dimanche 25 septembre 2011

Matthieu 22:34-40



Aimer Dieu de tout son cœur
Aimer son prochain comme soi-même


34 Les pharisiens apprirent qu'il avait réduit au silence les sadducéens. Ils se rassemblèrent 35 et l'un d'eux, un spécialiste de la loi, lui posa cette question pour le mettre à l'épreuve : 36 Maître, quel est le grand commandement de la loi ? 37 Il lui répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ton intelligence. 38 C'est là le grand commandement, le premier. 39Un second cependant lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 40 De ces deux commandements dépendent toute la Loi et les Prophètes.

Il n’y a pas de slogan plus porteur, ni d’idée plus séduisante que d’affirmer que c’est l’amour qui doit mener le monde. Il doit être le moteur de nos relations avec Dieu et avec les hommes. Quiconque nie une telle affirmation fait figure d’irresponsable archaïque et rigide, mais à l’inverse, quiconque défend une telle idée sera très vite taxé d’utopiste irréaliste. Les sages, comme toujours vont se situer dans le juste milieu : un peu d’amour mettra de l’huile dans les rouages, mais trop d’amour nous entraînera à la dérive et ne nous apportera que des déboires.

Pourtant Jésus se positionne clairement dans une pratique de l’amour sans réserve. Ce n’est pas lui, par ailleurs qui est l’auteur de ces deux préceptes. Il est allé les prendre à leur source dans deux livres au cœur de l’Ecriture : le Livre du Lévitique et celui du Deutéronome. Il s’agit donc là d’une vérité qui habite toute la Bible depuis ses origines.

Soyons réalistes pour un temps, et rejoignons le camp des sages dont je viens de parler. En effet, la position de Jésus semble insoutenable. Comment aimer Dieu sans restriction alors que l’Ecriture nous enseigne à le craindre ? Il est certes lent à la colère et prompt à la miséricorde, mais certaines de ses colères restent mémorables.

La Bible, dans les deux Testaments ne manque pas d’exemples à commencer par la destruction de Jérusalem en -586 que Dieu a laissée faire, voire même provoquée. Jésus lui-même ne nous met-il pas en garde en nous disant que certaines de nos positions seront sanctionnées par des pleurs et des grincements de dents. Certes, les commentateurs les plus optimistes ont dit que Jésus utilisait des formules stéréotypées qui avaient cours en son temps. Il n’empêche qu’il les a quand même utilisées.

Dans notre relation personnelle avec Dieu, nous éprouvons parfois du ressentiment à son égard et quand on éprouve un tel sentiment on ne peut aimer sans réserve celui qui nous l’inspire. Inutile d’énumérer toutes ces prières sans réponse faites dans la foi, elles sont encore dans notre mémoire. On ne fera pas non plus la liste de ces catastrophes naturelles où l’absence de Dieu s’est faite douloureusement sentir. Il nous arrive aussi d’être à l’écoute des propos selon lesquels il n’y aurait pas tant de malheurs dans le monde si Dieu y était vraiment présent. Des questions lancinantes reviennent à notre pensée, bien que nous essayions de les écarter : pourquoi ceux qui ont donné leur vie à Dieu sont-ils victimes d’injustices, de violences, de famines et de maladies ?

Compte tenu de toutes les réserves que je viens de faire, on peut certainement concevoir que l’on puisse avoir un élan d’amour vers le créateur de toutes choses qui a fait tant de beautés et qui a organisé le monde avec tant de subtilité, mais peut-on pour autant lui réserver un amour total et sans réserve compte tenu des griefs que je viens d'évoquer? Cela nous paraît bien impossible.

Même si on se forçait à aimer Dieu par obéissance ou par intérêt, un tel amour n’aurait pas grande valeur puisqu’il ne serait pas le résultat d’un élan du cœur qui ne se démontre pas mais qui jaillirait de nous-mêmes après avoir transformé tout notre être.

Pour qu’une telle chose soit possible, il nous faudrait changer radicalement notre relation à Dieu. Il faudrait la penser en d’autres termes que ceux que nous avons utilisés jusqu’à maintenant et essayer de trouver une autre approche de Dieu. C’est sur ce point que nous rejoignons l’enseignement de Jésus, car il a essayé toute sa vie de nous apprendre à voir Dieu autrement que ce que la tradition nous a appris de lui. Il nous faut donc opérer une transformation radicale en nous-mêmes pour nous permettre d’avoir un autre regard sur Dieu et sur les autres au point de les aimer eux-aussi sans aucune restriction.

Il ne nous est pas plus facile d’aimer les autres. Si chacun faisait un examen de conscience attentif sur lui-même, il découvrirait bien vite que ceux auxquels il accorde son amour se réduisent à un tout petit nombre. L’amour, nous l’avons dit est un élan du cœur qui ne se commande pas. Le sentiment que nous éprouvons pour ceux que nos aimons vraiment est d’une toute autre nature que celui que nous réservons à tous les autres. Car l’amour ne se commande pas. On peut se contraindre à être aimable, on peut forcer sa nature en approchant les autres avec respect. On peut même leur donner une partie de nos biens. On peut leur consacrer beaucoup plus de temps que raisonnable mais tout cela n’est pas de l’amour, c’est de l’altruisme.

Alors comment aimer vraiment Dieu, et par voie de conséquence comment aimer son prochain ? Jésus part d’une approche que nous connaissons bien. Il considère avant tout Dieu comme un Père dont de nombreuses paraboles nous donne l’exemple. Il est un Père tellement aimant que son comportement, s’il était celui d’un Père humain, pourrait être considéré comme laxiste. C’est ce que nous pourrions retenir de la parabole des deux fils par exemple. C’est ce Père admirable qui cherche son fils, qui vient vers lui, et quand il l’a trouvé et réconforté, c’est à l’autre qu’il consacre le reste de son temps. Ce Dieu à l’image duquel Jésus nous renvoie ne provoque personne, mais il attend patiemment que chacun soit prêt à entrer en relation avec lui. Sa patience est telle qu’elle peut durer toute une vie et ne jamais obtenir le résultat espéré.

Nous réalisons que sa présence est effective en nous quand nous en ressentons du bien et que ce contact produit comme une sorte de bonheur en nous. Nous découvrons alors que la place de Dieu était prévue dans notre inconscient depuis toujours, comme si nous étions conçus pour vivre avec lui, mais jamais il ne revendique cette place qui lui est due, si bien que sa présence est perçue comme un vide qui se comble, une absence qui devient présence, une soif d’absolu,et un désir qui ne saurait se dire.

