mercredi 28 avril 2010

L'avenir de l'Eglise Actes 15:1-29 dimanche 9 mai 2010



Actes 15 : 1-29

Chapitre 15

Désaccord à propos de la circoncision


1 Quelques hommes, qui étaient descendus de Judée, enseignaient aux frères : Si vous ne vous faites pas circoncire selon la coutume de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. 2 Paul et Barnabé ayant eu avec eux une violente dispute au cours du débat qui s'ensuivit, on décida que Paul, Barnabé et quelques autres des leurs monteraient à Jérusalem, devant les apôtres et les anciens, pour parler de cette question. 3 L'Eglise leur fournit ce dont ils avaient besoin pour le voyage. Comme ils passaient par la Phénicie et la Samarie, ils racontaient en détail la conversion des non-Juifs et causaient une grande joie à tous les frères. 4Arrivés à Jérusalem, ils furent accueillis par l'Eglise, les apôtres et les anciens, et ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux. 5 Alors quelques membres du parti des pharisiens qui étaient devenus croyants se levèrent pour dire qu'il fallait circoncire les non-Juifs et leur enjoindre d'observer la loi de Moïse. Le débat à Jérusalem 6 Les apôtres et les anciens se rassemblèrent pour examiner cette affaire. 7 Après un vif débat, Pierre se leva et leur dit : Mes frères, vous le savez : dès les tout premiers jours, Dieu a fait un choix parmi vous pour que, par ma bouche, les non-Juifs entendent la parole de la bonne nouvelle et deviennent croyants. 8 Et Dieu, qui connaît les cœurs, leur a rendu témoignage en leur donnant l'Esprit saint tout comme à nous ; 9 il n'a fait aucune différence entre nous et eux, puisqu'il a purifié leur cœur par la foi. 10 Maintenant donc, pourquoi provoquez-vous Dieu en imposant aux disciples un joug que ni nos pères ni nous-mêmes n'avons été capables de porter ? 11En fait, c'est par la grâce du Seigneur Jésus que nous croyons être sauvés, de la même manière qu'eux. 12Toute la multitude fit silence, et l'on écouta Barnabé et Paul raconter tous les signes et les prodiges que Dieu avait produits, par leur entremise, parmi les non-Juifs. 13Lorsqu'ils se turent, Jacques dit : Mes frères, écoutez-moi ! 14 Syméon a raconté comment, pour la première fois, Dieu est intervenu pour prendre parmi les nations un peuple à son nom. 15 Les paroles des prophètes s'accordent avec cela, comme il est écrit : 16 Après cela, je reviendrai et je relèverai la tente de David qui était tombée, j'en relèverai les ruines et je la redresserai, 17 afin que le reste des humains recherchent le Seigneur, oui, toutes les nations sur lesquelles mon nom a été invoqué, dit le Seigneur, qui fait ces choses 18 connues depuis toujours. 19 C'est pourquoi, moi, je suis d'avis de ne pas créer de difficultés aux non-Juifs qui se tournent vers Dieu, 20 mais de leur écrire qu'ils s'abstiennent des souillures des idoles, de l'inconduite sexuelle, des animaux étouffés et du sang. 21 Depuis les générations anciennes, en effet, Moïse a dans chaque ville des gens qui le proclament, puisqu'on le lit chaque sabbat dans les synagogues.

Une décision et une lettre communes

22 Alors il parut bon aux apôtres et aux anciens, ainsi qu'à toute l'Eglise, de choisir parmi eux des hommes et de les envoyer à Antioche avec Paul et Barnabé : Judas, appelé Barsabbas, et Silas, des dirigeants parmi les frères. 23 Ils les chargèrent de cette lettre : Vos frères, les apôtres et les anciens, aux frères non juifs qui sont à Antioche, en Syrie et en Cilicie, bonjour ! 24 Nous avons appris que quelques individus sortis de chez nous, auxquels nous n'avions donné aucun ordre, vous ont troublés et inquiétés par leurs discours. 25 Après nous être mis d'accord, il nous a paru bon de choisir des hommes et de vous les envoyer avec nos bien-aimés Barnabé et Paul, 26 eux qui ont livré leur vie pour le nom de notre Seigneur Jésus-Christ. 27 Nous avons donc envoyé Judas et Silas, qui vous apporteront de vive voix le même message. 28 En effet, il a paru bon à l'Esprit saint et à nous-mêmes de ne pas vous imposer d'autre fardeau que ce qui est indispensable : 29 que vous vous absteniez des viandes sacrifiées aux idoles, du sang, des animaux étouffés et de l'inconduite sexuelle ; vous ferez bien de vous garder de tout cela. Adieu.


Périodiquement des changements de situation provoquent les chrétiens et les amènent à s’interroger sur les comportements à suivre pour rester dans la droite ligne du salut. Les situations ont varié suivant les époques et chaque fois, il a fallu faire des choix. Ces choix ont imposé des ruptures qui ont provoqué des citions. Le Livre des Actes nous rapporte ici le récit de la première crise qui a bousculé l’Eglise naissante jusque dans ses fondations. Même si le ton du texte semble apaisant, on sent bien que la crise a été chaude. La question qui se posait était de savoir comment accueillir dans les rangs des fidèles des gens qui ne partageaient pas les mêmes traditions. En d’autres termes, il fallait savoir si la tradition millénaire, héritée de Moïse était toujours porteuse de salut et si elle n’était pas un obstacle sur le chemin de la foi pour les nouveaux venus d’origine grecque.

