samedi 23 avril 2016

luc 10:25-37 Le bon samarritain - dimanche 24 avril 2016 - sermon proposé pour un culte A.C.A.T.



Luc 10 : 25-35 Le bon Samaritain

25 Un spécialiste de la loi se leva et lui dit, pour le mettre à l'épreuve : Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? 26 Jésus lui dit : Qu'est-il écrit dans la Loi ? Comment lis-tu ? 27 Il répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain, comme toi-même. 28 Tu as bien répondu, lui dit Jésus ; fais cela, et tu vivras. 29 Mais lui voulut se justifier et dit à Jésus : Et qui est mon prochain ?
30 Jésus reprit : Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba aux mains de bandits qui le dépouillèrent, le rouèrent de coups et s'en allèrent en le laissant à demi-mort. 31 Par hasard, un prêtre descendait par le même chemin ; il le vit et passa à distance. 32 Un lévite arriva de même à cet endroit ; il le vit et passa à distance. 33 Mais un Samaritain qui voyageait arriva près de lui et fut ému lorsqu'il le vit. 34 Il s'approcha et banda ses plaies, en y versant de l'huile et du vin ; puis il le plaça sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie et prit soin de lui. 35 Le lendemain, il sortit deux deniers, les donna à l'hôtelier et dit : « Prends soin de lui, et ce que tu dépenseras en plus, je te le paierai moi-même à mon retour. » 36 Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé aux mains des bandits ? 37 Il répondit : C'est celui qui a montré de la compassion envers lui. Jésus lui dit : Va, et toi aussi, fais de même.


Qui est mon prochain ? Nous allons bientôt le savoir en grinçant des dents.

Qu’a-t-il  donc  pu passer dans la tête de Jésus  pour qu’il  raconte à des gens qui lui étaient déjà hostiles cette histoire qui met en scène un étranger, voyageur solitaire en terre hostile. Non seulement il vient d’ailleurs, mais il est aussi  imprudent car il se déplace seul dans un endroit où les bandits abondent. C’est ce que dit le récit. Il est d’autant plus en danger qu’il est riche, c’est ce que nous  déduisons de la suite du texte.  Il est non seulement étranger, mais il est samaritain, c’est dire que sa pratique du culte en fait un  ennemi déclaré de la religion. Voila le personnage campé comme un être honni appartenant à la secte mal aimée des Samaritains. Il est donc très imprudent  pour lui de se déplacer ainsi dans ce lieu solitaire. On pourrait s’attendre à ce que dans un tel contexte  il lui arrive un mauvais coup, c’est même ce que pourraient espérer l’auditeur juif de Jésus.  Mais ce ne sera pas le cas. L’auditeur juif sera bien déçu, car Jésus en fera un héro.

Mais sous les traits de ce Samaritain généreux et débonnaire, n’est-ce pas Jésus lui-même qui trace son propre portrait ? Il nécessiterait sans doute quelques retouches pour être exact, mais si peu !  Jésus lui-même qui prétend enseigner les juifs n’est-il pas un demi-étranger ? Il vient de Galilée, une mauvaise terre habitée par des sang-mêlés,  des juifs mâtinés de païens. On se demande déjà en quoi il se sent autorisé à donner des leçons de vertu à des juifs de pure souche  et en plus à les offenser en prenant  un exemple hautement improbable car, nous allons le voir, l’histoire est peu vraisemblable ?

Jésus,  en habile narrateur sait tout cela, c’est pourquoi il attend prudemment que l’intrigue du récit soit vraiment nouée, pour introduire le Samaritain  sur les lieux du drame alors que les autres solutions possibles pour secourir le blessé qui est au cœur de  ce récit, ont échouées. C’est donc lui, le Samaritain détesté, qui  par son attitude, au nœud de l’histoire  donne la bonne réponse à la question  posée à l’origine  «  Qui est mon prochain ? »

