vendredi 28 octobre 2016

Colossiens 1/12-20 Tout est harmonie en Dieu par le ministère de Jésus. Dimanche 20 novembre 2016


12 Rendez grâce au Père qui vous a rendus capables d'accéder à la part d'héritage des saints dans la lumière. 13 Il nous a délivrés de l'autorité des ténèbres pour nous transporter dans le royaume de son Fils bien-aimé, 14 en qui nous avons la rédemption, le pardon des péchés. 15 Il est l'image du Dieu invisible, le premier-né de toute création ; 16  car c'est en lui que tout a été créé dans les cieux et sur la terre, le visible et l'invisible, trônes, seigneuries, principats, autorités ; tout a été créé par lui et pour lui ; 17 lui, il est avant tout, et c'est en lui que tout se tient ; 18 lui, il est la tête du corps — qui est l'Eglise. Il est le commencement, le premier-né d'entre les morts, afin d'être en tout le premier.19 Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude 20 et, par lui, de tout réconcilier avec lui-même, aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix.


Tout croyant a pour but de participer à la plénitude de Dieu et de vivre avec lui des moments exaltants en partageant la foi  de tous ceux qui l’ont  côtoyé de très près, notamment   Abraham et Moïse qui ont eu le privilège de parler bouche à bouche avec lui pour le premier et de mourir dans ses bras pour le second. Nous aimerions nous trouver aux côtés d’Élie, le plus grand des prophètes qui a eu le privilège de sentir la tiédeur du souffle de Dieu quand il se cacha dans un creux de rocher.  Nous aimerions aussi partager les expériences des apôtres qui ont  vu le Christ ressuscité. Nous envions le privilège de tous ces grands témoins dont les Ecritures nous racontent les moments intimes qu’ils passèrent avec Dieu. Nous sommes frustrés en constatant que de tels moments n’existent plus

La Bible enjolive les événements du passé pensons-nous, c’est ainsi que par avance nous nous écartons d’une possible intimité plus grande avec Dieu.  Il n’en est rien nous suggère l’apôtre Paul dans ces lignes sur lesquelles nous appuyons ce sermon. Nul, selon lui,  n’est exclu de la possibilité de passer des moments privilégiés ou d’intimité avec Dieu qui toujours reste à portée de notre voix et accessible à notre prière. Cette possibilité nous est donnée grâce au relais incontournable que Dieu nous a donné en Jésus Christ. Encore faut-il faire bon usage de la réalité qui l’habite, car il n’est pas un sous-dieu, ni un substitut de Dieu qui nous parlerait à la place de Dieu et d’une manière plus appropriée qu’il ne  pourrait le faire lui-même.  Jésus est celui qui a su se laisser habiter  par Dieu pour nous le présenter en vérité  tel qu’il cherche à se révéler. Jésus  a su écarter de lui tous les  éléments que les traditions avaient accumulés sur son nom et qui en masquaient la réalité.  Jésus  s’est approché au plus près de lui pour nous révéler à la fois sa proximité et aussi son inaccessibilité.

Si  nous prêtons attention à l’enseignement de Jésus rapporté par les Évangiles, et que nous entreprenons avec lui la construction du Royaume dont il parle, toutes choses deviendront possibles  et nous approcherons de très près le reflet de la volonté divine. A mesure que la construction de ce Royaume voulu par Dieu se précise, c’est la réalité de Dieu qui prend forme. C’est alors qu’il se fait si proche de nous  que nous pouvons partager ce qu’il y a de sublime à son contact.  Mais nous constatons que ce Royaume n’existe pas ! Au contraire nous avons  plus l’impression  de voir la réalité de Dieu s’écarter de nous que de se rapprocher.  Nous  considérons que la construction d’un tel royaume est une fiction et relève d’une utopie irréalisable. Si bien que  la réalité de Dieu n’envahit pas nos pensées, elle s’écarte tellement de nous que nous avons peine à imaginer ce qu’elle peut être ?


Paul n’ignorait pas que les hommes avaient tendance à habiller Dieu de tous les oripeaux  que  chacun a tendance à imaginer.   Le Panthéon des images de Dieu produites par les hommes est tellement plein de leurs représentations que les hommes n’y croient plus. C’est pourquoi  Paul nous propose de déclasser toutes ces images de Dieu, non pas pour en créer de nouvelles, mais  pour nous inviter  à réfléchir autrement.   Il nous invite  à emprunter les pas de Jésus et à suivre ses instructions en espérant  qu’à sa suite nous croiserons cette nouvelle réalité de Dieu qu’il appelle son  Père  et qui n’a besoin d’aucune représentation  pour nous faire partager sa divinité.

