lundi 21 août 2017

Jérémie 20:7-9: Comment la révolte peut prendre la forme de l'amour : dimanche 3 septembre 2017





La pratique de l’amour, fait partie de cette  révolte que Dieu met en nous pour changer le monde :

( Une réflexion pour accompagner une méditation sur Jérémie 20/7
« Tu m’as séduit Éternel et je me suis laissé séduire
Tu m’as saisi et tu as vaincu. Je suis chaque jour en dérision et
Tout le monde se moque de moi. »)


Tout individu qui réfléchit à la réalité des  choses, finit invariablement par se dire que Dieu ne peut faire cause commune avec ce monde.  Il y a incompatibilité entre  lui, que nous supposons  en phase avec l’univers et la société des humains qui  se complaisent à multiplier les rivalités et les inégalités. Toute forme d’harmonie entre les êtres devient  alors impossible.  Ceux qui voudraient  faire entrer la notion de Dieu dans une telle réflexion pourraient  seulement dire que le Dieu qui conviendrait  aux humains ne pourrait être qu’un Dieu injuste et  sectaire  qui n’affermirait sa toute puissance qu’en cautionnant  les rivalités et les injustices. Mais si c’était le cas,  le monde à la destiné duquel il préside aurait disparu depuis longtemps. A l’inverse, c’est le  Dieu  de l’harmonie auquel nous aspirons secrètement qui n’aurait que  peu de chances d’exister.  Dans le meilleur des cas c’est le Dieu qui se confond avec la nature qui aurait l’heur  de nous plaire, mais  il  n’aurait aucune incidence sur le devenir des hommes.

Voila le raisonnement qu’aurait pu tenir Jérémie s’il avait prolongé plus loin  la pensée qu’il développe dans le passage que nous avons cité en exergue.  Il en  serait sans doute arrivé à conclure  qu’il y a inadéquation entre le Dieu dont les hommes se réclament généralement et la réalité du Dieu qu’il perçoit.  Mais malgré tout, il ne peut concevoir un autre Dieu que celui-là. Bien évidemment   quand il développe de telles idées en contradiction les unes avec les autres,  les hommes se moquent de lui. Non seulement il en souffre, mais il remet aussi en cause l’idée qu’il a de Dieu. Qui le délivrera de  ce raisonnement absurde dans lequel il s’enferme ? Qui nous éclairera si nous avons l’audace de le suivre sur cette voie là ?

La  sagesse ne  consisterait-elle pas pour lui à cesser de se poser tant de questions, à accepter de vivre dans ce monde où il est et de profiter du temps qui passe en rendant grâce à Dieu de ce qu’il y a de bien dans son existence  sans soulever des problèmes auxquels  personne ne saurait répondre ? Ce n’est pas à lui de porter sur ses frêles épaules  toutes les inégalités de ce monde !   Dieu ne le lui demande pas !  Tels pourraient-être les arguments que lui opposeraient ses meilleurs amis s’il en avait comme ce fut le cas de Job. Evidemment, il ne  pense pas comme eux !  Si le Dieu auquel il croit  est cohérent avec ce qu’il lui inspire,  sa protestation contre ses semblables  qui ne l’écoutent pas, est justifiée.  S’il y a de la cohérence dans le Dieu auquel il croit, il doit se jeter  à corps perdu dans la bagarre, dut-il y laisser  sa vie.
 
Il se doit de contester le bien fondé de cette société de privilégiés où il se trouve et de polémiquer contre ses semblables,  contre les prêtres et même contre son roi.  Il ne peut pas tout garder en lui sans le dire, l’esprit qui l’anime lui suggère  de le faire, c’est pourquoi, il se refuse à taire cette vérité qui  lui fait si mal  et à la  garder pour lui. En même temps, tout en se reconnaissant comme trop faible pour  agir efficacement  il reproche à Dieu de ne pas lui en donner les moyens.

Voila ce que pense Jérémie. Il  est à la foi en accord avec son Dieu qui lui inspire ses protestations et  il lui reproche en même temps de ne pas lui donner la force, ni le pouvoir d’agir efficacement. Il le laisse s’enferrer dans une révolte de façade  qui ne lui attire  que des désagréments.

