vendredi 27 mai 2016

Luc 7:36/8-3 La pcheresse pardonnée dimanche 12 juin 2016



Luc 7:36/8-3 La pécheresse pardonnée

36 Un des Pharisiens pria Jésus de manger avec lui. Jésus entra dans la maison du Pharisien et se mit à table. 37 Et voici qu'une femme pécheresse, qui était dans la ville, sut qu'il était à table dans la maison du Pharisien ; elle apporta un vase d'albâtre plein de parfum 38 et se tint derrière à ses pieds. Elle pleurait et se mit à mouiller de ses larmes les pieds de Jésus, puis elle les essuyait avec ses cheveux, les embrassait et répandait sur eux du parfum. 39 A cette vue, le Pharisien qui l'avait invité dit en lui-même : Si cet homme était prophète, il saurait qui est la femme qui le touche et ce qu'elle est : une pécheresse.

40 Jésus prit la parole et lui dit : Simon, j'ai quelque chose à te dire. — Maître, parle, répondit-il. — 41 Un créancier avait deux débiteurs ; l'un devait cinq cents deniers et l'autre cinquante. 42 Comme ils n'avaient pas de quoi payer, il leur fit grâce de leur dette à tous deux. Lequel l'aimera le plus ? 43 Simon répondit : Celui, je suppose, auquel il a fait grâce de la plus grosse somme. Jésus lui dit : Tu as bien jugé.

44 Puis il se tourna vers la femme et dit à Simon : Vois-tu cette femme ? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m'as pas donné d'eau pour mes pieds ; mais elle, elle a mouillé mes pieds de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. 45 Tu ne m'as pas donné de baiser, mais elle, depuis que je suis entré, elle n'a pas cessé de me baiser les pieds. 46 Tu n'as pas répandu d'huile sur ma tête ; mais elle, elle a répandu du parfum sur mes pieds. 47 C'est pourquoi, je te le dis, ses nombreux péchés sont pardonnés, puisqu'elle a beaucoup aimé. Mais celui a qui l'on pardonne peu aime peu. 48 Et il dit à la femme : Tes péchés sont pardonnés. 49 Ceux qui étaient à table avec lui se mirent à dire en eux-mêmes : Qui est celui-ci, qui pardonne même les péchés. 50 Mais il dit à la femme : Ta foi t'a sauvée, va en paix. 

1 Par la suite, il se mit à cheminer de ville en ville et de village en village ; il proclamait et annonçait la bonne nouvelle du règne de Dieu. Les Douze étaient avec lui, 2 ainsi que quelques femmes qui avaient été guéries d'esprits mauvais et de maladies : Marie, celle qu'on appelle Madeleine, de qui étaient sortis sept démons, 3 Jeanne, femme de Chuza, intendant d'Hérode, Susanne, et beaucoup d'autres, qui utilisaient leurs biens pour les servir.

Si vous avez prêté un tant soit peu d’attention à la lecture de ce texte et que vous l’avez écouté non seulement comme un récit issu de l’Évangile mais aussi comme un texte littéraire, vous aurez sans doute été séduits par sa capacité à retenir l’attention de son lecteur. Vous aurez alors remarqué l’art de l’Évangéliste Luc qui retient notre attention en faisant rebondir l’intrigue jusqu’à la conclusion du récit.Celle-ci nous nous laisse perplexe. C’est l’effet recherché. Elle provoque en nous un questionnement qui ne recevra de réponse que de notre propre réflexion. C’est ici l’usage d’ une méthode interactive bien avant que la mode s’en soit répandue.

Que dire en effet de l’association que Jésus fait entre les mots de pardon et d’amour ? Habituellement ces deux mots ne vont pas ensemble et pourtant pour Jésus l’association de ces deux mots devient logique : La femme sera d’autant plus pardonné qu’elle aura beaucoup aimé. Ainsi l’art littéraire de Luc se met-il au service de Jésus pour faciliter la transmission de son Évangile d’une manière remarquable. 