Ce n’est pas un visage que Jésus donnait à Dieu, c’est, une qualité qu’il lui attribuait. Elle a la   faculté de changer  la réalité  du  monde si on la pratique : c’est l’amour. Jésus ne l’avait pas découvert  par sa seule réflexion. Jésus avait découvert que cette notion d’amour divin était cachée depuis toujours dans les Ecritures. Les prophètes avaient tenté de la révéler, mais les hommes l’avaient masquée au point de la rendre invisible. Ils avaient préféré  faire de Dieu un être de  colère et de vengeance habité par la jalousie. Ce dieu là, leur ressemblait davantage et  était plus à leur portée. On s’est plu à le dépeindre à la tête des armées célestes pourfendant les infidèles et noyant dans les eaux ceux qui s’opposaient à sa volonté. On nous a rendu sensible  à sa notions de justice, et c’est pour la sauvegarder qu’il aurait fait déborder la mer pour noyer  les populations dans un déluge destructeur ou qu’il aurait contraint le pharaon  à  s’embourber dans la vase de la mer de joncs    puis à se noyer dans les eaux de la Mer Rouge.

Mais cette violence n’était qu’une apparence, car ce n’est pas sur elle  que semblent insister les Ecritures. C’est en fait sur un  tout autre aspect de Dieu qu’elles suggèrent aux fidèles de porter leur attention. C’est  sur ses gestes de miséricorde qu’elles insistent pour mieux en  nier  l’aspect despotique que l’on prête à Dieu. C’est Caïn qui le premier a bénéficié de sa clémence. Il fut sauvé de la mort méritée, ainsi que Noé et Jonas et bien d’autres.  Jésus    méditant les Ecritures s’est écrié   que Dieu était amour et que c’est en pratiquant l’amour qu’on pouvait le rencontrer. Tout le reste n’est que littérature.  Paul nous invite à retrouver Dieu dans ce principe d’amour dans lequel Jésus nous a transmis la réalité de Dieu.

Fort de ce principe, Paul nous amène à rejoindre toute la création elle-même pour nous dire que le rôle que Dieu y a joué consiste à  y avoir  injecté le principe  de l’amour comme élément déterminent de son action. Les textes qui nous le transmettent ne s’y trompent pas. Ils nous présentent comment  la grâce et l’harmonie accompagnent la présence de Dieu au moment où se crée le monde.  C’est d’abord la nuit et le jour qui se succèdent, puis les astres qui entreprennent  un immense ballet  cosmique où la lune et le soleil jouent à cache-cache. Puis c’est le tour de la mer  où batifolent les monstres marins d’entrer en scène. Elle baigne la terre qui verdit  en se couvrant d’un gazon nourrissant que broutent les animaux qui le parcourent paisiblement et que le ’hommes créés en même temps qu’eux ont charge de  conduire vers le progrès.


Ce n’est ni la volonté ni la faute de Dieu si les choses ont mal tournées quand les hommes s’en sont mêlés, mais Jésus nous enseigne que  malgré cet échec apparent, toute cette beauté et cette harmonie perdues sont récupérables si les hommes, chargés de leur  maintien et de leur sauvegarde y injectent assez d’amour .

Que la société humaine s’organise selon  les principes que Jésus lui donne, et le monde renouvelé changera et la réalité de Dieu oubliée depuis longtemps redeviendra facteur d’unité. Paul suggère  que telle  est la fonction  de l’Église qui a charge d’organiser la société des croyants.

Mais cela ne se passe pas comme cela. Le monde est totalement différent de ce que l’on vient de dire ! Cela est vrai, mais il n’empêche que la volonté de Dieu se révèle dans l’enseignement de Jésus. Les hommes n’ont pas d’autre choix  que de se comporter comme Jésus le leur a dit. Si ce n’est pas encore réalisé en ce moment, cela reste de l’ordre du réalisable. Ainsi  la foi qu’il a mis  en nous nous invite à croire que ce qu’il nous a promis pourra se réaliser  si nous croyons vraiment que la volonté de Dieu s’accomplit en lui.

Illustrations: Jacques Chéry, peintre haïtien

lundi 24 octobre 2016

Malachie 3:12-20 Quelle espérance? Dimanche 13 novembre 2016







19 Car il arrive, le jour, ardent comme une fournaise. Tous les arrogants et tous ceux qui agissent en méchants seront comme du chaume ; ce jour qui vient les embrasera, dit le SEIGNEUR (YHWH) des Armées, il ne leur laissera ni racine ni rameau. 20  Mais pour vous qui craignez mon nom se lèvera le soleil de la justice, et la guérison sera sous ses ailes ; vous sortirez et vous sauterez  comme des veaux à l'étable.

Que faire d'une telle prophétie? Elle fut exprimée, voila bien longtemps  après le retour d'exil, après la déportation vers les années 450 av Jésus Christ. Nous allons essayer d'en tirer quelques   réflexions pour aujourd'hui.

