samedi 31 mars 2012

Luc 24:35-48





Dimanche 22 avril 2012

35 Ils racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin, et comment il s'était fait reconnaître d'eux en rompant le pain.
Jésus apparaît à ses disciples

36 Comme ils disaient cela, lui-même se présenta au milieu d'eux et leur dit : Que la paix soit avec vous ! 37Saisis de frayeur et de crainte, ils pensaient voir un esprit. 38 Mais il leur dit : Pourquoi êtes-vous troublés ? Pourquoi des doutes vous viennent-ils ? 39 Regardez mes mains et mes pieds, c'est bien moi ; palpez-moi et regardez ; un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'en ai. 40 Et en disant cela, il leur montra ses mains et ses pieds. 41 Comme, dans leur joie, ils ne croyaient pas encore et qu'ils s'étonnaient, il leur dit : Avez-vous ici quelque chose à manger ? 42 Ils lui présentèrent un morceau de poisson grillé. 43 Il le prit et le mangea devant eux. 44 Puis il leur dit : C'est là ce que je vous disais lorsque j'étais encore avec vous ; il fallait que s'accomplisse tout ce qui est écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, dans les Prophètes et dans les Psaumes.45 Alors il leur ouvrit l'intelligence pour comprendre les Ecritures. 46 Et il leur dit : Ainsi il est écrit que le Christ souffrirait, qu'il se relèverait d'entre les morts le troisième jour 47et que le changement radical, pour le pardon des péchés, serait proclamé en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. 48Vous en êtes témoins.

Nous avons ici le récit de la dernière apparition de Jésus relatée dans l’Evangile de Luc. Elle est à la fois habituelle et conforme aux récits racontés dans les autres Evangiles, mais elle en diffère aussi profondément. En l’abordant d’une manière critique, nous allons essayer de répondre à une question qui taraude notre esprit à tous: qui est responsable du désordre qui règne sur le monde ?

Est-ce l’homme qui à l’origine des temps se serait opposé à Dieu ou est-ce Dieu lui-même qui aurait mal géré sa propre maison et aurait laissé les anges se révolter contre son autocratie ?

Ou encore, est- ce que le monde existerait indépendamment de Dieu et que celui-ci essaierait tant bien que mal de s’imposer à lui afin de lui permettre d’évoluer avec sagesse. Mais le monde lui résisterait.

Les théories s’affrontent et une fois encore on nous joue à leur propos la querelle des anciens et des modernes. Chacun, ballotté entre différents courants de pensée, ne sait toujours pas auquel se rallier et la plupart du temps ne se rallie à aucun.

Nous nous sommes habitués, sans y adhérer vraiment à l’explication traditionnelle qui s’appuie sur une lecture littérale des textes. Elle fait état d’un conflit latent entre Dieu et l’humanité qui aurait pour origine le jardin d’Eden où l’homme refusant de se soumettre à un Dieu bienveillant aurait précipité le monde dans sa chute. Dieu aurait mis un terme à cette situation à Pâques en acceptant la valeur rédemptrice de la mort de son fils. Mais malgré tout, beaucoup d’humains aujourd’hui ont du mal à comprendre la théorie selon laquelle les dysfonctionnements du monde seraient liés à la désobéissance d’Adam. Ils ne comprennent pas davantage comment la mort de Jésus a pu apporter une réponse au problème.

Plus on se pose de questions, plus les choses semblent se compliquer
- Dieu a-t-il vraiment voulu la mort de Jésus ?
- Dieu n’aurait-il pas pu faire autrement ?
- Si Dieu n’est pas intervenu pour que ça ne tourne pas à la catastrophe c’est qu’ il ne l’a pas voulu disent les uns ? - C’est qu’il n’a pas pu suggèrent les autres.
- Il ne serait donc pas aussi puissant qu’on le dit en rajoutent d’autres encore!
- Et puis cette histoire du jardin d’Eden a-t-elle vraiment du sens ?
Ainsi s’égrainent les interrogations comme la litanie d’un chapelet sans fin qui nous fatigue ou nous agace ! Mais, tout confirmerait bien l’hypothèse selon laquelle les hommes vivraient en état de conflit permanent avec Dieu

Le texte de ce jour devrait nous aider à y voir un peu plus clair. Il nous rapporte le récit d’une apparition de Jésus ressuscité, encore plus difficile à croire que les autres.

- Que Jésus apparaisse à l’improviste, soit !
- Qu’il montre ses plaies soit !
- Mais qu’il mange, et que ce soit du poisson, cela dépasse l’entendement !

S’il avait mangé du pain, on aurait pu penser que l’évangéliste qui rapporte cet épisode faisait allusion au dernier repas, à la sainte Cène. Dans ce cas nous aurions été invités à spiritualiser l’événement si bien que ce récit aurait fait partie à la fois du domaine du réel et du domaine du spirituel, comme dans l’épisode des disciples d’Emmaüs qui nous est rapporté dans le récit précédent du même Evangile. Mais manger du poisson, voilà qui nous déroute !

Puisqu’il est dans notre nature humaine de douter et de poser des questions, continuons l’exercice. L’apparition qui nous est rapportée pose un vrai problème, étant donné qu’elle se déroule à Jérusalem et que la ville est beaucoup trop loin du lac pour qu’on puisse y consommer du poisson. Si encore ce poisson était séché, on aurait pu comprendre qu’on l’ait en stock, mais il était grillé, comme il est dit ici, c’est dire qu’il était encore frais quelques heures au paravent. Impossible ! Alors, serait-ce un poisson spirituel ? Non bien sûr !