La question n’était pas anodine, elle concernait les fondements de la foi juive. Il fallait savoir si les fondements du Judaïsme et du Christianisme étaient les mêmes. Jésus le Christ était-il aussi le Messie d’Israël ? N’avait-il pas été circoncis le huitième jour ? Il n’avait d’ailleurs nullement interdit de pratiquer la circoncision. Avait-il remis en cause la Loi de Moïse ? Non bien sûr ! On pouvait tout au plus se souvenir qu’il avait interprété la Loi d’une manière libérale face au rigorisme des pharisiens, mais il n’avait jamais préconisé de rupture avec une tradition qui était chère à tous. Pouvait-on aller plus loin que l’avait fait Jésus ? Pouvait-on même formuler de nouvelles vérités qu’il n’avait pas lui-même formulées?


Il ne s’agissait plus d’apaiser les rigueurs d’une Loi devenue trop lourde à supporter. Il était question d’abolir tout un fragment de celle-ci. Il s’agissait de pratiquer une rupture radicale pour permettre l’expression de la foi en Jésus. Il s’agissait donc pour la première fois de définir les fondamentaux de la foi chrétienne, indépendamment du judaïsme, voire même, contre le judaïsme. Il fallait savoir si on pouvait quand même être sauvé si on rompait avec la tradition de Moïse que Jésus avait lui-même respectée, mais qui était étrangère aux nouveaux convertis. En fait, qu’est-ce que cela voulait dire qu’être sauvé ? Cela signifiait que notre vie actuelle et future était toute entière dans les mains de Dieu selon la Parole de Jésus. La question était de savoir si la tradition pouvait faciliter cette emprise de Dieu sur nous.

Dans leurs débats ils répondirent clairement à cette question et préconisèrent donc la rupture car seule la grâce était source de salut et de vérité. Jusque là, je n’ai fait que paraphraser le texte pour lui donner raison ! Pourtant il subsiste une question que les apôtres ne semblaient pas s’être posée, mais que nous nous posons en réfléchissant sur cet événement. C’est celle de l’action du saint Esprit. Nulle part, au cours de ce récit, on ne nous dit que les apôtres s’étaient mis en prière pour demander à Dieu de les éclairer par son Esprit. Il semble pourtant que la question était assez importante pour laisser du temps à l’inspiration plutôt qu’à la discussion. Il n’est pas dit qu’ils ne l’ont pas fait, mais cela n’a pas paru nécessaire à l’auteur de le dire, et c’est sur ce point que j’aimerais attirer votre attention.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’une pareille situation se produisait. Jadis, quand il avait fallu pourvoir au remplacement de Judas, c’est eux qui avaient désigné Matthias par le sort, et quand ils avaient institué le ministère des diacres, c’est toujours à la suite d’une discussion qu’ils avaient pris la décision. Ce n’est qu’ensuite qu’ils avaient demandé au saint Esprit de sanctionner leur choix. Ici, ils avaient agi de la même façon, mais cette fois-ci, les enjeux étaient plus sévères. Dans les affaires précédentes, il s’agissait d’organiser l’Eglise, cette fois-ci, il s’agissait de la manifestation publique de leur foi. C’est dans le débat qu’ils ont eu entre eux qu’ils ont trouvé la bonne solution au problème et non pas dans une vérité qui leur aurait été manifesté mystérieusement par Dieu lui-même.

Tout se passe comme si, depuis la résurrection de Jésus ils se considéraient eux-mêmes comme responsables de l’expression de leur foi. Le saint Esprit, quant à lui, semblait n’avoir d’autre rôle à jouer que celui qui consistait à cautionner leurs décisions quand l’affaire était conclue. Ici, la question était décisive puisqu’il s’agissait de trancher entre deux manières de dire la foi. L’une et l’autre avaient été ordonnée par Dieu en leur temps.

La réponse ne leur était pas tombée d’en haut. Au contraire, on peut même dire qu’ils y avaient longuement réfléchi. Cette question avait été sous-jacente tout au long des chapitres précédents. Deux considérations s'étaient imposées à eux dans leurs débats. La première était liée à la croissance de l’Eglise qui se produisait parce que des personnes d’origine païenne avaient trouvé du sens à leur vie dans la foi en Jésus Christ. Tous s’en réjouirssaient. C’est alors qu’ils buttèrent sur une autre considération, c’ètait le constat selon lequel la tradition des anciens agissait comme un obstacle à l’épanouissement de leur foi.

Ils trouvèrent la réponse dans leurs propres facultés de raisonnement. Grâce à ces facultés ils trouvèrent la bonne solution en s’appuyant sur les fondements de la foi en Jésus Christ selon lequel la grâce seule peut sauver. Puisque le salut gratuit est donné par grâce, la décision de la rupture s’imposait, la Loi de Moïse ne jouait plus aucun rôle dans l’acquisition du salut.

Ici, l’Ecriture rendait hommage à l’intelligence dont Dieu avait fait la qualité première des hommes. Mais cette intelligence n’était pas universelle. Pour être efficace et éclairer les chemin de la foi, elle devait être partagée. On a l’impression que Dieu lui-même s’était imposé de ne pas intervenir afin de laisser les hommes agir, car il les avait rendus capables de se sortir de toutes les difficultés s'ils mettaient leurs facultés de raisonnement au service de la cause de Dieu d’une manière collective.