Que je prie ou que je  ne prie pas, quelle différence ? Si je vais à l’Église le dimanche ou si je n’y vais pas, qu’est ce que cela change ? Rien ne se passe vraiment dans ma vie qui ne la rende moins terne et ne  lui donne plus d’éclat. Si des moments plus porteurs d’émotions que d’autres se produisent dans mon existence, ce n’est sans doute pas l’œuvre de Dieu. Ce n’est certainement  pas lui non plus, qui produit les accidents dont je  suis victime, ce n’est pas lui non plus qui est l’auteur de mes succès. Mais puisque Dieu est bon et compatissant selon les Ecritures, et  qu’il est lent à la colère, il est inutile de me tourmenter outre mesure, car je pense quand même qu’il se soucie de moi, même si  je ne le lui demande pas. Les choses ont toujours été ainsi et le resteront encore longtemps.

Ne croyez pas que je cherche à, vous provoquer, je ne parle ni en mon nom, ni au vôtre. Je ne fais qu’émettre les propos que tiennent  beaucoup  de nos contemporains. Ne voyant pas Dieu agir, ils prennent leurs distances par rapport à lui. Ils ne sont pas vraiment incroyants,  mais ils croient en Dieu sans y croire. Ils font partie de cette masse dont Dieu se détournerait volontiers, s’il était comme ils le pensent.  C’est comme ça que les prophètes ont expliqué les grands déboires du peuple d’Israël et qu’ils ont justifié le fait que Dieu  ne soit pas intervenu lors du siège de Jérusalem et de la destruction  du temple. Il se serait détourné d’eux à cause de leur manque de fidélité, si bien qu’il n’aurait  rien fait pour qu’ils n’aillent pas  en  l’exil.

  Pourtant après leur  retour, la leçon n’avait  toujours pas porté ses fruits, ils ont recommencé comme avant. L’histoire se répéterait-elle ? S’ils  ne s’attendaient pas à un châtiment pour leur manque de foi. Ils ne trouvaient plus dans la pratique  du culte la source d’un dynamisme porteur d’avenir.  Aujourd’hui, le peuple désabusé auquel nous appartenons ne pense-t-il pas de même ?  Nous agissons et pensons comme si  Dieu n’éprouvait aucun intérêt à ce que nous soyons son peuple ? N’est-ce pas là l’origine du french baching dont fait état la presse autour de nous ?

Telle pourrait-être la réflexion de l’ange qui nous parle dans ce texte  au nom de Dieu et dont je m’amuse à paraphraser les propos en essayant de les actualiser.  Mais de quel ange parlez-vous se demandent ceux qui ont suivi jusqu’à maintenant? Ils se demandent même si je n’aurais pas l’outrecuidance, en tant que simple prédicateur du jour, de me comparer  à un ange ? Non certes, mais je ne résiste pas au plaisir de faire un peu d’érudition. Il s’agit du prophète Malachie lui-même, dont le nom est construit sur le radical « Malach » qui signifie « ange » en hébreux  et qui en se donnant ce nom ne fait pas preuve de modestie ! Mais  je ne pense pas que vous connaissiez vraiment ce prophète. Il est le dernier des prophètes mentionnés dans la Bible, mais il n’est pas le dernier chronologiquement. Il vivait au moment du retour de l’exil et il adressait la parole de Dieu à un peuple blasé qui ne trouvait pas son compte dans  la politique  d’occupation  de son  pays  par les Perses.  

Certes, ils étaient revenus d’exil, mais  leur pays restait un état sous contrôle. Le temple avait été reconstruit  mais il était  moins beau qu’avant. Ils  avaient conservé la liberté de culte, mais la liturgie était moins somptueuse,  la présence des étrangers  sur leurs terres leur compliquait la vie et ils ne savaient que penser de  la présence des juifs au sang mêlé parmi eux. Dieu lui-même semblait victime de leur passivité et  devait se contenter de la médiocrité du culte qu’ils lui rendaient. L’ange Malachie se propose donc  de secouer leur apathie. La morosité était dominante et personne ne voyait vraiment aucun avantage, à améliorer le quotidien d’une vie  qui était triste comme avant l’exil, sans enthousiasme, comme du temps des rois,  sans vraiment de joie de vivre.  Si vous y voyez une comparaison appuyée avec notre vie actuelle, vous ne vous y trompez pas ! Telle est bien mon intention.