Il semblerait plutôt que cette mention du poisson ait été faite ici pour aider l’auteur, l’évangéliste Luc, à répondre à une question qui est elle-même posée par le texte : Etait-ce un fantôme ? Non il n’était pas un fantôme puisqu’il mange la même nourriture que nous. C’est cela que suggère le texte. Mais Luc qui raconte cela ne connaît pas la Judée, ni la Galilée. C’est un grec qui n’est jamais venu en Palestine. Il fait alors état d’un aliment qu’il croyait être un aliment de base dans toute la Palestine : le poisson, c’était raté ! Pour faire plus vraie encore, certains manuscrits ont rajouté qu’il aurait aussi mangé un rayon de miel ! Avez-vous déjà mangé du poisson avec du miel ? Nous devinons que le détail concernant la nourriture a été rajouté. Nous comprenons aisément que ce n’est pas ce détail qui est important. Ce détail a été rajouté pour faire plus vrai, mais n’a pas forcément de fondement historique. Ce qui est important, c’est que le ressuscité soit bien vivant pour ceux qui étaient présents, même s’ils ne savaient pas ce qui caractérise sa nouvelle nature.

La présence de Jésus vivant au milieu des hommes signifie que Dieu n’a rien à voir avec les forces du mal. Le conflit entre Dieu et les hommes serait donc dépassé. Pourtant ce serait trop simple de raisonner ainsi. La résurrection de Jésus ne semble pas résoudre vraiment le problème, au contraire, elle le complique. Certains s’en servent même pour rallumer le conflit. Alors comment y voir plus clair ?

Reprenons notre texte. Il nous parle de la souffrance de Jésus, de la nécessité de la repentance et du pardon, tout cela dans une seule phrase. C’est la souffrance qui est mentionnée en premier. La souffrance est en fait le thème majeur des Ecritures. Dieu depuis toujours se propose d’aider les hommes à se libérer des souffrances qui les accablent, c’est pourquoi le récit de la sortie d ’Egypte sous la conduite de Moïse a pris une telle importance. Les Evangiles quant à eux s’attachent à montrer que c’est également sur la souffrance que Jésus a concentré ses efforts. Ecoutez-le dans les béatitudes: "Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés...Heureux ceux qui ont faim et soif de justice..."

Pour comprendre cela il faut donc que les hommes se repentent et qu’ils se convertissent, c’est-à-dire qu’ils cessent de penser que Dieu puisse avoir une responsabilité quelconque dans leurs malheurs, au contraire, il faut qu’ils se convertissent à l’idée que Dieu a pour seul souci de les aider à dépasser le mal pour vivre mieux. Son Esprit saint sera pour nous un précieux auxiliaire, c’est ce qui est encore dit dans ce texte. Le saint Esprit agit en nous, comme une source d’énergie qui nous permet de voir au-delà des souffrances la guérison promise et au-delà de la mort la vie que Dieu nous donne. C’est alors que nous entrons dans la dimension de la résurrection.

Jésus a clairement signifié que Dieu était dans le même camp que les hommes et menait le même combat qu’eux pour les aider à se libérer de toutes les formes d’oppression. Il les accompagne dans toutes les adversités et jamais il ne laissera sa main s’appesantir sur les hommes, même si lui même se sent personnellement offensé.

Ainsi, la résurrection de Jésus ne prend vraiment de signification qu’à partir du moment où les croyants acceptent de voir en Dieu le Père bienveillant qui met tout en œuvre pour que les hommes ne souffrent plus et pour que la vie triomphe dans toutes les situations, y compris celle de la mort.

La foi en la résurrection donne aujourd’hui, plus que jamais, à ceux qui croient, la joie de participer dès maintenant à la construction d’un monde qui fait de l’espérance sa règle de vie et qui fait de l’audace le moteur de tout ce que les humains entreprennent pour que les choses aillent mieux. C’est cette attitude qui doit se généraliser dans les églises. Elles doivent chaque jour redécouvrir que leur mission leur est toute tracée par celui qui, ressuscité des morts, les conduit sur les chemins du monde pour maintenir dans une espérance de vie toutes celles et tous ceux qui sont menacés.

dimanche 18 mars 2012

Jean 20:19-31


Thomas et la résurrection Dimanche 03 avril 2016- déjà publié et 2012 et légèrement modifié

Jésus apparaît à ses disciples

19 Le soir de ce jour-là, qui était le premier de la semaine, alors que les portes de l'endroit où se trouvaient les disciples étaient fermées, par crainte des Juifs, Jésus vint ; debout au milieu d'eux, il leur dit : Que la paix soit avec vous ! 2 0Quand il eut dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples se réjouirent de voir le Seigneur. 21 Jésus leur dit à nouveau : Que la paix soit avec vous ! Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie. 22 Après avoir dit cela, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l'Esprit saint. 23 A qui vous pardonnerez les péchés, ceux-ci sont pardonnés ; à qui vous les retiendrez, ils sont retenus.

Thomas et le ressuscité

24Thomas, celui qu'on appelle le Jumeau, l'un des Douze, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint. 25 Les autres disciples lui dirent donc : Nous avons vu le Seigneur. Mais lui leur dit : Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous et ma main dans son côté, je ne le croirai jamais ! 26 Huit jours après, ses disciples étaient de nouveau dans la maison, et Thomas avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient fermées ; debout au milieu d'eux, il leur dit : Que la paix soit avec vous ! 27 Puis il dit à Thomas : Avance ici ton doigt, regarde mes mains, avance ta main et mets-la dans mon côté ! Ne sois pas un incroyant, deviens un homme de foi ! 28 Thomas lui répondit : Mon Seigneur, mon Dieu ! 29 Jésus lui dit : Parce que tu m'as vu, tu es convaincu ? Heureux ceux qui croient sans avoir vu !

Le but de ce livre

30 Jésus a encore produit, devant ses disciples, beaucoup d'autres signes qui ne sont pas écrits dans ce livre. 31 Mais ceux-ci sont écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et que, par cette foi, vous ayez la vie en son nom. -


Merci Thomas d’être celui que tu es, car tu poses les vraies questions et tu nous aides à approfondir notre foi. En effet, la foi chrétienne est toute entière centrée sur la résurrection. "Si les morts ne ressuscitent pas notre foi est vaine" a dit l’apôtre Paul » dans l’épître aux Corinthiens. Paul insiste sur cette vérité incontournable selon laquelle la foi chrétienne n’aurait aucun sens si la résurrection n’en était pas l’élément central.