S’il nous est désormais possible de dépasser les contraintes de la tradition quand elles occultent la manifestation de la foi, il nous est aussi possible de déterminer les critères qui vont définir notre foi quand des conditions de vie nouvelles nous sont imposées par une société qui change et qui évolue. La fidélité à Jésus Christ devient alors notre seule point de repère.

Est-il besoin de dire maintenant que les hommes mettent d’autres critères que leur brillante intelligence pour chercher à définir les voies de Dieu? Il suffit de regarder nos sociétés actuelles pour constater le rôle déterminent que jouent la cupidité, l’égoïsme, la vanité et bien d’autres réalités qui conditionnent et faussent notre raisonnement. Ainsi, ce ne sont pas nos facultés de raisonnement qui nous empêchent aujourd’hui de discerner la voie à suivre quand des conflits nous divisent sur des questions de foi.

Notre problème est de faire taire les arguments d’ordre passionnel, de mettre de côté les questions de vanité, de tradition et d’orgueil pour laisser la seule raison guider nos choix. L’histoire nous a démontré que ce n’était pas si simple. La première Eglise avait donc pris la bonne décision, et le saint Esprit s’il avait été consulté n’aurait pas pu lui inspirer un autre choix, mais il était fondamental que ce soit les hommes eux-mêmes qui soient parvenus à déterminer la direction que Dieu souhaitait qu’ils prennent. Ce récit nous montre que Dieu pousse les hommes à devenir responsables dans ce monde, des projets où Dieu souhaite qu’ils s’investissent. Pour y arriver, ils ne doivent jamais se séparer des fondamentaux de la foi selon lesquels tous les hommes sont appelés à la vie telle que Jésus nous l’a acquise par sa résurrection.



mardi 13 avril 2010

Jean 13:31-35: le commandement nouveau dimanche 24 avril 2016




31 Lorsque Judas fut sorti, Jésus dit : Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié en lui. 32 Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui, il le glorifiera aussitôt. 33 Mes enfants, je suis avec vous encore un peu. Vous me chercherez ; et comme j'ai dit aux Juifs : « Là où, moi, je vais, vous, vous ne pouvez pas venir », à vous aussi je le dis maintenant. 
34 Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres ; comme je vous ai aimés, que vous aussi, vous vous aimiez les uns les autres. 35 Si vous avez de l'amour les uns pour les autres, tous sauront que vous êtes mes disciples.


Quand la foi des disciples se met à basculer à l’annonce d’un événement auquel ils n’étaient pas préparés, quand la suspicion s’empare de leur esprit et que la colère monte en eux, quand Jésus lui-même se trouble et ne contrôle pas les émotions de ses amis, quand enfin Judas sort pour faire son œuvre et trahir son maître, le seul message que Jésus leur transmet  c’est qu’ils doivent donner priorité à l’amour. Après le départ de Judas, tout se passe comme s’il n’avait pas existé, sans qu’on  remarque à peine son départ. 

Ce n’était pas la joie qui présidait à  ce dernier repas que Jésus avait voulu partager avec les siens. C’était un repas d’adieu  et personne ne s’en doutait, si non Judas  dont l’action nous sidère encore  et provoque en nous une profonde incompréhension.  Pourtant, Jésus n’avait rien improvisé. On nous raconte que  tout  avait été prévu  à l’avance. Le repas avait été préparé selon les prescriptions de Jésus, et  même le rôle terrible que va jouer Judas avait été peut-être été prévu par le maître. 

L’Évangile de Jean est le plus radical des quatre évangiles. Pour expliquer le geste de Judas il  a retenu la thèse de la cupidité. Mais la comparaison avec les autres évangiles fait vaciller nos convictions et les arguments ont du mal à s’imposer. Nous avons retenu qu’il aurait trahi pour de l’argent, mais la somme était bien faible, 30 deniers nous dit Matthieu. Pourtant, l’actualité récente nous a appris que l’argent pouvait être à l’origine de beaucoup de trahisons,  encore faut-il que l’enjeu en vaille la peine. Examinons la situation d’un peu près.

 Il était possible que Judas  soit arrivé à la conclusion selon laquelle le ministère de Jésus  était  voué  à l’échec et  qu’il n’allait pas s’en sortir sans y laisser sa vie. Autant en profiter aurait-il pu penser  et  profiter de la situation. Cette interprétation est cependant  difficile à soutenir si on considère que personne ne l’a empêché de sortir à l’annonce de sa trahison, d’autant plus que nous savons par l’Évangile de Luc qu’il y avait deux épées en leur possession (Luc 28 :38) et qu’un des apôtres  s’en serait servi, par la suie, lors de l’arrestation (Matthieu 26 :52) .

On a aussi vu dans Judas un idéaliste, qui ne voyant pas venir  le Royaume annoncé aurait voulu provoquer un événement céleste et  forcer Jésus à se révéler comme Fils de Dieu.  En le livrant aux  forces de l’ordre il aurait espéré que  l’archange Michel serait venu avec ses légions pour le défendre. Judas se serait trompé sur toute la ligne et se serait suicidé de désespoir. Là encore l’argument tient mal, car le récit évangélique laisse entendre que Jésus était au courant du projet, et ne l’approuvant pas, il n’aurait pas laissé faire.  Au contraire, Il se serait lui-même identifié, par avance à l’agneau que l’on sacrifiait à l’occasion de la Pâques et aurait choisi de mourir au moment où au temple on immolait les agneaux. La théologie chrétienne retiendra cette interprétation, mais est-il possible d’en trouver l’origine dans Jésus lui-même ?