Il nous faut voir maintenant comment Jésus en arrive à cette conclusion. Aujourd’hui, le mot « amour » a tendance à se vulgariser. Non seulement on l’utilise à tort et à travers, mais on en fait usage dans toutes les langues et en particulier en anglais. Il a même trouvé ses lettres de noblesse en argot. Notre vénérable Eglise Protestante Unie a osé inviter ses jeunes à un grand « kif », c’est tout dire ! On représente aussi ce mot par un graphisme en forme de cœur ce qui permet de le comprendre dans toutes les cultures. Ainsi on aime la couleur de sa voiture, on aime ses enfants ou sa femme. On aime les voyages ou les idées d’un philosophe à la mode. Les jeunes usent de ce mot avec excès. Sans doute les plus érudits d’entre vous aimeraient intervenir pour rappeler que le verbe aimer se dit de trois façons différentes en grec qui est la langue des philosophes, comme chacun sait. Je ne les mentionnerais que pour mémoire, histoire de faire sérieux. Il s’agit d’héros, d’agapé et de philein.

Mais loin de moi l’idée de m’attacher à ces 3 sens. Je ne suis pas en train de faire une dissertation de philo, et si un candidat au bac se risquait à utiliser mes arguments, il risquerait d’être déçu par la note finale, car je m’exprime en français et le français mélange allègrement les 3 sens du mot qui reste unique dans notre langue.


Même si Jésus utilise le mot « agapé » pour l’associer au mot pardon, nous ne pourrons établir la nuance dans notre langue. Nous n’entendrons pas la distinction que le grec fait entre les 3 termes et nous comprenons donc que la femme sera pardonné parce qu’elle a beaucoup aimé, sans savoir quelle nuance on donnera au verbe aimer.


Notre récit s’ouvre sur la description d’un repas qui nous paraît somme toute assez banal tant il est habituel pour Jésus de manger le soir à la table d’un notable. Ce soir là c’est chez un homme religieux de la tendance des pharisiens qu’il est invité. L’atmosphère semble détendue, mais pour qui sait lire entre les lignes on aura vite perçu qu’il y a une forme de mal entendu ou de tension à peine perceptible entre Jésus et son hôte. Ce dernier, en effet, n’a pas respecté à l’égard de Jésus les convenances prévues par les us et coutumes de ce temps là. On avait l’habitude de laver et d’essuyer les pieds des visiteurs. Cela n’a pas été fait pour Jésus. Etait-ce une forme de mépris affiché pour ce prédicateur de passage que l’on avait invité pour meubler le temps dans ces longues soirée de jadis ? Etait-ce au contraire le signe d’une grande intimité entre Jésus et celui qui l’avait invité puisque Jésus s’est permis de l’appeler par son nom et que dans une telle circonstance on aurait pu ne pas faire de manière ?


C’est sans doute la première hypothèse qui est la bonne, car on sent pointer une forme de soupçon dans la pensée de Simon qui est à l’origine de l’invitation . Il n’ose pas s’exprimer à haute voix, mais Jésus perçoit fort bien une réserve de sa part. « Si cet homme était un prophète, il saurait qui est cette femme ? » Pense-t-il. Il soupçonne donc Jésus de ne pas être ce qu’il est ! On pourrait même penser que c’est volontairement qu’il a laissé s’introduire dans sa demeure une femme inconnue, ou trop connue, à la vertu facile. Soupçon donc !


Jésus ne réagit pas à cette opinion de Simon qui n’a pas été formulée d’une manière intelligible. Il commence donc un enseignement en forme de parabole comme il le fait d’habitude Il est d’ailleurs là pour ça, et il faut bien le dire, c’est là le prix de son repas ! Il raconte une parabole apparemment insignifiante qui traite de la reconnaissance que l’on est en droit d’espérer en échange d’un geste de charité ! Simon interrogé répond juste ! Mais aurait-il pu répondre autrement ? Le plus reconnaissant des deux débiteurs, c’est celui a qui on a remis le plus. C’est évident ! Pourquoi donc avoir fait venir ce prédicateur si c’est pour l’ entendre dire des banalités?