Pourtant, nous savons que les sondages d’opinion ne confirment pas les convictions de Paul. Seulement 58 % des catholiques font référence à la résurrection dans l’expression de leur foi ; 10% croient en la résurrection des morts, 8 % à la réincarnation, 26% croient qu’il n’y a rien et 53 % pensent qu’il y a quelque chose mais ne savent pas quoi. Ces chiffres sont ceux du « Monde des Religions » publiés il y a déjà quelques années. A quelques variantes près on devrait avoir un pourcentage identique chez les protestants. Il semble donc qu’il y a un sérieux décalage entre ce que nos catéchismes enseignent et ce que les fidèles prétendent croire. En fait il semblerait que les chrétiens ne savent plus très bien en quoi consiste la notion de résurrection.

Thomas l’incrédule va nous guider ce matin sur le chemin initiatique de la foi chrétienne pour nous aider à affiner nos questions et nos réponses sur le thème de la résurrection. Il nous apparaît comme un homme particulièrement « branché », comme on dit aujourd’hui, car il refuse de croire ce que les autres disent sans en apporter la preuve. Il est rationnel dans ses pensées. A y regarder d'un peu près, il n’y va pas de main morte. Sans s'en prendre directement à Dieu, il met les autres aux défit de créer en lui une certitude qu’il n’a pas. En fait, il invite Dieu à relever le défi.

Pourtant qui est-il ce Thomas dont les Évangiles parlent peu ? Il ne fait pas partie des apôtres de premier plan. L’Évangile le mentionne seulement une autre fois pour dire qu’il a déjà douté, de la capacité de Jésus à ressusciter Lazare. La tradition l'a l’enfermé dans le personnage de celui qui doute. Dans le cas précis, il prend ses distances par rapport aux autres Apôtres. Pour ma part, je vais vous encourager ce matin à faire de même, en dépit de ce que disent les textes fondateurs. Contrairement à Thomas, ces textes s’appuient sur le témoignage des apôtres à commencer par Paul pour étayer leurs affirmations sur la résurrection, mais ne nous invitent pas à tenter l’expérience.

Thomas nous montre par anticipation que si nous ne faisons pas de la résurrection une affaire personnelle, notre foi ne s’appuie pas sur de vrais fondements, car elle ne peut être que le résultat d’une expérience personnelle avec Dieu, à l’issue de laquelle nous découvrons ce qu’est vraiment la résurrection : une autre manière d’aborder la vie. C’est alors que Jésus ressuscité se manifeste à nous, qu’il nous parle et qu’il s’empare de notre âme en venant vers nous. Il se propose de partager notre vie et il nous invite à partager la sienne. C’est au cours d’une telle rencontre que nous faisons l’expérience de la résurrection et qu’elle s’impose à nous. Mais encore faut-il faire cette expérience.


Nous avons une fâcheuse tendance à croire que l’expérience des croyants peut aider les autres à croire quand ils n’ont pas encore la foi. C’est une erreur d’imaginer que l’expérience des uns peut provoquer la foi chez les autres. Les non croyants n’ont pas forcément envie de suivre la voie de ceux qui se donnent à eux en exemple. Ils ne se sentent généralement pas au même niveau spirituel qu'eux. Au lieu de les amener à croire, cela provoque plus un sentiment de frustration qu’une envie de les imiter. On leur dit que la foi est un don gratuit de Dieu. Alors pourquoi ne l’ont-ils pas ? Le chercheur de Dieu, celui qui ne sent pas la foi monter en lui comme une sève de renouveau ne trouve pas son compte dans de tels exemples.

Cette frustration est bien celle de Thomas qui ne comprend pas pourquoi il est tenu à l’écart par son Seigneur et il considère le témoignage de ses frères comme un défit qu’il ne peut pas relever.

Certes dans le monde des croyants, c’est une autre affaire. Le témoignage des uns aide les autres à purifier leur foi par comparaison et ils s’édifient ainsi les uns les autres, mais la foi des autres ne sert pas à l’acquérir pour ceux qui ne l’ont n’a pas, puisque elle est le résultat d’une intervention que Dieu fait en eux. C'est un acte créateur que fait Dieu pour chacun de ceux qui croient.

Le chemin de la résurrection leur est-il fermé? Certainement pas !

On s’est interrogé pendant des siècles sur cette question sans donner de réponse satisfaisante. Je sais, pour ma part, que celui qui a le désir de rencontrer Dieu ne sera jamais privé de l'intervention de celui-ci, mais il devra attendre parfois longtemps et cette attente est frustrante. Celui qui désire cette rencontre avec Dieu doit se mettre dans une situation telle qu’il sera capable de recevoir le souffle créateur et d’être transformé par lui. Est-ce à dire qu’il y a un blocage en Thomas qui l’empêche de croire, comme chez tous les chercheurs infructueux de Dieu? Sans aucun doute.

Nous le rejoignons 8 jours après. Il n’a toujours pas cédé à la pression des autres et il attend que Dieu agisse en lui. Mais vous vous rappelez certainement que c’est lui qui en a fixé les critères de la rencontre. Il a défini de quelle manière Jésus ressuscité devait venir vers lui. C’est alors qu’il toucherait ses plaies, mettrait ses doigts dans la marque des clous, voilà ce qu’il veut. Le Jésus qu’il veut, celui auquel il pense, est encore un Jésus terrestre, un homme qui reste dans le prolongement de ce qu’il a déjà vécu avec lui, un homme qui n’est pas vraiment ressuscité puisqu’il porte encore les marques de son supplice et auquel sont encore attachés les lambeaux de la croix. Thomas n’est pas capable d’imaginer une autre réalité qui ne soit au-delà de la vie terrestre.

Pourtant, si Jésus est vraiment ressuscité il doit être revêtu d’un corps nouveau qui ne porte plus les marques de son supplice. Le Jésus ressuscité qu’il espère et auquel il ne croit pas encore devrait être un être recréé par Dieu, d’une autre nature que l’être mortel qu’il a vu pendre lamentablement accroché par des clous au bois de la croix.