Pourtant, en protestant comme il le faisait, Jérémie donnait la parole à tous ceux qui n’étaient pas satisfaits des injustices dans lesquelles ils se trouvaient et contre lesquels les ils se sentaient seuls.  Il justifiait ainsi, tous les contestataires qui se réclament de Dieu pour dire leur insatisfaction.  Ils entendent  au fond d’eux-mêmes une autre voix que la leur, qui leur vient de Dieu et qui leur dit que la priorité pour eux n’est pas dans  la pratique de la religion, mais dans la justice et le refus des inégalités : « Vos holocaustes ne me plaisent pas, dira-t-il au nom de Dieu en  6/20, vos sacrifices ne me sont pas agréables ». Il ouvrait ainsi la voie  à tous les chercheurs de Dieu qui le trouvaient ailleurs que dans la rigueur du culte et les portiques du temple mais dans une vaste protestation contre l’injustice.

Il est banal de refuser aujourd’hui  Dieu tel que les religions le représentent, les lois nous autorisent à le faire sans que nous risquions d’en payer lourdement les conséquences. On a le droit de dire son désaccord  et même de rejeter Dieu sans aucune conséquence apparente, mais c’est Dieu qui n’y trouve pas son compte !  Car, quand on rejette jusqu’au principe même de Dieu,  on ferme son  propre esprit  à toutes ces voix qui viennent d’ailleurs et qui sont parfois la sienne, qui vibrent à l’intérieur de chaque individu et qui lui disent  ce que Dieu dit aux hommes.

En effet, si Dieu est présent au monde, il est aussi présent aux hommes et il a la possibilité de se faire comprendre d’eux, sans  fréquenter les chemins  sur les quels on s’attend à le rencontrer. Il ne s’encombre pas des conventions imposées par les hommes pour se faire comprendre, car c’est sur le chemin de la révolte que  Dieu lui apparaît. 

Ce n’est pas cette voie qu’ on s’attend à rencontrer Dieu.  Jérémie a bien compris que Dieu ne l’invite pas à se satisfaire d’une situation établie et qu’il ne cautionne pas la société  injuste qui se réclame de lui.  Ce n’est pas dans les actes de piétés qu’il entend l’appel de Dieu, ce n’est pas dans les cérémonies du temple, ni dans la beauté des processions ou dans la musique liturgique qui élève son âme, c’est dans le vent  de révolte contre l’ordre établi qu’il entend la voix de son Dieu. Ce vent le pousse bien malgré lui sur un chemin où personne ne veut l’accompagner.

Mais en tant qu’homme de Dieu il sait aussi qu’il doit être un sage. La sagesse ne consiste pas à donner libre cours  à la révolte, à descendre dans la rue et à mobiliser au nom de Dieu contre le pouvoir en place, tous  les mécontents. La sagesse, alors que la révolte gronde en lui, est de chercher  à entendre Dieu et à rester en harmonie avec lui. Plus il est méprisé, plus il se sent rejeté, plus il sent la proximité de Dieu qui lui donne la sérénité pour avancer et l’espérance malgré les contraintes. La révolte ne signifie pas la violence, mais correspond à un état d’esprit que nous découvrons à son contact comme faisait partie de l’esprit de Dieu.
 
Dieu ainsi avait préparé depuis longtemps le message  dont Jésus s’emparera bien plus tard, quand il fera de l’amour du prochain la règle absolue  que l’humanité devra adopter si elle veut être en accord  avec ce qu’il nous est donné de connaître de Dieu. Dieu n’est pas seulement celui qui a mis en branle tout l’univers et qui règle le parcours des étoiles dans le ciel. Il n’est pas seulement celui qui donne du sens aux choses et aux individus, mais il est avant tout celui qui conduit les hommes vers leurs semblables pour qu’ils s’aiment entre eux. Il  propose aux hommes de renoncer à toute forme de rivalités pour vivre en harmonie avec leurs semblables. Ainsi ils construiront un monde  qui sera en accord avec  la manière dont Dieu veut concevoir  l’univers et agir  en osmose avec lui. La pratique de l’amour prend alors l’aspect de la révolte que Dieu met en nous pour changer le monde.

jeudi 17 août 2017

Matthieu 16/13-20: Tu es le fils du Dieu vivant... dimanche 27 août 2017 reprise du 21 août 2011



Texte : Matthieu 16/13-20
Jésus posa cette question à ses disciples : Au dire des gens qui suis-je, moi le fils de l’homme ? Ils répondirent : Les uns disent Jean Baptiste ; d’autres, Élie ; d’autres Jérémie, ou l’un des prophètes. Mais vous, leur dit-il, qui dites-vous : Simon Pierre répondit
 : tu es le Christ, le fils . du Dieu vivant
Jésus reprit la parole et lui dit : Tu es heureux, Simon, fils de Jonas, car ce n’est pas la chair et le sang qui te l’ont révélé, mais mon Père qui est dans les cieux Et moi, je te dis que tu es Pierre et que sur cette pierre, je bâtirai mon Église, et que les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle. 