Fallait-il en rester là,  se contenter d’un léger mieux dans leur vie, et remercier Dieu de  cet état de médiocrité auquel  ils étaient soumis ? Ceux qui revenaient d’exil et qui se prenaient pour des gens purs, déploraient le fait qu’on ne leur réserve pas un sort  meilleur que celui auquel ils croyaient avoir  droit. Purs et impurs, pas de différence. Ils étaient attristés du fait que Dieu ne semblait pas tenir particulièrement compte de leur statut de  victimes de la déportation, leur pratique du culte s’en ressentait. Un chevreau aveugle ou une vache boiteuse étaient bien suffisants pour offrir un sacrifice. Le  prophète avait beau leur dire que Dieu se sentait frustré par de tels comportements, cela ne changeait rien aux choses et la pratique du culte s’affadissait.

Sans qu’on le dise vraiment nous partageons souvent le même ressentiment.  Nous aimerions que la faveur de Dieu  se manifeste plus clairement en réponse à   notre pratique religieuse.  Bien que   nous déclarions que c’est la foi qui sauve et  non  les œuvres,  nous pensons quand même que Dieu pourrait tenir compte de notre manière d’exprimer notre foi. Or il n’en est rien.  Nous pensons pourtant que si un jour nous  nous sommes ouverts à la foi, c’est que Dieu avait  jeté  un regard particulier sur nous  et qu’il avait permis que  nous surmontions tous les obstacles de notre vie pour dépasser les effets du péché. Nous espérons inconsciemment que Dieu tiendra compte  du fait que nous répondons  par la foi aux effets de sa grâce. Sans le dire à personne, nous agissons et pensons comme si Dieu avait créé le monde, les yeux fixés sur nous afin de nous sauver et qu’il l’aurait oublié. 

Quand nous nous appesantissons sur nous-mêmes et que nous nous interrogeons sur  le sens de notre vie, nous reprochons à Dieu de nous avoir faits comme nous sommes : Pas assez beaux, pas assez intelligents, pas assez grands, pas assez forts, homme plutôt que femme etc. Si Dieu l’avait voulu et nous aimait comme il le prétend, il nous aurait  fait autrement. Nous lui reprochons  ce que nous considérons, en secret et sans le dire vraiment, comme une  injustice. Cela  fait partie de notre désenchantement face à ce monde. Dieu veut-il  qu’il en soit ainsi ? Se met-il en retrait pour nous contraindre à agir ? En fait c’est lui qui a créé les lois de la nature et qu’il les a  soumises au  hasard  de la génétique et de l’hérédité, et  nous en subissons les effets comme le font  toutes les autres créatures. Ce n’est donc pas lui qu’il faut accuser de ce que nous pourrions considérer comme des injustices dans notre vie. Et pourtant, nous le faisons.

Alors Dieu, joue-t-il quand même un rôle dans tout cela ? Oui, car Dieu ne nous laisse pas nous débattre seuls et sans espoir contre les imperfections de ce monde. Il met en nous la faculté de réagir face à des situations que nous jugeons injustes et il nous rend capables de les surmonter. Il se propose de  rester en relation avec nous grâce aux effets de son esprit qu’il répand sur nous  et c’est par la prière que nous lui adressons  qu’il  devient accessible. Dieu a voulu qu’un tel message d’espérance soit porté par Jésus qui dispense son esprit en faveur de  tous les hommes, c’est ainsi qu’il éclaire notre  avenir.  Il met en nous un autre regard  que celui de la résignation et de la fatalité. Il nous permet de voir ce qui est beau quand les autres ne le voient pas, il nous permet de voir Dieu à l’action dans le monde là où les autres ne s’en aperçoivent pas. Il nous permet d’inscrire l’espérance dans notre vision des choses.

Le monde ne fonctionne donc pas comme un théâtre de marionnettes dont  Dieu tirerait les ficelles. Nous sommes des produits de l’histoire, nés selon les règles d’un monde encore en voie d’achèvement et Dieu met en nous cet élan dont nous avons besoin pour que notre existence d’hommes évolue le mieux possible vers la perfection à laquelle nous aspirons. Dieu nous a permis de comprendre  cela en poussant Jésus à s’investir totalement dans une vision nouvelle de l’humanité. Il a  parachevé le message des prophètes et a  permis aux hommes de comprendre qu’ils étaient totalement immergés  dans la bonté de Dieu et qu’ils étaient invités à la mettre en pratique à leur tour  dans tous leurs comportements.

mardi 18 octobre 2016

Luc 20:27-38 la femme au 7 maris dimanche 6 novembre 2016



J’avais dit que je proposerai cette années des sermons  portant sur les  autres textes que  sur ceux de l’Évangile, encore faut-il que l’on puisse  écrire un sermon sur les textes proposés. Cette semaine encore ce n’est pas le cas et je vous propose donc, de vous redonner un sermon écrit en 2013 et un autre proposé en 2010 sur Luc 20 : 27-38, le texte de l’Évangile proposé pour le 6 dimanche 2016