Si personne ne dit rien encore, croyez-moi les détracteurs de Jésus se sont certainement mis à penser, car tout sonne faux dans ce récit si on l’approfondit quelque peu, et les auditeurs de Jésus l’ont sans doute bien compris. En effet il était notoire que la route empruntée par  le samaritain traversait un lieu désert et mal fréquenté. Le blessé de l’histoire en a fait les frais, mais lui le Samaritain qui  est sans doute riche car il débourse par la suite une forte somme, n’aurait sans doute pas couru le risque de voyager seul si l’histoire était crédible. S’il  avait voyagé en groupe avec d’autres personnes, comme  la prudence le recommandait,  son geste  aurait perdu une partie de sa valeur, c’est pourquoi Jésus l’a campé dans une histoire  invraisemblable où en tant que voyageur solitaire et vulnérable il s’aventurait sans escorte.  Mais la remarque faite au sujet du danger encouru par le Samaritain est valable aussi pour le prêtre et le lévite, qui par mesure de prudence auraient sans doute voyagés ensemble, en tout cas pas seuls.  Ils n’auraient sans doute pas eu l’imprudence de  s’aventurer seuls sur une route dangereuse. Jésus raconte là une aventure peu vraisemblable, mais il était nécessaire de tenir la sagacité de son auditoire en  éveil. Celui qui ne sait pas la suite se demande ce qui va se passer, et le dénouement sera surprenant pour celui qui ne sait pas. Préparons-nous donc  à être surpris !

En attendant, écoutons ce qui se murmure, sans doute, dans le dos de Jésus, mais qui ne sera pas encore dit d’une manière audible, car on garde le dénouement pour la fin. C’est bien connu, sussurre-t-on, que  Jésus est un anticlérical. Il préconise une autre forme de  religion, sans clergé, sans scribes  sans docteurs de la loi et sans Loi et sans Temple, c’est pourquoi, il met en scène deux religieux qu’il  accable en les mettant dans une situation improbable.  Cette rumeur  on l’entendra clairement plus tard lors du procès de Jésus au Sanhédrin, mais elle  avait déjà pris naissance en Galilée  lors du fameux sermon à Nazareth à l’issue duquel il faillit se faire lyncher. La rumeur s’amplifiait alors que Jésus approchait  de Jérusalem.

 Mais ce ne sont pas les seuls reproches que l’on pourrait encore adresser à Jésus. Il a mis en scène un aubergiste  qui accepte de faire crédit  à un étranger, ce que personne n’aurait fait, ni vous, ni moi. Ca ne tient pas ! Toute l’histoire est  construite sur des impossibilités, mais sa conclusion, qui se fera sur une solution que nous jugerons impossible, allons-nous la récuser aussi  puisqu’elle suggère d’imiter le samaritain qui donne au-delà du possible et du vraisemblable. Allons-nous alors récuser l’Evangile parce que nous l’estimons invraisemblable? 

En fait, il est bien plus facile de décrédibiliser l’histoire, plutôt que d’écouter ce qu’elle raconte. Si nous estimons que  l’histoire n’est pas crédible, c’est qu’aucun des auditeurs, ni vous ni moi n’est capable de se comporter comme devrait le faire celui qui est attentif à son prochain. C’est  à cause de la rudesse de notre cœur que nous avons dénoncé tous les arguments qui rendent cette histoire impossible, et nous l’avons fait avec complaisance, parce que les arguments ultimes de Jésus nous gênent. Mais ce n’est pas fini.

Continuons,  car cette dernière remarque a refroidi nos critiques et nous sommes prêts à écouter la suite sans rien dire. Portons notre attention sur ce samaritain qui ne tient compte ni de son temps, ni de son argent pour maintenir en vie le mourant. Ce  qui lui paraît plus essentiel que tout, même que ses soucis personnels, c’est que la vie du blessé soit préservée. Il considère cela comme un impératif quasiment  religieux, même si nulle part, il n’est fait allusion  à la religion, ni à Dieu. Mais  la relation à Dieu n’est-elle pas une émotion du cœur bien avant d’être un impératif religieux ?  Pour lui cette émotion est plus forte que les prescriptions de la religion, elle dépasse la rigidité de la loi écrite pour en faire la quintessence de la loi morale, celle à laquelle Jésus nous propose d’obéir d’instinct parce qu’elle provient d’une réaction du cœur.

