lundi 21 octobre 2013

Luc 21: 5-19

Luc 21: 5-19 sera-ce la fin? dimanche 17 novembre 2013



Luc 21 :5-19
Jésus annonce la destruction du temple

5 Quelques personnes parlaient du temple et disaient qu'il était magnifique avec ses belles pierres et les objets offerts à Dieu. Mais Jésus déclara :
6 « Les jours viendront où il ne restera pas une seule pierre posée sur une autre de ce que vous voyez là ; tout sera renversé. » 
 
Des  malheurs et des persécutions

7 Ils lui demandèrent alors : « Maître, quand cela se passera-t-il ? Quel sera le signe qui indiquera le moment où ces choses doivent arriver ? »
8 Jésus répondit : « Faites attention, ne vous laissez pas tromper. Car beaucoup d'hommes viendront en usant de mon nom et diront : “Je suis le Messie ! ” et : “Le temps est arrivé ! ” Mais ne les suivez pas. 9 Quand vous entendrez parler de guerres et de révolutions, ne vous effrayez pas ; il faut que cela arrive d'abord, mais ce ne sera pas tout de suite la fin de ce monde. » 10 Puis il ajouta : « Un peuple combattra contre un autre peuple, et un royaume attaquera un autre royaume ; 11 il y aura de terribles tremblements de terre et, dans différentes régions, des famines et des épidémies ; il y aura aussi des phénomènes effrayants et des signes impressionnants venant du ciel. 12 Mais avant tout cela, on vous arrêtera, on vous persécutera, on vous livrera pour être jugés dans les synagogues et l'on vous mettra en prison ; on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs à cause de moi. 13Ce sera pour vous l'occasion d'apporter votre témoignage à mon sujet. 14 Soyez donc bien décidés à ne pas vous inquiéter par avance de la manière dont vous vous défendrez. 15 Je vous donnerai moi-même des paroles et une sagesse telles qu'aucun de vos adversaires ne pourra leur résister ou les contredire. 16 Vous serez livrés même par vos père et mère, vos frères, vos parents et vos amis ; on fera condamner à mort plusieurs d'entre vous. 17 Tout le monde vous haïra à cause de moi. 18 Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. 19 Tenez bon : c'est ainsi que vous sauverez vos vies. »
Quand tout semble sur le point de disparaître, l’Evangile nous apprend que la vie doit prendre toujours le dessus car au-delà de la vie n’y a-t-il pas encore la vie ? Telle est l’espérance que nous retirons de l’enseignement de Jésus. Telle devrait être la conclusion des réflexions que mènent les hommes sur leur avenir. Mais l’homme ne s’en tient pas à des raisonnements aussi simplistes, car il se plaît à croire qu’il est un être pensant, c’est pourquoi il cherche à prouver sa propre supériorité en essayant de relever toutes sortes de défis qu’il se pose à lui-même. Il croit ne pas avoir besoin de Deiu pour ça!

C’est ainsi qu’il provoque Dieu en mettant en cause sa propre existence. Il le fait en lui opposant les réalisations de son génie humain. Dans notre texte d’aujourd’hui, c’est le Temple qui est l’enjeu du défi. Ici on admire ce lieu où les hommes ont réussi, croient-il à retenir Dieu captif. Dieu se serait lui-même mis à l’abri de toute ingérence humaine dans le Saint des saints qui est au cœur du sanctuaire. Dieu s’y maintiendrait volontairement caché, dit-on, à moins que se soient les hommes qui essayent de l’y maintenir pour mieux faire pression sur lui ? La question ainsi posée précise la nature du défi.

Jadis, à la veille de la prise de Jérusalem par l’empereur Nabukodonsor, Ézéchiel avait vu Dieu dans une vision s’échapper du sanctuaire avant la catastrophe pour rejoindre son peuple en exil. Dieu en toute liberté avait échappé à l’emprise humaine et ne permit donc à aucun homme de prendre autorité sur lui, mais les croyances sont tenaces et les hommes sans cesse essayent d’avoir une emprise quelconque sur Dieu.