Beaucoup de croyants figent leur réflexion en matière de résurrection à ce niveau là. Ils se limitent à un miracle qui serait la réanimation d’un corps, comme si la vie se trouvait enfermée dans une conception matérielle de l’existence. Oserai-je dire que Thomas par sa conception rigide redoute la manifestation de Dieu en lui. C’est le cas de beaucoup de ceux qui se refusent à croire en autre chose que ce que leur propre imagination leur dicte. Ils rangent la foi qu’ils n’ont pas encore dans des catégories de pensée aux quelles il ne veut pas avoir recours.

Dieu est patient, il attend le temps nécessaire pour que chacun soit capable d’accepter Dieu comme Dieu veut être perçu. Pour lui la résurrection n’est pas une vie améliorée, mais une vie recréée. « Crois-tu cela Thomas ? » Thomas est ébranlé par la longue attente. Huit jours est-il dit. Jésus vient, comme il le souhaitait. Il se présente à lui comme ce mort régénéré qu’il attendait. Dieu quand il se manifeste à nous tient compte des limites de nos capacités à le recevoir. Mais en même temps il nous aide à les dépasser. Jésus lui présente ses membres meurtris. Thomas ne les touche pas. Il ne met pas ses mains dans son côté. La résurrection n'est plus pour lui liée à l'aspect matériel du mort qu’il avait connu. Il a dépassé la logique humaine et peut entrer dans celle de Dieu. .

« Mon Seigneur, et mon Dieu » dit-il ! Tout a basculé dans le divin. Dans celui qui se présente à lui, il reconnaît Dieu, pas besoin de le toucher, surtout pas ! Pas même besoin de le voir ! Impossible d’exprimer l’inexprimable. Il sait en cet instant que Dieu a créé pour lui une réalité nouvelle. Il est désormais habité par la plénitude du divin. Inutile de voir ou de toucher pour croire. Il suffit de se laisser pénétrer par l’esprit qui crée en lui, comme en nous une réalité nouvelle. Heureux, désormais ceux qui, comme Thomas feront ce parcours, tel un parcours initiatique, car ils pourront croire sans avoir vu.





Le doute ;

Je n’ai rien trouvé à corriger à ce sermon écrit il y a  trois ans et que je laisse en l’état, mais je me suis permis une longue réflexion sur le doute pour accompagner le lecteur  qui a du mal à entrer dans l’univers de Dieu. 

En ce matin de printemps où tout  semble  nouveau et où l’espérance s’empare de l’avenir, je regarde, au-delà de la transparence du ciel et  au-delà des nuages qui habillent l’horizon. Ma pensée dépasse tous ces infinis pour penser à Jésus Christ  qui  est ressuscité par un matin de printemps  comme celui-ci, alors que personne de ses proches ne s’y attendait. La vie s’imposait comme terme ultime de l’existence humaine.  Dieu qui semblait assoupi depuis si longtemps  s’imposait au monde comme le garant de la vie et faisait  à nouveau son entrée dans l’histoire des hommes.  Mais en quoi suis-je concerné par ce sursaut de vie  et qu’en est-il, pour moi, maintenant de la réalité de ce Dieu ?

Est-il dans cet au-delà de l’au-delà, si lointain que les astronomes n’arrivent pas  à atteindre avec leurs lunettes les plus  sophistiquées ou est-il plus simplement niché dans les pensées de ceux qui le cherchent ailleurs  au fond de leur être intérieur?  Dans ce cas, il  serait tout près, alors qu’on  est enclin à le chercher  si loin. En fin de compte on se demande s’il existe vraiment. Voila que le doute qui périodiquement nous visite fait à nouveau intrusion dans nos pensées et met en cause tout ce que nous croyons  savoir sur Dieu. Ce doute qui s’oppose en ce moment à la pertinence de Dieu n’est-il pas un autre aspect de cette  même chose on appelait le péché originel dans les siècles passés car l’un est l’autre remplissent la même fonction, celle  de nous séparer de Dieu ?

Mais, loin de nous écarter de Dieu, le  fait de douter n’est-il  constructif de notre pensée et ne nous entraîne-t-il  pas à une rencontre plus   profonde et plus réelle de Dieu ? Pourtant, à l’inverse on peut se demander aussi si le doute qui s’empare de nous ne détruit-il pas les ultimes  lambeaux  qui retiennent  encore vivante notre foi en ce Dieu  qui voudrait se rendre maître de notre vie.

Face à ce questionnement, la Bible n’épargne personne et loin  de nous apporter des solutions simples pour renforcer notre foi, elle s’acharne à étayer les arguments  qui construisent notre doute. C’est à cet exercice  que se livre l’Evangéliste Jean quand il nous rapporte cette aventure de Thomas et il insiste sur la valeur pédagogique du doute qui a accaparé son âme pendant  huit jours jusqu’à  ouvrir à sa foi un chemin inattendu qu’il n’avait pas prévu.  Cette histoire nous explique que l’opinion unanime de tous n’a aucun pouvoir de persuasion sur les arguments que forge notre raison. Thomas reste seul avec ses questions face à ses amis qui n’arrivent pas à le convaincre par leurs arguments.  Ainsi l’opinion de la majorité n’est pas pour lui, porteuse de vérité.

Les autres sont heureux d’avoir fait une expérience de foi qui les a rassérénés, mais  cela n’est d’aucun effet sur le pauvre Thomas. Chacun a beau raconter les merveilles qui l’on amené à croire, cela n’est d’aucun effet pour ceux qui ne croient pas. C’est une mauvaise méthode d’évangélisation que de se  valoriser soi-même, pour amener les autres à croire. Ici, elle ne porte aucun fruit. Les expériences de foi des uns ne sont pas normatives pour les autres. Pour les uns,  comme ce fut le cas de  Paul Claudel il fut saisit d’une extase inénarrable, qui n’eut de valeur que pour lui. D’autres ont put avoir  une vision ou même un contact physique, avec Jésus ressuscité,  peut-être  ont- ils  touché  le ressuscité, heureux sont-ils !  John Wesley, Saul de Tarce, Marie Madeleine,  Martin Luther King… La liste est bien longue de ceux dont on a rapporté l’expérience et dont le récit nous a rendus  jaloux parce que nous n’arrivions pas à leur niveau spirituel, mais rien n’y fait ! De tels récits ne font que renforcer notre doute  et ne le suppriment pas. Pire, les doutes s’accumulent et viennent se rajouter aux autres.