Une troisième hypothèse, plus invraisemblable et plus choquante que les autres, mais envisageable tout de même peut être avancée. Elle est  conforme au récit des Évangiles. Elle  laisse entendre que ce serait Jésus lui-même qui aurait organisé sa propre arrestation avec la complicité du plus courageux de ses disciples. En effet, nous avons vu que Jésus avait tout prévu et tout calculé pour cette soirée. Il aurait compris  que son ministère, pour témoigner de la vérité qu’il prêchait depuis trois  ans  ne pouvait  s’achever que  par sa mort. Il aurait alors prévu de mourir dans le cadre de la fête juive, de la Pâque, au moment où on immolait les agneaux au Temple. C’est ce qui se produisit.  Mais pour que cela puisse se faire, il fallait que son programme soit bien réglé et que  l’arrestation ait lieu au bon moment ainsi que le procès  qui s’en suivit, afin que  sa mort coïncide avec celle des agneaux. C’est difficile à envisager. 

La  théologie chrétienne retiendra cette interprétation des événements, mais est-il possible d’en trouver l’origine dans les propos de Jésus ? Pour qu’un tel projet réussisse, il fallait que  Jésus se  soit assuré des   services d’un  complice  solide qui ne broncherait pas au dernier moment. Jésus connaissait chacun de ses amis et il savait que seul sans doute, Judas avait la capacité d’assumer ce défi. C’est ce projet que Jésus aurait révélé ce soir-là aux siens atterrés.
N’oublions  pas que ces événements ont été reconstitués après coup par les évangélistes qui ont murement réfléchi à la cohérence théologique de ce qu’ils rapportaient. En prolongement de cette remarque, ne pourrait-on pas penser que le portrait de Judas lui-même serait une création des auteurs évangéliques qui auraient emprunté une partie de son personnage à  Juda, fils de Jacob, frère de Joseph qui a eu l’idée de vendre son frère aux Egyptiens pour duper son père. Ainsi pourrait se comprendre la disparition de Judas du récit sans que personne n’intervienne pour le retenir.

Judas serait sorti du récit  emportant avec lui le doute des uns, le soupçon des autres et l’incompréhension de tous, c’est alors que le maître livra à ses disciples son testament spirituel sans nullement faire allusion à l’événement qui était sensé  s’être produit  l’instant auparavant.

 On  aurait pu s’attendre à ce qu’il élabore une théorie sur le salut. C’est ce  que l’Église a fait après lui à propos de cet événement. Il n’en fut rien. Il leur  parle d’amour. On aurait pu s’y attendre car l’amour était au centre de son enseignement. Mais  en cas de crise, alors que tout s’effondre autour de ses amis et qu’un de  ses collaborateurs l’aurait trahi ignoblement , ce mot  avait de quoi les surprendre, était-il encore valable ? Il parlait de l’amour des uns pour les autres. Au moment où l’idée de mort entrait dans leur âme,  où la notion d’échec et de trahison  commençait à faire son chemin dans leur esprit et que la peur les saisissait, c’est d’amour que Jésus les entretenait.

Alors que les  théologiens, quelques années plus tard en commentant ce même événement diront des choses hautement spirituelles sur  l’attitude admirable de Jésus, celui-ci, résuma ce soir-là, tout ce qu’ils devaient retenir en un seul mot celui d’amour. Par la suite  les commentateurs de l’événement parleront de sacrifice pascal et d’agneau immolé pour le péché du monde, on oubliera que Jésus  avait laissé entendre que l’amour, que les hommes partageront entre eux sera l’élément essentiel pour  manifester la gloire de Dieu. Si  la  gloire de Dieu, réside dans le fait que Dieu met tout en œuvre pour le salut des hommes, Jésus précise que c’est  l’amour qui sera plus efficace  que tous les discours pour la mettre en valeur.

Contrairement à ce que les autres évangélistes ont écrit et à ce que nous avons retenu de l’événement, nous réalisons que l’épisode concernant Judas est un épiphénomène qu’on pourrait ne pas retenir car il n’intervient nullement dans le dernier message de Jésus.
Heureusement la résurrection permettra de mettre à nouveau les choses au point. Quelques jours plus tard, nous rapporte ce même évangile, Pierre fut pris à part par le ressuscité pour entendre à nouveau Jésus parler d’amour : «  Pierre m’aimes-tu ? »  Jésus revenu de la mort confirme la priorité de l’amour sur toute autre attitude. Avec Jésus, c’est cette notion de l’amour qui a survécu à la mort. Ce sentiment ne peut donc être la norme de notre vie désormais, que si  l’Esprit qui a arraché Jésus à la mort ne prend le dessus sur notre âme et mobilise nos actes et nos pensées. Nous retiendrons alors que l’intérêt du prochain doit toujours être  premier dans toutes les situations que nous sommes appelés à vivre.