C’est alors que Jésus revient à la femme. Il ne lui a jusque là accordé aucune attention. C’est pourtant elle qui a motivé le sujet de la parabole dont Jésus a fait le récit, mais Simon n’a sans doute pas saisi le déroulement de la pensée du maître. En deux mots Jésus absout cette femme de tous les reproches qu’on peut lui faire. Le seul argument qu’il retient en sa faveur c’est son amour, et de quel amour s’agit-il quand on parle d’une femme à la réputation sulfureuse ?


Jésus utilise certes le mot agapé, celui dont le sens est le plus spirituel. En agissant comme elle l’a fait, la femme a exercé de l’amour envers Jésus. Elle lui a lavé les pieds de ses larmes elle les a essuyés de ses cheveux et elle les a parfumés ensuite. Elle a exercé de l’amour envers Jésus, parce qu’elle a donné de sa personne pour lui apporter un peu de confort. C’est cela l’idée maîtresse de l’Evangile ! L’égard que l’on manifeste pour les autres a plus de valeur que tous les rites, toutes les argumentations, tous les commandements de la Loi. Par son geste cette femme a su prendre de ce qui était à elle pour le seul bien être de Jésus.

Ses larmes, ses cheveux, son parfum ! A quoi cela sert-il ? A rien ! Jésus ne sortira pas plus riche de cette aventure, mais il en sortira honoré et grandi. Le pharisien n’a pas honoré Jésus, il a mis du soupçon dans ses pensées et il n’a pas respecté les règles de bien séance à son égard. Même s’il lui a offert un repas Jésus ne sort en rien grandi par la relation que l’autre a établie avec lui.

Une telle remarque va nous aider à préciser la valeur de l’amour telle que Jésus l’entend. Le monde d‘aujourd’hui est désenchanté. Il essaye de compenser son marasme par la recherche de l’émotion qu’il trouve sans doute dans la surexploitation du mot amour. Mais comment l’entendons-nous ? Ce mot semble ne prendre vraiment d’intérêt que parce qu’il nous valorise nous-mêmes. Nous aimons tout ce qui nous fait sortir de la médiocrité ambiante et qui nous met nous-même en valeur. Nous aimons le soleil et les voyages, nous aimons les bons repas, nous aimons les enfants sages mais sommes-nous capables d’aimer notre prochain comme nous-mêmes ?


C’est dans cette question et dans la manière dont nous saurons y répondre que se joue aujourd’hui le destin du monde. Le monde ne peut évoluer harmonieusement que si quelque chose change dans le comportement des hommes entre eux. La pratique de l’amour consiste à prendre ce qui est à nous pour le mettre au service des autres afin qu’ils aillent mieux. Jésus n’a pas d’autre réponse à apporter pour solutionner nos problèmes. Dieu reconnaît la valeur de nos actes d’amour quand ceux-ci permettent aux autres de se trouver mieux.


Ainsi malgré l’usage excessif du mot amour dans notre société contemporaine, ce n’est toujours pas lui qui mène le monde, c’est le culte de la personnalité, c’est le désir de se valoriser soi-même au détriment des autres. Jésus sera sanctionné pour avoir dit ce qu’il a dit et nous sommes aujourd’hui méprisés si nous essayons de l’imiter. Pourtant, il y a des prophètes modernes qui savent dire encore l’amour avec beaucoup de générosité En le disant, ils réussissent à capter la faculté des peuples à s’émouvoir si bien que le souffle de l’Evangile continue à se répandre même si les poètes qui le disent ne se réclament pas forcément de la même tradition que la nôtre.