Une telle présence en nous qui crée des états d’âme heureux, qui apporte apaisement et délivrance est totalement différence de celle que l’on nous a appris toutes les fois que l’on nous a parlé de Dieu. Cette quiétude qui nous envahit par sa présence devient la seule réalité de Dieu que le Père de Jésus voulait établir en nous. Jésus nous a préparé lui-même à cette rencontre en faisant jaillir en nous le désir d’un Dieu qui soit différent de celui dont les hommes témoignent et que sans lui on n’aurait jamais pu imaginer.

Le Dieu qui apparaît comme un maître arbitraire pour les hommes et pour le monde, qui conduit ses projets jusqu’à leur aboutissement sans les partager est en dehors de la pensée de Jésus Christ. Un Dieu qui jugerait et condamnerait, un Dieu qui ne serait compatissant qu’après avoir reçu le repentir et qui n’accorderait son amour qu’après avoir sanctionné les coupables, même faiblement, ce Dieu là n’est pas celui avec lequel nous pourrions avoir une total relation d’amour. Il nous faut donc oublier tout ce que l’on a appris sur Dieu et ne retenir de lui que ce que nous en avons perçu quand nous avons senti sa présence en nous, cœur à cœur. C’est alors que Dieu prendra un autre visage et que nous pourrons nous mettre à l’aimer en totalité

L’amour que nous manifesterons à notre prochain deviendra alors le reflet de l’amour divin qui désormais nous habite. Ce sera un mouvement naturel qui se fera sans que nous cédions aux exigences que la bonté nous impose. Les choses se feront alors d’une manière tellement naturelle que c’est en considérant les actes que nous avons faits que nous reconnaîtrons que c’est l’amour de Dieu qui agit en nous comme conséquence inconsciente de l’amour que nous avons pour lui.


Pour répondre à l’injonction de Jésus en aimant Dieu de tout notre cœur et notre prochain comme nous-mêmes, il nous faut tout oublier de ce que nous avons appris sur Dieu et nous préparer intérieurement à le laisser agir en nous. C’est alors que tout ce que la Bible nous a dit sur Dieu se tintera d’une autre couleur et prendra des reflets inattendus, car nous comprendrons que dans toutes les situations dont l’Ecriture témoigne, l’amour était premier en toute chose, si bien que fort de cette expérience, nous lirons notre Bible autrement. S’il reste encore des zones d’ombre en nous, c’est par la prière, c'est-à-dire par une relation encore plus approfondie avec Dieu qu’elles s’éclaireront.

Illustrations Marc Chagall : l'amour

samedi 17 septembre 2011

Esaïe 45:1-6



Esaïe 45:1-6 :Un messie pour Israël - dimanche 16 octobre 2011


1 Ainsi parle l'Éternel à son messie, à Cyrus,
Qu'il saisit par la main droite,
Pour terrasser les nations devant lui

Et pour déboucler la ceinture des rois,

Pour ouvrir devant lui les deux battants,
Et que les portes ne soient plus fermées :
2 Je marcherai devant toi,
J'aplanirai les pentes,
Je briserai les portes de bronze

Et je mettrai en pièces les verrous de fer.
3 Je te donnerai des trésors enfouis,

Des richesses dissimulées,

Afin que tu reconnaisses

Que je suis l'Éternel qui t'appelle par ton nom,
Le Dieu d'Israël.
4 A cause de mon serviteur Jacob
Et d'Israël, mon élu,
Je t'ai appelé par ton nom,

Je t'ai paré d'un titre,
Sans que tu me connaisses.
5 Je suis l'Éternel,

Et il n'y en a point d'autre,

A part moi il n'y a point de Dieu ;

Je t'ai pourvu d'une ceinture,

Sans que tu me connaisses.

6 C'est afin que l'on reconnaisse,
Du soleil levant au couchant,
Qu'en dehors de moi il n'y a que néant :
Je suis l'Éternel,
Et il n'y en a point d'autre.édit de Cyrus


Y a-t-il un autre roi sur terre qui fut salué par Dieu de la même manière que le fut Cyrus, dans ce chapitre 45 du livre du prophète Esaïe qui le qualifie de Messie, lui, un roi païen ? Ce titre était conféré en Israël aux descendants du roi David. Mais à l’époque où nous sommes, il n’y a plus de roi depuis cinquante ans. Les notables d’Israël étaient partis en exil avec le dernier souverain vaincu par Nabukodonosor. Jérusalem était en ruines et les scorpions habitaient le temple dévasté.

Etait-il possible qu’un prince païen soit appelé par Dieu pour relever le trône renversé et restaurer un royaume qui avait disparu depuis deux générations ? Pourtant les paroles du prophète n’ont pas résonné dans le vide puisqu’elles ont été conservées dans les livres sacrées : « Ainsi parle l’Eternel à son Messie Cyrus qu’il a saisi par la main droite… »

A connaissance humaine, Cyrus ne s’est jamais vu signifier une telle prophétie ! Jamais le prophète Esaïe n’a approché le roi pour lui délivrer le message ! Alors comment un tel prodige a-t-il pu prendre corps dans la Bible et devenir réalité ? La chose s’est bien produite, Israël est bien revenu de son lointain exil, le temple fut rebâti et les murs de la ville relevés sur ordre de Cyrus.

Telle une vague de fond parcourant le croissant fertile au quatrième siècle avant notre ère, les armées de Cyrus avaient renversé les souverains et réorganisé les royaumes. Le nouveau conquérant s’empara même de Babylone et rien ne put arrêter l’armée de Cyrus qui vola de conquêtes en conquêtes. A la différence des autres envahisseurs, il ne sema pas la désolation sur son passage. Les rois détrônés ne perdirent pas la vie et ne furent pas envoyés en exil, mais se trouvèrent rétrogradés au rang de gouverneur. Les peuples ne furent pas déplacés comme cela avait été le cas auparavant, et ceux qui l’avaient été jadis retrouvèrent leurs anciennes patries. Un Edit publié par Cyrus précisa alors le droit des peuples. Ce document est considéré par les historiens modernes comme une première déclaration des droits de l’homme.

En exil à Babylone le prophète Esaïe assistait à ce grand bouleversement politique et social. Il avait vu le roi du moment détrôné, mais son sang n’avait pas coulé, il était devenu un gouverneur provincial. Le culte du Dieu Mardouk avait subsisté et ses statues n’avaient pas été renversées. Un mieux être semblait s’installer et l’espérance d’un retour prochain devenait une réalité. Il était clair que pour le prophète ce nouvel état des choses correspondait aux prophéties formulées par ses prédécesseurs : le premier Esaïe et Jérémie.