Luc 20 :27-38 : Une question sur la résurrection. Dimanche 10 novembre 2013
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27 Quelques-uns des sadducéens, qui soutiennent qu'il n'y a pas de résurrection, vinrent l'interroger : 28 Maître, voici ce que Moïse nous a prescrit : Si quelqu'un meurt, ayant une femme, mais pas d'enfant, son frère prendra la femme et suscitera une descendance au défunt. 29 Il y avait donc sept frères. Le premier prit femme et mourut sans enfant. 30 Le deuxième, 31 puis le troisième prirent la femme ; il en fut ainsi des sept, qui moururent sans laisser d'enfants. 32 Après, la femme mourut aussi. 33 A la résurrection, duquel est-elle donc la femme ? Car les sept l'ont eue pour femme ! 34 Jésus leur répondit : Dans ce monde-ci, hommes et femmes se marient, 35 mais ceux qui ont été jugés dignes d'accéder à ce monde-là et à la résurrection d'entre les morts ne prennent ni femme ni mari. 36 Ils ne peuvent pas non plus mourir, parce qu'ils sont semblables à des anges et qu'ils sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection. 37 Que les morts se réveillent, c'est ce que Moïse a signalé à propos du buisson, quand il appelle le Seigneur Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac et Dieu de Jacob. 38 Or il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants ; car pour lui tous sont vivants. 39 Quelques-uns des scribes répondirent : Maître, tu as bien parlé. 40 Et ils n'osaient plus lui poser aucune question. .


Pourquoi ne pas aborder les choses franchement et pourquoi biaiser quand il s’agit d’aborder le sujet très controversé  de  la résurrection ? On comprend mal pourquoi les Sadducéens posaient un piège à Jésus  pour aborder cette question qui était un sujet de débat fréquents entre les théologiens de l’époque. Les uns y croyaient  et l’enseignaient,  les autres n’y croyaient pas et enseignaient également à ne pas y croire. Les pharisiens et les Sadducéens, les deux grands courants de la pensée juive à l’époque de Jésus s’opposaient en effet sur cette question.

 Mais quelle que soit la position des uns et des autres, tous n’y mettaient pas le même contenu, même s’ils appartenaient à la même famille de pensée, car tous ne mettaient pas la même chose derrière les mots. En poussant les uns et les autres dans leurs retranchements il apparaissait parfois que certains n’étaient pas aussi éloignés de leurs adversaires qu’ils le laissaient paraître, même si apparemment ils disaient le contraire, tant la question relevait de la sensibilité plus que de l’argumentation théologique.


Il en va de même encore pour aujourd’hui. La résurrection est au centre de la foi chrétienne, mais tous n’y adhèrent pas de la même façon.  La discussion ne porte pas  tant sur la notion de résurrection elle-même  que sur la réalité que ce terme recouvre. Pour les uns il s’agit d’une résurrection physique qui concerne  le corps de l’individu, pour les autres, il s’agit plus d’une réalité spirituelle, pour d’autres encore ce n’est qu’une manière de se référer à l’événement fondateur du christianisme. Entre toutes ces notions, la distance peut être grande, et pourtant, au sein de nos églises, les tenant de l’une ou de l’autre opinion cohabitent et tolèrent  l’opinion des autres sans pour autant  la partager.

La tradition biblique classique de l’Ancien Testament ne connaît pas la notion de résurrection. Elle  n’apparaît que dans les textes les plus récents et surtout dans les textes deutérocanoniques.  Elle fait une timide apparition  au 2 eme siècle dans le deuxième livre des Maccabées (cf 2 Maccabées 7 ) et envisage la vie des croyants après leur mort auprès du Père. Cette opinion a vu le jour sous l’influence grecque au moment où on a commencé à s’interroger sur l’avenir des croyants  devenus martyrs pour leur foi et  dont la vie trop tôt interrompue  n’avait pas pu s’épanouir. Avant cela, l’opinion classique était que les enjeux de la vie se faisaient du vivant de chaque individu, après quoi, une fois mort, son souvenir s’effaçait doucement dans le Shéol comme un ombre qui lentement disparaît. Telles étaient les deux courants d'idées qui avaient cours du temps de Jésus : Sadducéens, le parti des prêtres,  contre  les Pharisiens, le parti des « intellectuels ».