Conscient   du fait que  ce qui vient d’être dit est difficilement acceptable pour la plupart, il est facile de trouver des arguments pour rendre cette parabole irrecevable.

L’argument principal est celui que l’on formule  au sujet du comportement des étrangers.  Quand on est étranger, on ne la ramène pas et on ne donne pas des leçons de bonne conduite quand on traverse simplement le pays en touriste. Certes Jésus n’insiste pas sur le fait que le samaritain est  étranger mais c’est quand même son origine qui sans le dire rend son comportement insupportable et c’est à cause de sa qualité d’étranger que Jésus a raconté la parabole de cette manière.

Jésus n’est pourtant pas un naïf. Au cours de ce voyage qui l’amène à Jérusalem, il a lui-même expérimenté la dureté des relations avec les étrangers.  Il s’est trouvé lui, et  ses amis, en situation d’étranger rejeté  en traversant la Samarie. Le récit nous en parle quelques lignes plus haut.  Il fut agressé à l’entrée d’un village samaritain ( Lc 9/53ss). Sans doute sa petite troupe était-elle  en nombre suffisant pour que l’incident soit sans conséquence, mais il dut passer son chemin ! Il est à prévoir cependant que la rancune s’était  installée au cœur de ses proches qui lui proposèrent quand même de faire descendre le feu du ciel sur les agresseurs. La leçon immédiate que Jésus tira de l’événement ne nous est pas parvenues mais elle a pu prendre la forme  de cette parabole. Jésus a bien compris le sort qu’il aurait eu s’il avait voyagé en solitaire, mais il est dit aussi que les samaritains peuvent être bons et généreux comme n’importe quel autre, juif ou pas.  Il est alors montré que la générosité de cœur n’a pas de frontières  et que ce n’est pas le fait d’être étranger qui rend les hommes différents des autres.

Il n’y a aucune frontière qui délimite le territoire où se trouve notre prochain, car ce sont les frontières construites par les hommes et non par Dieu qui  fabriquent des étrangers.  Les frontières sont  des séparations  de fabrication humaine  établies par les hommes pour des raisons économiques mais que Dieu n’a pas inventées pour  que les hommes établissent entre eux des différences d’ordre  morale raciales ou ethniques.

illustrations E. Delacroix
V. Van Gagoh
Henryk Stefan
A.N. Morot

lundi 4 avril 2016

Jean 17:20-26 La prière sacerdotale 8 mai 2016



La prière sacerdotale Jean 17 :20-26 dimanche 8 mai 2016
( Ce sermon a déjà été publié sur ce même blog le 12 mai  2013) 

  1 Après avoir ainsi parlé, Jésus leva les yeux au ciel et dit : Père, l'heure est venue. Glorifie ton Fils, afin que le Fils te glorifie, 2 selon que tu lui as donné pouvoir sur toute chair, afin qu'il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. 3 Or, la vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. 4 Je t'ai glorifié sur la terre ; j'ai achevé l'œuvre que tu m'as donnée à faire

5 Et maintenant, toi, Père, glorifie-moi auprès de toi-même de la gloire que j'avais auprès de toi, avant que le monde fût. 6 J'ai manifesté ton nom aux hommes que tu m'as donnés du milieu du monde. Ils étaient à toi et tu me les as donnés ; et ils ont gardé ta parole. 7 Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m'as donné vient de toi. 8 Car je leur ai donné les paroles que tu m'as données ; ils les ont reçues ; ils ont vraiment reconnu que je suis sorti d'au-près de toi et ils ont cru que tu m'as envoyé.

9 C'est pour eux que je prie. Je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m'as donnés, parce qu'ils sont à toi 10 — et tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi — et je suis glorifié en eux. 11 Je ne suis plus dans le monde ; eux sont dans le monde, et moi je vais à toi. Père saint, garde-les en ton nom, (ce nom) que tu m'as donné, afin qu'ils soient un comme nous. 12 Lorsque j'étais avec eux, je gardais en ton nom ceux que tu m'as donnés. Je les ai préservés, et aucun d'eux ne s'est perdu, sinon le fils de perdition, afin que l'Écriture soit accomplie. 13 Et maintenant, je vais à toi, et je parle ainsi dans le monde, afin qu'ils aient en eux ma joie parfaite. 14 Je leur ai donné ta parole, et le monde les a haïs, parce qu'ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde. 15 Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les garder du Malin. 16 Ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde. 17 Sanctifie-les par la vérité : ta parole est la vérité.

