dimanche 14 décembre 2014

Marc 1:7-11 Le baptême de Jésus dimanche 11 janvier 2015



Marc 1/7-11

Jean prêchait: il vient après moi, celui qui est plus puissant que moi, et je ne mérite pas de délier, en me baissant, la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisé d'eau, mais lui vous baptisera de l'Esprit Saint.
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En ce temps là, Jésus vient de Nazareth en Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain. Au moment où il sortait de l'eau, il vit les cieux s'ouvrir et l'esprit descendre sur lui comme une colombe.

Et une voix se fit entendre des cieux : Tu es mon Fils bien aimé, objet de mon affection. Aussitôt l'Esprit poussa Jésus dans le désert. Il passa dans le désert, quarante jours, tenté par Satan. Il était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient.

Apparemment, le désert est un univers que nous connaissons bien. Pour la plupart d'entre nous, l'existence semble se dérouler dans une sorte de désert, tant notre vie semble aussi uniforme que l'immensité des sables. Nous évoluons, à part quelques exceptions, dans un univers où tout se ressemble.

Pour la plupart d'entre eux, les humains semblent occupés à faire la même chose que leurs semblables. Ils travaillent dans des bureaux qui se ressemblent, ils s'alimentent dans les mêmes chaînes de restaurants et ils lisent les mêmes journaux gratuits en empruntant des autobus ou des métros tous semblables. Les rues des villes sont remplies aux mêmes heures de gens qui font la même chose. Et quand les rues sont vides, ceux qui les remplissaient quelques heures auparavant sont de retour chez eux en train de faire des mêmes choses que les autres.

Chacun à sa manière a l'impression de traverser le même désert en compagnie des mêmes personnes avec qui il établit de pauvres relations de voisinage qui le confortent dans son impression de solitude au milieu de ses semblables. Les soucis des uns sont les mêmes que les soucis des autres et la télévision s'emploie à faire de tous ceux qui la regardent aux mêmes heures des hommes et des femmes dont le seul intérêt est de vibrer aux aléas de la vie des héros des feuilletons qu'ils regardent au même moment.

Voici brossée à gros traits, le désert quotidien de millions d'individus dont nous partageons le destin. Dans ces existences où les soucis des uns ressemblent aux préoccupations des autres, chacun est à l'affût d'une oasis d'espérance qui ne ressemblerait pas à celle des autres. Chacun s'efforce alors de cultiver une enclave de vie privée qui n'aurait pas les mêmes intérêts que celle de son voisin. C'est ainsi que chacun s'intéresse à l'art, à la science , au sport, et formule des projets de vacances qui lui permettent d'échapper à la banalité du désert commun.

Nous serons amenés à considérer, bien évidemment, que la foi et la religion font sans doute partie de ces jardins privés qui nous distinguent de nos voisins. Il devient alors confortable de penser que notre paroisse tient lieu d'asile hors du monde où notre âme peut s'épanouir en toute quiétude.

Cette traversée du désert, décrite ici sans complaisance ne ressemble sans doute pas à celle de Jésus qui est évoquée au début de l’Évangile de Marc quand il fut tenté par le diable! Quoi que beaucoup de points de tentation qu'il est sensé avoir subi ressemblent à celles qui nous guettent. En effet, si notre désert personnel n'est apparemment pas un lieu de tentation, tant il ressemble à celui du voisin, ce sont nos oasis, nos lieux de de refuge qui pourraient appartenir à l'univers de la tentation.

La tentation consiste pour nous à chercher des lieux de refuge à l'écart des autres. Il s'agit de chercher des lieux de confort où seuls les privilégiés de notre choix peuvent nous rejoindre. Notre Église en fait partie! Nous nous trouvons bien dans nos paroisses. Nous nous complaisons à les critiquer parce qu'elles ne sont pas assez ouvertes au monde, mais nous ne souhaitons pas qu'elles changent vraiment. Confortablement installés dans notre vie religieuse, nous déplorons, l'absence des foules, sans vraiment souhaiter que ça change, tant nous nous plaisons à nous retrouver entre nous. Nous sommes heureusement conscients d'appartenir à une élite spirituelle où ceux qui ne font pas la démarche de la foi n'auront aucune chance de nous rejoindre.

Une des tentations de Jésus fut sans doute apparentée à celles que nous venons de décrire. A la différence des autres Évangiles, Marc ne dit pas quelles furent les tentations de Jésus. libres à nous de les imaginer semblables aux nôtres. L’Évangile de Marc fait état cependant de ce même confort spirituel où semble se trouver Jésus. Son baptême et la voix qui se fit entendre l'ont conforté dans la certitude que Dieu l'avait mis à part et le destinait à rassembler un peuple à part. Sa prédication laissent entendre qu'il était venu pour transformer la vie des hommes. Mais était-ce vraiment possible?

