jeudi 28 février 2013

Luc 19:28-44


Luc 19 : 28-44  les Rameaux - dimanche 24 mars 2013

28 Après avoir ainsi parlé, il partit en avant et monta vers Jérusalem.
29 Lorsqu'il approcha de Bethphagé et de Béthanie, près du mont dit des Oliviers, il envoya deux de ses disciples, 30 en disant : Allez au village qui est en face ; quand vous y serez entrés, vous trouverez un ânon attaché, sur lequel aucun homme ne s'est jamais assis ; détachez-le et amenez-le. 31 Si quelqu'un vous demande : « Pourquoi le détachez-vous ? », vous lui direz : « Le Seigneur en a besoin. »
32 Ceux qui avaient été envoyés s'en allèrent et trouvèrent les choses comme il leur avait dit. 33 Comme ils détachaient l'ânon, ses maîtres leur dirent : Pourquoi détachez-vous l'ânon ? 34 Ils répondirent : Le Seigneur en a besoin. 35 Et ils l'amenèrent à Jésus ; puis ils jetèrent leurs vêtements sur l'ânon et firent monter Jésus. 36 A mesure qu'il avançait, les gens étendaient leurs vêtements sur le chemin.
37 Il approchait déjà de la descente du mont des Oliviers lorsque toute la multitude des disciples, tout joyeux, se mirent à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu'ils avaient vus. 38 Ils disaient :
Béni soit celui qui vient,
le roi, au nom du Seigneur !
Paix dans le ciel
et gloire dans les lieux très hauts !
39 Quelques pharisiens, du milieu de la foule, lui dirent : Maître, rabroue tes disciples ! 40 Il répondit : Je vous le dis, si eux se taisent, ce sont les pierres qui crieront !
Jésus pleure sur Jérusalem
41 Quand, approchant, il vit la ville, il pleura sur elle 42 en disant : Si toi aussi tu avais su, en ce jour, comment trouver la paix ! Mais maintenant cela t'est caché. 43 Car des jours viendront sur toi où tes ennemis t'entoureront de palissades, t'encercleront et te presseront de toutes parts ; 44ils t'écraseront, toi et tes enfants au milieu de toi, et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n'as pas reconnu le temps de l'intervention divine.

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Notre réflexion quotidienne sur l’état de la planète passe par des élans d’enthousiasme et des moments de doute au sujet de l’action de Dieu dans le monde des humains. C’est cette atmosphère aujourd’hui que nous restitue l’Évangile de Luc en abordant le récit des Rameaux. Nous y croisons des gens pleins d’enthousiasme qui  se dépouillent de leurs vêtements qu’ils jettent sur un ânon et qui nous  invitent à participer  à leur  jubilation. Dans le même temps nous croisons les regards de Jésus dont les pleurs coulent sur les joues alors qu’il envisage un avenir sombre pour Jérusalem. Le Seigneur pleure sur la ville en voie de perdition dont il annonce  la fin catastrophique alors que les gens qui l’entourent manifestent leur bonheur d’entrer dans une ère de paix. L’Évangéliste nous fait passer sans transition de l’enthousiasme au désespoir,  et du désespoir à  la résilience.

La plume de Luc en multipliant les contrastes campe assez bien ce qui se vit dans la pensée de nos contemporains  qui cherchent les signes de la présence de Dieu dans les discordances de notre temps. Jésus vient vers eux en  promoteur d’une ère de paix comme le nouveau roi tant attendu, mais il annonce  en même temps que la ville sainte où il fait son entrée est promise à la destruction et ne se relèvera pas de ses plaies. La promesse de paix annoncée ne se réalisera que si les hommes, à l’inverse des gens de Jérusalem accueillent correctement leur Dieu qui les visite.