Naturellement Jésus ne pouvait se tenir hors de la querelle. Ici, elle se fait agressive.  Elle part du parti des Sadducéens qui  cherchent à ridiculiser la résurrection et à mettre Jésus en difficulté. Ils font semblant d’imaginer qu’elle n’est que le recommencement de la vie  après la mort dans une réalité physique semblable à celle du monde des vivants qu’ils viennent de quitter. C’est alors qu’ils rapportent,  par le biais d’une  parabole le cas d’une femme qui  aurait épousé les sept frères de la même famille en vertu de la loi du Lévirat. Cette Loi faisait en effet obligation au frère d’un défunt sans enfant de lui apporter une  descendance en épousant sa veuve. La Bible fait état de cette disposition dans  l’histoire de Ruth et de Booz. La question étant de savoir  duquel à la résurrection  elle sera l’épouse. Le raisonnement est trop simpliste pour être pris au sérieux et suppose beaucoup de sagesse de la part de l’interpelé pour  se tirer d’affaire. Jésus est sage, mais on ne s’attend-on pas à sa réponse.  En fait sa réponse ne prend vraiment de sens que si elle est éclairée par l’événement de sa propre résurrection.

Il faut donc voir dans ce récit  l’état de réflexion où en étaient les chrétiens de la première église quand il leur  fallut étayer théologiquement la question de la résurrection  pour aider les membres de l’Église qui n’avaient pas vécu à l’époque de Jésus à construire raisonnablement leur foi en la résurrection

Nous avons les reflets de leurs tentatives,  parfois discordantes, sous la plume de Paul  qui modifie sa propre opinion à mesure qu’il mûrit ses réflexions.  Il se voit lui-même tantôt  transfiguré et élevé au ciel, échappant même à la mort physique  (première épître aux Thessaloniciens)  tantôt revêtu d’un corps de gloire qui est devenu spirituel et a perdu toute apparence physique (1 Corinthiens 15/44). La question sur la manière de rendre compte de de la résurrection habitait l’église naissante et Luc ici dans son évangile, écrit  sans doute après les années  70 donne à travers les propos de Jésus une réponse cohérente.

Luc se sert donc des propos de Jésus pour donner une réponse qui sera celle de l’Église  quarante ans après sa disparition. Jésus insiste sur la notion de vie. Il remonte à Moïse et à l’épisode du buisson ardent pour étayer sa réponse. C’est à partir de cet événement  de la vocation de Moïse que débute réellement l’immense saga qui concerne Dieu et son peuple. Lors de cet événement Dieu avait fait un pacte de vie avec l’humanité par le moyen de la mission qu’il avait confiée à Moïse pour libérer le peuple d’Israël. Ce pacte ne saurait être rompu  sans porter atteinte à la nature de Dieu, ce qui est impossible et absurde. En conséquence ce pacte de vie est inaliénable.

Dieu y est présenté comme celui qui donne du sens à la vie. Il ne saurait donc y avoir de vie sans Dieu et Dieu se situe dans la durée. Il était au commencement, comme il le sera toujours, dispensant la vie à l’humanité. Si Dieu n’a pas de fin, la vie qu’il dispense aux hommes n’en a pas davantage. Ce raisonnement un peu simpliste devrait nous suffire. Pour entrer dans le projet de résurrection proposé par Jésus, il suffit donc de croire que nous avons  partie liée avec Dieu comme l’avait Jésus. Notre foi en Dieu  nous inscrit inévitablement dans son éternité. Le reste n’est que commentaire.


Sans doute les uns et les autres voudraient aller plus loin. Ils voudraient se forger des images mentales et établir des systèmes rassurants. Jésus ne nous l’interdit pas. Il nous en laisse l’entière liberté. Il nous donne même une piste qui n’est pas  forcément suivie par les théologiens modernes : c’est celle des anges. Mais avant de développer ce point, il nous faut avant tout retenir comme préalable à toute théorie, que nous sommes habités par la vie de Dieu et que la vie en Dieu ne connaît pas la mort.


Quant aux anges que Jésus mentionne à la fin de son propos ils font un peu figure de boutade de sa part  pour répondre à la boutade des sadducéens au sujet de la femme aux sept maris. Ils lui demandent  non sans perversité avec lequel elle partagera sa couche lors de la résurrection. Pour les anges, le raisonnement est subtil mais n’apporte pas d’autre réponse que celle que nous avons déjà donnée.


En fait, il n’y a pas vraiment de théologie des anges dans la Bible. A l’époque de Jésus, comme à la nôtre, certains croyaient fermement à la réalité des anges, notamment celle des anges gardiens. Jésus ne les contredit pas, il y fait même allusion dans Matthieu 18/10. « Les anges, si vous y croyez, dit-il en substance, sont comme Dieu, ils sont revêtus d’éternité et comme eux, vous serez revêtus d’éternité. »


Les anges ont-ils une réalité physique ? Ont-ils un sexe ?  Amusez-vous à disserter sur cette question, comme les sages théologiens au moment du siège de Constantinople cela vous aidera à passer le temps, mais ne vous apportera aucune réponse. Il faut dire qu’à l’époque de Jésus, la question des anges était d’actualité. On cherchait même à préciser leur nature. Dans le Livre d’Hénoch ( 2 eme siècle avant J.C) on trouve toute une classification des anges qui va du plus simple, au bas de l’échelle,  jusqu’au sommet de la hiérarchie où l’on trouve  les quatre archanges dont les noms nous sont parvenus mais que la Bible n’a pas retenus(1). Le  Nouveau Testament effleure la question en mentionnant seulement l’un d’entre eux : Michel  dans le livre de l’Apocalypse.