En fait, ne douterions-nous pas de ce que nous savons déjà ? Si la question de Dieu nous travaille et que nous doutons de sa réalité, c’est que  nous en avons déjà constaté les effets et que c’est de la pertinence de ceux-ci que nous douterions.   En fait c’est de nous-mêmes que nous douterions et non pas de Dieu et de son action dans le monde. Le doute qui habite notre esprit ne serait-il pas alors la dernière étape de notre pensée en quête de certitude ? L’argument est trop  facile, pour qu’on lui accorde trop de valeur.

Le doute ne dissimule-t-il pas en fait  notre impatience, tant nous aimerions vraiment croire à ce dont nous doutons encore. C’est alors que nous rejoignons  notre ami Thomas qui ronge son frein depuis une semaine au moins  alors que les autres continuent à le mettre à l’épreuve en lui racontant les richesses de leurs propres expériences.  Le doute fait l’économie de la foi en cherchant à  valoriser le génie de la raison humaine, car tant que nous doutons, nous rejetons ce qu’il y a d’irrationnel dans la foi, et Dieu n’y trouve pas sa place.  En fait tout cela ressemble à un procès au cours duquel, pour trouver la vérité, les avocats rivalisent d’arguments  pour faire peser le doute sur les évidences  afin que le prévenu soit innocenté faute de preuves.

Y aurait-il un procès entre nous et Dieu et le doute y tiendrait-il le rôle de la défense  en prouvant la réalité de Dieu à coups  d’arguments rationnels.  C’est ce que l’on a vraiment cru pendant longtemps et  c’est ainsi qu’on a envoyé au bûchés tant d’hérétiques  qui pour avancer sur le plan de la foi se permettait de douter.

Mais la foi fait basculer tous ces arguments et ne se construit qu’en dénonçant  les arguments qui viseraient à rendre Dieu crédible.  Plus on cherche à démontrer la toute puissance de Dieu, plus on cherche à affirmer sa divinité, plus le doute s’empare de nous  car ce sont les arguments qui s’appuient sur sa faiblesse, sur son amour et son pardon qui séduisent notre âme.

Tous ces doutes que nous émettons au sujet  de Dieu ne font qu’étayer  les arguments en fonction desquels il n’y a pas d’arguments pour démontrer la réalité de Dieu, si non des émotions intérieures que l’on éprouve sans pouvoir les démontrer.  C’est ce qui arrive à Thomas  qui abandonne en un instant tout les arguments que  le doute l’avait aidé à construire.

Pour le chercheur de Dieu aujourd’hui, c’est dans l’humain qu’il rencontre Dieu et non pas dans le divin. Il découvre Dieu quand il s’empare de la souffrance et de la mort pour les pousser à leur paroxysme et les transformer en vie, c’est alors que le doute prend une telle puissance négative qu’il est détruit par  l’espérance qui ne peut avoir de réalité qu’en Dieu. Heureux sommes-nous alors si c’est le visage de Jésus Christ qui au cours de nos hésitations nous révèle celui de Dieu.

Tout ce que nous avons dit faisait partie du chemin solitaire de Thomas qui dans la seule présence de Jésus a découvert la réalité de Dieu. Était-ce dans son âme ou dans une  autre réalité, nul ne le sait car  s’il a vu avec ses yeux, il n’a pas touché avec ses mains mais son âme a été saisie. Si le doute  continue à jouer un rôle, ce n’est plus chez lui  que ça se passe mais chez les autres qui peuvent se demander si leurs certitudes naïves recouvraient la même réalité inexprimable que celle que Thomas vient de découvrir.



mercredi 7 mars 2012

Jean 20:1-10 La Résurrection dimanche 27 mars 2016




Jean 20 :1 Le premier jour de la semaine, Marie-Madeleine vient au tombeau dès le matin, alors qu'il fait encore sombre, et elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau. 2 Elle court trouver Simon Pierre et l'autre disciple, l'ami de Jésus, et elle leur dit : On a enlevé le Seigneur du tombeau, et nous ne savons pas où on l'a mis!

3 Pierre et l'autre disciple sortirent donc pour venir au tombeau. 4 Ils couraient tout deux ensemble. Mais l'autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau ; 5 il se baisse, voit les bandelettes qui gisent là ; pourtant il n'entra pas. 6 Simon Pierre, qui le suivait, arrive. Entrant dans le tombeau, il voit les bandelettes qui gisent là 7 et le linge qui était sur la tête de Jésus ; ce linge ne gisait pas avec les bandelettes, mais il était roulé à part, dans un autre lieu. 8 Alors l'autre disciple, qui était arrivé le premier au tombeau, entra aussi ; il vit et il crut. 9 Car ils n'avaient pas encore compris l'Ecriture, selon laquelle il devait se relever d'entre les morts. 10 Les disciples s'en retournèrent donc chez eux.

« L’autre disciple qui était arrivé le premier entra dans le tombeau, il vit et il cru. »


Ce sermon va être un véritable parcours du combattant. Nous allons passer tout notre temps à courir avec deux hommes dans un marathon spécial vers la vie. Sans doute en sortirons-nous essoufflés, à la limite de nos pensées humaines, mais régénérés par le souffle de l’esprit. C'est la vie intérieure de ces deux hommes qui va nous intéresser et nous allons essayer de transférer ce qui se passe en eux à ce qui se passe, peut-être, en nous. Malgré la clarté du matin qui est en train de naître, c’est encore l’obscurité qui emplit les pensées de nos deux amis désemparés, comme elle emplit aussi les nôtres à cause du mystère qu’elle recouvre.

