous ont un rôle à jouer mais tous se sentent bien impuissants.

Ces réflexions laissent apparaître  le fait qu’un un profond malentendu  s’est établi entre Dieu et l’humanité. Ce malentendu va en s’amplifiant et provoque notre foi en Dieu à tel point qu’elle en est ébranlée.  Pour beaucoup de croyants qui se  réclament de la Bible, beaucoup pensent, citations scripturaires à l’appui, que Dieu a voulu qu’il en soit ainsi car le péché des hommes  est devenu tel que Dieu  se résignerait  à abandonner les humains à leur triste sort. Un retour à une pratique religieuse plus authentique pourrait-il ramener Dieu à de meilleurs sentiments. Il semble que  rien n'y fait.

Avez-vous remarqués que depuis le début de ce propos, je n’ai pas encore prononcé le nom de Jésus Christ, comme si j’attendais le moment opportun pour le faire afin de   vous donner la clé de l’énigme. Si je Je ne l’ai pas prononcé c'est qu' habituellement, nous identifions l'action  de Jésus avec celle de Dieu.  On attend  de lui une solution miraculeuse qui  en échange de plus de piété renverserait le cours des choses.

Au cas où rien ne se produirait,  et dans  des pays d’une autre culture que la nôtre, on appelle sa mère au secours. Si j’en crois le site qui depuis quelques jours parasite mon ordinateur sur un appel à la piété mariale, ça marcherait, ou plus exactement les auteurs de ce site essayent  de me démontrer que ça marche. Mais les choses restent en l’état et on désespère de la solution.

Le seul constat que nous pouvons faire maintenant, c’est que, si ça ne marche pas, c’est qu’on s’y prend mal pour régler le conflit qui nous oppose à Dieu depuis si longtemps. Comme on ne peut tenir Dieu pour responsable, il est bien évident que la balle est dans notre camp et au lieu de regarder vers Dieu, il nous faut donc maintenant regarder vers les hommes.
 Nous voudrions que ça change, et ça ne change pas et  nos prières semblent s’adresser à un ciel qui demeure fermé.

A moins que, si  pour que ça change, c’est nous qui acceptions de changer et non pas Dieu ! C’est alors que nous entendrions sans doute la  voix de Jésus percer le silence de Dieu. Nous verrions le monde sous un autre angle et  l’espoir renaîtrait.

Depuis longtemps nous nous croyions en conflit avec Dieu, depuis  en fait que nous avons mal digéré cette vieille histoire de pomme qui nous est restée en travers de la  gorge. Sans doute nous l’avons extrapolée, nous la racontons autrement, mais nous sommes restés persuadés qu’il existe un conflit entre Dieu et nous depuis toujours. Nous croyons que Dieu est  courroucé à tout jamais contre l’humanité en état de péché constant. 

Pourtant, Jésus a consacré toute sa vie  à nous sortir de cette ténébreuse affaire et il s’est appliqué à nous faire comprendre que  tout cela ne pesait ni sur notre salut, ni sur le salut du monde et que  nous devrions rester persuadés que plus rien ne fait obstacle à l’amour que Dieu nous porte. Mais son enseignement n’a  pas suffi  à nous convaincre et  sa mort semble avoir tout fait rater.

Nous avons transféré notre culpabilité primitive au sujet  de la pomme sur la mort de Jésus. Nous nous sommes crus responsables de son supplice,  nous  nous culpabilisons de ses souffrances et nous en portons le poids. Pourtant nous n’avons  pas évacué pour autant la bonne nouvelle de notre réconciliation  avec Dieu par le ministère de sa croix. Mais nous n’en avons gardé que la moitié. Nous nous comportons comme si rien n’était changé  pour ce monde mais que les promesses de Jésus  se réaliseraient, pour nous les croyants, dans un au-delà éternel dont nous bénéficierions déjà  dans l’intimité de notre foi. Quant au monde actuel,  tout resterait en l’état.

Pourtant nous n’en restons   qu’à mi parcours. Jésus n’a pas souhaité qu’on s’arrête là.  Pour que les choses changent, il faut que les hommes changent. Pas quelques uns, mais tous ! Il a alors montré que c’est grâce à la mise en pratique de l’amour, qui est le seul instrument que Dieu nous ait donné pour gérer le monde,
que l’avenir deviendra meilleur et que la société des hommes sera sauvée. 

C’est le partage entre tous,  de la terre  et de ses promesses qui rendra l’avenir possible.  Il repose désormais sur la responsabilité des croyants et sur l’action des églises que le monde entier soit gagné à cette idée et  que tout et tous se mettent à changer. C’est cela qu’on appelle l’Évangélisation  du monde pour notre temps que nos Églises s’évertuent à mettre en pratique.