La Bible est la seule autorité qui nous sert de référence .

Qui dites-vous que je suis ?
Ce n’est qu’une simple question posée par Jésus à Pierre et aux autres. Depuis des siècles elle provoque chicanes et contestations entre les différentes fractions du monde chrétien. Les Eglises n’arrivent pas à tomber d’accord sur la signification profonde du dialogue qui s’est amorcé entre les deux interlocuteurs. Ce faisant, nous passons certainement à côté de ce qui est important. Ce qui est important ici, c’est que Pierre donne une bonne réponse, en tout cas une réponse qui convienne à Jésus. « Qui dites-vous que Je suis? Tu es le Christ le Fils du Dieu vivant »

C’est à cause de cette bonne réponse que Jésus tire des conclusions qui troublent les églises depuis lors. « Tu es Roc et sur cette roche je bâtirai mon Église, et les puissances de la mort n’auront point de force contre elle. Je te donnerai les clés du Royaume des cieux et tout ce que tu lieras sur terre sera lié au ciel... » 

Les conclusions que Jésus tire de la bonne réponse de Pierre, sont les conséquences de cette réponse et ne s’adressent pas tellement à Pierre en tant que personnage distinct, mais s’adressent à quiconque fera la même bonne réponse que lui. Ce sera le cas des 12 apôtres présents ce jour là autour de Jésus, et ce sera le cas de quiconque après eux fera la même réponse, vous ou moi ou bien d’autres. 

Il serait donc un peu rapide de dire, dans le contexte de cet évangile, que Pierre est mis à part d’une manière spéciale. La suite le montre puisque Jésus, dans les quelques lignes qui suivent l’identifie à Satan. Les paroles de Jésus concernent quiconque fera sienne la bonne réponse de Pierre. « Tu es le Christ »! Il s’agit donc pour nous d’inscrire Jésus dans notre relation à Dieu avec ce titre de Christ. 

Mais quand nous affirmons que Jésus est le Christ, savons-nous vraiment à quoi nous nous engageons? Nous avons tellement l’habitude d’entendre cette expression qu’elle est devenue comme un automatisme, une réponse toute faite dont nous pesons mal la signification. Pourtant elle est lourde de sens.

En attribuant à Jésus le titre de Christ, nous lui conférons tous les pouvoirs, des pouvoirs semblables à ceux accordés jadis à l’empereur romain. C’est à dire que nous lui reconnaissons le droit de vie et de mort sur nous. Le droit  d'orienter  notre existence. Nous lui reconnaissons le droit de disposer de notre personne. 

Au point où nous en sommes dans notre réflexion, il faut que nous nous interrogions pour savoir si notre vie est bien mise à la disposition de ce Christ que nous confessons et si nos choix de vie sont bien en accord avec lui. S’il est pour nous le Christ, c’est que nous lui donnons la possibilité de s’immiscer dans les recoins les plus intimes et les plus secrets de notre âme, c’est que nous accordons à l’Evangile autorité sur nos décisions.  

Cette dernière affirmation peut bien sûr provoquer des réactions de protestation en nous. Ainsi présenté, l’Evangile nous apparaît comme contraignant, puisque c'est en nous référant à lui que nous décidons des choix de notre vie, alors que nous nous plaisons à dire qu’il est libérateur. Nous affirmons habituellement qu’il est un moyen de référence mais qu’il n’est nullement une nouvelle loi que nous ajouterions à l’ancienne. Nous nous reconnaissons la liberté d’interpréter l’Évangile. Personne ne dit le contraire, pourtant Pierre va plus loin dans sa réponse il n’affirme pas seulement que Jésus est le Christ, il ajoute : « tu es le fils du Dieu vivant. » Pierre ne se situe plus au niveau des idées, il entre dans une relation vivante avec son Seigneur. 