Le prophète Esaïe mentionné ici est un prophète anonyme qui vivait à l’époque de l’exil et dont les écrits ont été publiés à la suite de ceux du prophète Esaïe, c’est pourquoi il est convenu de l’appeler le second Esaïe. Il vivait donc 150 ans après le premier. Les prophètes qui l’avaient précédé se réclamaient d’un Dieu bon, prompt à la justice, lent à la colère, qui récusait la force. Il espérait que le roi soit pour lui un instrument de paix et assure le bonheur de ses peuples. Un seul roi, Josias avait correspondu à cet idéal et avait entrepris une grande réforme qui allait dans ce sens.

Les autres par contre avaient continué à voir en Dieu un Dieu fier et autoritaire qui se satisfaisait dans la soumission des peuples et trouvait sa gloire dans les victoires des armés royales. Le clergé du Temple soutenait cette position et organisait la persécution de ces prophètes semeurs de troubles.

L’histoire donna raison aux prophètes contre les rois. Entêtés dans leur vision des choses ils conduisirent leur peuple à la ruine et à la destruction. Contrairement à l’habitude qui veut que les dieux des peuples vaincus disparaissent après la défaite, le Dieu d’Israël et son culte subsista en exil, sans roi, sans clergé et sans temple. La vision de Dieu qu’avaient donnée les prophètes avait subsisté alors que l’image de Dieu imposée, par le clergé et les rois s’était effacée. Ainsi sur la terre de l’exil, le culte du Dieu unique, Dieu de miséricorde et de bienveillance, s’imposa, mais d’une toute autre manière qu’auparavant.

Cyrus surgit donc sur la scène politique au moment où ce nouveau courant de pensée concernant Dieu s’imposait et redonnait de l’espoir au peuple en exil. Il n’est pas étonnant alors qu’on considéra le conquérant comme celui qui allait relever le peuple d’Israël vaincu et restaurer le culte de son Dieu. Bien que païen il portait en lui les qualités du souverain tel que les prophètes les avaient décrites. Tolérant vis à vis des vaincus, il le fut aussi vis-à-vis des religions qui n’étaient pas la sienne. Il ne s’opposa à aucun culte et favorisa même les cultes bafoués, c’est ainsi qu’il ordonna le retour des juifs à Jérusalem et la reconstruction du Temple. Mais il n’ordonna pas davantage. Ce ne fut ni une restauration de la souveraineté ni une restauration de l’état. Cela n’advint que beaucoup plus tard.

Les juifs exilés avaient retrouvé espoir parce qu’ils avaient conforté leur foi en ce Dieu de miséricorde qui favorise la justice et qui s’oppose à la violence, c’est pourquoi la période de l’exil fut vécue comme une Réforme théologique radicale qui ne s’appuyait plus sur la monarchie de droit davidique, ni même sur les solennités du temple démoli, mais sur le culte en esprit et sur la sagesse que Dieu inspire au cœur des hommes.

Dans cet esprit on entreprit alors la rédaction des textes fondateurs de cette nouvelle pensée. Les écrits des prophètes furent repris, le Deutéronome fut actualisé et tous les textes que la tradition avait conservés furent écrits ou réécrits. Au contact des autres religions, la pensée théologique des juifs fut approfondie. Elle fut amenée à se préciser et à se radicaliser. Les courants théologiques rivalisèrent entre eux et s’exprimèrent en diverses écoles dont on trouve encore la trace dans les Bibles actuelles.

Toute cette effervescence intellectuelle et spirituelle a été dominée par cette image de Dieu héritée des prophètes. Stimulée par la perspective d’un retour prochain elle produisit beaucoup de textes conservés aujourd’hui dans nos Bibles. Même les textes bibliques qui nous paraissent porteurs des violences du passé portent la trace de cette nouvelle vision des choses. Le Dieu qui préconisait les conquêtes s’est fondu dans l’image de celui qui réclamait la justice et la miséricorde.

Pourtant l’histoire passant, les événements se succédant, c’est toujours cette image du Dieu violent qui transparaît encore aujourd’hui. Les textes qui nous en parlent sont bien réels. Il ne faut pas les écarter, mais il faut apprendre à les lire en considérant que les anciens qui nous les ont transmis n’ont pas voulu les réécrire de peur de les défigurer, car ils faisaient partie de l’héritage qu’ils avaient reçu. Mais malgré la violence qu’ils décrivent, ils parlent aussi de la tendresse de Dieu.

Par contre, si nous retenons trop souvent, à partir des Ecritures, l’image de ce dieu violent que nous contestons, c’est sans doute parce que nous avons la nostalgie d’un Dieu tout puissant et victorieux qui nous conforterait dans nos positions. Mais le culte de ce Dieu avait déjà été rejeté 4 siècles avant notre ère par ceux qui ont produit la dernière rédaction de nos Bibles. Les peuples n’ont jamais renoncé à justifier leur propre violence en s’appuyant sur lui. Pourtant son culte a apporté tant de désastres sur cette terre que la sagesse humaine aurait du le rejeter depuis longtemps.

Nous sommes encore réticents à adopter la vision de Dieu que nous ont transmis les prophètes et que Jésus a retenue pour sa part. Cette image du Dieu des prophètes a cependant imprégnée tous les écrits. C’est eux qui au cours des siècles ont ouvert la voie à Jésus Christ qui a d’abord été perçu comme l’un d’entre eux avant que l’on voit en lui l’image du Messie et du fils de Dieu.


le tombeau de Cyrus



Pour cette même semaine, la liste de lecture propose aussi un texte sur Matthieu 22:15-21. Nous avons publié en octobre 2008 un sermon sur ce sujet que je vous donne ici en appendice.

Matthieu 22 :15-21

(Publié sur ce site le 12 octobre 2008. C’est le sermon qui a été le plus visité sur mon blog)

Alors les pharisiens allèrent se consulter sur le moyens de prendre Jésus au piège de ses propres paroles

Ils envoyèrent auprès de lui leurs disciples avec les Hérodiens : Maître lui dirent-il, nous savons que tu es véridique et que tu enseignes la voie de Dieu en toute vérité, sans redouter personne, car tu ne regardes pas à l’apparence des hommes.