Pourquoi ces deux là courent-ils ? Où vont-ils alors qu’il ne fait pas encore jour ? Un bruit s’est fait entendre dans la nuit, une rumeur est parvenue jusqu’à eux : le tombeau est ouvert. Les voilà partis, l’un à la suite de l’autre, l’un devançant l’autre et l’autre se faisant rattraper pour être devancé à son tour. Course de deux hommes qui cherchent à échapper à leur propre nuit. Deux hommes qui cherchent à comprendre l’incompréhensible.


Leur course dans la nuit de l’incompréhension est aussi la nôtre. Nous allons, nous aussi, courir avec eux à la recherche de la vérité sur la vie, car le mort n’est plus à sa place, la mort est remise en question. Celui qu’ils croyaient mort n’était plus là où on l’avait mis, tout est remis en cause. Nous nous mettons à jouer avec les mots résurrection, vie éternelle, pour dire encore aujourd’hui, et aujourd’hui encore plus que jadis, nos interrogations sur le vrai sens de la mort et corollairement pour nous interroger sur le sens de la vie et de la résurrection qui en devient partie prenante ?

Ces deux hommes courent à la recherche de ce qu’ils ne savent pas formuler. Ils espèrent une réponse à une question qu’ils ne savent pas poser. Quand ils arrivent au tombeau, là où habite la mort, il n’y a plus de mort. L’un entre et l’autre n’entre pas. La situation est cependant la même pour l’un, comme pour l’autre. Le premier voit les bandelettes et n’entre pas et Simon qui le suivait entra et vit les bandelettes. Il y a absence du mort aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du tombeau. Mais la mort n'a laissé aucune trace car tout y est bien rangé.

Une idée nouvelle est en train de jaillir en eux, mais n’a pas encore pris forme. C’est cette idée qui nous rejoint, nous aussi, mais tout reste encore trop obscure dans notre entendement. Ce qu’ils considéraient comme une vérité absolue sur la mort semble ne plus l’être. Dieu est en train visiter leur vie intérieure. Il emprunte les chemins de l’émotion et nos deux amis découvrent que la mort est une autre réalité, car la mort est ailleurs.

Cette course qu’ils sont en train de faire dans le petit matin, n’est pas seulement une expérience physique. Elle nous raconte aussi l’expérience intérieure qu’ils sont en train de vivre. La provocation insupportable qu’ils ont subie après la mort de leur Seigneur est en train d’ouvrir pour eux un chemin vers une autre vérité.

Ainsi en est-il de nous tous en ce matin de Pâques. On est venu à l’Église parce que l’on croit ce qu’on ne voit pas. On est venu pour conjuguer encore une fois tous ensemble ce même verbe croire : je crois, tu crois, nous croyons, puis chacun retournera chez soi. Telle sera la journée du croyant en ce jour là : une commémoration du jour où on s’est mis à croire que la mort avait cessé d’être le terme de la vie.

 Comme le bien aimé, nous sommes heureux de croire. Mais croire qui ? Ou croire quoi ou croire en quoi ou en qui? La plus part du temps on n’en dit pas plus. On se contente d’affirmer que l’on croit ? Il est important de croire, dit-on, comme si le verbe croire était une fin en soi. Mais ce n’est sans doute pas suffisant il faut faire encore un pas de plus.

Le fait de croire pour le chrétien, correspond à une adhésion personnelle à une vérité qui le dépasse. Mais de quelle vérité s’agit-il, d’autant plus que cette vérité peut en contenir plusieurs autres qui peuvent s’emboîter l’une dans l’autre, comme des poupées russes : « Je crois en Dieu, je crois en la vie après la mort, je crois en la résurrection de Jésus, je crois en ma propre résurrection, je crois à la vie éternelle. » Toutes ces affirmations se complètent et recouvrent les démarches intérieures de notre foi.

Rejoignons nos deux hommes qui courent et continuons à mettre nos pas dans les leurs. Ils sont à la cherche d’un signe qui leur permettra de mettre des mots sur l’événement qu’ils sont en train de vivre et qu’ils n’ont toujours pas compris. Dans ce cheminement spirituel, s’opère un glissement qui va du visible vers l’invisible, car la foi va jaillir en eux. La foi va jaillir non pas à partir de ce qu’ils voient, puisqu’il n’y a rien à voir mais de ce qu’ils ne voient pas. Nous en sommes au même point

Les deux hommes qui courent dans la nuit sont dépassés par leur raison. S’ils vont à la tombe en pleine nuit, c’est à la suite des propos d’une femme dont tout le monde sait qu’elle était dérangée. S’ils ont réagi ainsi, c’est qu’ils espéraient déjà, sans le savoir, un événement qui allait les bousculer. Leur raison a été ébranlée par quelque chose qui ne leur venait pas d’eux-mêmes. Dieu était déjà à l’œuvre dans leur doute. A l’énoncé des paroles de Marie Madeleine l’espérance a fait surgir en eux comme une lumière dans leur nuit. Bousculant ce qui est rationnel en eux, ils se sont mis à espérer en quelque chose d’irrationnel.

Ces deux hommes étaient certains que le Dieu de leurs Pères, le Dieu de Jésus, était maître de tout, qu’il avait tout pouvoir et qu’il pouvait faire surgir la vie là où la mort avait fait son œuvre. On avait beau le savoir, c’était quand même du jamais vu ! L’espérance faisait son chemin en eux et ils ne le savaient pas encore.

Il y a des passages obligatoires sur le chemin de la foi. L’espérance en est un. C’est le moment où notre âme est travaillée à l’intérieur de nous-mêmes par une proposition que notre raison réfute, mais qui provoque un sursaut d’énergie en nous. Cette proposition se heurte à notre intelligence qui développe toute sorte d’arguments raisonnables pour nous dire que ça ne tient pas la route, que ça ne peut être vrai et que ça relève de l’absurde ou du rêve.

Ceux qui vivent ce type d’expérience disent qu’ils sont ébranlés. Ils perçoivent déjà que la vérité sur toute chose se situe au-delà d’eux-mêmes, dans une réalité que Dieu seul peut rendre accessible. Le disciple que Jésus aimait en est là. Il est ébranlé, car il découvre que la vérité qu'il sent frémir en lui  est de l’ordre de l’invisible, de la vie intérieure.