Le temple fut démoli, mais Dieu n'y était plus. C'est alors que les sages d’Israël retenus en exil entreprirent la composition de  la Bible en rassemblant les textes sacrés en un seul livre qui prit autorité. Une autre forme de religion allait naître. Mais le temps passant, la terre perdue fut retrouvée, le temple fut  reconstruit, les mythes anciens s'imposèrent à nouveau et Dieu fut à nouveau retenu captif par les hommes dans le nouveau Temple. Ce temps devait-il durer?

L’humanité ne cherche pas à résister à sa propre vanité. A défaut d’être invulnérable aujourd’hui elle se croit invulnérable dans l’avenir. Elle se croit capable de relever tous les défis qui lui sont posés, c’est ainsi que l'on part à la conquête des étoiles  et que  pour défier les tremblements de terre les hommes ont entrepris la construction de tours que ni le vent, ni les tempêtes, ni aucun force terrestre ne pourraient démolir. On se souvient qu’il a suffi de deux avions pour que les deux plus prestigieuses d’entre elles soient ramenées au niveau du sol. Mais on croit toujours pouvoir faire mieux.

Pourtant, quel que soit le génie humain, la mort attend quand même chacun de nous au terme de son existence. Dans ce cas là, à défaut de se défier lui-même c’est encore à Dieu que l’homme s’en prend. Si la science repousse à l’extrême la durée de la vie, elle n’en abolit pas le terme. Pourtant défiant les siècles, des monuments en forme de pyramide ont été élevés. Ils avaient la prétention de  prouver que les mystères de la mort avaient été vaincus. Les pyramides, font partie des monuments les plus anciens érigés sur notre planète. On les a construites pour défier la mort en prétendant faire subsister à tout jamais le nom, l’œuvre et la personne de celui qu’elles étaient sensées héberger. Mais que reste-il de ce défi, elles ne sont plus que des tombeaux vides.
 
Nous avons effleuré par quelques exemples les prétentions des hommes à toujours se dépasser eux-mêmes et à supplanter Dieu à défaut de le compromettre pour valoriser leur propre vanité. Ce préambule nous permet de rejoindre Jésus aux prises avec les admirateurs du Temple auxquels il est en train de décrire une réalité bien sombre. Jésus nous présente un univers que nous ne maîtrisons pas, et où malgré son arrogance apparente, l’audace humaine touche à ses limites.

On  peut se demander ce que seront devenus nos monuments dans quelques siècles ? Les pyramides qui ont résisté à l’usure du temps, ne portent plus en elle la trace des défis pour lesquels elles ont été construites. Elles sont devenues des appâts pour touristes et les défunts que l’on y a ensevelis pour défier le temps et les dieux n’y sont plus. Si leurs momies ont subsisté, c'est pour satisfaire les appétits des savants et des visiteurs dans les salles d’exposition des musées.

Jésus se met alors à énumérer pour nous tous les risques que nous encourons : Persécutions, famines, guerres. Chaque génération a connu des périodes de troubles et de dysfonctionnements qui ne cessent de se répéter depuis l’origine des temps. Elles prennent ici une dimension prophétique toute particulière parce qu’au moment de la rédaction de cet Evangile, la guerre des juifs venait de s’arrêter, laissant un vaste champ de ruines derrière elle : Le temple détruit, le peuple juif interdit de séjour sur la terre de ses ancêtres. Cet événement récent  pour Luc, l'auteur de l'Evangile,  transparaît au travers de ces lignes et  donne une valeur prophétique particulière aux propos de Jésus, mais ne change rien à la réalité qu’il décrit.

Ce  qui rend ce passage particulièrement inquiétant, c’est qu’il ne propose pas de solution de sortie. L’homme et en particulier le chrétien y est perçu comme impuissant face à l’adversité du monde. Quand le croyant  déclare que l'avenir n'appartient pas  aux hommes mais qu'il se fera dans une collaboration avec Dieu, il se met lui-même en danger. Il est accusé  par les esprits forts de démobiliser ceux qui agissent et par, les religieux d'hérésie parce que ceux-ci  croient   que Dieu a tout prévu à l'avance.   Les événements semblent lui donner raison.  On ne voit pas  Dieu  intervenir pour venir à notre aide quand nous sommes provoqués à cause de notre foi. Bien que Jésus suggère le contraire et prétende que Dieu met tout en œuvre  pour nous notre défense et  qu'il mettra les mots appropriés dans notre bouche, nous ne voyons pas ses propos se réaliser dans la réalité. Au contraire, quand Étienne fut lapidé et Jacques décapité, peut être ont-ils prononcé des paroles sublimes qui leur était dictées par Dieu, mais ils n’en ont pas moins été les premiers d’une longue série de martyrs en faveur desquels Dieu ne semble pas être intervenu.