Car Dieu, à n’en pas douter visite les hommes, et ceux-ci  ne savent pas vraiment accueillir leur divin visiteur. Leur intérêt les pousse dans une autre direction. Ils accordent leur attention à ceux qui savent les séduire. Ce sont le plus souvent, les hommes de pouvoir qui les attirent et les fascinent. On les croit dépositaires de capacités, d’intuition, de sciences et de compétences qui sont seules porteuses de vérités pour l’avenir du monde. Les habitants de Jérusalem ont toujours cru qu’ils bénéficiaient des faveurs de Dieu.  L’auteur de l’Évangile se remémore-t-il, au moment où il écrit, l’histoire toute proche de la chute de Jérusalem?  Il y fait  peut être allusion dans son récit  ou rapporte-t-il une intuition prophétique de Jésus  concernant la ville ? Nous n’entrerons pas ici dans le débat.

Quand les armées romaines défièrent les forces juives qui s’opposaient à elles, elles  eurent affaire à une résistance farouche. Les juifs se croyaient protégés par leur bon droit et les faveurs de Dieu. Leurs premières victoires les confortèrent dans cette impression. L’histoire a démontré le contraire et c’est la pire des catastrophes qui s’en suivit. Ce fut l’anéantissement total. Nul n’avait compris 37 ans plus tôt de quelle manière  il fallait accueillir Dieu pour avoir la force de faire face.

Mais la force que donne le Seigneur ne s’appuie pas sur la force des armes, ni sur la sagesse humaine, ni sur le bon droit, ni sur la légitimité dont Dieu serait le garant. Quand Dieu nous visite, ce n’est pas en tant que chef tout puissant des armées célestes. La vérité sur Dieu relève d’une autre dimension.

C’est l’attitude de Jésus lors de son entrée à Jérusalem qui nous éclaire. Il s’avance sans arme, un petit âne dérisoire  pour monture, sous les acclamations  de quelques amis dont les louanges s’adressent à un roi dont le pouvoir est céleste et non pas temporel. Il se livre à un simulacre de conquête  de la ville sainte que nous jugeons, il faut bien le dire, comme dérisoires et sans avenir.

La présence de L’ânon contribue à rendre la situation irréaliste. Les autres évangiles  ont senti la difficulté de rendre les choses vraisemblables à partir d’une telle monture. Ils se sont appuyés sur les prophéties Habacuc qui fait allusion à une ânesse et son ânon pour raconter un tel événement. Ils  juchent alors  Jésus sur l’ânesse. Les choses apparaissent ainsi plus raisonnables, mais à la différence des autres évangiles Luc veut insister sur le dérisoire de la situation.

Mais il n’y a pas que l’ânon qui soit dérisoire, à y réfléchir un peu, l’Évangile aussi  n’est  pas très crédible pour les masses auxquelles il s’adressait.  Quand Jésus nous demande de partager notre nécessaire avec celui qui n’a plus rien est-ce vraisemblable ? Quand il nous propose d’aimer nos ennemis, et  de prier pour ceux qui nous persécutent, cela rallie-t-il vraiment notre adhésion ?  Quand il propose l’ânon comme monture il reste dans l’irrationnel.

Mais c’est de cet ânon-là, que Jésus a besoin, c’est  avec cette  monture inutilisable qu’il prétend affirmer son autorité. Jésus montre ainsi de quelle nature sont ceux dont il a besoin pour affirmer son règne de paix. Il a besoin de ceux qui apparemment n’ont pas d’autorité ni de compétence pour le faire. Il ne réclame pas pour autant des débiles et des demeurés, des gens son intelligence, incapables de se frayer un chemin dans le monde. Il a seulement besoin de ceux qui croient à la vérité de ses promesses et à sa volonté de changer le monde en profondeur.  Il cherche des gens capables de lui faire confiance et qui espèrent en autre chose que dans la force et l’esprit de domination pour faire triompher le bon droit. L’autorité dont Dieu a besoin quand il nous visite est donc ailleurs que là où les hommes l’espèrent
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Mieux, Luc, le narrateur va en rajouter une couche. Il insiste sur le fait que les gens qui accompagnent Jésus se dépouillent eux-mêmes de leurs vêtements pour que Jésus s’asseye dessus ou pour que le petit âne les piétine. Il signifie ainsi que ceux qui veulent participer à la royauté de Jésus doivent eux-aussi se dépouiller de tout ce qui leur appartient et qu’ils ne doivent faire confiance qu’à la foi que Jésus a déposée en eux. Si Luc ne mentionne pas les palmes que les gens agitent dans  les  autres évangiles, c’est que les palmes servent à honorer celui pour qui on les agite, Jésus ne réclame  pas cet honneur,  il ne demande que le don de soi.