18 Comme tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde. 19 Et moi, je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu'eux aussi soient sanctifiés dans la vérité.
20 Ce n'est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, 21 afin que tous soient un ; comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi, qu'eux aussi soient [un] en nous, afin que le monde croie que tu m'as envoyé. 22 Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, afin qu'ils soient un comme nous sommes un 23 — moi en eux, et toi en moi —, afin qu'ils soient parfaitement un, et que le monde connaisse que tu m'as envoyé et que tu les as aimés, comme tu m'as aimé. 24 Père, je veux que là où je suis, ceux que tu m'as donnés soient aussi avec moi, afin qu'ils contemplent ma gloire, celle que tu m'as donnée, parce que tu m'as aimé avant la fondation du monde. 25 Père juste, le monde ne t'a pas connu ; mais moi, je t'ai connu, et ceux-ci ont connu que tu m'as envoyé. 26 Je leur ai fait connaître ton nom, et je le leur ferai connaître, afin que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux, et que moi, je sois en eux. 

On nous a enseigné qu’il était redoutable de tomber vivant dans les mains de Dieu. Celui à qui une telle aventure arriverait se trouverait ipso facto dévoré par le feu brûlant de la gloire du Seigneur. Dans ce chapitre 17 de l’Évangile de Jean que d’aucuns se plaisent à dire qu’il est le plus beau chapitre de tous les Évangiles, sans doute parce que personne ne le comprend vraiment, Jésus nous introduit dans l’intimité de Dieu au risque de devenir victimes de sa gloire.

Nous sommes à la fois admiratifs et mal à l’aise en pénétrant les pensées qui s’expriment ici. Si nous sommes attentifs au mouvement du texte nous découvrons que nous sommes aspirés par une forme de pensée en yoyo, c’est à dire une pensée qui monte et qui descend et qui vire volte tout à la fois. Nous sommes entrainés dans l’intimité du Christ en gloire. Sous l’effet du mouvement ascensionnel de sa pensée, nous rencontrons Dieu face à face. Puis, tout aussi rapidement, nous sommes ramenés sur terre, non pas pour y être anéantis mais pour y exercer la mission que le Père nous a confiée qui consiste à travailler dans le monde pour le gagner à la cause de Dieu.

Si nous sommes désorientés par ce texte, c’est aussi parce que c’est notre nature de l’être. En effet, nous appartenons à deux réalités qui se contredisent. Nous sommes à la fois liés à la matière qui compose ce monde et nous appartenons au monde de l’esprit qui semble ne rien à voir à faire avec le premier.

En tant qu’habitants de cette terre nous appartenons à la réalité physique qui la constitue. Notre corps est constitué par les mêmes composantes chimiques et biologiques que tout le reste de la planète, nous devenons ainsi partie prenante de sa réalité physique. Par contre, nous sommes également dotés d’un esprit qui nous entraîne dans les hauteurs du monde spirituel où la lourdeur de notre corps a du mal à nous suivre. Nous devenons tout proches de Dieu et nous réalisons que son Esprit créateur a placé sa marque en nous, c’est pourquoi, notre personne est à la fois matière et à la fois esprit. Nous ne pouvons pas exister sans les faire cohabiter. Ne nous étonnons donc pas si Jésus nous prend pour ce que nous sommes : des êtres de chair et de sang, dotés d’un esprit capable d’intuition divine.