Dis-nous donc ce que tu en penses. Est-il permis ou non de payer le tribut à César ?

Mais Jésus qui connaissait leur malice répondit : Pourquoi me mettez-vous à l’épreuve, hypocrites ?

Montrez-moi la monnaie avec laquelle on paye le tribut. Et ils lui présentèrent un denier.

Il leur demanda : de qui sont cette effigie et cette inscription ?

De César lui répondirent-ils. Alors il leur dit : Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu.

Etonnés de ce qu’ils entendaient, ils le quittèrent et s’en allèrent.

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Matthieu 22/15-22

Dès que l’on parle d’argent la méfiance s’installe et les conversations prennent une autre tournure, car c’est l’argent qui provoque les cassures au sein de la société ou même au sein des familles. Il y a ceux qui ont de l’argent et il y a ceux qui n’en ont pas. A partir de ce fait incontournable, chacun y va de son couplet. Pour les uns il s’agit de le décrier comme la pire des choses quant aux autres ils s’accordent à dire que puisqu’il est nécessaire, il faut bien s’en accommoder. Dans la vieille Europe l’argent était considéré comme impur, c’est pourquoi on a laissé les marginaux s’en occuper: les Juifs d’abord, les Protestants ensuite. A eux de se salir les mains avec l’argent qui souille et pervertit, puisqu’ils étaient hors de l’Eglise - entendre hors du salut - A eux aussi de le faire fructifier pour ceux qui le leur confiaient et espéraient en tirer des bénéfices. On voit que l’hypocrisie des milieux religieux n’est pas nouvelle

On dit que l’argent est le nerf de la guerre et que c’est lui qui fait marcher le monde. Le phénomène de la mondialisation nous montre que ce sont les détenteurs de grosses fortunes qui gèrent le destin de la planète à l’instar des hommes politiques qui sont obligés de s’aligner pour garder l’illusion de gouverner. La toute récente actualité prétend le contraire aujourd’hui – mais cela reste à démontrer !

Quiconque veut avoir de l’influence en ce bas monde, quiconque veut faire valoir une idée a besoin d’argent pour séduire les médias et payer leur temps de pub ou d’antenne. Pour cela il doit se trouver un mécène disait-on jadis, un sponsor dit-on aujourd’hui, qui le soutient pour le prix de son talent ou de sa vertu.

Forcément ceux qui manient l’argent et qui ont du pouvoir grâce à lui cherchent à légitimer ce pouvoir en cherchant la caution de Dieu. C’est ce que font les interlocuteurs de Jésus, nous allons y revenir. Ils étaient déjà dans le courant moderne de notre temps. Le modernisme a besoin d’idées généreuses pour donner de la vertu à l’argent. C’est ainsi que les multinationales achètent des parts de bonnes actions auprès des ONG et à défaut de vertu s’acquièrent une morale. C’était aussi le but des prêtres du Temple de Jérusalem qui essayaient de trouver des valeurs morales au prélèvement de la dîme. La suite nous montrera que leur quête était sans fondement théologique.

Ne soyons donc pas surpris si les gens de pouvoir ont cherché à s’allier avec les gens qui relèvent du domaine spirituel, à moins que ce soit le contraire, car le mouvement va dans les deux sens. Cela est connu comme le principe de l’alliance du trône et de l’autel. L’Ecriture semble pourtant avoir mis des garde-fous en opposant Dieu et Mammon : « on ne peut servir Dieu et Mammon » disait Jésus et les hommes puissants de rétorquer : « nous ne servons pas l’argent, nous nous en servons pour servir Dieu. » Ce faisant, ils se comportent en bons théologiens, car c’est ainsi que Dieu entend les choses. Il nous confie l’argent comme un des nombreux outils qu’il met à notre disposition pour gérer heureusement l’évolution harmonieuse de la planète. C’est ainsi que les choses doivent fonctionner. C’est ainsi que l’homme a été prévu dès l’origine pour gérer la création. Mais les narrateurs de la Bible ont bien vu que cela ne cadrait pas avec la réalité. L’homme exploite plus la création qu’il ne la valorise. Pour remédier à ce constat désastreux, on a introduit le récit de la chute au milieu des récits de la création. Si nous sommes attentifs aux événements qui mettent notre société en émoi nous pourrons constater que la chute a été vertigineuse.

Pourtant, il est une tradition qui découle de l’Evangile et qu’on élève au rang de vertu: c’est la pauvreté volontaire. C’est ce que l’on retrouve dans les voeux monastiques. On est pauvre individuellement, mais on vit au sein d’une communauté qui gère l’argent de la collectivité pour le mieux être de chacun et des autres. Cet idéal que nous admirons a hélas montré qu’il pouvait être perverti. Les sectes mondialement connues ont profité de cet idéal pour asseoir leur pouvoir a des fins de dominations et non pas d’édification. A tout bon scientologue: Salut! Salut aussi à la foultitude de toutes les communautés qui se sont engouffrées dans la brèche utilisant la vie en collectivité pour cautionner leur soif de pouvoir et de domination sur l’autre par l’appropriation de ses biens. L’idéal monastique, mal conçu peut donner une perversion qui relève plus du pouvoir du diable que de la candeur angélique.

Ces quelques idées, glanées de ci, de là dans l’actualité nous permettent de comprendre l’ampleur du piège que l’on tend à Jésus quand on lui demande de choisir entre le pouvoir de l’argent et le pouvoir spirituel. Jésus sait que l’argent donne du pouvoir à celui qui en possède. Il sait que l’empereur s’enrichit ouvertement sur le dos des citoyens. Il sait aussi que les prêtres du Temple s’enrichissent sur le dos du bon peuple en lui laissant croire que Dieu cautionne la dîme et l’impôt ecclésiastique. Jésus va s’arranger pour ne pas leur donner tort sans leur donner raison, car pour lui ils sont à mettre du même côté que l’empereur. L’histoire montrera en effet que la foi juive subsistera fort bien après la destruction du Temple et que la fortune des prêtres amassée grâce à la dîme ne servait à rien. Voila pour les juifs, on parlera des chrétiens plus loin.