Dans  cet atmosphère délétère, on a du mal à trouver une note d’espérance, on peut même se demander comment le monde peut être sauvé, et en quoi Jésus a joué un rôle pour que les choses changent.

Quand  nous n’arrivons pas à trouver les bonnes réponses par nos propres raisonnements, nous savons que nous sommes sur la mauvaise voie. Il nous faut chercher dans les Évangiles eux-mêmes les réponses qu’ils donnent à notre propre recherche. Écoutez alors cette voix qui nous vient de Jésus lui-même quand il nous rappelle qu’il a fait toute chose nouvelle. Il nous rappelle que le monde n’est pas destiné à être aspiré dans un tourbillon qui tenterait de le ramener dans le tohu-bohu primitif. Au contraire, le monde est traversé par une idée force selon laquelle il est possible à l’homme d’inverser le cours destructeur de l’histoire. C’est cette force qui habitait Jésus et qu’il a mise en évidence. Elle l’a habité toute sa vie. Elle lui venait de Dieu et a orienté tous ses choix.

Elle a été suffisamment forte pour lui permettre aux heures les plus sombres de son aventure de croire que les pulsions de vie étaient capables de l’emporter sur les instincts de mort les plus violents. Même cloué sur le bois et après une longue agonie la vie a triomphé pour ouvrir devant lui une perspective d’éternité.

Dans  les moments les plus dramatiques de notre histoire, ce n’est pas notre désir de survie qui doit être la force qui nous anime, mais la vision selon laquelle le monde est entraîné par Dieu dans un mouvement où  la vie est destinée à  prendre  le dessus, si nous savons être persévérants. L’esprit de Dieu qui repose sur nous, nous maintient toujours dans la perspective selon laquelle l’avenir est habité par la certitude de la présence de Dieu dans l’évolution du monde.

Face  à tout cela il y a celles et ceux qui ne pensent les choses qu’à partir d’eux-mêmes et qui croient que leur propre mort sera la fin de tout, c’est pourquoi ils désespèrent. Il n’en est rien. Chaque individu est placé depuis sa naissance dans une spirale ascendante qui l’entraîne vers un absolu qui le dépasse et l’absorbe tout à la fois. C’est Dieu qui donne du sens à ce mouvement par l’esprit dont il nous enveloppe. Tous ne se laissent pas saisir, ils préfèrent se laisser séduire par d’autres voix et désespèrent de ne rien comprendre.

Quant  à nous, forts de la certitude de la résurrection nous devons regarder dans la seule direction qui apporte vie et espérance, même si notre vie est menacée, car au de-là de la vie, n’y a-t-il pas la vie ?



lundi 14 octobre 2013

Luc 20:27-38


Luc 20 :27-38 : Une question sur la résurrection. Dimanche 10 novembre 2013
.
27 Quelques-uns des sadducéens, qui soutiennent qu'il n'y a pas de résurrection, vinrent l'interroger : 28 Maître, voici ce que Moïse nous a prescrit : Si quelqu'un meurt, ayant une femme, mais pas d'enfant, son frère prendra la femme et suscitera une descendance au défunt. 29 Il y avait donc sept frères. Le premier prit femme et mourut sans enfant. 30 Le deuxième, 31 puis le troisième prirent la femme ; il en fut ainsi des sept, qui moururent sans laisser d'enfants. 32 Après, la femme mourut aussi. 33 A la résurrection, duquel est-elle donc la femme ? Car les sept l'ont eue pour femme ! 34 Jésus leur répondit : Dans ce monde-ci, hommes et femmes se marient, 35 mais ceux qui ont été jugés dignes d'accéder à ce monde-là et à la résurrection d'entre les morts ne prennent ni femme ni mari. 36 Ils ne peuvent pas non plus mourir, parce qu'ils sont semblables à des anges et qu'ils sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection. 37 Que les morts se réveillent, c'est ce que Moïse a signalé à propos du buisson, quand il appelle le Seigneur Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac et Dieu de Jacob. 38 Or il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants ; car pour lui tous sont vivants. 39 Quelques-uns des scribes répondirent : Maître, tu as bien parlé. 40 Et ils n'osaient plus lui poser aucune question. 
.