« Aimer à perdre la raison,
Aimer à n’en savoir que dire,
A n’avoir que toi d’horizon… »
disait le chanteur Jean Ferrat, il parlait d’un amour qui coûte à celui qui le pratique
« La faim la fatigue et le froid,
Toutes les misères du monde
C’est par mon amour que j’y crois
En elle je porte ma croix
Et de leur nuit ma nuit se fonde. »

dimanche 22 mai 2016

Luc 7:11-17 Le fils de la veuve de Naïn ( reprise du 2 juin 2013) dimanche 5 juin 2016



Luc 7 :11-17 -  Le fils de la veuve de Naïn- 5 juin 2016

11 Ensuite il se rendit dans une ville appelée Naïn ; ses disciples et une grande foule faisaient route avec lui. 12 Lorsqu'il approcha de la porte de la ville, on portait en terre un mort, fils unique de sa mère, qui était veuve ; et il y avait avec elle une importante foule de la ville. 13 Le Seigneur la vit ; il fut ému par elle et lui dit : Ne pleure pas ! 14 Il s'approcha et toucha le cercueil. Ceux qui le portaient s'arrêtèrent. Il dit : Jeune homme, je te l'ordonne, réveille-toi ! 15 Et le mort s'assit et se mit à parler. Il le rendit à sa mère. 16 Tous furent saisis de crainte ; ils glorifiaient Dieu et disaient : Un grand prophète s'est levé parmi nous, et : Dieu est intervenu en faveur de son peuple. 17 Cette parole se répandit à son sujet dans la Judée tout entière et dans tous les environs.


« Jetez la mort hors les murs ! » Tous ces gens qui portent en terre hors de la ville le corps d’un jeune homme qui vient de mourir semblent agir selon cette consigne. Ils portent sa dépouille  sur un brancard en une marche silencieuse scandée sans doute par la mélopée des pleureuses qui font monter vers le ciel le cri de leur révolte et de leur résignation. La mort ici ne marque pas la fin d’une vie qui s’achève après de longues années de labeur au service de la communauté villageoise, c’est l’interruption inadmissible d’une existence qui est à peine commencée et qui n’a pas accompli sa fonction dans la société des hommes.

Cette mort sera aussi la mort sociale d’une autre vie, celle d’une mère veuve  qui en perdant son fils unique perd son dernier soutien dans  la vie du village. Elle est sans doute trop vieille pour retourner dans la maison de son père qui doit être mort depuis longtemps, sans cela elle l’aurait sans doute déjà fait. Elle est trop vieille pour se remarier, trop veille pour retrouver une place dans la société de la famille que lui aurait donnée son fils dès qu’il se serait mis à travailler. Au-delà des cris et gémissements des pleureuses,  on entend comme une prière que personne ne prononce mais qui monte vers Dieu pour lui dire qu’une telle situation est insupportable et on lui reproche de n’avoir rien fait, sans le dire vraiment.

Le cortège funèbre a franchi les portes de la ville. C’était  là que jadis  se réglaient les grands événements de la vie sociale  de la cité. La porte sépare la ville de l’extérieure, elle est la limite entre le lieu protégé à l’intérieur de la ville et la campagne où se tiennent tous les dangers. C’est là que rodent  les étrangers, les bandits et les loups.  C’est la place de la mort et c’est là qu’on emmène le défunt.  On dirait que  les villageois, inconsciemment cherchent à se protéger contre l’irrationnel de la mort qui n’a pas sa place dans le monde des vivants. Ils manifestent ainsi leur ultime protestation contre la mort. Tout en sachant qu’ils ne sont pas armés pour lutter contre elle.

Hors de la cité, ce n’est pas la mort qui les attend, mais la vie,  ils ne le savent pas encore. Le récit succinct, habilement  conçu par  l’évangéliste Luc nous a présenté les choses d’une telle manière que le lecteur aguerri de la Bible a reconnu d’autres histoires de même nature qui lui sont familières. Il sait que dans ces collines de Galilée, au-delà de cette cité, du côté de Sumène, le prophète Élisée rendit la vie à un enfant mort brutalement. Ce prophète avait reproduit le même miracle que son maître le prophète Élie avait accompli, un peu plus loin en terre païenne. Il avait rendu à la vie le fils unique d’une pauvre veuve à Sarépta. Cet Évangile se situe donc à la suite de 2 miracles rapportés dans les Ecritures par le passé et que ce récit actualise en cet instant

