jeudi 30 novembre 2017

Esaïe 40/1-11 Consolez mon peuple dimanche 10 décembre 2017


Esaïe 40 :1-11
 «Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu.
2 Parlez au cœur de Jérusalem, criez-lui que sa période de combat est terminée, que sa faute est expiée, qu'elle a reçu de l’Éternel le salaire de tous ses péchés.»
3 *Une voix crie dans le désert: «Préparez le chemin de l’Éternel, faites une route bien droite pour notre Dieu dans les endroits arides!
4 Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline abaissées. Ce qui est tortueux sera redressé et les endroits rocailleux aplanis.
5 Alors la gloire de l’Éternel sera révélée, et au même instant tout homme la verra. Oui, c'est l’Éternel qui l'affirme.»
6 Une voix a dit: «Proclame un message!» Et j'ai répondu: «Que dois-je proclamer?» «*Toute créature est comme l'herbe, et toute sa beauté comme la fleur des champs.
7 L'herbe sèche et la fleur tombe quand le vent de l’Éternel souffle dessus. Vraiment, le peuple est pareil à l'herbe:
8 l'herbe sèche et la fleur tombe, mais la parole de notre Dieu subsiste éternellement.»
9 Monte sur une haute montagne, Sion, pour annoncer la bonne nouvelle! Élève avec force ta voix, Jérusalem, pour proclamer la bonne nouvelle! Élève ta voix, n'aie pas peur! Dis aux villes de Juda: «Voici votre Dieu!» 10 Le Seigneur, l’Éternel vient avec puissance, et son bras lui assure la souveraineté. Il a son salaire avec lui et sa récompense est devant lui.
11 Pareil à un berger, il s'occupera de son troupeau, il prendra les agneaux dans ses bras et les portera contre sa poitrine; il conduira les brebis qui allaitent.


Une bourrasque venue d’ailleurs tourbillonne en plein désert et noie dans un nuage de sable les effets d’un mirage grandiose.  On y voit  des engins affairés à niveler le sol du désert.  Ils construisent des autoroutes  qui conduisent vers un horizon encore inconnu.  Cette vision nous décrit comment Dieu fait son entrée dans l’inconscient humain. Les bruits qui accompagnent tout ce llabeur ne sont pas le fait du vacarme causé par les travaux, mais  sont le fait de voix humaines  qui se cofondent avec la voix divine.  Dieu  ainsi unit son action à celle des humains et sa voix se mêle à la leur. C’est à nous  d’être assez observateurs pour  comprendre ce qui se passe.

C’est l’espérance qui nous visite et nous parle d’avenir. Elle défie les terreurs humaines que nous construisons journellement  en observant ce qui se passe  sans laisser à Dieu la place qui lui revient. Contrairement au climat ambiant, ces voix nous décrivent un avenir prospère vers lequel Dieu avance  avec solennité et s’investit avec puissance. Mais
ce n’est qu’une vision ! Bien heureux celui ou celle dont la foi lui permet de voir ce qui reste encore caché à ceux qui ne croient pas.  Si cette vision est destinée à Israël en pleine débâcle, elle nous est destinée à nous aussi quand nous pensons à notre avenir.

Au moment où ces choses se passent, rien ne permet à Israël d’envisager  cet avenir prospère. L’exil a fermé à tout jamais les portes de l’espérance. La colère de Dieu semble s’être appesantie sur son peuple. La ville sainte a été investie, ses murs ont été sapés, ses notables exilés, sa noblesse assassinée, son roi martyrisé. La faute commise, justifiant un tel châtiment reste inexpliquée et demeure imprécise. C’est alors que la voix de Dieu change de ton : « le combat est terminé dit-elle,  Jérusalem  est graciée, elle a reçu de l’Éternel au double de ses péchés ». Qui peut dire mieux ?