Voilà un royaume bien difficile à construire, et il semblerait bien que Jésus nous invite à le suivre dans une perspective d’échec. Il en est conscient, la morosité s’empare de son propos car la route qui mène à la paix semble encore barrée par l’incompréhension des hommes. Elle passe certainement par la mort du Seigneur sur la croix. Personne n’en doute, mais elle passe aussi par l’anéantissement de toute velléité à vouloir construire le Royaume de Dieu avec des valeurs humaines. Il récuse  la prétention  des hommes à vouloir faire avancer les choses par leurs propres forces et leur propre génie.

Faut-il alors renoncer à une telle entreprise ? Loin de là, mais elle ne peut aboutir que  si elle s’appuie sur le petit nombre de gens assez utopiques pour croire que Dieu n’ a pas  besoin  de leurs compétences humaines pour construire ce Royaume que Jésus propose. Cependant Dieu n’envisage pas de faire aboutir son projet tout seul. Il a besoin de tous ceux  qui se mettent en capacité de recevoir le souffle de l’esprit et qui offrent leurs disponibilités et  la modestie de leurs moyens pour entraîner le monde à leur suite dans une ère nouvelle.

Dieu a l’audace de croire que ce petit nombre est suffisant pour que les choses changent. L’Église qui reçoit ce message dans la confiance est appelée à quitter ses ambitions de  régenter le monde en lui imposant sa théologie et sa morale. Elle s’ouvrira alors à la sérénité que lui offre sa confiance retrouvée dans une marche joyeuse vers un monde nouveau. Dans la quête de Dieu que mènent beaucoup d’hommes aujourd’hui, c’est dans cette voie qu’ils trouveront sans doute le chemin du salut.

jeudi 21 février 2013

Jean 8:1-11




La femme adultère : Jean 8 :1-11 Dimanche 17 mars 2013
 
1Jésus se rendit au mont des Oliviers. 2 Mais dès le matin, il retourna au temple, et tout le peuple vint à lui. S'étant assis, il les instruisait.
3 Alors les scribes et les pharisiens amènent une femme surprise en adultère, la placent au milieu 4et lui disent : Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d'adultère. 5 Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes : toi, donc, que dis-tu ? 6 Ils disaient cela pour le mettre à l'épreuve, afin de pouvoir l'accuser. Mais Jésus se baissa et se mit à écrire avec le doigt sur la terre. 7 Comme ils continuaient à l'interroger, il se redressa et leur dit : Que celui de vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre ! 8 De nouveau il se baissa et se mit à écrire sur la terre. 9 Quand ils entendirent cela, ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus âgés. Et il resta seul avec la femme qui était là, au milieu. 10 Alors Jésus se redressa et lui dit : Eh bien, femme, où sont-ils passés ? Personne ne t'a donc condamnée ? 11Elle répondit : Personne, Seigneur. Jésus dit : Moi non plus, je ne te condamne pas ; va, et désormais ne pèche plus.]



Assis dans la poussière regardant ses doigts qui tracent des signes dans le sable, Jésus écrit.  Nul ne sait ce qu’il écrit. Une femme  a été traînée devant lui par ses accusateurs  qui la prétendent   adultère et complotent sa mort. Fixant ses mains qui tracent des lettres, il détourne son regard de celui des scribes et des pharisiens qui en accusant la femme se drapent pieusement dans les articles d’une loi qu’ils ont rendue mensongère. Dieu lui-même est ici bafoué par l’hypocrisie de ceux qui se réclament de lui comme le Dieu de leurs pères. Jésus quant à lui, n’est-il pas en train d’écrire  une page de l’Evangile ? Nous essayerons de répondre à la question, mais le défit est quasiment impossible.