La réalité sur la résurrection n’est pas dans nos élucubrations humaines, aussi élaborées soient-elles. Nos théories  n’apportent rien de plus à l’affirmation de la vie qui nous vient de Dieu. Si nous sommes en Dieu notre vie s’absorbe totalement en lui quel que soit notre état.

(1)  Michel, Raphaël, Uriel, Gabriel


Un autre Sermon
 
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Si les théologiens de Constantinople, lors du siège de la ville par les Turcs s’étaient mieux attachés à lire leur Bible, et ce texte en particulier au lieu de spéculer sur le sexe des anges, ils auraient eu la réponse à leurs questions. Ils auraient pu alors concentrer leurs réflexions sur une meilleure stratégie de défense de la ville. Elle n’aurait peut être pas été prise et la face du monde en aurait été changée. Je fais écho ici, à une anecdote sur les préoccupations des théologiens pendant le siège de Constantinople par les Turcs. Ils débattaient sur la nature des anges alors qu’il y avait des questions plus urgentes à se poser concernant leur salut. 

 
En fait, la question qui est au centre de ce passage est bien celle du salut. Il s’agit de définir le fondement de la foi, et Jésus répond sans ambages que c’est la résurrection. « Si le Christ n’est pas ressuscité, dira Paul dans l’épître aux Corinthiens, notre foi est vaine. » et si notre foi est vaine, nous n’avons aucune espérance, ni dans cette vie, ni dans une autre. Si notre foi ne repose pas sur la résurrection notre message n’a aucune valeur. L’espérance chrétienne repose sur cette certitude et non pas sur des fantaisies comme celles concernant l’existence des anges. Pourtant c’est de cela que semble parler Jésus. 


Vous l’avez bien compris, Jésus tourne les propos de ses adversaires en dérision. Il n’a pas l’intention de nous entraîner sur des chemins qui mènent à des spéculations sans importance. Ses interlocuteurs en inventant une parabole naïve veulent le faire tomber dans le panneau des contradictions. Comme toujours, Jésus s’en sort en détournant le coup. Il parle des anges pour rester à leur niveau, mais en même temps, comme s’il entrait dans leur jeu il donne une information incontournable, à savoir que celui qui croit n’est plus concerné par la mort. Oublions donc les anges et le paradis et attardons-nous sur la question de la résurrection, car c’est là la vraie question. Jésus, en s’appuyant sur les textes nous dit que la mort n’a plus d’importance. Elle est dépassée, elle est réduite à une illusion et elle n’a aucune emprise sur notre devenir. 

C’est la question de Dieu qui préoccupe Jésus. Qu’est-ce que Dieu pour toi semble-t-il nous demander ? Dieu joue-t-il un rôle fondamental dans ton existence ? Ce faisant, Il nous montre  d’une façon surprenante dans quelle direction il faut chercher la réponse. Et pour cela il nous fait remonter jusqu’à Moïse en faisant         allusion à cette vieille histoire du buisson qui brûle sans   se consumer. 


Nous avons tous lu ce récit décrivant la présence de Dieu quand il parle à Moïse au travers d’un buisson(1). Dieu se présente à lui comme le Dieu de tous ceux qui étaient avant lui, le Dieu d’ Abraham, d’ Isaac et de Jacob, le Dieu de ses pères. Il ajoute, mais ce n’est pas dans la citation de Jésus: « Je suis celui qui suis ». C’est cette expression qui a de l’importance. Si elle n’est pas dite, c’est pour que vous notiez son absence afin que vous la remarquiez mieux. 


Dieu se présente comme celui qui conjugue sa présence au monde par le verbe exister. Les générations passées se sont confiées en lui, et en lui elles ont continué à exister. Elles ont trouvé en lui le sens de leur vie et la mort n’a pas eu le dernier mot sur elles. Dieu est celui qui donne la vie à tout ce qui est menacé par la mort. C’est parce qu’en lui, la mort disparaît que notre vie prend du sens. Pourtant, depuis que nous sommes en âge de comprendre ou de réfléchir on nous a enseigné comme une évidence que tout ce qui vivait était destiné à mourir.