Sans doute avons-nous là un texte de circonstance. Les exilés ont besoin de relever la tête pour rester un peuple cohérent à l’heure de l’épreuve afin d’affronter le châtiment  qu’il a sans doute mérité. Mais de châtiment, il n’y en a pas. Si  des fautes ont été commises et ont provoqué le désastre, celui-ci n’est pas le fait de la volonté divine. Ce n’est pas Dieu, contrairement  à ce qu’ils croient qui a provoqué le désastre et l’épreuve subie  n’est pas une punition divine.

On a bien souvent tendance à  croire que le malheur  que nous subissons auraient pour origine l’action de Dieu qui vengerait son honneur à la suite d’une faute commise contre lui, mais la voix qui raisonne à leurs oreilles par la bouche du prophète ne dit pas cela. Elle nous fait apparaître  sous les traits d’un berger qui fait paître son troupeau, qui  rassemble ses agneaux et les porte en son sein.  Esaïe n’est pas le seul à se servir de cette image bucolique . Le psaume 23 puisera son inspiration à la même source : «  le Seigneur est mon berger dira-t-il, je ne manquerai de rien » et plus tard Jésus reprendra cette même image dans l’Evangile de Jean où il se présente  comme le berger qui ira jusqu’à donner sa vie pour que ses brebis aient la vie en abondance.

Mais si les brebis dont il est question ici sont en danger, sont-elles  coupables d’une faute quelconque ?  Il semble plutôt  que ce soit  leur nature qui les rende vulnérables à toutes sortes de prédateurs dont Dieu chercherait à les protéger.  Elles n’auraient en aucune façon mérité les dangers qui les menacent.

Il n’empêche que subsiste chez beaucoup  d’humains  l’idée que leurs  difficultés seraient la conséquence d’une faute commise  qui serait punie  par une  sanction divine.  Ainsi la Bible nous rend témoins de deux images différentes de Dieu qui cohabitent, bien qu’elles soient contradictoires. Quand l’épreuve nous atteint, Sommes-nous coupables ou responsables ?   Dieu nous punirait-il de fautes commises ou nous protégerait-il du mal  que nous aurions attiré sur nous par notre négligence ?  Bien souvent,  nous nous sentons coupables des événements qui nous arrivent alors que nous n’en sommes peut-être que responsables. Et pas toujours !

Nous vivons souvent comme si Dieu faisait le recensement de nos actions et les classait  en catégories différentes,  qu’elles soient, bonnes, acceptables ou mauvaises et agirait par rapport à nous en fonction de ce classement. Ce serait le salut pour les œuvres bonnes et le châtiment à des degrés différents pour les autres. La Réforme nous a appris à voir les choses autrement.

Elle nous a appris que   Dieu n’est nullement responsable du mauvais sort qui nous arrive.  Si je sors sans me couvrir et que j’attrape un rhume, je subis mon mauvais sort  sans pour autant être puni par Dieu pour ma négligence.  C’est cet aspect des choses que la Bible semble avoir retenu plutôt  que l’autre. C’est la situation que propose Jésus dans la parabole de la brebis égarée.

Pourquoi s’est-elle égarée ? Nul ne le sait, mais on peut supposer qu’elle a trouvé de l’herbe plus tendre à l’écart du troupeau et que poussée par la gourmandise, elle s’est séparée des autres, puis s’est perdue. Le berger court alors le risque  de laisser les autres dans le désert pour voler au secours de la négligente et la prendre en charge. Si elle est négligente  elle encourt des ennuis qui peuvent être mortels.  Si elle  est responsable de son sort, et que  ce sort tourne mal  elle  n’en est pas pour autant punie d’une manière ou d’une autre, même si le loup la mange.  La Fontaine a brillamment explicité cela. C’est en faveur de ce Dieu qui se tient à côté de ceux qui sont en danger que plaide Jésus et c’est ce rôle qu’il demande qu’on lui attribue quand on l’élève au rang de Dieu et qu’on en fait son fils.

L’image de ce Dieu bienveillant traverse toute les Ecritures. Elle s’oppose à cette autre image du Dieu de justice que nous avons tendance à adopter comme la seule possible. C’est la voix de celui qui crie dans le désert  et qui est répétée chaque fois que la détresse s’empare de nous. Elle est proclamée ici par Esaïe, plus tard elle le sera par Jean baptiste. Elle retentit au fond de  notre cœur, elle frappe nos sens et nous interpelle afin que nous fassions les bons choix et que nous discernions  la compassion qu’elle nous apporte et non la culpabilité à cause des erreurs commises.