Jésus est accroupi sur le sol, au même niveau que cette femme jetée devant lui. C’est un piège  tendu contre lui pour l’accuser lui aussi à son tour. Il écrit de son doigt sur le sol et fixe d’un regard impénétrable les signes qu’il est en train de tracer. Tous deux, l’un face à l’autre font figure d’accusés. La première pour avoir soi-disant transgressé la loi à cause d’un adultère supposé, lui à cause des paroles qu’il n’a pas encore prononcées mais qui ne manqueront pas de  se retourner contre lui quand il les prononcera. C’est pourquoi il se tait.

La femme est au milieu, est-il dit ? Elle est au milieu de cet espace qui la sépare de ses accusateurs  qui se sont constitués en tribunal improvisé et de Jésus qui ne dit toujours rien. Quel rôle va-t-il jouer, celui du juge ou de l’avocat ? Les accusateurs qui aimeraient  le prendre en défaut lui confient pourtant le rôle  de juge suprême puisqu’ils lui proposent d’avoir un avis différent de celui de Moïse dont seule la loi fait autorité. Le piège s’est ainsi refermé car il est impensable de dire autrement  que Moïse.

Mais la loi de Moïse, parlons-en. Ici tout est biaisé. La Loi ne dit pas exactement ce qu’ils lui font dire. La Loi dit que l’homme et la femme pris en état d’adultère doivent être tués tous les deux. Mais l’homme où est-il ? S’il n’y a pas d’homme, il n’y a pas de flagrant délit. Il n’y a pas de plaignant non plus. Ce devrait être le rôle du mari. Il n’y a pas de mari. Ce faux procès n’a dont pas de raison d’être. Pas de délit caractérisé, pas d’accusateur. Jésus a donc assez d’éléments ici pour jouer le rôle de l’avocat qu’il ne joue pas. Il ne tombe pas dans le piège qui consisterait à entrer dans un débat rabbinique. Il tournerait  sans nul doute à son avantage, il noierait le poisson et sauverait la femme, sans la réhabiliter car elle serait acquittée par défaut. Jésus vise ailleurs, il vise  un enjeu théologique qui concerne le péché. Le péché en général et non pas le péché dont il est question ici. Dans ce cas-là, nous sommes tous concernés. Jésus continue à écrire sur le sol.

Jadis, Dieu lui-même n’avait-il pas écrit sur  les Tables de la Loi  avec son  doigt ? Jésus ne faisait-il pas de-même ? N’était-il pas en train d’écrire une nouvelle loi ou une interprétation de cette Loi ? Les Tables de la Loi avaient été brisées par Moïse qui les avait jetées à terre  cause du  péché de son peuple. Jésus écrivant à terre ne  reprend-il pas la Loi  à l’endroit-même  où elle avait été détruite ?  Le texte écrit, par Jésus aura pourtant le même sort.  Il sera effacé d’un coup de vent et les pas des hommes qui le fouleront  le rendront illisible. Jadis, une deuxième édition des tables avait été réalisée et enfermée dans l’arche sainte, mais elle n’avait pas la perfection de la première. Elle était appelée à une nouvelle écriture quand les hommes seraient capables de la comprendre. Ce temps était-il arrivé ? Quant au texte écrit par Jésus, sur lequel il s’est penché par deux fois, nul ne pourra jamais le lire à terre, mais ne  se trouvera-t-il  pas gravé dans notre cœur au lendemain de la résurrection ?

La femme est donc placée au milieu du cercle par ses accusateurs face à Jésus. Elle n’est même plus une femme, elle est l’incarnation du péché qu’elle est sensée avoir commis, elle est le péché. Elle a perdu tout ce qu’elle avait d’humain, elle reste l’enjeu d’un débat subtil dans lequel Jésus n’est pas encore intervenu. Elle ne risque même pas la mort car à l’époque on appliquait plus la Loi dans toute sa rigueur. Elle risque le déshonneur et l’infamie.