Bien évidemment nous serons en butte aux railleries des hommes quand nous essayerons de donner priorité à ce sentiment, alors que les hommes  en suggèrent d’autres. Ils l’associeront à de la lâcheté et au refus d’agir, mais  c’est parce que nous lui donnerons priorité que certains s’ouvriront à Dieu et qu’ils accepteront de croire qu’une force de vie, capable de transformer les hommes habite le monde, car seule cette force d’aimer que Dieu met en nous est capable d’ouvrir le monde à l’avenir.

illustrations:le baiser de Judas : sacrada familia à Barcelone

samedi 3 avril 2010

Les moutons Jean 10:27-30 dimanche 25 avril 2010



Jean 10/27-30


Mes moutons entendent ma voix. Moi, je les connais, et ils me suivent. 28 Et moi, je leur donne la vie éternelle ; ils ne se perdront jamais, et personne ne les arrachera de ma main. 29 Ce que mon Père m'a donné est plus grand que tout — et personne ne peut l'arracher de la main du Père. 30 Moi et le Père, nous sommes un.



Depuis l’école primaire notre esprit est habité par l’image d’un agneau qui se désaltérait dans le courant d’une onde pure. Il avait l’innocence de l’enfant qui tète encore sa mère et n’avait aucune raison de subir l’arrogance d’un loup que la faim avait attiré en ces lieux. La morale de l’histoire est désolante. Pourtant combien de bambins n’ont-ils pas été contraints d’apprendre par cœur cette histoire lamentable au risque de voir leur inconscient déformé à tout jamais par l’affirmation selon laquelle la raison du plus fort est toujours la meilleure. Cette fable mémorisée par tant de têtes blondes n’a-t-elle pas contribué à conforter les plus vaillants dans leur bon droit, sans parler de l’effet néfaste qu’elle a pu avoir sur les plus vulnérables.

En dépit de cette histoire, si les agneaux contribuent encore à attendrir les humains, c’est qu’ils sont mignons, par contre ce même Monsieur de La Fontaine classe les moutons et autres espèces parmi les animaux stupides, et cette idée reste profondément ancrée dans l’opinion.

Il faudra alors qu’un petit prince descende de ses nuages pour remettre le mouton à sa place. Il éprouve de la sollicitude pour ce petit animal. Il s’inquiète à son sujet, parce qu’il pourrait bien manger sa fleur. Par le truchement d’Antoine de Saint Exupéry, voilà enfin le mouton redevenu un animal fréquentable. Il est même le sujet d’un entretien philosophique entre l’enfant et l’aviateur perdu dans les sables. Nous sommes inévitablement gagnés par la logique de l’enfant. Nous sommes alors surpris que l’aviateur tourmenté par son problème de survie ne partage pas davantage le souci du petit prince inquiet du sort de son mouton.

Jésus aurait sans doute trouvé beaucoup de saveur dans cette histoire, parce que lui aussi s’est intéressé au sort des brebis, perdues dans le désert ou menacées par les voleurs. Il a même consacré tout le chapitre 10 de l’Evangile de Jean à nous parler de son souci à propos du sort des moutons. Le sermon d’aujourd’hui va s’appuyer sur un tout petit passage de ce long chapitre pour se demander pourquoi et comment Jésus leur promet une part de son éternité.

Sans doute, comme le petit Prince, Jésus se montrerait-il plus sensible au problème du mouton qu’à celui du pilote absorbé, par ses ennuis de moteur. Vue par un enfant la situation prend une autre tournure, car il est plus important pour lui de savoir dessiner un mouton que de réussir à démarrer un moteur en plein désert ! Sans doute les contemporains de Jésus ont-ils eu, eux aussi beaucoup de mal à le suivre dans ses élucubrations au sujet des moutons.

Jésus ne voyait aucun intérêt économique à prendre soin de ces animaux. Il n’envisageait pas d’en faire commerce pour les sacrifices du temple. Il ne voyait pas en eux des bêtes de boucherie, il ne cherchait pas à leur tondre la laine sur le dos, ni à les traire en vue de faire du fromage. Mais à quoi lui servaient-ils ?

- A rien !

Les brebis, dans ce récit n’ont aucune utilité. Le berger à qui Jésus s’identifie, n’a qu’un but c’est celui de les faire paître dans des près d’herbe tendre. Son seul souci, c’est celui de leur assurer le plus de confort possible. Jésus nous transporte donc dans un univers étrange, celui de la gratuité. Le berger s’active sans aucune rentabilité, et les brebis en s’engraissant n’ont aucune autre fonction, si non celle de faire la joie de leur berger.

Bien évidemment nous sommes invités à nous retrouver dans le rôle des brebis. Mais si les brebis n’ont pas de rôle à jouer, qu’en est-il de nous ? Avons-nous un rôle à jouer, et quel est le but recherché par Dieu en nous accordant la vie éternelle ? Aucun, si non son plaisir. Notre fonction sur cette terre serait donc de remplir Dieu de bonheur. Nous voila transportés aux antipodes de ce que notre société nous propose aujourd’hui quand elle nous explique qu’il n’y a pas d’avenir sans rentabilité et que la rentabilité ne peut s’obtenir sans l’efficacité. Aux yeux de Dieu la réalité du monde se conjugue en d’autres termes et Jésus privilégierait volontiers les mots d’amour et de partage à ceux de rentabilité et d’efficacité.