Dieu est donc  celui qui nous accompagne dans les difficultés de la vie, mais s’il est notre compagnon de route, il n’est pas pour autant le Dieu qui transforme les choses à notre avantage. La vie avec Dieu est donc un compagnonnage discret avec lui. Elle nous responsabilise dans nos actions et nous aide à découvrir toutes les voies possibles où Dieu oriente nos pas.

lundi 20 novembre 2017

Marc 13:33-37 Veillez et priez - Dimanche 3 décembre 2017



Veillez et prier  Marc 13/33-37

Marc 13/ Prenez garde, veillez et priez car vous e savez quand sera le moment. 34 Il en sera comme d’un homme qui, partant en voyage, laisse sa maison, donne autorité à ses esclaves, à chacun sa tâche, et commande au gardien de la porte de veiller. 35 Veillez donc, car vous ne savez pas quand viendra le maître de maison : le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou au matin ; 36 craignez qu’il n’arrive à l’improviste et ne vous trouve endormis. 37 Ce que je vous dis, je le dis à tous : Veillez.  

Écoutez : N’est-ce pas le pas d’un homme que l’on entend sur la route ? Il marche, indifférent aux paysages changeants qu’il traverse. Il trouve que tout est terne et monotone. Il n’entend pas le chant des oiseaux qui accompagnent ses pas et il maudit le vacarme qu’ils font et qui l’empêche de penser. Parfois son pied butte sur un des rares cailloux qui par hasard se trouve sur l’asphalte bien lisse ! Comment pourrait-il avancer sur ce mauvais chemin maugrée-t-il ? Où va-t-il ainsi, ce grincheux à l’humeur morose ? Il ne sait pas. 

Il se croit placé là pour accomplir son destin en suivant le chemin de sa vie qui ne mène nulle part. Il n’a pas de véritable compagnon de route et cache son désarroi dans une indifférence affichée. Insensible à tout ce qui l’entoure, il s’appesantit sur lui-même et ne songe qu’à se plaindre. Mais cette indifférence aux événements cache son angoisse, car en fin de compte il a peur. Mais il ne se l’avoue pas car seuls les faibles et les enfants ont le droit d’avoir peur. 

De quoi a-t-il peur ? Qui l’effraye ainsi ? Il ne saurait dire la nature du malaise qui l’étreint. Si d’aventure un compagnon de route règle ses pas sur les siens, c’est leurs angoisses qu’ils mettent en commun, et au lieu de s’exorciser mutuellement, elles ne font que s’accroître en se nourrissant l’une l’autre.

Ce phénomène de peur inavouée qui se cache derrière un marasme ostensible, n’est pas habituel. Il est exceptionnel. Mais périodiquement il s’impose aux masses qui en ressentent collectivement les symptômes. Il arrive, comme dans les temps qui courent, que l’histoire des hommes soit traversée de moments où un tel état de déréliction (pour employer un mot savant) se généralise et n’épargne aucune couche sociale. Chacun pense la chose naturelle si bien qu’aucun ne s’interroge vraiment sur son origine. Une explication trop facile n’est sans doute pas la bonne : c’est la crise dit-on, mais quelle crise? Comme si ce mot recouvrait à lui seul toutes les terreurs humaines. 

Une autre explication facile que l’on entend souvent, est celle du manque de repères et de la perte du sens. Ceux qui éprouvent ce sentiment n’arrivent pas à trouver hors d’eux-mêmes, ou au fond d’eux-mêmes une explication plausible. Leurs références à Dieu se sont altérées, au point qu’ils ne font plus confiance à celui en qui ils croyaient encore il y a peu. Ils s’en sont séparé sans même s’en apercevoir  Ils ne croient plus en celui en qui ils voyaient comme un divin compagnon de route. Leur parcours se fait désormais solitaire. C’est alors un silence consternant qui fait écho à la voix de ce Dieu qui jadis déplaçait des foules de fidèles par milliers.