En parlant de relation vivante avec Jésus, Pierre exprime la nécessité de dépasser l’Évangile. Cela veut dire qu’il affirme non seulement que Dieu est vivant mais que notre vie se déroule en relation avec lui, c’est à dire qu’il a une action concrète sur nous. Cela veut dire aussi que son action est porteuse de vie . Cela veut dire que le Dieu auquel nous nous référons se lie à nous par un contrat de vie. Il se lie à nous dans un processus de vie dont Jésus est la seule référence. C’est en ce sens que Jésus est fils de Dieu. Le Fils, c’est celui qui manifeste la réalité du Père. Si nous faisons nôtres les paroles de Pierre, nous affirmons que par l’action de Jésus en nous, Dieu se permet d’intervenir continuellement dans nos vies. 

Mais une telle affirmation est-elle rassurante pour autant? Elle rend la présence de Dieu si proche que nous en ressentons quelque chose d’inquiétant. A cause même d’une si grande proximité nous éprouvons le besoin de prendre un peu de recul. Mais peut-on reculer quand Dieu nous introduit aussi personnellement dans ses projets? 

En fait, Dieu sait très bien qui nous sommes, et Pierre qui nous a introduit dans cette réflexion nous aide, à son corps défendant. Après avoir fait cette très belle confession de foi que nous faisons nôtre : « tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », il va lui même se laisser aller à des initiatives personnelles à propos des quelles Jésus le rappellera à l’ordre durement en lui disant « arrière de moi, Satan.» Par cette intervention, nous découvrons que nous ne pouvons entrer dans le projet de Dieu que si Dieu lui-même nous y aide et en assume la responsabilité avec nous. 

Il n’est pas en notre pouvoir de répondre par nos propres forces à l’exigence de la proximité de Dieu. C’est Dieu qui la veut et c’est Dieu qui l’accomplit avec nous et en nous. En effet, dès que Pierre va revenir à la réalité de ce monde, dès qu’il va se mettre à agir et à réagir, il va prendre l’initiative de contrecarrer les projets de Dieu au nom de sa logique humaine. Jésus réagit promptement. Pierre n’a pas encore compris que ses initiatives personnelles ne peuvent se faire que sous l’inspiration de Dieu. C’est lui qui lui donne force et énergie par son esprit. Ce qui est valable pour Pierre l’est à plus forte raison pour chacun de nous. La vie que Dieu met en nous ne se vit vraiment que si Dieu la vit avec nous. 

Dieu nous demande donc cet élan du cœur qui fait que nous lui faisons entière confiance pour prendre en charge nos propres vies. Ces vies, inspirées par Dieu ne sont pas pour autant passives. Pour être vraiment vivantes elles sont faites de réflexions, de décisions et d’actions, et chacune de ces étapes doit être le reflet de Dieu qui vit en nous. C'est dire alors la place que doit prendre la prière dans nos relations avec Dieu. C’est lui qui accompagne nos projets de vie, il est présent dans les choix que nos faisons il est de partout dans ce que nous vivons. 

Est-il besoin de dire qu’entre notre volonté de nous laisser envahir par lui et la réalité de notre existence il y a un immense fossé qui ne peut être comblé que par une accumulation de pardons qui consolident toujours les liens de vie qui nous unissent à Dieu. Le ciment qui rendra notre vie féconde sera fait de pardons donnés et de pardons reçus, et par voie de conséquence d’amour qui nous vient de Dieu mais qui ne prend de réalité que si nous le partageons en le donnant aux autres. 

Les conséquences de tout cela, résident dans cette vocation qui nous est faite d’entraîner les hommes à notre suite vers le Royaume du Seigneur par une action constructive au jour le jour. Il s’agit alors de créer avec les hommes des liens qui visent à les rapprocher de Dieu. C’est sur la fidélité à notre foi que s’édifiera l’Église, et que l’Église deviendra un rempart contre les œuvres de mort. Jésus confie l’Église à Pierre qui confesse sa foi, comme il l'a dit dit, mais aussi, il confie son Église  à chacun de ceux qui confessent leur foi comme Pierre dans les mêmes termes que lui. Pierre n’est donc pas un homme qui est mis à part pour devenir l’unique chef  de toute l’Église, c’est un exemple qui est donné ici par Jésus, afin qu’on le répète à des millions, voire à des milliards d’exemplaires.

mercredi 9 août 2017

Matthieu 15/21-28 La foi d'une cananéenne dimanche 20 août 2017 reprise du 14 août 2011