Pourquoi ne pas aborder les choses franchement et pourquoi biaiser quand il s’agit d’aborder le sujet très controversé  de  la résurrection ? On comprend mal pourquoi les Sadducéens posaient un piège à Jésus  pour aborder cette question qui était un sujet de débat fréquents entre les théologiens de l’époque. Les uns y croyaient  et l’enseignaient,  les autres n’y croyaient pas  enseignaient également à ne pas y croire. Les pharisiens et les Sadducéens, les deux grands courants de la pensée juive à l’époque de Jésus s’opposaient en effet sur cette question.

 Mais quelle que soit la position des uns et des autres, tous n’y mettaient pas le même contenu, même s’ils appartenaient à la même famille de pensée, car tous ne mettaient pas la même chose derrière les mots. En poussant les uns et les autres dans leurs retranchements il apparaissait parfois que certains n’étaient pas aussi éloignés de leurs adversaires qu’ils le laissaient paraître, même si apparemment ils disaient le contraire, tant la question relevait de la sensibilité plus que de l’argumentation théologique.

Il en va de même encore pour aujourd’hui. La résurrection est au centre de la foi chrétienne, mais tous n’y adhèrent pas de la même façon.  La discussion ne porte pas  tant sur la notion de résurrection elle-même  que sur la réalité que ce terme recouvre. Pour les uns il s’agit d’une résurrection physique qui concerne  le corps de l’individu, pour les autres, il s’agit plus d’une réalité spirituelle, pour d’autres encore ce n’est qu’une manière de se référer à l’événement fondateur du christianisme. Entre toutes ces notions, la distance peut être grande, et pourtant, au sein de nos églises, les tenant de l’une ou de l’autre opinion cohabitent et tolèrent  l’opinion des autres sans pour autant  la partager.

La tradition biblique classique de l’Ancien Testament ne connaît pas la notion de résurrection. Elle  n’apparaît que dans les textes les plus récents et surtout dans les textes deutérocanoniques.  Elle fait une timide apparition  au 2 eme siècle dans le deuxième livre des Maccabées (cf 2 Maccabées 7 ) et envisage la vie des croyants après leur mort auprès du Père. Cette opinion a vu le jour sous l’influence grecque au moment où on a commencé à s’interroger sur l’avenir des croyants  devenus martyrs pour leur foi et  dont la vie trop tôt interrompue  n’avait pas pu s’épanouir. Avant cela, l’opinion classique était que les enjeux de la vie se faisaient du vivant de chaque individu, après quoi, une fois mort, son souvenir s’effaçait doucement dans le Shéol comme un ombre qui lentement disparaît. Telles étaient les deux courants d'idées qui avaient cours du temps de Jésus : Sadducéens, le parti des prêtres,  contre  les Pharisiens, le parti des « intellectuels ».

Naturellement Jésus ne pouvait se tenir hors de la querelle. Ici, elle se fait agressive.  Elle part du parti des Sadducéens qui  cherchent à ridiculiser la résurrection et à mettre Jésus en difficulté. Ils font semblant d’imaginer qu’elle n’est que le recommencement de la vie  après la mort dans une réalité physique semblable à celle du monde des vivants qu’ils viennent de quitter. C’est alors qu’ils rapportent,  par le biais d’une  parabole le cas d’une femme qui  aurait épousé les sept frères de la même famille en vertu de la loi du Lévirat. Cette Loi faisait en effet obligation au frère d’un défunt sans enfant de lui apporter une  descendance en épousant sa veuve. La Bible fait état de cette disposition dans  l’histoire de Ruth et de Booz. La question étant de savoir  duquel à la résurrection  elle sera l’épouse. Le raisonnement est trop simpliste pour être pris au sérieux et suppose beaucoup de sagesse de la part de l’interpelé pour  se tirer d’affaire. Jésus est sage, mais on ne s’attend-on pas à sa réponse.  En fait sa réponse ne prend vraiment de sens que si elle est éclairée par l’événement de sa propre résurrection.