Le vide ne se satisfait jamais du vide et bien vite ce sont d’autres formes de Dieu qui prennent la place de celui que l’on ne connaît plus. Ces nouvelles divinités sont différentes de ce Dieu désormais oublié. Comme toujours les hommes se construisent des idoles pour répondre à leurs manques et ils espèrent qu’elles donneront du sens à ce qui n’en a plus. C’est ainsi qu’ils conjurent leurs peurs. Ils ont agi ainsi de tout temps. Si les idoles ont changé de visage au cours des siècles, elles recouvrent toujours la même réalité, elles sont construites par les hommes pour répondre aux angoisses du moment, même s’ils savent pertinemment que ces angoisses, c’est eux qui les ont provoquées.  A nous de leur donner les noms qui nous conviennent le mieux. 

Régulièrement, comme si c’était un exutoire, des rumeurs venues des fins fonds du monde se répandent et contrarient la quiétude artificielle que se sont chèrement acquise les humains. On se souviendra des peurs de l’an mille qui n’avaient d’autres fondement que le changement de millénaire. Le Moyens âge terrorisé par l’idée de l’enfer a trouvé son apaisement dans la Réforme. Aujourd’hui c’est le réchauffement de la planète  qui crée des angoisses d’autant plus fortes qu’elles sont scientifiquement étayées.

 Curieusement, la rumeur se répand, selon laquelle  ceux qui gèrent le monde sont en train d’en perdre le contrôle. Il est facile alors d’écrire ou de dire que c’était écrit, que le Tout Puissant l’avait prévu, que les voix du Seigneur sont impénétrables, et que tel est le destin du monde. Si telle est la clé de l’énigme, tout cela ne correspond pas à l’image de Dieu telle que Jésus Christ nous l'a donnée. 

Le Dieu de Jésus Christ cherche à nous libérer de nos peurs et non à les provoquer. Il agit avec amour et compassion. Il est lent à la colère et prompt à la miséricorde. Comment aurait-il pu décider à l’avance de ses moments de colère  dont on l’accuse et les inscrire dans le marbre, comme s’il avait prévu ses mouvements d’humeurs des siècles en avance. Il n’est pas logique qu’il se mette en colère à jours et à heures prévus comme se l’imaginaient les contemporains de Jésus ou comme le pensent aujourd’hui ceux qui à partir du Livre de l’Apocalypse calculent la date où Dieu a prévu de se mettre en colère.

Dans ce long passage de l’Évangile de Marc dont nous n’avons retenu qu’un extrait, Jésus ne cache pas que des événements terribles peuvent se produire, (la destruction de Jérusalem par les armées de Titus est peut être là en toile de fond de ce passage) mais il n’accuse pas Dieu son Père de les provoquer, au contraire Jésus cherche à nous mobiliser pour que le jour où des événements dramatiques se produisent, nous ne soyons pas démunis et désemparés, car l’histoire des hommes est régulièrement traversée par des catastrophes dont ils ne sont pas forcément responsables. 

Si Jésus nous mobilise pour faire face au danger, c’est qu’il est possible de le surmonter et qu’il ne vient pas de Dieu. Certainement il ne cautionne rien de catastrophique, car Dieu ne programme ni ses moments de colère, nous l’avons vu, ni les malheurs qui s’abattent sur les hommes, mais il fait appel à leur sagesse pour les prévenir. 

Si plus avant dans le même Évangile, Jésus fait état d’événements annonciateurs, ce n’est pas pour nous alarmer, mais pour que nous mettions notre sagesse en éveil pour interpréter ce qui se passe et prendre les dispositions appropriées.

 Certains lecteurs de l’Évangile prétendent que dans de telles circonstances, la foi ne nous dicte qu’une seule attitude possible : celle de l’attente patiente dans la prière ! Mais tel ne semble pas être l’avis de Jésus. S’il n’exclut pas la prière, il la préconise même, il donne priorité à l’action de veiller. Pour lui l’attitude du croyant est d’abord dans l’agir et non pas dans le subir. 