En fait nous aimerions garder le contrôle de nos émotions, même de nos émotions religieuses et en limiter la portée. Mais nous ne sommes pas maîtres de la situation qui nous dépasse. Si notre raison a été ébranlée, si l’espérance nous a provoqués, si nous y avons pris de l’intérêt, c’est que cette puissance qui a surgi en nous et qui a bousculé notre manière de comprendre est à l’œuvre en nous. Elle ne nous lâchera pas. Mais, nous ne sommes pas encore arrivés au terme de notre course.

Dieu, qui a mis tout cet émoi en éveil a l’intention d’aller encore plus loin et de venir réguler le cours de notre vie. Il désire habiter nos pensées et inspirer nos projets. Pour cela, il nous réserve encore, l’expérience d’un face à face personnel avec le ressuscité. Ainsi contrairement à ce qui est écrit, après cela les deux hommes n’ont pas fini leur course. Dieu, en la personne de Jésus, s’est imposé à eux, d'un manière personnelle, comme celui qui avait franchi le passage vers l’éternité et qui avait ouvert pour eux un chemin jusque là ignoré. C’est alors qu’ils feront la rencontre du ressuscité. Jésus viendra vers  eux. Est-ce dans leur âme est-ce dans une vision intérieure est-ce dans la réalité de la vie, nul ne le sait. Mais il deviendra le compagnon invisible de leur vie et leur vie en sera changée.




Pierre et Jean courant au sépulcre Eugène Burnand

vendredi 2 mars 2012

Marc 11:1-11




L'entrée de Jésus à Jérusalem - les Rameaux Dimanche 1 avril 2012
1 Alors qu'ils approchent de Jérusalem, vers Bethphagé et Béthanie, près du mont des Oliviers, il envoie deux de ses disciples 2 en leur disant : Allez au village qui est devant vous ; sitôt que vous y serez entrés, vous trouverez un ânon attaché, sur lequel aucun homme ne s'est encore assis ; détachez-le et amenez-le. 3 Si quelqu'un vous dit : « Pourquoi faites-vous cela ? », répondez : « Le Seigneur en a besoin ; il le renverra ici tout de suite. » 4 Ils s'en allèrent et trouvèrent un ânon attaché dehors, près d'une porte, dans la rue ; ils le détachent. 5Quelques-uns de ceux qui étaient là se mirent à leur dire : Qu'est-ce que vous faites ? Pourquoi détachez-vous l'ânon ? 6 Ils leur répondirent comme Jésus l'avait dit, et on les laissa aller. 7 Ils amènent à Jésus l'ânon, sur lequel ils lancent leurs vêtements ; il s'assit dessus. 8 Beaucoup de gens étendirent leurs vêtements sur le chemin, et d'autres des rameaux qu'ils avaient coupés dans la campagne. 9 Ceux qui précédaient et ceux qui suivaient criaient : Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! 10 Béni soit le règne qui vient, le règne de David, notre père ! Hosanna dans les lieux très hauts ! 11 Il entra à Jérusalem, dans le temple. Quand il eut tout regardé, comme il était déjà tard, il sortit vers Béthanie avec les Douze.



La vérité sur les choses qui concernent Dieu se situe toujours au-delà de ce que nous percevons par nos sens. Nous cherchons à repérer les manifestations de sa toute puissance dans les événements qui attestent de sa grandeur. Nous sommes à l’affût du moindre miracle, comme si c’était le seul élément capable de révéler la présence de Dieu, comme si Dieu n’était repérable que quand il se permettait lui-même de transgresser les lois de la nature qu’il est sensé avoir lui-même fixées. Certes la Bible nous a habitués à voir dans les événements qui y sont rapportés les preuves de la majesté divine, mais la réalité de Dieu se transmet le plus souvent par ce qui ne se voit pas.

En fait d’événement remarquable, c’est le récit d’une aventure pour le moins curieuse qui nous est donné de découvrir dans le passage que nous avons lu Jésus n’y parle pas, mais les hommes crient. Le héros est un âne, un ânon plutôt ! La tradition chrétienne a trouvé dans ce non-événement matière à en faire une fête qu’elle célèbre chaque année en début de printemps. Ici pas de miracle, pas d’enseignement remarquable. Caracolant sur un petit âne qui peine à la montée, entouré d’une bande de braillards, Jésus s’adonne à une parodie dont on n’est pas très sûr d’en avoir décrypté le sens profond.

On a vu dans cet événement l’intronisation royale de Jésus. On a vu dans cette bousculade la volonté de Dieu de faire de Jésus le roi du monde. Il faut beaucoup d’imagination pour décrypter dans cet incident apparemment mineur le signe d’une vérité théologique majeure. Cette manifestation n’est, sans doute pas assez évidente pour que Jésus soit reconnu comme le successeur du grand roi David et qu’on lui donne le titre de Messie. Même si Jésus lui-même a voulu que les choses soient ainsi, il n’est pas sûr que nous soyons amenés à en tirer les bonnes conclusions.

Si Jésus est le successeur du roi David, s’il est le Messie et qu’il se présente pour nous comme notre roi, qu’est-ce que cela change d’ailleurs dans notre existence ? En quoi Jésus règne-t-il sur nous. Si cette question a tourmenté les croyants des premiers siècles, habitués à l’autorité des rois et du poids des traditions, en quoi peut-elle nous intéresser aujourd’hui, nous qui ne savons même plus ce que c’est qu’un roi ? Il y a sans doute un sens caché aux choses qu’il nous faut découvrir si nous voulons comprendre.

N’ayant plus de roi ici bas, nous nous plaisons à transférer la royauté de Jésus dans une autre réalité. Nous pensons habituellement que l’Evangile, à force de travailler intérieurement la conscience des peuples finira bien par provoquer une révolution lente qui instaurera une société plus juste, dans la quelle, tous les hommes devenus égaux ne rivaliseront plus entre eux. Comme personne n’y croit vraiment on a rejeté la réalisation d’une telle utopie à plus tard, dans un royaume céleste où Dieu règnera en maître sur un monde nouveau où les hommes ressuscités n’auront plus aucune réalité matérielle pour rivaliser entre eux et finiront par s’aimer par la force des choses. Y croyons-nous vraiment ? La question reste apparemment sans réponse.