Il faut donc voir dans ce récit  l’état de réflexion où en étaient les chrétiens de la première église quand il leur  fallut étayer théologiquement la question de la résurrection  pour aider les membres de l’Église qui n’avaient pas vécu à l’époque de Jésus à construire raisonnablement leur foi en la résurrection

Nous avons les reflets de leurs tentatives,  parfois discordantes, sous la plume de Paul  qui modifie sa propre opinion à mesure qu’il mûrit ses réflexions.  Il se voit lui-même tantôt  transfiguré et élevé au ciel, échappant même à la mort physique  (première épître aux Thessaloniciens)  tantôt revêtu d’un corps de gloire qui est devenu spirituel et a perdu toute apparence physique (1 Corinthiens 15/44). La question sur la manière de rendre compte de de la résurrection habitait l’église naissante et Luc ici dans son évangile, écrit  sans doute après les années  70 donne à travers les propos de Jésus une réponse cohérente.

Luc se sert donc des propos de Jésus pour donner une réponse qui sera celle de l’Église  quarante ans après sa disparition. Jésus insiste sur la notion de vie. Il remonte à Moïse et à l’épisode du buisson ardent pour étayer sa réponse. C’est à partir de cet événement  de la vocation de Moïse que débute réellement l’immense saga qui concerne Dieu et son peuple. Lors de cet événement Dieu avait fait un pacte de vie avec l’humanité par le moyen de la mission qu’il avait confiée à Moïse pour libérer le peuple d’Israël. Ce pacte ne saurait être rompu  sans porter atteinte à la nature de Dieu, ce qui est impossible et absurde. En conséquence ce pacte de vie est inaliénable.

Dieu y est présenté comme celui qui donne du sens à la vie. Il ne saurait donc y avoir de vie sans Dieu et Dieu se situe dans la durée. Il était au commencement, comme il le sera toujours, dispensant la vie à l’humanité. Si Dieu n’a pas de fin, la vie qu’il dispense aux hommes n’en a pas davantage. Ce raisonnement un peu simpliste devrait nous suffire. Pour entrer dans le projet de résurrection proposé par Jésus, il suffit donc de croire que nous avons  partie liée avec Dieu comme l’avait Jésus. Notre foi en Dieu  nous inscrit inévitablement dans son éternité. Le reste n’est que commentaire.

Sans doute les uns et les autres voudraient aller plus loin. Ils voudraient se forger des images mentales et établir des systèmes rassurants. Jésus ne nous l’interdit pas. Il nous en laisse l’entière liberté. Il nous donne même une piste qui n’est pas  forcément suivie par les théologiens modernes : c’est celle des anges. Mais avant de développer ce point, il nous faut avant tout retenir comme préalable à toute théorie, que nous sommes habités par la vie de Dieu et que la vie en Dieu ne connaît pas la mort.

Quant aux anges que Jésus mentionne à la fin de son propos ils font un peu figure de boutade de sa part  pour répondre à la boutade des sadducéens au sujet de la femme aux sept maris. Ils lui demandent  non sans perversité avec lequel elle partagera sa couche lors de la résurrection. Pour les anges, le raisonnement est subtil mais n’apporte pas d’autre réponse que celle que nous avons déjà donnée.

En fait, il n’y a pas vraiment de théologie des anges dans la Bible. A l’époque de Jésus, comme à la nôtre, certains croyaient fermement à la réalité des anges, notamment celle des anges gardiens. Jésus ne les contredit pas, il y fait même allusion dans Matthieu 18/10. « Les anges, si vous y croyez, dit-il en substance, sont comme Dieu, ils sont revêtus d’éternité et comme eux, vous serez revêtus d’éternité. »

Les anges ont-ils une réalité physique ? Ont-ils un sexe ?  Amusez-vous à disserter sur cette question, comme les sages théologiens au moment du siège de Constantinople cela vous aidera à passer le temps, mais ne vous apportera aucune réponse. Il faut dire qu’à l’époque de Jésus, la question des anges était d’actualité. On cherchait même à préciser leur nature. Dans le Livre d’Hénoch ( 2 eme siècle avant J.C) on trouve toute une classification des anges qui va du plus simple, au bas de l’échelle,  jusqu’au sommet de la hiérarchie où l’on trouve  les quatre archanges dont les noms nous sont parvenus mais que la Bible n’a pas retenus(1). Le  Nouveau Testament effleure la question en mentionnant seulement l’un d’entre Michel  dans le livre de l’Apocalypse.