Attentif à la tradition des Ecritures,  le lecteur comprend alors, que ce n’est pas la mort qui attend la foule attristée hors de ce village, mais c’est la vie.  Avant même que Jésus intervienne, on a déjà  compris  que Dieu va proposer une autre alternative à la situation de mort.  Dieu va   intervenir dans ce lieu-là même où les hommes croient que lui, Dieu  n’a pas sa place. Mais y a-t-il une place où Dieu n’est pas ?  Quand on croit que tout est fini et qu’aucun homme ne peut plus rien, c’est à ce moment-là que se manifeste discrètement  la puissance de Dieu qui nous maintient dans le domaine de la vie, quand la mort semble revendiquer la place, mais  il n’y a plus de place pour la mort là où Dieu se tient.

C’est à ce moment que Jésus intervient dans le récit  qui nous présente l’événement comme s’il était le fait du hasard. Nous avons compris qu’il n’en était rien.  Jésus arrive toujours au temps opportun. Jésus entre en ville au moment où sort le mort.  Le groupe des endeuillés silencieux va à la rencontre du groupe des amis de Jésus  que l’on imagine devisant entre eux en commentant  ses discours tonifiants.  

La vie  dont les discours de Jésus sont porteurs a déjà marqué ce groupe de son empreinte. Nous nous attendons à ce qu’elle passe d’un groupe à l’autre. Elle rejoint  celui des endeuillés avant même qu’il y ait eu contact entre eux et Jésus. Ainsi, ceux  qui marchent en portant le mort ne savent pas encore qu’ils vont vers la vie que Dieu leur réserve en Jésus, mais le lecteur le sait déjà.  Rien n’a encore été fait, mais tout a été fait.  Jésus n’a pas encore fait un geste, il n’a pas encore prononcé une parole que tout semble déjà accompli, comme si la vie était inscrite par avance dans les paroles et les actes à venir de Jésus.

Il  y a toujours  de la vie en Jésus et cette vie est communicative. La vie qui anime Jésus lui vient de Dieu et Dieu se manifeste en lui par sa parole. La parole de Dieu saisit ceux qui l’entendent et les projettent dans un avenir où ils ne sont pas encore, mais où Dieu les attend déjà. Certes, c’est le jeune homme qui est bénéficiaire du geste de Jésus, mais tous, sans le savoir encore en profitent déjà.  L’univers de Dieu se situe ailleurs. Il ne se  limite pas  aux deux espaces que nous avons délimités : le village sécurisé  à l’intérieur des portes et l’extérieur où se situent la peur et la mort. Dieu entraîne les participants vers l’invisible où se passera désormais leur histoire. Ils entrent par l’action de Jésus dans le monde de l’esprit où l’éternité les attend.

La rencontre avec Jésus se fait à la porte de la ville. D’un côté il y a le village où les hommes se croient protégés par les constructions solides des maisons, par les remparts qui entourent la ville, par les portes qui tous les soirs sont fermées. Ils ont mis tout leur génie pour qu’ils puissent y  vivre en sécurité. De l’autre côté, nous l’avons vu, il y a le danger. C’est là que se tient Jésus et il transforme ce lieu d’inquiétude en lieu d’espérance. Jésus porte en lui le mystère de Dieu.  Il ne semble pas accorder  aux lieux les mêmes valeurs que les humains, puisque c’est à l’extérieur des portes qu’il révèle l’action de Dieu.  La mort  qu’ils redoutent,  ne tient pas compte non plus de la valeur  des espaces que les hommes ont délimités. Elle  a  fait son œuvre  maléfique  dans le lieu sécurisé par leurs soins, c’est pourquoi symboliquement ils la poussent hors la ville. Et l’histoire nous apprend que hors la ville c’est le lieu où se tient Jésus qui se trouve confronté de ce fait à la mort. La mort rejoint Jésus dans l'espace que redoutent les homme et où Dieu la détruit.