Revenons alors à notre récit, essayons de mieux percevoir la pensée de Marc, l’auteur de cet évangile. Rejoignons le, trente ans avant la rédaction du récit que nous avons lu, au moment des faits. A cette époque, encore enfant, il arpentait les rues de Jérusalem à la suite de Jésus. Peut être était-il un de ces gamins qui cassaient des branches en vociférant. Certains détails de ses écrits laissent entendre que très jeune, il faisait sans doute partie de l’entourage de Jésus. Au lieu du récit officiel de l’événement que nous avons lu et qu’il aurait écrit trente ans après, imaginons ce qu’il aurait pu écrire sur un cahier d’écolier quelques jours après. Ce n’est évidemment qu’une pure fiction :

« Les événements qui se sont passés à ce moment là resteront gravés à tout jamais dans ma mémoire. Je n’étais encore qu’un enfant, mais je suivais ses disciples pas à pas. J’étais là le jour où le maître a traversé Jérusalem sur un petit âne. Ce ne fut pas un grand moment ; la police du Temple n’aurait jamais permis qu’on organise une procession à proximité du sanctuaire sans autorisation. Ce n’était pas un tout petit âne d’ailleurs, c’était une bête qui n’était pas adulte, mais capable de porter un homme, sur un court trajet. C’est sans doute pour cette raison que tout cela n’a pas duré longtemps et que la police n’en a rien su. Jésus qui ne disait rien, s’appuyait au passage sur les gens qui l’entouraient pour ne pas peser trop lourd sur l’animal. Ses disciples dont je m’étais écarté pour brandir moi aussi des branches de palmiers étaient gênés. Ils ne comprenaient pas que Jésus se donne à un tel spectacle, mais les gamins dont j’étais prenaient beaucoup de plaisir à agiter leurs branches. L’âne aussi semblait participer à la fête. On aurait dit qu’il était fier de servir à quelque chose, comme si tout cela ne pouvait se faire sans lui, et moi aussi, j’étais content d’être là, même si je ne savais pas à quoi je servais, j’avais l’impression d’être utile. Puis très vite tout s’est arrêté on approchait du Temple et tout rentra dans l’ordre. »

Dans les récits relatant le même événement rapporté par les trois autres évangiles, le fait que l’animal soit un ânon pose problème car c’était un animal apparemment trop faible pour être monté. L’Evangile de Matthieu rajoute la présence de l’ânesse sa mère, ce qui rend les choses plus cohérentes, et conforme à la prophétie de Zacharie (9 :9). « dites à la fille de Sion, voici que ton roi vient, plein de douceur monté sur une ânesse, sur un ânon, le petit d’une bête de somme. » Quoi qu’il en soit c’est l’âne qui est au centre du récit et non pas Jésus. Jésus, quant à lui ne dit pas un mot, si bien que nous devrons faire fonctionner les cellules grises de notre cerveau si nous voulons comprendre. Une seule parole de Jésus nous a cependant été rapportée et, comme de juste, elle concerne l’âne : «Le Seigneur en a besoin » dit-il pour justifier son emprunt.

En fait sans cet âne cet épisode n’aurait aucun sens. L’âne était considéré comme la monture royale du roi David qui avait des régiments d’ânes croit-on et chevauchait lui-même un âne de guerre. Un animal grand, au sabot sûr, monture parfaite pour porter la guerre en montagne et conquérir Jérusalem comme ce fut le cas. Mais cet ânon dont il s’agit ici, n’était pas une monture de combat ni de parade, il était incapable de porter trop longtemps un homme, même sans arme. Pourtant ici c’est l’âne qui fait le roi. Sans âne, il ne serait pas possible de discerner un sens royal à cette fête. Sans âne il n’y aurait pas d’allusion au roi mythique de la tradition, sans âne pas de Messie, pas de symbole. Si ce sont les gens qui acclament, c’est l’âne qui donne du sens à l’événement.

Le glissement est alors facile à faire de l’âne au chrétien. Celui qui porte le roi, celui qui atteste que Jésus est le Messie, c’est le petit âne, et par extension, c’est le modeste serviteur que l’on ne remarque pas, c’est vous, c’est moi. L’âne désigne ici le chrétien de base, incapable de manifester quoi que ce soit par sa parole sur la messianité de Jésus, mais capable de le désigner comme celui qui règne sur lui par ses actes. C’est par l’action constante et persévérante des chrétiens de base que Jésus est rendu manifeste à la face du monde et non pas par les sermons et les discours des clercs et des savants.

Ce récit fonctionne comme un encouragement muet de la part de Jésus en direction des plus modestes parmi nous. Toutes les petites actions en faveur des autres que nous pouvons faire, tous les petits témoignages que nous pouvons apporter sont autant de petits gestes qui manifestent la royauté de Jésus sur notre personne. Qui que nous soyons, comme le petit âne trop faible, Jésus a besoin de nous.

L’âne en avançant porte le Seigneur qu’il ne voit pas puisqu’il est sur son dos. Le croyant qui agit en faveur des plus petits que lui et qui témoigne de son amour pour Dieu ou pour les hommes ne voit pas forcément le Seigneur, mais comme l’âne il sait sa présence et cela lui suffit pour avancer. Cette collaboration anonyme avec Dieu donne tout son sens à notre vie. C’est cette présence de Dieu en nous qui nous permet de comprendre ce que nous sommes venus faire sur cette terre. Avec lui nous marchons dans la bonne direction, celle de l’éternité de la fraternité et de l’unité des hommes avec Dieu.

Que le Royaume de Dieu mette du temps à se réaliser, peu importe, ce ne doit pas être notre souci. Sans pour autant voir le maître, il nous suffit de sentir sa présence.

illustrations: ivoire/Constantinople 950/1000