Cette intuition nous inquiète. Conscients du fait qu’il y a une réalité spirituelle au de là de nous-mêmes, nous nous demandons quelle relation il peut y avoir entre nous et elle, et quelle action elle peut avoir sur nous ? Nous craignons que l’Esprit Créateur nous sanctionne pour ne pas avoir réalisé ce qu’il escomptait que nous allions faire. Nous sommes pris d’une peur congénitale d’avoir commis une faute ignorée qu’il pourrait nous reprocher. Nous redoutons les conséquences d’avoir fait ce que nous avons fait ou de ne pas avoir fait ce que nous aurions du faire. La présence du divin provoque en nous une angoisse dont nous n’arrivons pas à nous libérer.

Dans ce passage, Jésus prend en charge notre inquiétude et nous rassure. Il nous rappelle qu’il n’y a aucun danger à nous approcher de Dieu. Mieux, il nous dit que la gloire de Dieu se trouve amplifiée du fait que nous osons nous approcher de lui. La gloire de Dieu, c’est que son Esprit puisse cohabiter avec le nôtre pour créer une harmonie entre lui et nous. Et Jésus offre modestement ses services pour que nous puissions y participer. C’est pour cela qu’il a joué sa vie sur la croix.

Le rôle que Jésus joue ici est capital, il nous entraîne à sa suite pour nous introduire dans le tout proche voisinage de Dieu et il donne à chacun de ceux qui acceptent de mettre leurs pas dans les siens la possibilité de vivre de la plénitude de Dieu sans aucune compensation, si non d’accepter que notre esprit soit habité par l’esprit de Dieu sans aucune compensations de notre part.

Sur les chemins du ciel, nous n’avons rien à redouter de Dieu. Il détruit par sa présence toute incidence que pourraient avoir nos fautes et nos erreurs sur la suite des événements. Leurs conséquences sont détruites par Dieu qui libère l’accès de son ciel à quiconque décide d’y suivre Jésus.

Mais nos esprits sont liés à la matière dont sont faites nos personnes, et nous sommes insatisfaits car nous voudrions en savoir davantage sur la réalité du monde invisible où Dieu nous appelle par la voix de Jésus. A quoi ressemble ce monde de l’Esprit dans lequel Dieu nous absorbe ? Nous sommes déçus parce que nous restons sans réponse. Nous voudrions être emportés tout de suite vers les hauteurs de l’Esprit auxquelles nous n’appartenons pas encore.

Jésus nous demande de ne pas brûler trop vite les étapes, tant que nous habiterons notre corps physique, tant que le monde de la matière aura de l’emprise sur nous, nous resterons dans l’impossibilité d’en savoir davantage, c’est pourquoi après avoir entrevu l’ouverture des portes du ciel, il nous semble bien brutal de revenir sur terre. Notre mission, en attendant la gloire promise, consistera à rayonner de la joie parfaite que la foi en cet avenir met en nous. Notre tâche est donc de rayonner de la joie qui vient d’en haut.

Pensez-vous alors que l’Église accomplisse bien sa vocation quand nous l’observons d’un peu près et que nous la regardons agir dans la société des hommes? En quoi rayonne-t-elle de la joie qu’elle a reçue d’en haut ? C’est à se demander si l’Église d’aujourd’hui, toutes dénominations confondues, est bien sûre d’accomplir fidèlement les promesses dont elle a la charge. La plupart des Églises se sont emparées à leur profit des promesses du Christ et elles se sont empressées de s’octroyer le privilège de baliser les chemins du ciel. Chaque Église, de rectifier son code de restrictions, chacun de dire, « hors de mon Église, pas de salut », hors de nos sanctuaires, pas de salut, hors de nos règles, pas de salut, hors de nos baptêmes , pas de salut, hors la confession des péchés , pas de salut.

Notre péché de tout temps a été de vouloir limiter les effets de la bonté et de l’amour de Dieu sur les hommes. Nous cherchons, sans y arriver à canaliser le souffle de l’Esprit vers nos institutions, si bien que nous contribuons à faire croire au monde que Dieu a le visage de nos assemblées dominicale et qu’il s’identifie à nos Églises et à nos codes de morale qu’il cautionne.

 Nous faisons comme s’il se trouvait à l’aise dans les sociétés que nous inventons. Non, Dieu au contraire de nos églises rayonne de joie. Il ne limite pour personne l’accès de son ciel, les règles de salut édictées par les hommes ne sont pas les siennes puisqu’il a éradiqué toute forme de péché pour ceux qui croient, il serait malvenue à nos Églises d’en conserver la trace.