La réalité sur la résurrection n’est pas dans nos élucubrations humaines, aussi élaborées soient-elles. Nos théories  n’apportent rien de plus à l’affirmation de la vie qui nous vient de Dieu. Si nous sommes en Dieu notre vie s’absorbe totalement en lui quel que soit notre état.

(1)  Michel, Raphaël, Uriel, Gabriel

dimanche 6 octobre 2013

Luc 19:1-10 Zachée


Luc 19 :1-10 Zachée Dimanche 30 octobre 2016


1Jésus entra dans Jéricho et traversa la ville. 2 Alors un homme du nom de Zachée qui était chef des péagers et qui était riche 3 cherchait à voir qui était Jésus ; mais il ne le pouvait pas, à cause de la foule, car il était de petite taille. 4 Il courut en avant et monta sur un sycomore pour le voir, parce qu'il devait passer par là. 5 Lorsque Jésus fut arrivé à cet endroit, il leva les yeux et lui dit : Zachée, hâte-toi de descendre ; car il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison. 6 Zachée se hâta de descendre et le reçut avec joie. 7 A cette vue, tous murmuraient et disaient : Il est allé loger chez un homme pécheur. 8 Mais Zachée, debout devant le Seigneur, lui dit : Voici, Seigneur : Je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et si j'ai fait tort de quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple. 9 Jésus lui dit : Aujourd'hui le salut est venu pour cette maison, parce que celui-ci est aussi un fils d'Abraham. 10 Car le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. 

 L’histoire biblique nous montre que le même homme peut chercher Dieu tout en se cachant de lui. L’homme est un être secret dont on a de la peine à percer les mystères de l’âme. C’est ce que semble nous montrer le récit d’Adam et Eve qui se cachent de Dieu dans le jardin des Ecritures tout en restant à portée de sa voix, comme s’ils voulaient que malgré tout Dieu les trouve quand même. Ce fait n’est pas exceptionnel, il fait partie des expériences que nous faisons très souvent sans en prendre conscience.
 
Nous  retrouvons dans l’attitude de Zachée cet aspect secret et mystérieux du comportement humain. Nous commencerons par nous interroger sur la raison qui le pousse à courir au devant de la foule pour monter sur un arbre. Il court sans doute pour ne pas être vu par ceux qui le précèdent. Il veut voir Jésus sans être vu. Le terme voir est utilisé par deux fois, c’est dire la force de son désir. Inconsciemment il joue au  jeu de cache-cache avec Jésus. La foule y prend aussi sa part.


Il ne veut pas être vu de la foule, c’est pourquoi il la devance en courant pour monter dans son arbre afin de n’être vu par personne. Il a conscience du ridicule de sa situation si on le voyait escalader les branches de l'arbre. Il a donc bien préparé  son entrevue avec Jésus. S’il avait été vu par quelqu’un, le texte n’aurait pas manqué de le dire car la scène qui nous amène à imaginer ce petit homme se hissant sur les branches basses de l’arbre aurait quelque chose de cocasse qu’on n’aurait pas pu laisser passer. Il suffit de laisser le champs libre à notre esprit pour imaginer ce petit homme qui ne doit pas être tout jeune et qui à cause de sa fonction de notable a peut être de l’embonpoint. Nous le voyons en train de s’agripper aux branches du sycomore dont la particularité est d’avoir des branches proches du sol, gêné par sa tunique dans la quelle il se prend les pieds tout en perdant ses babouches. Non, il avait bien conscience de l’aspect comique de sa situation, c’est pourquoi il ne voulait pas être vu et il s'y est pris à l'avance.


Mais s’il est à califourchon sur les branches basses de l’arbre, tout le monde peut le remarquer, et Jésus en particulier. C’est là la règle du jeu de cache-cache : se cacher pour être vu. On se dissimule à l’autre, en sachant que l’on sera finalement vu, sans quoi le jeu n’aurait pas d’intérêt.