Si Jésus ne lui parle pas, s’il ne plaide pas en sa faveur, c’est qu’il ne veut pas entrer  dans un jeu pervers et morbide qui consisterait à vouloir la défendre, comme si malgré tout elle était coupable. Il lui fait la grâce de ne pas intervenir pour ne pas l’enfermer dans un péché qu’elle n’a peut-être pas commis. Il ne veut en rien entrer dans cette controverse que soutiennent les pharisiens selon laquelle la Loi  divine envoyait les coupables à la mort, comme si Dieu lui-même voulait leur  mort.

Puisqu’il est fait ici état du péché,  que ce soit le péché d’adultère dont cette femme est accusée, ou toute autre forme de péché, c’est sur ce terrain-là que Jésus ramène le propos. Jésus alors se redresse et sans doute les regarde bien en face car tous sont concernés.  Puisque selon leur interprétation de la Loi, le péché mène à la mort et qu’il n’y a aucune place pour le pardon et la vie, il faut donc que la mort soit donnée par une main sans péché.

Si tous ont péché, ils portent en eux leur propre mort. Il faut donc que celui qui n’a pas de mort en lui décide de la mort des autres. Ces deux choses sont incompatibles car il est impossible d’être impliqué dans la vie  et de porter en même temps la mort. Tel est Dieu. Il est vie, il est pourvoyeur de vie, il n’y a pas de trace de mort en lui, comment pourrai-il la donner ?

Tel est l’enseignement de Jésus sur Dieu. Pour lui, la Loi de Dieu ne peut pas conduire à la mort. Si elle révèle les fautes et toutes les formes que peut prendre le  péché, elle porte  aussi en elle les possibilités de repentance et de pardon qui mènent à la vie. C’est ce que nous révèlera l’apôtre Paul quand il montrera que Jésus, par son enseignement et son action dépasse toujours la mort pour offrir à tous une possibilité de vie.

Tous, se sentant  accusés par eux-mêmes, car tous étaient porteurs de péchés,  s’en vont l’un après l’autre en commençant par les plus vieux. Cet événement est rapporté de telle sorte que le lecteur qui a un peu de culture biblique, et c’est le cas des scribes et des pharisiens, se souvient du récit de Suzanne et des vieillards, dans l’apocryphe du prophète  Daniel.

L’histoire est sensée se passer pendant ou après l’exil à Babylone. Suzanne épouse d’un riche dignitaire de la communauté juive  fut surprise par  2  vieillards lubriques, qui étaient juges pour la communauté juive. Ils tentèrent  en vain de la séduire. Outragés par son refus ils la trainèrent devant le tribunal l’accusant d’avoir commis un adultère avec un beau jeune homme qui se serait sauvé à leur approche. Au moment où le tribunal allait la condamner à mort, Daniel intervint. Il demanda que l’on interroge séparément les deux vieillards sur l’emplacement exact  du lieu du délit. Naturellement ils se contredirent, Suzanne fut sauvée et les deux vieillards exécutés.


Sans doute les accusateurs de la femme instruits par cette histoire se retirèrent pour ne pas tomber dans le piège que Jésus avait retourné contre eux. Jésus alors s’adressa à la femme en l’appelant « femme », comme il l’avait fait pour sa propre mère dans l’événement de Cana. La femme ainsi réhabilitée par Jésus est promise à une nouvelle forme de vie où le péché n’entraînera plus la mort et   où Dieu sera porteur de vie pour tous les coupables qui se tourneront vers lui.

Quand Jésus lui dit de ne plus pécher, ce n’est pas de l’adultère dont il parle, car le procès n’ayant pas eu lieu on ne sait pas si l’accusation pouvait tenir encore, il la met en garde contre toute forme de péché. Il conduit à la mort quand il est géré par les hommes, mais il s’ouvre toujours à la vie quand on le confie à Dieu. Tout regard que l’on porte vers Dieu porte en lui un signe de repentance qui s’accompagne toujours d’une forme de pardon,  si bien que  tout péché, quel qu’il soit,  appelle le pardon de Dieu qui est l’expression de son amour pour tous les hommes  et  les conduit vers la vie. 