Jésus apportait une nouvelle forme de religion basée sur le "culte en esprit" qui appelait une démarche de conversion pour ceux qui le suivaient. Il fallait qu'ils naissent de nouveau! Ne leur disait-il pas que Dieu les attendait dans le secret de leur cœur, encore fallait-il avoir capacité à le faire! Comment des gens du peuple, après quinze heures de travail harassant par jour auraient-ils pu le rejoindre dans cette voie là? C'est à se demander si Jésus ne préconisait-il pas une religion élitiste, dans un univers juif qui se considérait déjà comme un peuple élu mis à part?

La tentation était grande pour les amis de Jésus de constituer un peuple à part au milieu de la masse des juifs et de se distinguer comme une nouvelle secte, supérieure aux autres et en particulier de celle des pharisiens! Cette même tentation ne fut-elle pas celle des chrétiens de la première génération quand ils s'opposèrent aux juifs? Ne lit-on pas cela quelque part dans les écrits de Paul? Plus tard, ne trouvera-t-on pas ce même comportement dans les communautés protestantes en opposition à l’Église Catholique? Aujourd'hui ne considère-t-on pas le courant du Protestantisme auquel nous appartenons comme supérieur aux autres?

Plus nous nous sentons proches de Dieu, plus grande est la tentation de nous croire mis à part pour servir d'exemple aux autres! Mais le danger véritable de cette situation, c'est que ce soit le diable qui nous rejoigne dans notre refuge de pureté. En effet, si Jésus a été tenté de s'enfermer dans le cercle privilégié de ses disciples, il s'est bien vite séparé de cette manière de voir les choses, pour entraîner les siens sur les routes des hommes. Ils ont du le suivre  dans les déserts de Galilée et de Judée là où la souffrance et la misère des hommes les attendaient. C'est alors qu'ils ont croisé toutes sortes de malades, toutes sortes de païens en quête de vérité, toutes sortes d'hommes et de femmes impurs avides d'espérance. Ils ont même croisé des morts sur leur chemin. A tous Jésus savait donner vie et ouvrait des perspectives d'espérance.

A tous ces meurtris du voyage, il savait parler de foi, de conversion, de vie en esprit et de vie intérieure. Tous ces gens que nous considérions comme incapables de comprendre, comprenaient, se convertissaient et changeaient leur vie. Plus tard, ce ne sont pas ces gens là qui ont voulu la mort de Jésus, mais ceux qui auraient du être plus accessibles à ses paroles, ceux qui déjà s'étaient séparés des masses laborieuses pour vivre dans leurs oasis de séparés, les pharisiens et les sadducéens entre autres.

Quand Jésus parlait de pardon à ces petites gens qui le suivaient, il signifiait que le jugement final avait déjà été prononcé et qu'ils étaient graciés. Quand il parlait de partage, il commençait lui-même par partager ses provisions c'est pourquoi on a crié au miracle quand il l'a fait ! C'est pourquoi on a raconté cet événement d'une manière merveilleuse dans les Évangile et que cet événement est devenu le miracle de la multiplication des pains. Quand il parlait d'espérance, Jésus espérait que ses paroles auraient un effet immédiat et que les bourses des plus fortunées allaient se délier en faveur des plus pauvres. Il croyait que la conversion vers une société plus juste allait se produire effaçant les inégalités sociales.


Ses paroles avaient beau résonner avec les accents de la parole de Dieu, elles n'étaient pas suivies d'effet. Ses paroles visaient à ouvrir les portes de toutes les oasis et de tous les confortables refuges spirituels, mais il a vite perçu que le miracle ne se produirait vraiment que s'il payait de sa personne en mourant pour ses idées. Ce n'est qu'après sa mort que sa parole est devenue parole de vie et parole de Dieu tout à la fois. La mort même a cessé d'être l'étape ultime de l'existence, car, en livrant sa vie aux mains des hommes, il a reçu ainsi que tous ses amis une vie éternelle que Dieu seule pouvait donner.

Ce ne sont pas les déserts humains de nos sociétés humaines qui sont les lieux de tentation pour ceux qui cherchent Dieu aujourd'hui, ce sont les lieux où la chaleur spirituelle risque de nous maintenir à l'écart des chemins que suivent les foules en manque de Dieu. Le défi qui nous est posé aujourd'hui est de convertir nos églises en lieux d'espérance où il fait bon vivre en compagnie de Dieu et des hommes sans qu'elles soient menacées de disparaître dans l'anonymat du désert humain où nous vivons. J'ai plaisir à constater que c'est dans cette direction que nous poussent nos synodes ainsi que les réflexions de ceux qui nous dirigent.