Il  ne veut pas être vu par la foule, parce qu’il est péager, percepteur des impôts. Il n’était pas aimé par ses concitoyens qui le considéraient comme un traître qui s’était enrichi en pactisant avec l’ennemi. Les péagers, étaient des juifs qui achetaient leur charge aux romains. Ils leur avançaient la somme qui leur était nécessaire pour leur administration, c’était une très grosse somme. Ensuite ils se faisaient rembourser en prélevant sur leurs concitoyens le montant de ce qu’ils avaient avancé à l’occupant. Bien entendu, ils se prélevaient bien davantage que ce qu’ils avaient mis à leur disposition. Il est précisé ici, qu’il était le percepteur en chef. C’est dire qu’il était particulièrement riche et qu’il était particulièrement mal considéré. Cela explique en partie qu’il voulait se cacher de la foule.


S ‘il n’était pas monté dans son arbre, il aurait eu du mal à voir Jésus parce que la foule était trop compacte pour qu’il puisse l’approcher et en plus, il était de petite taille, nous est-il dit. Mais à mon avis c’est un faux argument, tant il est vrai que l’on plaide souvent le faux pour cacher le vrai. S’il a su contourner la foule pour monter discrètement dans le sycomore, il aurait pu facilement la contourner pour arriver à proximité de Jésus en faisant état de sa personnalité de notable. Rien ne l’empêchait de s’approcher de Jésus, de bousculer ceux qui lui auraient barré le chemin et de se jeter à ses pieds, de baiser le pan de sa robe, et de lui dire qu’il est un misérable pêcheur et qu’il se repent de tout le mal qu’il a fait.


Mais  telle n’était pas son intention, c’est ce que nous verrons dans les propos qu’il échangera plus tard avec Jésus. Son intention était bien de voir Jésus sans être vu par lui. C’est en tout cas ce qu’il a voulu faire, en se dissimulant dans les branchages. Quant à l’argument de sa petite taille, il n’est évoqué que pour mieux cacher la vérité, comme ce fut le cas pour Adam qui avait l’habitude d’être vu nu par Dieu et qui tout à coup a pris ce prétexte pour se cacher de lui. 


Nous  sommes souvent ainsi en face de Dieu. Notre âme est partagée entre le désir qui nous pousse vers lui, et la crainte de perdre notre liberté si nous nous approchons trop près de lui, comme si Dieu pouvait mettre notre liberté en danger ! Nous aimerions pouvoir vivre en amitié avec Dieu, tout en étant libre de dire le contraire. Voilà le mystère dans lequel nous évoluons trop souvent. N’y a-t-il pas au fond de nous une crainte révérencieuse de Dieu qui établirait des distances entre lui et nous comme ce fut le cas pour Adam qui ne savait pas que son geste de désobéissance allait le rendre libre face à Dieu alors que jusqu’alors il lui était aliéné? En nous laissant approcher encore plus près par Dieu n’est-ce pas vers la liberté que nous allons et non vers une aliénation?
 

Qu’est ce qui produit cette crainte de Dieu ? Je ne sais ! La théologie protestante de la grâce évacue un peu trop vite ce sentiment en affirmant un peu vite que Dieu pardonne tout et nous délivre de tout. En disant cela nous faisons abstraction de cette crainte, que nous n’arrivons pas à formuler vraiment et qui nous met mal à l’aise quand la proximité de Dieu est trop forte. Et pourtant cette crainte est bien réelle.


Zachée avait trouvé la bonne solution ! Il savait qu’il allait être repéré par Jésus. Il le désirait secrètement sans doute, mais sa position élevée dans l’arbre lui permettait de garder les distances.  Jésus ne s’encombre pas de ces arguments. Il va au-delà du souhait secret de Zachée. Plus moyen de se cacher, Jésus s’invite chez lui.  Zachée peut alors se tenir en vérité devant Jésus ! Plus de crainte, plus de dissimulation. 

Zachée ne fait pas une confession de ses péchés comme on aurait pu s’y attendre. Était-ce nécessaire ? Devant Jésus, Zachée se découvre comme il est : un homme bon et généreux, et cela suffit à l’un comme à l’autre. En dépit de ce que pensent les hommes qui en font un homme impur et un ennemi du genre humain, devant Jésus, Zachée apparaît comme un être bien différent. Il porte bien son nom, qui signifie curieusement « le juste ». Il devient pur. Peu lui importe que la synagogue et les gens de son peuple l’aient rejeté. Il s’assume comme il est devant Jésus et Jésus ne le contraint nullement de changer en quoi que ce soit.