Une dernière question reste cependant sans réponse. Il s’agit de savoir ce que Jésus avait écrit. L’affaire est classée,  les gens sont passés et ont effacé les mots écrits, mais on peut dire à coup sûr  que ces mots sont  maintenant écrits dans notre cœur comme une nouvelle Loi issue de l’amour de Dieu.  Ce texte écrit  par Jésus devait  porter  l’empreinte du mot  «  vie », car le Dieu qui sauve dans la Bible n’est-il est pas appelé « le vivant », celui qui donne la vie ?

jeudi 14 février 2013

Luc 15 :11-32


Luc 15 :11-32:  La parabole du fils perdu et retrouvé Dimanche  10 mars 2013

11 Il dit encore : Un homme avait deux fils. 12 Le plus jeune dit à son père : « Père, donne-moi la part de fortune qui doit me revenir. » Le père partagea son bien entre eux. 13 Peu de jours après, le plus jeune fils convertit en argent tout ce qu'il avait et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en vivant dans la débauche. 14 Lorsqu'il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à manquer de tout. 15 Il se mit au service d'un des citoyens de ce pays, qui l'envoya dans ses champs pour y faire paître les cochons. 16 Il aurait bien désiré se rassasier des caroubes que mangeaient les cochons, mais personne ne lui en donnait. 17 Rentré en lui-même, il se dit : « Combien d'employés, chez mon père, ont du pain de reste, alors que moi, ici, je meurs de faim ? 18 Je vais partir, j'irai chez mon père et je lui dirai : “Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi ; 19 je ne suis plus digne d'être appelé ton fils ; traite-moi comme l'un de tes employés.”  » 20 Il partit pour rentrer chez son père. Comme il était encore loin, son père le vit et fut ému ; il courut se jeter à son cou et l'embrassa.21 Le fils lui dit : « Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils. » 22 Mais le père dit à ses esclaves : « Apportez vite la plus belle robe et mettez-la-lui ; mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds. 23 Amenez le veau engraissé et abattez-le. Mangeons, faisons la fête, 24 car mon fils que voici était mort, et il a repris vie ; il était perdu, et il a été retrouvé ! » Et ils commencèrent à faire la fête.

25 Or le fils aîné était aux champs. Lorsqu'il revint et s'approcha de la maison, il entendit de la musique et des danses. 26 Il appela un des serviteurs pour lui demander ce qui se passait. 27Ce dernier lui dit : « Ton frère est de retour, et parce qu'il lui a été rendu en bonne santé, ton père a abattu le veau engraissé. » 28 Mais il se mit en colère ; il ne voulait pas entrer. Son père sortit le supplier. 29 Alors il répondit à son père : « Il y a tant d'années que je travaille pour toi comme un esclave, jamais je n'ai désobéi à tes commandements, et jamais tu ne m'as donné un chevreau pour que je fasse la fête avec mes amis ! 30 Mais quand ton fils que voici est arrivé, lui qui a dévoré ton bien avec des prostituées, pour lui tu as abattu le veau engraissé ! » 31 Le père lui dit : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi ; 32 mais il fallait bien faire la fête et se réjouir, car ton frère que voici était mort, et il a repris vie ; il était perdu, et il a été retrouvé ! » 


Est-il possible de reconnaître Dieu dans l’image de ce Père dont la bonté cache son incapacité à gérer ses fils dont le mauvais comportement nous apparaît être le résultat d’une éducation déficiente. On ne peut pas dire que l’amour dont il les a aimés soit partagé  puisque le fils cadet va conserver de lui l’image d’un père faible que l’on peut manipuler. Le fils ainé, quant à lui a retenu de son père l’image d’un homme qui veut tout contrôler et qui ne laisse aucune liberté à son enfant c’est pourquoi il  n’ose pas s’assumer de peur de l’offenser.