La sagesse consiste donc à savoir que Jésus nous entraîne à l’action, car c’est dans l’action que la vie se manifeste et prend ses droits. Dieu ne cherche pas à rassembler un peuple qui subit, mais qui relève ses manches et se met à l’œuvre, car ce sont les hommes d’action inspirés par Dieu qui ont en eux les solutions de l’avenir.

Certes, ils  saisissent ce que Dieu leur suggère de faire dans la prière, car Dieu agit avec eux, et les mains des croyants sont les mains avec lesquelles Dieu agit. Mais  Dieu ne nous envoie pas son esprit pour que nous restions inactifs en attendant une délivrance qui ne viendra que si nous décidons d’entreprendre. Veillez donc nous dit Jésus afin de devenir les moteurs de ce monde que Dieu se plait à accompagner, car c’est ainsi qu’il nous aidera à conjurer nos peurs.

Matthieu 25/31-46 jugement dernier - dimanche 26 novembre 2017



Matthieu 25:31-46 le jugement dernier - dimanche 26 novembre 2017



                                              Le jugement denier Cathédrale de Bourges

Le jugement dernier

31 Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, il s'assiéra sur son trône glorieux. 32 Toutes les nations seront rassemblées devant lui. Il séparera les uns des autres comme le berger sépare les moutons des chèvres : 33 il mettra les moutons à sa droite et les chèvres à sa gauche. 34 Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : « Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ; héritez le royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde. 35 Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire ; j'étais étranger et vous m'avez recueilli ; 36  j 'étais nu et vous m'avez vêtu ; j'étais malade et vous m'avez visité ; j'étais en prison et vous êtes venus me voir. »

37 Alors les justes lui répondront : « Seigneur, quand t'avons-nous vu avoir faim, et t'avons-nous donné à manger ? — ou avoir soif, et t'avons-nous donné à boire ? 38 Quand t'avons-nous vu étranger, et t'avons-nous recueilli ? — ou nu, et t'avons-nous vêtu ? 39 Quand t'avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous venus te voir ? » 40 Et le roi leur répondra : « Amen, je vous le dis, dans la mesure où vous avez fait cela pour l'un de ces plus petits, l'un de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. »

41 Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche : « Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges. 42 Car j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger ; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire. 43 J’étais étranger, et vous ne m'avez pas recueilli ; j'étais nu, et vous ne m'avez pas vêtu ; j'étais malade et en prison, et vous ne m'avez pas visité. » 44 Alors ils répondront, eux aussi : « Seigneur, quand t'avons-nous vu avoir faim ou soif, étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, sans nous mettre à ton service ? 45 Alors il leur répondra : Amen, je vous le dis, dans la mesure où vous n'avez pas fait cela pour l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous ne l'avez pas fait. » 46 Et ceux-ci iront au châtiment éternel, mais les justes, à la vie éternelle.


Voila, tout est dit : Le salut par les œuvres semble finalement être la conclusion  de tout l’enseignement de Jésus qui s’achève avec cette parabole sur une condamnation sans appel de tous ceux qui manqueront aux règles de l’altruisme C’est la morale qui triomphe au détriment de la grâce. Les Réformateurs n’ont plus qu’à aller se rhabiller.

Nous sommes tellement choqués par cette conclusion que nous pensons,  à  coup sûr  que cette parabole  doit avoir une autre explication que celle  qui consiste à juger sévèrement ceux qui ont manqué aux règles de la plus élémentaire charité. C'est ce que nous allons essayer de voir au risque d'être accusés de manipuler l’Évangile.

Jésus fustige donc d’une volée de bois vert tous ceux qui auront l’audace de ne pas aimer leur prochain d’une manière significative. Il fait de l’altruisme une règle tellement rigide que tous se sentent coupables et responsables à l’énoncé du verdict.
Ou alors donne-t-il du Dieu traditionnellement reconnu par tous comme le Dieu de justice, une image tellement détestable qu’ils se rallieront à une autre image de Dieu révélée par Jésus dans son ultime sacrifice.