Matthieu /15-21 La foi d'une Cananéenne
 
21 Jésus partit de là et se retira vers la région de Tyr et de Sidon. 22 Une Cananéenne venue de ce territoire se mit à crier : Aie compassion de moi, Seigneur, Fils de David ! Ma fille est cruellement tourmentée par un démon. 23 Il ne lui répondit pas un mot ; ses disciples vinrent lui demander : Renvoie-la, car elle crie derrière nous. 24 Il répondit : Je n'ai été envoyé qu'aux moutons perdus de la maison d'Israël. 25 Mais elle vint se prosterner devant lui en disant : Seigneur, viens à mon secours ! 26 Il répondit : Ce n'est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens. 27— C'est vrai, Seigneur, dit-elle ; d'ailleurs les chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres... 28 Alors Jésus lui dit : O femme, grande est ta foi ; qu'il t'advienne ce que tu veux. Et dès ce moment même sa fille fut guérie.

Heureux celui ou celle qui sait que le Seigneur reste le maître des mystères de sa vie, car notre vie est pleine de mystères dont nous ne savons pas les origines et cela nous trouble. Quelles que soient les circonstances et quelles que soient ses origines le croyant sait qu’il y a indépendamment de lui des forces qui n’obéissent pas aux règles des hommes et qui donnent du sens à son existence. C’est Dieu qui se révèle ainsi. Cela relève de la foi, et cela devrait lui suffire. Mais ce n’est pas le cas. 

Pour beaucoup, il apparaît comme un fait établi que Dieu aurait réglé les mystères de la vie selon des critères qui lui appartiennent, mais les hommes se croient suffisamment intelligents pour les découvrir et s’en emparer à son insu. A l‘opposé, d’autres vont jusqu’à penser que certains individus ou même certains peuples ont priorité sur les autres et détiennent dans leurs cultures les secrets de la vie. Comme cela semble apparemment être le cas du peuple juif.

On est en droit de penser que Jésus en tant que juif partage cette opinion qui le rend réticent pour écouter les doléances de cette femme. Cela peut sans doute nous choquer, mais Jésus est un homme de son temps, issu de la culture de son temps et il réagit avec les réserves des hommes de son temps. Mais tout cela n’est ici qu’une entrée en matière dont l’issue nous rapprochera de la vérité. 

Même s’il reconnaît qu’il est venu pour donner priorité aux brebis perdues d’Israël, il ne dit pas qui sont ces brebis perdues. S’agit-il des Israélites qui ne reconnaissent pas en lui le messager de Dieu ? S’agit-il des non juifs qui n’ont aucune connaissance de Dieu ? Dans ce cas il s’agit d’une grande multitude de gens ! Alors grand est le nombre des brebis perdues de la maison d’Israël, même les petits chiens cananéens qui mendient les miettes en font partie. 

En fait de miettes, il ne me paraît pas que la foi puisse se mesurer. Ici il s’agit de miettes, ailleurs il s’agit de grains de moutarde, il n’y a pas de mesure pour codifier les degrés de la foi. La foi est avant tout une certitude et un savoir. Elle relève d’un état et non d’un dosage. Elle repose sur une vérité que nous ressentons au fond de nous-mêmes selon laquelle notre vie ne nous appartient pas. Elle appartient à une réalité qui nous nous vient d’ailleurs et qui s’intègre en nous pour faire partie de nous-mêmes. Ce n’est ni la sagesse des hommes, ni la science que l’on pourrait avoir des Ecritures qui fait que notre vie a du sens ou qu’elle n’en a pas, c’est une vérité qui vient d’au de là de nous-mêmes. 

En dépit de cela, depuis toujours les hommes ont cru pouvoir arracher les secrets de la vie à qui les possède : Dame nature dont nous faisons partie ou Dieu quand on y croit. Les savants ont tenté toutes sortes d’aventures pour parvenir à cette fin. Ils sont descendus jusqu’aux aux racines des continents dans les gouffres marins, ils sont montés plus haut que les cieux pour rejoindre les étoiles, mais leur avidité de connaissance ne leur a rien révélé sur notre âme. 

Astrologues, sorciers, enchanteurs, mages et gourous ont aussi essayé d’arracher ces mêmes secrets à la matière dont nous sommes faits, mais l’élixir de vie, l’eau de jouvence ou la pierre philosophale n’ont jamais été trouvés et ne le seront sans doute jamais car les secrets de notre existence ne sont pas à notre portée. 