Jésus ne tombe pas dans le piège. Donnez à chacun ce qui lui revient dit-il. Le problème ne se pose pas au niveau de l’empereur. L’empereur récupère auprès des citoyens l’argent dont il a besoin. Mais le problème va se poser au niveau de Dieu. Dieu a-t-il besoin d’argent? . « Rendez à l’empereur ce qui lui est du et à Dieu ce qui lui revient. » Pour l’empereur, on l’a vu, ça ne se discute pas. Ce qui lui revient c’est une partie de notre argent. Jésus ne précise pas ce qui revient à Dieu: La dîme, l’impôt ecclésiastique ou autre chose? En fait, Dieu n’a pas besoin d’argent, en tout cas pas de la même façon que l’empereur. Mais les hommes qui se disent au service de Dieu ont besoin d’argent. Quant à Dieu lui-même, c’est un autre problème. Tout appartient à Dieu, tout doit lui revenir y compris l’argent que l’empereur nous prend! Il n’y a pas de partage entre le temporel et le spirituel. Tout va à Dieu, tout relève de Dieu. Cela appartient du domaine de la foi et ce n’est pas avec de l’argent que l’on rend son du à Dieu.

L’empereur nous prend ce qu’il ne nous a pas donné. En effet, l’impôt est une ponction sur nos revenus faite par le pouvoir en place. A l’opposé, Dieu nous donne ce qu’il nous demande de lui donner. C’est au niveau de l’amour que ça se passe. Dieu nous donne son amour et espère le nôtre. La relation n’est pas du tout, au même niveau que l’argent de l’empereur.

Si je dis que l’on doit seulement notre amour à Dieu, le trésorier de la paroisse ne va pas être content. Certes on peut manifester son amour à Dieu de plusieurs façons, avec son argent, avec son temps, avec son talent; avec ses dons, mais toutes ces choses que l’on donne à Dieu ne sont que des outils pour lui manifester notre amour qui demeure premier.

Mais que l’on y prenne garde, tout cela peut être perverti. Car certains pensent que l’on peut capitaliser toutes ces choses que l’on est sensé faire pour Dieu et qu’on peut espérer des avantages en retour. Plus on aura fait de gestes qui plaisent à Dieu pensent-on, plus notre place dans le Royaume sera assurée. C’est, sans doute la manière la plus mesquine d’apprécier nos actions car elle sous-entendrait que Dieu pourrait échanger notre amour contre des bonnes actions. L’amour ne s’échange pas, il ne se monnaie pas, on ne le capitalise pas bien sûr, il n ’ a aucune valeur marchande. Il ne se manie pas comme de l’argent. Pour subsister, l’amour doit continuellement se manifester, car comme notre coeur, notre amour est vivant et il doit être en activité sous peine de mort. Si l’amour de Dieu nous fait vivre, Dieu a besoin de notre amour pour exister lui aussi aux yeux du monde.

Nous sommes donc sur un tout autre registre que celui de l’impôt que l’on paye au roi ou à l’institution ecclésiastique. Notre relation a Dieu ne profite à personne si non à Dieu lui-même, pour son propre bien-être. C’est cela la gratuité du salut, c’est de savoir que l’on aime Dieu sans espérer de récompense de lui puisque nous avons déjà tout reçu. Son amour est total et il demande que nous le lui rendions totalement. C’est pourquoi Dieu réclame seulement notre amour et rien que notre amour. « Aime et fais ce que voudra » disait saint Augustin. Et Rabelais fit graver cette devise sur le fronton de l’abbaye de Thélème. Quant à notre argent il ne devrait nullement être concerné par notre relation à Dieu.

dimanche 11 septembre 2011

Matthieu 22: 1-14 pour le dimanche 15 octobre 2017. Reprise du dimanche 9 octobre 2011





Matthieu 22 :1-14 La parabole des noces
1 Jésus leur parla encore en paraboles ; il dit : 2 Il en va du règne des cieux comme d'un roi qui faisait les noces de son fils. 3 Il envoya ses esclaves appeler ceux qui étaient invités aux noces ; mais ils ne voulurent pas venir. 4 Il envoya encore d'autres esclaves en leur disant : Allez dire aux invités : « J'ai préparé mon déjeuner, mes bœufs et mes bêtes grasses ont été abattus, tout est prêt ; venez aux noces ! » 5 Ils ne s'en soucièrent pas et s'en allèrent, celui-ci à son champ, celui-là à son commerce ; 6 les autres se saisirent des esclaves, les outragèrent et les tuèrent. 7 Le roi se mit en colère ; il envoya son armée pour faire disparaître ces meurtriers et brûler leur ville. 8 Alors il dit à ses esclaves : Les noces sont prêtes, mais les invités n'en étaient pas dignes. 9 Allez donc aux carrefours, et invitez aux noces tous ceux que vous trouverez. 10 Ces esclaves s'en allèrent par les chemins, rassemblèrent tous ceux qu'ils trouvèrent, mauvais et bons, et la salle des noces fut remplie de convives. 11 Le roi entra pour voir les convives, et il aperçut là un homme qui n'avait pas revêtu d'habit de noces. 12 Il lui dit : Mon ami, comment as-tu pu entrer ici sans avoir un habit de noces ? L'homme resta muet. 13 Alors le roi dit aux serviteurs : Liez-lui les pieds et les mains, et chassez-le dans les ténèbres du dehors ; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. 14 Car beaucoup sont appelés, mais peu sont choisis.





Qu’aurait-on dit, si au mariage du prince William un des invités était venu en blue-jeans et polo avec des savates aux pieds ? L’humour britannique aurait peut être trouvé une telle attitude courageuse, géniale ou choquante. Il y a fort à parier que les services du protocole auraient réagi fermement et auraient opté pour une attitude conforme à celle de la parabole. Cependant, à part le fait que dans les deux cas, il s’agissait de noces royales, la situation n’était pas la même.

Dans le contexte de la parabole, il ne s’agissait pas de pousser vers la sortie un lord provoquant ou arrogant, il s’agissait d’exclure un va-nu-pieds ramassé dans les faux bourgs mal famés et contraint par les forces de l’ordre de se joindre aux invités qui étaient tous comme lui, des marginaux que l’on n’avait pas prévu d’inviter et qui se trouvaient contraints et forcés d’entrer dans la salle du banquet.

Tout nous choque dans cette affaire, à commencer par l’attitude du roi. Il s’en est d’abord pris à ses invités indélicats qu’il a fait tuer, puis il a bouté hors de sa salle à manger ce pauvre bougre qui n’avait pas le vêtement requis. Il n’avait sans doute pas les moyens ni la possibilité de se changer tant l’affaire avait été mené rondement. Ses co-invités étaient dans la même situation, semble-t-il, et pourtant il ne leur est rien arrivé de fâcheux, c’est bien là le problème ! Comment alors expliquer l’attitude du roi qui nous parait inconvenante ?