 Au début de l’Évangile Jésus recommandait d’aimer son prochain et il ne laissait pas entendre  que tout manquement  à ce précepte  aurait pu   entraîner la condamnation à mort  que ce texte suggère. Ici il se transforme en juge et prononce une sentence sévère. L’évangile qui se veut libérateur, devient tout à coup accusateur, et Jésus qui était sensé pardonner tous les hommes entre dans un autre rôle, si bien que nous avons du mal à le reconnaître.

Ce n’est pas seulement le contenu de cette parabole qui est déroutant, c’est que les  philosophes et les moralistes de notre temps tiennent  le même langage. Ils nous reprochent de ne pas faire grand cas de tous les affamés, de ne pas savoir accueillir les étrangers, de ne pas se soucier des malades dans les hôpitaux et de n’avoir aucun égard pour ceux qui sont en prison. Le prix de cette  attitude serait le déclin de nos sociétés et la fin  du monde occidental.


La société civile d’aujourd’hui tient donc le même discours que celui que les Églises tenaient jadis et qu’elles tiennent encore. Ce discours  visait à dominer les masses en les culpabilisant.  Il prétendait que le salut de chaque individu dépendait de la manière dont chacun se repentait de ses erreurs et de  ses manquements aux règles d'amour. Après s’être repenti chacun devait corriger ses actions insuffisantes. Seuls  ceux qui se soumettaient aux exigences de  ce discours  avaient un espoir de salut.  Mais si l’Eglise enseignait cela, cet enseignement était loin d’être respecté par ses dirigeants ! C’est le même constat que nous faisons à l’égard des dirigeants de nos sociétés modernes.

Si nous portons notre attention sur les médias d’aujourd’hui, nous y lisons à chaque ligne de leurs éditoriaux que la société occidentale est responsable de tous les maux de la planète : La pollution bien sûr, la famine des pays pauvres, le climat d’insécurité dans le moyen Orient, j’en passe. Mais à la différence du discours que l’on reprochait et que l’on reproche encore aux Églises, les médias ne laissent place à aucun espoir car ceux qui se mettent à l’œuvre pour secourir la détresse des autres n’en font pas encore assez pour inverser le cours des choses. Coupables ou non tous subiront le même sort.

Comment donc s’en sortir ? Il nous faut sans aucun doute retrouver le langage de l’Évangile qui en dépit de  cette fin terrible n’enferme pas les hommes dans leur culpabilité, mais leur donne l’espérance d’une issue heureuse en tout cas  pour ceux qui agissent selon les bons préceptes de l’altruisme. Si nous essayons de pénétrer plus à fond cette parabole, nous constaterons que malgré le rejet des coupables, elle s’achève sur la promesse de la vie éternelle pour les justes. Une partie donc de la société échapperait donc à la condamnation. C’est le dernier mot du texte. Le but de ce long discours culpabilisant est donc d’ouvrir l’avenir sur une possibilité de vie. Cette vie donnée par Dieu sera éternelle. Mais nous l’avons compris, cette conclusion passe mal aujourd’hui, car les promesses d’un ’au-delà  heureux ne font plus recette.