Puissent un jour nos propres institutions se sentir elles-mêmes libérées des contraintes qu’elles imposent aux hommes et qu’elles se mettent à diffuser la joie qu’elles ont la charge de répandre.

Actes 7:55-60 dimanche 8 mai 2016



Actes 7 :55-60

 55 Mais Étienne, rempli d'Esprit saint, fixa le ciel et vit la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu. 56 Il dit : Je vois les cieux ouverts et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu ! 57 Ils poussèrent alors de grands cris, en se bouchant les oreilles ; tous ensemble ils se précipitèrent sur lui, 58 le chassèrent hors de la ville et le lapidèrent. Les témoins avaient déposé leurs vêtements aux pieds d'un jeune homme appelé Saul. 59 Tandis qu'ils le lapidaient, Étienne priait en disant : Seigneur Jésus, reçois mon esprit ! 60 Puis il se mit à genoux et cria : Seigneur, ne les charge pas de ce péché ! Et, après avoir dit cela, il s'endormit dans la mort.

Les progrès techniques de nos civilisations, et la manière dont ils se mettent en œuvre donnent-ils une image de l’évolution de la société telle que Dieu l’envisage ? L’Église et la multitude de ses chapelles et de ses  divisions donne-t-elle une bonne image de l’instrument dont Dieu a besoin pour gérer le monde ?  Ce sont bien évidemment  les questions que l’on se pose depuis toujours. Alors que les années  succèdent aux années, on espère, sans y croire, que la réponse est positive. Le monde d’aujourd’hui est-il meilleur que celui de jadis et les humains sont-ils aujourd’hui plus heureux qu’hier ? La réponse n’est pas évidemment la même pour tous. L’amour constitue-t-il le lien privilégié qui unit les hommes entre eux  ou bien, est-ce que ce terme ne sert  pas  à masquer  la manière subtile  que  les uns utilisent  pour dominer les autres  afin que rien ne change?

Quiconque pense à Dieu et essaye de méditer sur le cours des choses ne peut éviter de se poser la question.

Certes, les projets de Dieu restent clairs, pour tout lecteur de la Bible qui essaye de la lire avec intelligence sans penser avec fatalisme que tout est écrit  à l’avance. C’est pourquoi, nous devons veiller à respecter la liberté de Dieu et à accepter qu’il ne soit pas contraint par notre interprétation des textes pour  ne pas l’enfermer  dans nos a priori conventionnels.  En effet, les Ecritures ne rendent  pas nos pensées captives d’un passé immuable qui contiendrait les clés du présent et du futur. Les Ecritures contiennent un dynamisme qui projette leurs lecteurs en avant pour construire des projets de vie avec Dieu. Dieu est un Dieu qui invite ceux qui le comprennent à tenter l’aventure.

Il pousse Abraham à l’accompagner vers un avenir dont celui-ci ne connaît pas l’issue. Il entreprend un projet semblable avec Moïse, même si celui-ci, rattrapé par  sa propre mort, doit s’arrêter en route et laisser un autre prendre sa suite. Il fera  un projet de même nature avec Noé qui se montrera cependant incapable de le mener  à bien. ( lisez les récits de Noé jusqu’au bout  Genèse 9 :18-29).  Dans le même genre de  situation, mais bien pire que celle de Noé, Dieu  s’intéressera à Caïn accablé par son péché, et le poussera à entreprendre malgré tout, la construction d’un avenir inimaginable.

Bien sûr, me dira-t-on, une partie de ces histoires sont légendaires et sont le fruit des arrangements successifs qui les ont portées jusqu’à nous pour en faire la Parole de Dieu, mais qu’importe,  car elles portent toutes la même conviction selon laquelle le projet de Dieu pour l’avenir consiste à défier les obstacles que le péché met devant nos pas.  Ils consistent à construire un avenir meilleur pour les hommes dont l’amour sera le ciment. Jésus en sera l’exemple le plus saisissant et nous amènera à sa suite sur le chemin du salut.