Apparemment Jésus n’appartient pas à la même planète que ceux qui nous dirigent, il est comme le petit prince plus soucieux de la survie d’une fleur, d’un mouton ou d’un renard, que du bon fonctionnement d’un moteur d’avion. Bien évidemment il ne faut pas être naïf, nous devons quand même revenir dans notre société, car notre vie ne se déroule pas dans le rêve mais dans la réalité. Notre vie sur terre ne peut se résumer à cultiver un farniente inutile qui finirait par être tout à fait ennuyeux. Mais ce n’est pas non plus ce que Jésus veut nous dire. Il veut simplement nous rappeler que le but de notre vie c’est en priorité de faire plaisir à Dieu. Dieu, quand à lui, se réjouit quand les choses vont bien, il se réjouit quand la terre tourne correctement sur son axe et que les choses se passent parmi les hommes comme il le souhaite. Pour cela il faut que le respect de l’autre, l’amour du prochain, le partage des biens, la paix et la justice sociale soient au centre de nos activités et de nos soucis. Quand tout cela est respecté, les rouages du monde son bien huilés, et Dieu est satisfait. Tout cela n’exclue pas la rentabilité ni l’efficacité dont nous parlions tout à l’heure, mais ce n’est pas elles qui doivent avoir priorité sur nos actions.

J’arrête ici ces propos, parce qu’ils ne convainquent personne. Utopie, diront les économistes. « Ça ne pourra jamais marcher » diront les politiciens. « Ce n’est qu’un ramassis de rêveries » affirmeront les philosophes qu’une telle simplicité rebute. Pourtant ces idées que l’on vient de formuler ne sont pas nouvelles, ce sont celles de Jésus Christ lui-même! Elles sont au cœur même des idées qui animent notre société occidentale. Pendant des siècles n’a-t-on pas fait de l’enseignement de Jésus la religion d’état ? Alors, pourquoi cela ne marche-t-il toujours pas ?

En fait les humains sont des créatures bizarres, ils projettent sur l’autre monde les idées que Jésus leur a transmises pour construire ce monde ci. Ils imaginent, qu’après leur mort, le monde reposera sur des règles qu’ils refusent de respecter dans celui-ci. Pourquoi attendre le monde futur pour vivre comme Jésus le souhaite alors qu’il est théoriquement possible de le mettre en pratique dès maintenant ?

Mieux! Je reviens alors au texte que nous méditons aujourd’hui. Dieu est allé plus loin encore que ce que nous pouvons imaginer. Il nous propose dès maintenant d’entrer dans l’éternité et de vivre dès maintenant d’une vie qu’il nous promet éternelle. Tous ceux qui croient en Dieu et qui ont compris que l’enseignement de Jésus Christ est l’expression même de la volonté de Dieu ne mourront pas dit-il, car ils sont déjà passé de la mort à la vie. Ce n’est donc plus notre fortune amassée tout au long de notre vie qui fait de nous des être remarquables aux yeux de Dieu. Ce ne sont pas nos capacités professionnelles qui nous distinguent aux yeux de Dieu, c’est notre capacité à entrer dans son harmonie. C’est notre faculté de pouvoir nous mettre au service des autres qui constitue l’huile que nous devons mettre dans les rouages du monde pour que celui-ci soit en harmonie avec Dieu.

A vue humaine, les hommes ne sont pas plus utiles ni plus rentables que des brebis que l’on n’élèverait pas pour leur tondre la laine sur le dos ou qu’on ne mangerait pas. En fait Dieu n’a pas fait des hommes ses partenaires sur terre pour qu’ils soient rentables mais pour prodiguer autour d’eux leur capacité à aimer et à vivre en harmonie avec les autres ; c’est sans doute à cause de cette capacité que l’Ecriture dit qu’ils sont faits l’image de Dieu. Qu’on se le dise !