Porteur de vie, Jésus transgresse alors tous les tabous. Sûr  de son fait, il intervient dans le deuil de la femme et avant qu’il se soit passé quoi que ce soit, il fait barrage à ses pleurs. Il arrête le cortège. Il interrompt ainsi tout le rituel de la mort.  Il touche la civière sur laquelle repose le jeune homme. En faisant ce geste il se rend lui-même impur. Il serait incapable de poursuivre son action si après s’être adressé au jeune homme celui-ci ne s’était pas relevé.  L’impureté du mort a disparu parce que le mort ne l’est  plus. La mort elle-même n’est plus.
« Lève-toi » avait-il dit au mort. C’était en ces termes qu’Élie avait réveillé le jeune homme  dont on a parlé tout à l’heure. Élie  faisait figure de grand prophète, et même du plus grand des prophètes parce que, lui-même  il n’avait pas connu la mort. Il avait été enlevé par Dieu dans un char de feu. La question vient alors à l’esprit des participants à l’événement : Jésus est-il un grand prophète  comme Élie ? Est-il même plus grand que lui ? Est-il le fils de Dieu ? 

Question à laquelle chacun de vous apportera une réponse  personnelle. A coup sûr,  Jésus est ici le maître de notre vie pour ce temps et pour tous les temps.  Il devient  maître de la vie de chacun de nous. Il a suffi que la voix de Jésus se  fasse entendre  pour que le jeune homme change de monde, pour qu’il passe de la mort à la vie.  Quiconque aujourd’hui reconnaît la voix de Jésus est invité à faire la même expérience de vie que ce jeune homme  afin que  les portes de l’éternité s’ouvrent pour lui.

lundi 16 mai 2016

Luc 9:11-17 - la multplication des pain - dimanche 29 mai 2016



Luc 9 :11-17

10 Les apôtres, à leur retour, racontèrent à Jésus tout ce qu'ils avaient fait. Il les prit avec lui et se retira à l'écart, du côté d'une ville appelée Bethsaïda.11 Les foules s'en aperçurent et le suivirent. Il les accueillit ; il leur parlait du règne de Dieu ; il guérit aussi ceux qui avaient besoin de guérison. 

12 Le jour commençait à baisser. Les Douze vinrent donc lui dire : Renvoie la foule, pour qu'elle aille se loger et trouver du ravitaillement dans les villages et les hameaux des environs ; car nous sommes ici dans un lieu désert. 13  Mais il leur dit : Donnez-leur vous-mêmes à manger. Ils dirent : Nous n'avons pas plus de cinq pains et deux poissons, à moins que nous n'allions nous-mêmes acheter des vivres pour tout ce peuple. 14 En effet, il y avait environ cinq mille hommes. Il dit à ses disciples : Installez-les par rangées d'une cinquantaine. 15 Ils firent ainsi ; ils les installèrent tous. 16 Il prit les cinq pains et les deux poissons, leva les yeux vers le ciel et prononça la bénédiction sur eux. Puis il les rompit et se mit à les donner aux disciples pour qu'ils les distribuent à la foule. 17 Tous mangèrent et furent rassasiés, et on emporta douze paniers de morceaux qui étaient restés.

Jésus nous surprendra toujours parce qu’il réagit rarement dans le sens où nous le souhaitons. Les disciples excités par leur expérience,  fatigués aussi, ils espèrent un peu d’écoute et de compassion de la part de Jésus. Jésus semble abonder dans leur sens, c’est pourquoi il les emmène en promenade pour prendre un peu de repos.  Inutile, la foule plus rapide qu’eux les a rejoints. On se reposera plus tard, on mangera à un autre moment, Jésus leur sacrifie sa disponibilité pour se consacrer à plus démunis qu’eux.