Cette longue méditation sur la manière dont Dieu  pousse les hommes à  courir le risque de construire un avenir nous amène à rejoindre maintenant Étienne,  figure emblématique de l’Église naissante.  Encore à ses débuts cette église connait le désordre en son sein. Elle devra le surmonter sous peine de disparaître. Des différents ont surgi entre chrétiens d’origine grecque et chrétiens d’origine juive,  et ces derniers se sont crus supérieurs aux autres. Ce sont les plus faibles qui en pâtirent, c'est-à-dire les femmes qui n’avaient pas le soutien d’un mari.  Alors qu’ils encouraient le risque de la persécution, les premiers chrétiens avaient  du mal à comprendre que l’amour était une une donnée constitutive de l’Évangile  et qu’il fallait la mettre réellement en pratique avant de se mêler de  proclamer auprès des autres, qu’il était le ferment de l’avenir du monde. 

Étienne est un des  sept membres de la communauté à avoir été mis à part par ses chefs, pour résoudre ce problème. Tout indique qu’il a réussi dans cette entreprise. Dieu le poussa donc à aller plus loin et à sortir de la communauté pour  apporter le message au dehors. Plein de zèle, il se jeta à corps perdu dans l’entreprise qui consistait à gagner à l’enseignement de Jésus les juifs les plus accessibles, c'est-à-dire ceux issus de la même  origine païenne que lui. Le défi était apparemment facile puisqu’il avait marché pour lui, mais rien n’est simple dans la société des hommes. Ce qui a réussi un jour, ne réussit pas toujours.

Catastrophe, le projet capota, et de fil en aiguille, les incompréhensions en appelant d’autres, c’est le sanhédrin qui s’en mêla et la lapidation qui s’en suivit. Le diacre Étienne s’endormit dans  la mort, sous le regard aimant de Dieu. Sa mort est décrite  ici, dans les mêmes termes que celle de Jésus.  Le projet de Dieu était-il d’en arriver là ? L’amour de Dieu n’était-il pas plus fort que la mort ? Sa main bienveillante  se révélait-elle inefficace ?

Bien qu’Étienne ait fait ce qu’il fallait, il faut bien constater que le projet qu’il portait au nom de Dieu a échoué. Mais un projet qui échoue ne contrarie pas pour autant  le dynamisme de Dieu !  Alors que nous nous indignons  et que même nous accusons Dieu d’impuissance, celui-ci se risquait déjà à mettre en œuvre un autre projet.  Y aura-t-il quelqu’un pour  y entrer et s’engager avec lui  à poursuivre le combat ?

Pendant  qu’on assassinait Étienne à coup de pierres, un jeune homme, chargé du vestiaire nourrissait sa haine contre la secte qui offensait par son existence l’orthodoxie juive. Qui était-il ? La question est simplement ouverte ici, mais nous savons son avenir. La question était maintenant de savoir si le projet de Dieu de mettre  en action un homme de haut niveau dans ce même projet allait réussir.   Un sursaut dynamique allait-il se produire pour que l’homme ouvre les yeux à une vérité qui n’était pas encore la sienne ?

L’habileté de Luc le narrateur nous laisse dans l’expectative.  Alors que la persécution s’accroissait, le dynamisme créateur de Dieu suscitait le dynamisme des hommes.  Saul fut saisi, se tourna vers Dieu  et devint Paul.  Dieu apparemment invisible et silencieux continuait à assumer la charge  qu’il s’était assigné à lui-même depuis toujours, celle de provoquer les hommes,  par son  esprit  à entrer dans un élan de vie porteur de leur  destinée.  Telle est sans doute la réponse qu’attendaient les questions que nous avons posées en ouvrant ce propos. Dieu peut tout  quand les hommes de bonne volonté mettent leurs pas à la suite de ceux de Jésus et acceptent que le souffle dynamique de Dieu les mobilise. Les projets entrepris peuvent tourner court, mais jamais Dieu ne se lasse d’en formuler d’autres et de provoquer les hommes à y entrer.

Illustrations : statue d’Étienne de Robert Barillot à Valenciennes