Pour y arriver, il faudrait franchir les portes de la mort et perdre alors notre consistance physique pour découvrir qu’au delà de la mort il y a peut être un savoir sur la vie qui nous concerne, mais cette étape franchie  tout retour vers un état antérieur nous serait interdit. Notre découverte ne nous serait alors d’aucune utilité. Face à toutes ces espérances déçues, une pauvre femme dont on ne connaît pas le nom nous donne la seule leçon qui nous permette d’avancer. 

Face au mystère de la vie, Dieu ne nous a pas laissés sans réponse. Face au questionnement universel des hommes, il y a une réponse que cette femme a trouvée en toute naïveté. Apparemment si cette femme a compris ce grand mystère qui est celui de la foi. Nous en serons, sans doute capables, nous aussi. Dieu nous a donné des miettes suffisantes pour apaiser notre faim de curiosité elles ne relèvent ni de la compétence des savants ni de celle des gourous. Ces miettes qui échappent à la sagesse des plus futés sont cependant à la portée de chacun. 

Pour ce faire il nous faut suivre l’exemple de cette femme qui a déjà fait le point sur sa propre existence. Comme elle, nous n’avons sans doute pas plus d’importance que des petits chiens et nous espérons cependant que des miettes de la sagesse divine vont tomber jusqu’à nous. Cette sagesse qui va nourrir notre foi c’est l’espérance. 

Cette femme espère. Elle ne sait sans doute pas quoi, mais elle est poussée par une force qui lui donne de l’audace. L’espérance est cette force qui nous habite et qui met en nous une soif de vie qui nous pousse à commettre des actes audacieux. Ces audaces dont nous sommes capables ne correspondent ni à une science ni à un savoir elles jaillissent du tréfonds de nous-mêmes et agissent comme un moteur de vie qui tire notre existence vers le haut. On pourrait les appeler en terme profane l’instinct de survie. 

Cet appétit de la vie nous pousse à entreprendre des choses parfois irrationnelles ou insensées. Il ne porte pas toujours les fruits espérés, il échoue parfois lamentablement, mais il provoque en nous un dynamisme dont l’origine mystérieuse est en nous, mais ne vient pas de nous. 

La femme cananéenne de ce récit a compris cela, elle n’a sans doute pas fait d’études avancées mais elle comprend que les pulsions de vie qui l’habitent viennent d’ailleurs que d’elle-même. Au contact de Jésus, ces pulsions de vie se sont mises en mouvement et elle comprend que c’est le Dieu dont Jésus parle qui en est à l’origine. Elle sait que c’est Dieu, qui en dépit des circonstances et des conventions sociales lui donne l’audace d’attirer l’attention de Jésus. Puisque Dieu provoque en elle cette espérance de vie, elle a alors raison d’insister. 

Elle n’a pas eu besoin qu’on l’enseigne pour découvrir que l’espérance qui l’habite lui vient de ce Dieu qui a mis en elle un désir de vie. Il en va de même pour chacun de nous. Ce mystère ne nous appartient pas. On ne le trouvera ni en faisant des expériences élaborées ni en s’adonnant à des calculs compliqués, mais en constatant qu’il y a en nous une force de vie qui nous pousse à espérer. 

Le miracle de la femme cananéenne ne réside pas tellement dans le fait que sa demande ait abouti, mais plutôt dans le fait qu’elle ait compris que l’audace qu’elle a eu d’importuner le maître pour quémander la vie, ne lui venait pas d’elle-même mais lui venait justement de celui qui donne la vie et qui la prend en charge, elle et sa fille. 

L’espérance est donc cette force que Dieu a mis en nous depuis nos origines et qui nous pousse à toutes les audaces. Jésus s’est donné pour tâche de nous aider à identifier cette force et de lui donner un nom. Il reconnaît en elle le Seigneur dont il est le Fils. Il nous prend en charge comme le ferait un Père, il nous enveloppe d’amour comme le ferait une mère. Il nous ouvre un avenir de vie sans fin comme le ferait notre Dieu. C’est grâce à l’Esprit que Jésus souffle sur nous que nous arrivons à cette connaissance. 

Lui seul a su aller jusque au bout de l’espérance. Même dans la mort, son espérance a pris la dimension de l’éternité qui est la seule réalité qui contienne toutes les dimensions de Dieu, c'est-à-dire l’amour, l’espérance et la vie. Ainsi croire en Jésus Christ consiste à avoir l’audace suprême de savoir que la vie ne peut pas nous abandonner car elle vient d’ailleurs, elle appartient à Dieu et Dieu a décidé de nous la donner en totalité.

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