Ainsi en est-il de ceux qui ont choisi de mettre leurs  pas dans ceux de Jésus et de répondre à sa suite à l’appel de Dieu. Il leur faut aller de l’avant, même s’ils sont  fatigués. La mission a sans doute été rude. Ils ont sans doute besoin  de nourriture matérielle et spirituelle, ils ont besoin de partager leur aventure.  Ils ont en fait besoin que l’on s’occupe d’eux, négligeant tout sentiment d’empathie, Jésus considère qu’il y a plus urgent. Frustrés, ils restent dans leur coin.

C’est cela qui se passe bien souvent, même dans les Églises que nous fréquentons. La plupart  de ceux qui sont venus assister au culte y sont venus  parce qu’ils avaient besoin de Dieu, parce que leur cœur avait besoin de s’épancher, et  la plupart du temps, ils entendent des  paroles qui leur  disent que les autres, sont plus à plaindre qu’eux.  On leur parle du souci de Dieu pour les autres, on les invite même à leur consacrer du temps et de l’argent. C’est alors qu’ils se sentent frustrés. Ils le sont  d’autant plus qu’ils savent que ces exhortations  donnent dans le vrai. Ils savent intérieurement  qu’ils sont en quelque sorte des privilégiés par rapport  à d’autres, mais pour cet instant,  ce n’est pas leur sujet de préoccupation. 


Ce qui les intéresse, c’est que Dieu se penche sur leurs soucis et qu’il apaise leurs angoisses. En entendant une exhortation à s’intéresser aux autres, ils ont l’impression de s’être trompés de lieu. Ils voudraient être ailleurs.  Le miracle  qui devrait transformer les autres  grâce à leurs bonnes actions ou leur générosité ou par le don de leur  argent ne relèvera pas de leur fait pour l’instant  car si les autres seront peut être rassasiés,   eux, resteront frustrés. C’est dans ce climat que se situe le  texte que nous méditons, et nous découvrons en commençant  que deux camps sont en train de naître dans l’entourage de Jésus et ceux qui se croient plus  proches de lui nourrissent déjà des sentiments hostiles à l’égard de la foule qui constitue l’autre camp.

Nous partageons nous aussi   le  désarroi des disciples. Ils espéraient la compassion de Jésus, et c’est la foule qui y a droit. Quand  nous participons à la vie de son Église, nous aimerions parfois que Jésus  s’occupe de notre âme, au lieu de nous culpabiliser, par prédicateurs interposés pour ce que nous ne faisons pas. Peut-être que si on le faisait davantage les églises seraient-elles plus dynamiques, mais Jésus semble penser qu’il y a  mieux à faire, en tout cas dans la situation rapportée ici. 

Bien entendu, tous ces gens qui accouraient en foule à la suite de Jésus n’étaient pas venus pour être mobilisés afin de devenir les premiers bâtisseurs du Royaume de Dieu.  Jésus ne semble même pas avoir l’intention de les enrôler parmi ses  amis,  ni de constituer avec eux  un premier contingent pour mener une  révolution   dont  il serait l’instigateur. Ils espèrent seulement sans le savoir  que  Jésus mettra quelque chose de nouveau dans leur vie. Il n’y a pas donc pas de concurrence entre les disciples et la foule, mais ils  ressentent mal une telle situation.

Pourtant, Jésus a mis ses amis à l’écart, il ne les a pas bousculés, il les a laissés tranquilles pour qu’ils se reposent un peu avant de les mettre au travail. Car pour Jésus, c’est l’action qui prime sur l’inaction. C’est le dynamisme qui prend le pas sur la contemplation. Il va se comporter  comme si le fait de se mettre au travail sous son impulsion était un baume  suffisant pour leur donner de la vigueur. Pour Jésus, semble-t-il,  il n’y a aucun avenir dans un repli sur soi, car la vie qu’il nous donne ne peut se vivre que dans le mouvement. 