Nos contemporains se sont détournés des églises traditionnelles parce que leur langage culpabilisant qui masquait l’espérance était devenu insupportable. Ils gardent cependant en eux une soif de spiritualité. Même s’Ils vont jusqu’à gommer complètement la réalité de Dieu, ils  retiennent cependant qu’il existe encore chez certains  l’idée d’un esprit de bonté, de fraternité et d’amour qui soufflerait sur le monde et dont toutes les religions seraient dépositaires. Ils n’ont pas cessé d’être animés par des idées généreuses avec lesquelles ils construisent une foi à leur propre dimension et se tracent pour eux-mêmes des voies d’espérance. Mais si l’homme moderne reste un homme spirituel, il a pourtant rejeté Dieu dont le visage traditionnel ne lui convient plus et il n'entend plus cette parabole qui semble pourtant être présentée ici comme le testament spirituel de Jésus.
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Ne se trouvant plus à l’aise dans les religions reconnues, l’homme d’aujourd’hui ne se sent pas non plus à l’aise dans la société civile qui tient le même langage que les églises qu’il a rejetées et qui en plus a détruit l’espérance. Pourtant cette société moderne ne lui a-t-elle pas tout donné ? En tout cas, on essaye de le lui faire croire. Elle lui a donné la possibilité de confort, la puissance économique, la consommation en abondance, l’éducation et l’enseignement, mais en même temps elle a créé l’angoisse du lendemain et la peur de tout perdre, sans solution de remplacement. L’espérance a cessé de faire partie du langage autorisé.

Dans cet univers que j’ai brossé sombre à souhait, Jésus se présente donc  avec cette parabole comme celui qui accuse. Il vient avec les attributs d’un juge et siège au tribunal de Dieu. Il répond ainsi aux souhaits de ceux qui veulent le faire Dieu et il prend ainsi la place de son Père jugeant le monde. Personne ne peut échapper à son jugement. Qui parmi nous, même les plus saints, pourraient mériter le salut qu’il propose ? Personne, car nous resterons toujours  coupables de manquement aux règles de l’humanité la plus élémentaire.

Celui qui parle ainsi, c’est le Jésus couronné de gloire qui trône en majesté sur le tympan de nos cathédrales, c’est celui qui juge et qui condamne, ce n’est pas celui qui est messager d’espérance pour ce monde, ce n’est pas le témoin de Dieu qui  dans les lignes suivantes va entamer son long calvaire au cours duquel il est dit  que c'est à cause de l'humanité défaillante  qu'il donne sa vie, non pas pour que les hommes soient condamnés mais qu'ils aient la vie en abondance. Pourquoi alors cette  parabole accusatrice  dans laquelle nous avons du mal à entrer?  Pourquoi Jésus se met-il en scène sous les traits d’un juge arrogant ?
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Tout simplement parce que nous sommes à un des tournants de l’Évangile ! Dans les pages qui vont suivre va commencer la longue série des textes de la passion qui vont donner une autre couleur à la réalité sur Dieu. Et qui vont à tout jamais anéantir ce Dieu vengeur.

Finie alors l’idée de Dieu-juge entouré de sa cour d’archanges trônant avec son fils pour punir le monde infidèle. Terminée l’image de ce Dieu qui se met en colère pour préserver sa majesté divine quand elle est offensée. C’est maintenant une autre réalité de Dieu que Jésus va proposer au monde par sa mort qui défie la mort et par sa résurrection qui offre la vie aux hommes quand celle-ci semble avoir disparue. L’image de Dieu qui s’impose désormais à nous, c’est celle du Dieu qui donne la vie, et qui offre aux hommes l’espérance quand l’avenir semble compromis. En entrant volontairement dans le temps de sa passion Jésus détruit à tout jamais l’idée que Dieu nous accuse de quoi que ce soit et nous rend coupables de quoi que ce soit. Son projet consiste à nous enrôler dans un processus de vie pour les hommes et pour le monde.

.Cette parabole prend alors l’allure de la caricature de ce que serait le monde si Dieu s’imposait à nous comme un Dieu de justice et non comme un Dieu d’amour. C’est la caricature du Dieu qui transparaît dans les discours des pharisiens et que Jésus récuse. C’est le Dieu des intégristes qui veulent imposer aux autres une loi qu’ils ne peuvent pas s’appliquer à eux-mêmes. Le Dieu de Jésus Christ a toujours refusé de se laisser enfermer dans la notion de justice telle que les hommes la conçoivent. Il se fera connaître désormais comme celui qui vient vers tous les hommes et leur propose à tous le salut comme Michel Polnareff le chantait quand il disait que nous irons tous au paradis,… même les méchants.

Il me plait donc de regarder l’avenir avec cette conception des choses car je suis sûr que c’est aussi la conception de Dieu.