Jean 21:1-19/ 10 avril 2016 Jésus apparait à ses disciples





Jésus apparaît à sept disciples 

1 Après cela, Jésus se manifesta encore aux disciples, à la mer de Tibériade. Voici comment il se manifesta. 2 Simon Pierre, Thomas, celui qu'on appelle le Jumeau, Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples étaient ensemble. 3 Simon Pierre leur dit : Je vais pêcher. Ils lui dirent : Nous venons avec toi, nous aussi. Ils sortirent et montèrent dans le bateau ; cette nuit-là, ils ne prirent rien. 4 Le matin venu, Jésus se tint debout sur le rivage ; mais les disciples ne savaient pas que c'était Jésus. 5 Jésus leur dit : Mes enfants, avez-vous quelque chose à manger ? Ils lui répondirent : Non. 6 Il leur dit : Jetez le filet à droite du bateau, et vous trouverez. Ils le jetèrent donc ; et ils n'étaient plus capables de le retirer, tant il y avait de poissons.
7 Alors le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : C'est le Seigneur ! Quand Simon Pierre eut entendu que c'était le Seigneur, il attacha son vêtement à la ceinture — car il était nu — et il se jeta à la mer. 8 Les autres disciples vinrent avec la barque, en traînant le filet plein de poissons, car ils n'étaient pas loin de la terre, à deux cents coudées environ. 9 Lorsqu'ils furent descendus à terre, ils voient là un feu de braises, du poisson posé dessus, et du pain. 10 Jésus leur dit : Apportez quelques-uns des poissons que vous venez de prendre. 11 Simon Pierre monta dans le bateau et tira à terre le filet, plein de cent cinquante-trois gros poissons ; et quoiqu'il y en eût tant, le filet ne se déchira pas. 12 Jésus leur dit : Venez déjeuner. Aucun des disciples n'osait lui demander : Qui es-tu, toi ? Car ils savaient que c'était le Seigneur. 13 Jésus vient, prend le pain et le leur donne, ainsi que le poisson. 14 C'était déjà la troisième fois que Jésus se manifestait à ses disciples depuis qu'il s'était réveillé d'entre les morts.
Jésus et Pierre
15 Après qu'ils eurent déjeuné, Jésus dit à Simon Pierre : Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ? Il lui répondit : Oui, Seigneur ! Tu sais bien, toi, que je suis ton ami ! Jésus lui dit : Prends soin de mes agneaux. 16 Il lui dit une deuxième fois : Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? Pierre lui répondit : Oui, Seigneur ! Tu sais bien, toi, que je suis ton ami ! Jésus lui dit : Sois le berger de mes moutons. 17 Il lui dit pour la troisième fois : Simon, fils de Jean, es-tu mon ami ? Pierre fut attristé de ce qu'il lui avait dit pour la troisième fois : « Es-tu mon ami ? » Il lui répondit : Seigneur, toi, tu sais tout ! Tu sais bien, toi, que je suis ton ami ! Jésus lui dit : Prends soin de mes moutons. 18 Amen, amen, je te le dis, quand tu étais plus jeune, tu passais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et un autre te passera ta ceinture pour te mener où tu ne voudras pas. 19 Il dit cela pour signifier par quelle mort Pierre glorifierait Dieu. Après avoir ainsi parlé, il lui dit : Suis-moi.

Comment ces êtres de chair et de sang que nous sommes peuvent-ils ressusciter, si non en se laissant habiter par le Christ ? C’est ainsi qu’ils prolongent hors du temps tout ce qu’ils ont mis en œuvre quand ils étaient sur terre. Cette année encore à l’occasion de Pâques nous n’avons pas manqué d’évoquer cette question de la résurrection, et une fois encore nous avons ressenti un profond bien être en entendant proclamer : « Le Christ est ressuscité, Alléluia ! » Mais peut-être avons-nous été troublés par la question de savoir ce qu’est la résurrection ? C’est avec ce questionnement que nous nous retrouvons ce matin en compagnie de Pierre et de ses amis. Nous découvrons alors que nous parvenons à la notion de résurrection grâce à une série de rencontres avec Jésus dont la somme constitue notre propre résurrection.
En fait si nous lisons les textes, nous sommes amenés à constater que notre approche de la résurrection est inséparable de la rencontre que nous faisons avec le crucifié. Dans tous les récits où on nous rapporte sa rencontre avec ses amis après sa mort, c’est lui qui en prend l’initiative. Il vient, il parle, il se fait reconnaître et de cet événement jaillit une réalité nouvelle pour celui vers qui il est venu. Notre foi en la résurrection naît de cette rencontre qui se produit pour chacun de nous, parfois au moment où il ne s’y attend pas. Bien évidemment notre rencontre avec le ressuscité ne se fait pas visuellement. Elle relève d’une expérience intérieure et se fonde sur le témoignage des apôtres. Cette rencontre de Jésus déclenche en nous un dynamisme qui nous projette déjà dans l’éternité alors que nous sommes encore dans une existence terrestre tout emmêlés dans nos contingences matérielles.
Ces certitudes ne s’installent pas toujours en nous d’une manière durable. C’est bien souvent ces contingences matérielles que nous venons d’évoquer qui prennent le dessus. Bien que nous gardions un souvenir de ces expériences spirituelles où nous avons acquis la certitude que le Christ était vivant en nous, nous nous installons malgré tout dans nos habitudes. Le rythme des jours reprend son cours et nous attendons sans trop y croire que Dieu mette à exécution, le plus tard possible, le projet de résurrection qui nous concerne.
Le temps qui passe diminue notre enthousiasme et les soubresauts de la vie poussent notre âme à se raidir si bien qu’en constatant notre affadissement spirituel, nous nous culpabilisons et nous avons l'impression de perdre la foi. Que ceux qui éprouvent de tels sentiments se rassurent, cette situation doit être comprise comme une évolution bénéfique sur le chemin de la foi. Dieu se sert de ces moments de questionnement pour nous permettre de nous élever d’un cran dans le domaine de la connaissance. C’est alors que la résurrection elle-même prend un aspect plus précis et que nous découvrons avec émerveillement comment Jésus utilise notre histoire personnelle et les aléas de notre existence pour construire l’être nouveau que nous sommes appelés à devenir.
C’est dans cet état d’âme que nous rejoignons Pierre au bord du lac. Le temps a passé, il n’est plus à Jérusalem, il est revenu en Galilée où il a repris avec ses amis son métier de pécheur. Sans doute garde-t-il un merveilleux souvenir des derniers événements passés, mais la vie a repris ses droits. Expérience spirituelle ou pas, il faut bien continuer à vivre. Pourtant Pierre a eu une forte expérience avec le ressuscité. Il a été le premier a constater que le tombeau était vide. Il a déjà rencontré le ressuscité par deux fois. Il a éprouvé de la joie de savoir que Jésus était vivant. Il est heureux d’avoir fait le bon choix en lui restant fidèle.
Malgré tout, il est quand même revenu à ses filets. Si son âme a été illuminée, sa vie n’a pas changée. Il transparaît cependant à travers ce récit qu’il éprouve une certaine insatisfaction qu’il ne sait pas analyser. Il est dans la même situation que ceux qui disent que le Christ est ressuscité mais qui ne perçoivent pas très bien quelle incidence cela peut avoir dans leur vie. En réalisant cela Pierre réagit comme s’il avait tout faux, c’est pourquoi il est retourné à la pêche. C’est la troisième fois que la résurrection va s’installer dans ses convictions. C’est alors qu’il va comprendre. Toutes les étapes de sa vie vont défiler devant lui comme cela se produit, paraît-il dans les derniers instants d’un homme qui se noie. Et ces étapes qu’il a vécues vont lui être révélées comme autant d’expériences dont il n’avait pas saisit toute la portée et qui l’une après l’autre vont l’amener à comprendre ce qu’est la résurrection. Elles vont permettre a Jésus de l’aider à reconstruire sa vie spirituelle et grâce à elles, il pourra se projeter dans le futur afin de devenir vraiment un homme ressuscité.
Il découvre que pour être ressuscité, il doit se laisser envahir par le Christ afin que le Christ vive en lui et qu’il prolonge son œuvre par sa vie. Jésus prend alors en charge sa vie passée, nous allons le voir, et sa vie à venir. Pierre donc était conscient de la réalité de la résurrection. Il savait que cet événement avait donné du sens à l’appel de Jésus qu’il avait suivi pendant trois ans. Il a réalisé que le baptême qu’il avait sans doute reçu prenait alors pleinement son sens. Il savait aussi qu’il avait trahi ! Mais la résurrection n’avait-elle pas tout effacé ? En tout cas elle était perçue par lui comme une expérience spirituelle supplémentaire dans sa vie. Mais pour qu’elle prenne sa vraie signification, il faudra la rencontre et le dialogue face à face avec le Seigneur. C’est seulement, alors qu’il comprendra que chaque étape de sa vie spirituelle avait été le début d’une transformation de sa personne. Chacune de ces différentes étapes était le prémisse d’une nouvelle naissance qui allait permettre à Pierre d’être un homme totalement nouveau, c’est à dire un homme déjà ressuscité. Encore fallait-il qu’il laisse la résurrection s’installer en lui.
Bien évidemment cette aventure de Pierre ne nous est racontée que pour que nous puissions faire le point à notre tour sur nos propres expériences spirituelles. Il est pour l’instant dans la nuit et il n’y comprend toujours rien. Il n’a pas encore réussi à rassembler toutes les pièces du puzzle que représente sa vie. Et le petit matin se lève sur l’échec de sa nuit ou de sa vie. L’apparition sur le rivage renverse la situation et donne du sens à tout son passé. C’est d’abord la pêche miraculeuse qui est en train de se reproduire et qui avait jadis motivé, dans les mêmes conditions, sa décision de suivre Jésus. Pourtant il faudra qu’on l’aide à comprendre, il faudra que l’autre disciple, l’ami de Jésus lui traduise l’événement : « c’est le Seigneur ». Alors il se jette à l’eau, non sans avoir pris le temps de s’habiller car il était nu. Geste de pudeur pensons-nous ! Est-ce bien sûr ?
 