Les gens qui forment cette foule sont comme des brebis sans berger, est-il dit dans un autre évangile au sujet de  ce même événement. Curieusement, Jésus ne se propose pas d’être leur berger. Pour répondre à leur détresse, Jésus les a enseignés et ils ont sans doute été réceptifs puisqu’ils sont restés. Mais celui qui enseigne n’est pas forcément celui qui prend en charge. On ne sait d’ailleurs pas ce qu’il leur a dit, mais on peut le supposer. Il leur a dit que s’ils suivent son enseignement, ils n’auront plus besoin de berger, l’enseignement  qu’il leur donne leur suffit pour qu’ils deviennent eux-mêmes autonomes car Jésus veut en faire des êtres assez dynamiques pour se battre pour leur propre cause. Ils n’ont besoin ni de maître ni de gourou. Jésus leur a indiqué la voie qui donne du sens à la vie et en écoutant Jésus, ils ont été remplis du désir de vivre.

Il leur a donné  de l’espérance !  Et maintenant le groupe des amis de Jésus n’a plus qu’un désir : celui de se séparer de la foule et de le récupérer enfin, car ils sont bien avec lui. Ses amis, lui font alors comprendre qu’il   n’a que faire de cette foule de solliciteurs  et lui conseillent  de les renvoyer avant qu’il ne soit trop tard. Jésus abonde dans leur sens,  il n’a pas l’intention, quant à lui,  de les garder autour de lui, mais il ne suit pas leurs injonctions, car ce n’est pas fini, il faut maintenant que tous mangent.  Face à Jésus s’opposent maintenant deux groupes  qui ont le même besoin celui de manger. Le plus agressif est celui de ses amis. Vont-ils se séparer définitivement pour trouver chacun leur pitance ou vont-ils se rassembler et assouvir ce besoin commun ensemble? La réaction du "chacun pour soi" est classique. C’est celle des amis de Jésus.  Il nous est facile aujourd’hui d’imaginer quels pourraient être ces deux groupes dans la masse de ceux qui se réclament de Jésus.  Jésus  quant à lui ne l’entend pas de cette oreille

Nul ne sait de quoi a été fait  le miracle, même si on peut l’imaginer. Mais les deux fractions rivales ont mangé et partagé  et tout cela a été organisé de telle sorte que ce sont ceux  qui se croyaient  les plus proches de Jésus, c'est-à-dire ses disciples, qui reçoivent la charge de servir les autres  alors que depuis le début ils avaient l’intention de ne rien faire. Ce que l’on sait c’est que la foule a commencé à se mobiliser et qu’elle a été nourrie. C’est sans doute  en  mettant les disciples encore fatigués au service de cette foule  que l’espérance que Jésus avait  mis en eux  a pu se communiquer  aux autres.  Le miracle, n’a donc pas tellement été celui de la multiplication des pains. Il a consisté à mobiliser deux fractions rivales et à les faire collaborer. Il  a pu se réaliser parce que  les disciples qui avaient l’intention de laisser tout  faire à Jésus se sont  mis au travail et qu’ils se sont mis au service des autres.  

On a pris l’habitude de considérer que les disciples de Jésus étaient des râleurs qui comprennent toujours trop tard ce que Jésus attend d’eux et qui se font prier pour accomplir les désirs du maître. Nous leur ressemblons  sans doute, quand  nous aussi nous trainons les pieds et que nous renâclons pour rendre compte de l’espérance qui est en nous.  Il n’empêche que malgré leur indisponibilité, c’est quand même par eux que s’est accompli le miracle.   

La fin du récit nous laisse entendre que cela se passe dans l’urgence. Le soir tombe, la nuit approche, c’est la nuit de l’angoisse et de l’incertitude, il faut que tout soit dit et que tout soit compris avant que les ténèbres ne surprennent tout le monde. Il faut que chacun reparte, animé d’une puissance de vie nouvelle qui lui permettra de franchir les obstacles que l’obscurité lui réserve.  Mais, Jésus n’a donné à personne une potion magique qui déjoue les obstacles, il a insisté  sur la notion de service qui rend les uns et les autres capables de faire  face  aux adversités qui les attendent. Il leur a donné une espérance  qui les remplit d’énergie, mais les difficultés de la vie subsistent. Espérance et service, voila deux notions qu’il nous faut nous appliquer à mettre ensemble.