Quand on veut, on peut, dira-t-on. Malgré ses haillons, il avait sans doute les moyens de faire apparaître ouvertement qu’il était à la fête. C’est ce que les autres avaient certainement fait. Mais comment s’y étaient-ils pris ? A nous de l’imaginer : une fleur des champs à la boutonnière, une plume d’oiseau au chapeau, un simple coup de brosse sur la poussière de leur pantalon, que sais-je encore ? Il y a, en tout cas, un minimum qu’il aurait pu faire et qu’il n’a pas fait.
Mais prenons un peu de distance avec cette parabole que nous avons de la peine à expliquer et essayons de percer l’intention de Jésus. Il est clair que Jésus veut signifier que les invités, c'est-à-dire les dignitaires juifs, pharisiens, scribes et consorts n’auraient pas leur place dans le Royaume que Jésus était venu annoncer. C’est là un constat récurant pour qui a un peu de pratique dans la lecture des paraboles du Royaume. Ceux à qui était destiné la bonne nouvelle de Jésus l’ayant refusée, ce sont d’autres apparemment  moins dignes que les premiers qui devaient les remplacer.

Bon nombre des premiers chrétiens faisaient partie de ces gens marginalisés par les scribes et les pharisiens, certains même dans la toute première génération ont été recrutés parmi les païens. Ils ont du se reconnaître dans ces invités de la dernière heure. Plus aucune contrainte n’était désormais exigée pour faire partie de ce nouveau peuple de Dieu. Mais cette parabole, dans un contexte aussi farouche nous apprend que tous ne sont pas les biens venus et que malgré l’invitation générale, tous ne sont pas invités.

L’exclusion de cet homme, sans vêtement de fête, apporte un démenti fâcheux à notre espérance et jette le trouble dans notre esprit. Voila que notre théorie sur la gratuité du salut se trouve malmenée. Elle est même remise en cause et nous nous demandons ce qu’il en est de notre théologie de la grâce.

On remarquera que cette parabole ne figue pas dans l’Évangile de Marc qui est le plus ancien des Évangiles. Par contre cette même parabole est rapportée dans l’Évangile de Luc sous une forme qui pourrait nous paraître édulcorée. Luc l’a simplifiée. Dans le texte qu’il transmet, Il n’y a plus de roi, c’est un riche bourgeois qui le remplace. Les invités qui refusent de venir s’excusent poliment et on ne leur fait aucun mal. Personne n’est exclu de la salle du banquet. Luc a-t-il adouci volontairement les rugosités d’une parabole, venue d’une autre tradition que Marc ne connaissait pas et que Matthieu aurait trouvée ailleurs et aurait conservée dans toute sa dureté ? On peut même se demander si Jésus n’a pas raconté cette parabole dans deux situations différentes, ce qui expliquerait la différence des textes transmis par les deux évangiles. Nul ne le sait. La seule chose que l’on sait, c’est que Matthieu a rapporté quant à lui, un détail navrant dont il nous faut ici rendre compte.

Comme dans toutes les paraboles, il y a des incohérences. Outre l’histoire de l’habit de noce, dont on n’a toujours pas trouvé d’explication, il y a la violence du roi qui fait tuer et assassiner les invités indélicats et détruire leurs villes si bien qu’on a du mal à reconnaître dans ce roi le Père dont Jésus se réclame. On verrait plutôt en lui ce Dieu autoritaire et jaloux qui faute d’être aimé et respecté préfère détruire et tuer tout ce qui ne se soumet pas à sa volonté. Il agit comme le Dieu qui décida du déluge et de la destruction de la population  hostile à l'étranger à Sodome et Gomorrhe. 

Selon certains chrétiens c’est ce même Dieu qui présiderait encore à la destinée de chacun. Après avoir rejeté son peuple élu qui n’aurait pas reconnu en Jésus le Messie, il exigerait de son nouveau peuple, l’Église chrétienne, la même obéissance et quiconque ne se soumettrait pas à sa loi serait passible d’un jugement encore plus sévère que par le passé. Quiconque n’aurait pas la bonne confession de foi se verrait rejeté dans les ténèbres du dehors. Voila l’inquisition, les croisades et les guerres de religions à nouveau justifiées. Tous ceux qui sont adeptes d’un évangile pur et dur où la justice devance le pardon se trouvent ici confortés dans leur intégrisme.

Cette parabole dans laquelle nous ne reconnaissons pas Dieu dans le personnage du roi et dont nous contestons la conclusion nous a-t-elle été donnée comme un contre évangile qui par voie de déduction nous amènerait à trouver en opposition le vrai évangile? C’est sans doute la tentation dans laquelle je suis en train de vous entraîner, comme si Jésus se permettait de prêcher le faux pour qu’on découvre le vrai. Mais tel n’est pas le fonctionnement habituel de sa pensée. Serait-ce alors un procédé littéraire propre à Matthieu ? Pas davantage ! Mais pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?

Revenons donc à cette histoire de vêtement qui n’est pas conforme à ce qu’il devrait être. Ce n’est pas la première fois que la Bible accorde une valeur symbolique au vêtement. Le vêtement prend parfois une signification particulière dans la relation de l’homme à Dieu.
Dans le jardin d’Éden, une fois leur faute commise, Adam et Eve ne veulent plus paraître nus devant Dieu. Ils se bricolent alors des pagnes en feuillage. C’est Dieu lui-même qui leur confectionne un vêtement décent pour qu’ils puissent paraître devant lui. Le Grand prêtre lui-même devait porter un vêtement spécial pour assurer ses fonctions devant Dieu dans le Temple. Dans l’Évangile on nous raconte l’histoire de ce jeune homme qui laissa son vêtement aux mains des soldats et partit tout nu pour ne pas se faire arrêter en même temps que Jésus. Il perdit son vêtement pour prix de son infidélité. Inversement, dans l’Évangile de Jean c’est Pierre qui était nu alors qu’il était à la pêche et qui se revêtit pour se rendre acceptable devant Jésus.

La mention du vêtement ici n’est donc pas sans importance. C’est par lui qu’on peut être reconnu comme acceptable devant Dieu. La parabole en dépit de ses aspects insupportables se déroule dans une ambiance de fête. Malgré les violences qui y sont relatées, malgré la brutalité des événements, malgré l’attitude arbitraire du roi, malgré tout ce qui nous pousse à rejeter cette parabole et à la qualifier d’inacceptable, elle implique une attitude de fête et de joie. Elle pourrait très bien caractériser l’attitude du chrétien dans notre société moderne. En effet, on prétend aujourd’hui que la violence s’accroît, on nous dit que nous sommes dans l’insécurité, les violences de toutes sortes  se déroulent à notre  porte,  mais Dieu n’a-t-il pas mis en nous l’espérance qui devrait se manifester par une sérénité affichée, et par une confiance affirmée en l’avenir.
 