En fait, le principe éducatif de ce père semble être simpliste et fonctionne de la même façon pour ses deux fils. Il considère que tant que ses fils résident sous son toit, c’est lui qui décide de tout car lui seul sait ce qui est bon pour eux. C’est ainsi qu’il prétend les aimer. Si ses enfants décident de le quitter, il ne s’y oppose pas et il leur donne les moyens  de subsister sans lui. C’est ce qui se passe pour le fils cadet. Il sait cependant qu’il reviendra car il est trop dépendant de lui.

Partage des biens du Père
Ne voit-on pas dans ce portrait l’esquisse de l’image de Dieu que diffusent nos églises. Dieu y est présenté comme  celui qui sait ce qui est bon pour chacun et il agit pour le bonheur de tous. Si on prend la liberté d’aller voir ailleurs, cette éventualité a été prévue. La liturgie du baptême des enfants ne dit-elle pas que « si un jour il venait à s’écarter de l’église, sa place y restera toujours marquée. »

Le fils cadet est à peine parti que son Père se met à attendre son retour, comme il est dit de  celui qui se sépare de l’église, tant il est vrai qu’on ne peut pas être mieux que dans la maison du Père. Cette attitude aimante de Dieu qui n’intervient pas et qui patiemment attend le retour du prodigue nous convient bien, et on l’a souvent enseignée mais est-elle la bonne ?  Les deux fils ont-ils eu la liberté de faire d’autre choix que celui qu’ils ont fait ? Le deuxième qui part, a-t-il la liberté de ne pas revenir, et celui qui reste a-t-il la liberté de faire autre chose que de rester ?

Face au Père qui écrase ses fils par sa bonté possessive, les fils ont fait des choix différents qui en fait sont les mêmes. Le cadet  trop à l’étroit dans cette demeure où l’amour trop pesant l’étouffe n’a qu’une idée, celle de partir, de fuguer, d’accomplir  son Œdipe, mais il n’en a pas les moyens. Comment peut-il jouir d’une liberté si facilement  acquise, alors qu’on ne lui en a pas donné les moyens. On ne lui a rien appris à faire, il n’a aucun talent à développer. Il ne sait rien faire et il a beaucoup trop d’argent à sa disposition. Ce qui devait arriver arriva. L’échec était prévu,  car le Père ne lui a pas donné les moyens de vraiment tenter sa chance. Sans formation et avec trop d’argent il ne pouvait faire autre chose que ce qu’il a fait et il a couru à sa  perte.

L’autre fils n’a pas le même caractère, il ne va pas faire les mêmes choix, mais comme  pour son frère il court à sa perte car il n’a aucun moyen de s’émanciper et de donner un autre sens à sa vie que celui prévu par le Père. Il a retenu de son éducation que son Père savait mieux que personne ce qu’il fallait faire et qu’il avait déjà les réponses aux questions qu’il pourrait se poser. Il lui est impossible  de s’écarter cette ligne de conduite.

L’un et l’autre montrent par leurs réactions qu’ils n’étaient pas heureux avec ce père trop sûr de lui pour faire le bonheur de ses enfants.

Vouloir reconnaître Dieu dans l’image stéréotypée  de ce vieux monsieur veuf qui  n’a qu’une seule peur, celle de perdre ses enfants  et qui finalement les perd  est impossible. Ce n’est en tout cas pas la bonne méthode pour aborder la parabole, car le Dieu que Jésus a voulu nous présenter comme son père n’est pas figé dans un personnage passif. Le père souhaité par Jésus aurait accompagné son fils  cadet dans ses errances lointaines, comme il le fit pour   Abraham, Jonas ou Paul de Tarse au lieu de lui donner tout cet d’argent dont il ne pouvait  faire qu’un mauvais usage.

Il serait allé  depuis longtemps au-devant de son fils ainé en pleine déprime pour lui apprendre à surmonter ses frustrations. Il l’aurait même poussé dehors pour surmonter ses complexes et devenir responsable.  Le Dieu de Jésus Christ ne  décide pas  de ce qui est bon pour chacun de nous, mais il ouvre les portes, il accompagne, il se met en mouvement, il ouvre des perspectives de vie chargées d’espérance  et il court  l’aventure avec nous car il ne nous donne pas tout, mais il nous aide à acquérir ce dont nous avons besoin.