Dieu se porte en faux  contre une telle facilité de langage. Jésus affirme qu’en  intervenant dans nos vies, Dieu change notre destin et transforme en espérance notre existence qui était inscrite dans un programme de mort. Tout le témoignage des Ecritures va dans ce sens. Elles trouvent leur  fondement dans l’histoire du peuple de Moïse, nous y revenons, qui  menacé de mort certaine, par un dur esclavage  en Égypte se vit promis à une vie nouvelle par l’intervention de Dieu. C’est autour de cet événement que tourne toute la révélation. C’est en l’évoquant que Jésus nous rappelle que la réalité de Dieu est porteuse de vie et qu’elle impose la vie là où la mort est considérée comme l’aboutissement normal de l’existence.


Cette  idée chemine tout au long des Ecritures et prend place dans le témoignage de la plupart des écrivains bibliques. Elle s’achève dans le récit de la passion de Jésus.      Elle décrit sa  mort en termes de victoire sur le néant et d’ouverture sur l’éternité. 


Cette  idée est déjà présente dès les premières pages de la Bible. Au commencement quand le monde incréé n’était encore qu’une masse informe et que le tohu-bohu régentait le chaos primitif, l’intervention de Dieu fut décrite comme l’injection de la vie dans ce qui ne vivait  pas encore. La mort serait donc  à l’origine des êtres, elle n’en serait pas la fin. C’est la mort qui était déjà dans le commencement et c’est la vie qui donne du sens à ce qui va advenir. L’histoire des hommes commencerait  donc par leur mort et s’achèverait dans une vie qui n’a pas de fin.


Il en va de même pour les hommes que nous sommes. Dans une conception normale des choses, dès le premier balbutiement du nouveau-né, son existence s’inscrit dans un programme de mort dans lequel s’achèvera sa vie le plus tard possible. Il est banal  de dire que l’enfant apprend à mourir en même temps qu’il apprend à parler. Car sa vie ne saurait s’achever autrement que par sa disparition. Jésus pour sa part voit les choses autrement et il nous apprend  à nous aussi, à les voir autrement.  Dès son premier pas, l’enfant doit apprendre à marcher vers ce Dieu qui échangera sa mort déjà prévue contre la vie qui lui est donnée.


La  rencontre ou la découverte de Dieu est un moment fondamental de notre existence à partir duquel tous nos comportements prennent une autre valeur puisqu’ avec lui ce qui est irréel devient réel. Ce qui est passager devient éternel. La présence de Dieu rend les choses tellement différentes que l’on ne sait pas comment on pourrait prétendre croire en lui et garder ses distances par rapport à lui.


Tous  n’en sont pas conscients, tous ne savent pas  percevoir le moment  où, surgissant des profondeurs de nous-mêmes, Dieu s’impose à nous et modifie notre manière d’exister. Si l’expérience est offerte à tous, tous ne la vivent pas vraiment. Jésus s’est alors efforcé de nous donner des repères  pour permettre  de discerner la  présence de Dieu. Dieu est présent, toutes les fois que les forces négatives qui nous entraînent vers la mort sont conjurées. Il est présent dans l’espérance qui permet au plus faible d’avancer. Il est présent dans l’audace du juste qui défie la mort alors qu’on le cloue sur le bois. Il est présent quand, malgré l’injustice qui lui est faite l’innocent continue à prier. Jésus nous apprend à découvrir la présence de Dieu, non pas dans ce qui est spectaculaire, mais dans ce qui transforme notre vie intérieure. 


Plutôt que de se rendre visible à tous, Dieu tient à être découvert par chacun des humains qui habitent cette terre. Nous discernons alors sa présence dans les tressaillements de notre cœur quand nous sommes épris d’amour pour les autres. Avec confiance, nous entrons   alors    dans une autre conception de la vie.


Il est difficile de mettre des mots sur cette réalité, car tout cela n’est encore que mystère. Mais ce mystère contient la vie, et la vie ne peut être anéantie. Ce mystère est si profond que nous sommes amenés à  croire que même ceux qui n’y entrent pas ou qui ne le comprennent pas, ont quand même leur part à cette vie que la mort ne peut détruire.


Et  les anges me direz-vous ? Vous avez sans doute compris qu’ils relèvent plus d’une manière de parler que d’une réalité. C’est sans doute décevant car cela manque de merveilleux, mais n’est-il pas plus exaltant de savoir que Dieu, nous intègre depuis  toujours dans un processus de vie qui prévoit notre dépassement continuel.

(1) Exode 3: 6Dieu dit : n'approche pas d'ici, ôte tes sandales de tes pieds, car l'endroit sur lequel tu te tiens est une terre sainte. Et il ajouta : C'est moi le Dieu de ton Père, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob Moïse se cacha le visage, car il craignait de diriger ses regards vers Dieu... 13 Mais s'ils me demandent quel est ton nom que leur répondrai-je? Dieu dit à Moïse : je suis celui qui suis...