Malgré la réalité d’une société violente et injuste, malgré l’arbitraire des pouvoirs en place, malgré la fausse image de Dieu que l’on essaye de nous asséner, Jésus nous demande d’afficher notre sérénité face aux événements et notre confiance en ce Dieu qui n’est pas nommé ici mais qui est l’objet de notre espérance. C’est l’espérance affichée qui doit révéler notre foi. Il nous faut donc manifester ouvertement que nous croyons possible la venue de ce Royaume de paix annoncé par Jésus. Nous devons donc rendre visible notre sérénité comme on le ferait d’un vêtement de noce. Espérance et sérénité, voila ce qui se cache derrière ce vêtement mystérieux.

Les images viennent du Musée de Clermont-Ferrand

vendredi 2 septembre 2011

Matthieu 21 :33 -46

La parabole des vignerons dimanche 2 octobre 2011



La parabole des vignerons

Matthieu 21 : 33-46

Ecoutez une autre parabole. Il y avait un maître de maison qui planta une vigne. Il l'entoura d'une haie, y creusa un pressoir et y construisit une tour, puis il la loua à des vignerons et partit en voyage. 34 A l'approche des vendanges, il envoya ses esclaves chez les vignerons, pour recevoir les fruits de la vigne. 35 Les vignerons prirent ses esclaves ; l'un, ils le battirent ; un autre, ils le tuèrent ; un autre encore, ils le lapidèrent. 36 Il envoya encore d'autres esclaves, en plus grand nombre que les premiers ; les vignerons les traitèrent de la même manière. 37 Enfin il leur envoya son fils, en disant : « Ils respecteront mon fils ! » 38 Mais quand les vignerons virent le fils, ils se dirent : « C'est l'héritier ! Venez, tuons-le, et nous aurons son héritage. »39 Ils le prirent, le chassèrent hors de la vigne et le tuèrent. 40 Lorsque le maître de la vigne viendra, comment traitera-t-il donc ces vignerons ? 41 Ils lui répondirent : Ces misérables, il les fera disparaître misérablement, et il louera la vigne à d'autres vignerons qui lui donneront les fruits en leur temps.42 Jésus leur dit : N'avez-vous jamais lu dans les Ecritures :C'est la pierre que les constructeurs ont rejetéequi est devenue la principale, celle de l'angle ;cela est venu du Seigneur,c'est une chose étonnante à nos yeux.43 C'est pourquoi, je vous le dis, le règne de Dieu vous sera enlevé et sera donné à une nation qui en produira les fruits. 44 Quiconque tombera sur cette pierre s'y brisera, et celui sur qui elle tombera, elle l'écrasera.45 Après avoir entendu ses paraboles, les grands prêtres et les pharisiens comprirent que c'était d'eux qu'il parlait ; 46 ils cherchaient à le faire arrêter, mais ils eurent peur des foules, parce qu'elles le tenaient pour un prophète.



Si on cherche à trouver le sens de cette parabole en regardant seulement le titre qu’en donnent les traductions les plus usuelles de nos Bibles, on constatera que les éditeurs nous engagent à lire ce texte comme si les ouvriers qui travaillent dans la vigne étaient mauvais.

En effet les titres qui sont donnés à ce passage dans les Bibles sont les suivants:
- parabole des vignerons ( Colombe)
- parabole des vignerons homicides ( Jérusalem)
- parabole des vignerons mauvais ( Chouraqui)
- Les métayers révoltés ( TOB)

Un seul de ces titres est neutre par rapport aux vignerons. Les autres ont déjà formulé un jugement négatif sur eux.
Avant même d’avoir commencé la lecture du textes, les vignerons sont désignés comme des méchants, si bien que notre opinion est déjà faite avant d’avoir commencé à lire. Il n’est pourtant pas évident que les vignerons soient coupables. Cela dépend du regard que l’on porte sur le droit en vigueur. Les éditeurs font intervenir dans les titres qu'ils ont donnés les reflets du droit de notre société occidentale orientée vers le respect absolu de la propriété. Si nous lisions cette parabole dans une autre société que la nôtre, celle où la maffia par exemple règne en maître on donnera d'autres titres que ceux que j'ai cité: on aura par exemple:
- histoire d'une révolution avortée ou
- échec de la libération.

N’oublions pas qu’un des textes fondateurs de la Bible nous parle de la révolte des esclaves égyptiens conduits par Moïse avec la bénédiction de Dieu. Pour Moïse l'aventure a réussi, pour les vignerons, elle a échoué.

Concentrons-nous sur l’attitude du propriétaire. Il se comporte d'une manière irresponsable et lâche. Je ne peux en aucune manière l'identifier à Dieu. Il abandonne les vignerons à leur tâche et se contente d'envoyer des serviteurs pour réclamer son argent. Il n'établit aucune relation humaine avec ses ouvriers, il n'y a aucun échange. Il ne reconnaît pour justifier son comportement que le droit établi en faveur des privilégiés. Comble de lâcheté le propriétaire envoie son propre fils mater la révolte, et ce fils se fait tuer. Sans que l'on ne sente aucun chagrin chez lui, on nous décrit simplement les représailles qu'il ordonne.

Peut être êtes vous irrités par cette entrée en matière, peut-être vous demandez-vous si je n'essaye pas de justifier quelques concepts appartenant au courants de la théologie de la libération chers aux pays d'Amérique Latine et condamnés par le pape ?

Je pense seulement que si on veut comprendre le message de Jésus, il faut le nettoyer de tous ce que les siècles ont accumulé de traditions à son sujet. Cela nous amène dans un premier temps à comprendre que si Jésus donne tort aux vignerons, il ne leur donne pas tort pour les raisons sociales qui nous viennent à l'esprit. Jésus ne leur donne pas tort d'avoir molesté les serviteurs et tué le fils, même si cela nous choque, il leur donne tort d'avoir voulu contraindre leur maître à changer de comportement vis à vis d'eux.