Au risque de choquer ceux qui comprennent cette parabole comme  l’histoire du Père admirable font l’erreur de penser que l’image de  ce père correspond à celle de Dieu telle que Jésus nous la propose. En fait le Père lui-même va  changer à mesure que l’histoire se déroule.  C’est au moment où le Père qui attend son cadet  et  va vers lui,  qu’il se met à ressembler vraiment  Dieu. Il renonce à sa dignité, il sort de sa réserve et se met à courir, même s’il en perd ses babouches. Il ne tergiverse plus pour savoir ce qu’il doit faire pour l’accueillir, il laisse parler son cœur. Il n’écoute pas le repentir, il ne veut rien savoir de ses errances il est tout amour et il abandonne tout pour retrouver son fils. Tel est Dieu
départ du fils cadet

Occupé à aimer le fils cadet, il n’oublie pas l’ainé. Il sort de la maison et se comporte avec lui de la même façon qu’il l’a fait  pour le plus jeune. Il va à sa rencontre et se met à l’aimer comme il ne l’avait jamais fait auparavant. Il se penche sur sa souffrance  et tente  de l’ouvrir à l’avenir. Le Père d’avant ne courait pas à la rencontre de ses fils parce qu’il savait ce qui  était bien pour eux. Après les événements qui ont été racontés, il renonce à lui-même pour leur exprimer son amour au risque d’être mal reçu.

Avec ce changement d’attitude du Père s’opère en nous une autre vision de Dieu.  Nous sommes passés, sans nous en rendre compte, du Dieu d’Israël au Dieu de Jésus Christ.  Au  début du récit,  nous avons  reconnu le Dieu de Moïse qui savait la bonne route à suivre. On l’avait enfermé dans la Loi,  puis  on l’a enfermé dans le Temple et ses rites. Ce Dieu était celui dont la seule présence suffisait à combler ses adorateurs, croyait-on. C’est aussi celui que nous rencontrons le plus souvent dans nos églises. Mais à mesure que l’histoire se déroule et que le comportement du Père change, c’est le visage de Dieu qui se transforme. Il se met à ressembler  à celui  que Jésus appelle son Père et qu’il nous propose comme Père.

 Il sort de lui-même et  court le risque de s’adapter à nous  au point d’être rejeté  par certains. Comme le fils ainé figé sur le pas de la porte beaucoup  hésitent  à partager l’amour du Père pour son frère. C’est pourtant  en le  faisant qu’il montera qu’il a tout compris et c’est à agir comme  cela que Dieu  nous invite. Le fils ainé le fera-t-il ? Le ferons-nous ? C’est sur ce point précis que se pose la question de notre foi.

Le Dieu que nous découvrons à la fin de cette parabole est un Dieu qui vient vers les hommes qui leur prodigue son amour au point de les laisser libres de le refuser. Jadis le fils cadet avait cru que pour être libre, il fallait qu’il s’écarte de son Père, maintenant à la porte du jardin le fils ainé ne pourra être libre que s’il entre avec le Père pour partager la vie de son frère. Ce n’est pas gagné, mais Dieu ne peut rien faire de plus  parce qu’il a tout donné.
retour du fils cadet

Dieu lui aussi est sorti du carcan de la tradition où il était enfermé pour se jeter à corps perdu vers la nouvelle vie  que ses fils s’apprêtent à mener. Mais tout n’est pas gagné  à l’avance. Ils  n’ont pas encore fait le choix qui leur est proposé à savoir de s‘aimer assez pour  travailler  ensemble  dans l’exploitation du Père.  La vie est une aventure merveilleuse  et périlleuse tout à la fois que Dieu se propose de partager avec nous hors des sentiers battus de la facilité. 

Les illustrations sont de Bortolomeo Esteban Murillo