Ce plongeon tout habillé en présence du Seigneur ressemble à un baptême à l’envers, c’est pourquoi j’ai parlé de son baptême tout à l’heure. Dans un baptême, c’est parce que l’on reconnaît que Jésus est Seigneur que l’on se dévêt pour être immergé. Pierre, quand il reconnaît que Jésus est le Seigneur fait le contraire comme s’il avait besoin de revivre les expériences qu’il avait déjà faites. Son baptême est ici évoquée à l’envers comme si on rembobinait le film de sa vie. Et à partir de cet instant, au cas où vous n’auriez pas compris toutes les séquences vont se faire à l’envers.

 Par le passé, Pierre avait semble-t-il toujours eu l’initiative. Ici, il laisse les autres ramer alors que lui nage, non pas pour rejoindre plus vite le Seigneur, car il ne le rejoint pas, au contraire il remonte dans la barque quand les autres arrivés sur le rivage en descendent pour s’approcher du Seigneur. Il se met alors à décharger tout seul le filet. C’est comme si, il ne voulait pas se retrouver seul avec Jésus, bien qu’il en manifeste le désir profond sans oser aller jusqu’au bout.
L’aventure ne peut se continuer sans le face à face inévitable entre Pierre et Jésus. Par trois fois, Jésus l’invite à prendre en charge son troupeau. Allusion appuyée à sa trahison que Jésus ne mentionne pas, car la résurrection qui est en train de s’emparer de Pierre annihile tout ce qui est négatif dans sa vie et détruit ce qu’il y a d’aliénant dans son passé.. Sa mission consiste à prendre à son compte l’œuvre du Christ.
La résurrection prend son vrai sens quand nous nous laissons habiter par Jésus pour continuer dès maintenant l’œuvre qu’il a réalisée quand il était sur terre. Nous sommes appelés à devenir, tant que nous vivrons, les membres et la voix, l’intelligence et la sensibilité du ressuscité qui désormais vit en nous et c’est par nous qu’il agit.