Il leur donne tort d'avoir rompu le contrat qui les liait à leur maître en lui confisquant le droit d'être le maître. Qu'il soit loin ou près, qu'il soit bon ou mauvais, que sa propriété de la terre soit légitime ou pas, le problème n'est pas là. Il est dit qu'il loua la terre aux vignerons, c'est à dire que les vignerons n'étaient pas des esclaves, mais qu'ils étaient liés au maître par contrat librement consenti. Ils devaient normalement payer au maître ce qui lui revenait sans tenir compte de l'éloignement qui les séparait. En agissant comme ils ont fait, ils ont voulu contraindre le maître à exister d'une autre manière, ils ont voulu le reconstruire à leur manière et en fait ils le contraignent à ne pas exister, c'est pourquoi ils tuent le fils. Plus de fils, plus d’héritier, plus de maître. Telle est leur logique.

C'est là où nous en sommes. Oublions pour un temps le propriétaire terrien et entrons dans l'allégorie de la parabole telle qu'elle nous est suggérée par le prophète Esaïe ( Es. 5/1-7 (1) ), dont Jésus emprunte une partie du texte. Considérons, pour un temps tout au moins, que le propriétaire représente Dieu, le vignerons sera donc celui qui fait contrat avec Dieu, c'est donc le juif pratiquant, circoncis le 8 eme jour, fidèlement assidu aux pèlerinages et aux sacrifices et par extension, ce sera le bon chrétien, baptisé, confirmé et bien dans sa peau de membre de l'Eglise. C'est donc le fidèle que nous sommes qui est mis en garde afin qu'il ne dénature pas la personne de Dieu, et qu'il ne tue pas Dieu en croyant bien faire.

Quand je dis le "bon chrétien", je devrais dire que tout chercheur de Dieu est concerné, car le chercheur de Dieu est celui qui est déjà en train d'établir un contact avec son Seigneur: Toute personne qui se sent liée à Dieu est concernée de près ou de loin par cet avertissement qui lui est fait de ne pas dénaturer la réalité de Dieu en le modelant à notre manière. C'est en agissant ainsi qu'on le tue.

Pour éviter cela, Dieu a suscité de nombreux témoins dont l'Ecriture nous rapporte l’histoire. Ils ont dit à leur manière la vraie nature de Dieu. Pourtant, beaucoup de gens, et même parfois des prédicateurs éliminent des aspects de Dieu qui ne leur conviennent pas, ainsi le déforment-ils au risque de le tuer. Ils prêchent un universalisme béat en prétendant qu'il suffit de faire le bien! Mais qu'est-ce que faire le bien ? Ils disent qu'il suffit d'aimer son prochain! Mais qui est mon prochain? Ils disent que Dieu pardonne toujours. Mais ils oublient que le pardon pour exister doit être précédé par la repentance et qu'il doit être suivi par un changement d'attitude.

Nous sommes invités à mieux lire l'Ecriture, et à approfondir notre approche de la foi pour ne pas tomber dans le piège qui consiste à faire comme les autres, à suivre naïvement le troupeau, à faire confiance à la tradition aussi respectable soit-elle. Or la parole de Dieu récuse le bon droit de la tradition, parce qu'elle nous provoque toujours à la nouveauté. Elle nous provoque là où nous n'avons pas envie qu'elle nous interpelle. Elle nous propose des itinéraires que nous n'avons pas envie de suivre, elle met sur notre chemin des prochains que nous n'avons pas envie d'aimer.

Ni les patriarches, ni les prophètes ni les apôtres n'ont souhaités suivre les chemins que Dieu les a invités à emprunter; mais ils les ont suivis à cause justement de cette relation étroite, puisée dans l’ l'Ecriture, qu'ils ont établie dans la vérité avec Dieu et que nous sommes tous invités à établir.

Je ne voudrais pas être mal compris. Je ne voudrais pas que l'un ou l'autre parmi-vous se mette à penser à la suite de ce texte que Dieu est comme le maître de la parabole et qu'il se venge au point de détruire ceux qui n'entrent pas dans ses projets et qui dénaturent son image. Dieu ne ressemble pas au propriétaire de la vigne, pas plus que vous ne ressemblez à ces vignerons mal intentionnés. Cette histoire nous est racontée pour nous dire que quand on veut modifier l'image de Dieu, Dieu ne répond pas à nos désirs et ne se conforme pas à ce que nous voulons.

N'imaginez pas, sous prétexte d'être fidèles au texte que Dieu va punir les infidèles comme le fait le maître de ce récit, au contraire, vous le savez bien, Dieu va s'acharner à gagner à lui tous les hommes en commençant par les vignerons de la parabole. C'est là que réside la difficulté de cette parabole. Elle ne nous demande pas d'identifier les personnages du récit avec Dieu ou avec nous-mêmes. Elle nous demande d'apprécier la situation ici décrite afin que nous corrigions, en fonction de ce que nous avons compris nos comportement défectueux à l'égard de Dieu.


Les illustrations proviennent d' enluminures de l'Evangéliaire d'Echtermach

(1)

Chapitre 5

La vigne du SEIGNEUR

Esaïe 5:1-7
1 Laissez-moi, je vous prie, chanter pour mon ami
le chant de mon bien-aimé pour sa vigne.
Mon ami avait une vigne
sur un coteau fertile.
2 Il en travailla la terre, ôta les pierres
et y planta un cépage de choix ;
il bâtit une tour au milieu d'elle,
il y creusa aussi une cuve.
Il espérait qu'elle produirait des raisins,
mais elle a produit des fruits puants !
3 Maintenant, habitants de Jérusalem, hommes de Juda,
soyez juges, je vous prie, entre moi et ma vigne !
4 Qu'y avait-il encore à faire à ma vigne
que je n'aie pas fait pour elle ?
Pourquoi, quand j'espérais
qu'elle produirait des raisins,
a-t-elle produit des fruits puants ?
5 Maintenant laissez-moi, je vous prie, vous faire savoir
ce que je ferai à ma vigne.
J'en arracherai la haie,
pour qu'elle soit dévorée ;
j'ouvrirai des brèches dans sa clôture,
pour qu'elle soit foulée aux pieds.
6 Je la réduirai en ruine :
elle ne sera plus taillée, ni sarclée ;
les ronces et les épines y croîtront.
Je donnerai mes ordres aux nuages,
afin qu'ils ne laissent plus tomber de pluie sur elle.
7 Or la vigne du SEIGNEUR (YHWH) des Armées,
c'est la maison d'Israël,
et les hommes de Juda,
c'est le plant qu'il chérissait.