Il  voulait voir Jésus sans vouloir le rencontrer. Il avait peur qu’il lui demande de changer, de tout abandonner pour le suivre comme il l’avait dit au jeune riche quelques temps au paravent. Mais sa vie avait déjà changé, car son souci pour autrui était devenu prioritaire dans son comportement. C’est la priorité qu’il donne à l’autre qui est exemplaire, si bien que sa fortune n’est aucunement un handicap à une relation heureuse et intime avec Dieu.


Comme  Zachée, beaucoup de gens sont sensibles à l’appel de Dieu, mais ne veulent pas qu’on les remarque. Ils ont peur qu’on leur impose des changements dans leurs comportements, ils n’ont pas envie de rejoindre une église dont ils ne veulent pas partager les choix de société. En fait ce n’est pas de Dieu qu’ils ont peur, mais de l’image que les hommes en donnent.


Cette simple remarque nous plonge dans un abîme de réflexion, car elle nous amène à constater que si Jésus promet le salut à Zachée et le traite de Fils d’Abraham, il ne l’invite pas à le suivre ni à rejoindre la synagogue que lui-même fréquente. Tout cela n’empêche pas Jésus de demeurer chez lui et de partager son quotidien. Pour que cela puisse se produire, il faut que Zachée descende vers Jésus du haut de l’arbre dans lequel il se cache. Zachée ne reçoit aucune consigne particulière de la part de Jésus. Zachée est assez averti dans la foi pour savoir ce qu’il doit faire sans qu’on le lui dise. C’est ainsi que nous devons être devant Dieu : des hommes et des femmes suffisamment responsables pour comprendre sans qu’on le  leur dise, quel est le sens de leur vie pour aller de l’avant.




Le retable de ND des neiges abbaye Charles de Foucault d'où est extraite l'illustration de Zachée

jeudi 3 octobre 2013

Luc 18 :9-14



Luc 18:9-14 Le pharisien et le péager - dimanche  27 octobre 2013



9 Pour certains, qui étaient persuadés d'être des justes et qui méprisaient les autres, il dit encore cette parabole : 10 Deux hommes montèrent au temple pour prier ; l'un était pharisien, et l'autre collecteur des taxes. 11 Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : « O Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont rapaces, injustes, adultères, ou encore comme ce collecteur des taxes : 12 je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus. » 13 Le collecteur des taxes, lui, se tenait à distance ; il n'osait même pas lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine et disait : « O Dieu, prends en pitié le pécheur que je suis ! » 14 Eh bien, je vous le dis, c'est celui-ci qui redescendit chez lui justifié, plutôt que celui-là. Car quiconque s'élève sera abaissé, mais celui qui s'abaisse sera élevé.



Ce n’est pas dans les habitudes de Jésus de se laisser aller à des leçons de morale faciles où les rôles sont bien tranchés. Pourtant ici, c’est bien ce qu’il semble faire. Le récit nous présente un pharisien qui apparemment déplait à Jésus, pourtant, il n’y a rien à lui reprocher, il remplit son rôle de juif pratiquant à la perfection et pourtant, il a tout faux.

 A côté de lui, un péager prie et il s’en sort plutôt bien avec une appréciation favorable de la part de Jésus et retourne justifié dans sa maison. Un péager est un homme riche qui a fait fortune en prélevant les impôts d’une manière suspecte, mais tout à fait tolérée  par l’administration civile de l’empire romain. Nous constatons ici que Jésus qui l’absout facilement applique à son égard les critères d’une nouvelle loi qu’il est en train d’inventer et que nous découvrons au fil des différents textes que nous rencontrons. Mais cette nouvelle loi nous parait ici aussi arbitraire que l’ancienne, à cette différence près, c’est  qu’elle semble inverser les valeurs, à moins que nous n’ayons pas tout compris et que nous ayons encore quelque chose à découvrir. En fait c’est bien  cela le but de ce texte .

Il nous faut cependant comprendre que les choses ne sont pas aussi simples. Dans les autres paraboles, Jésus demande généralement à ses interlocuteurs d’exercer leur esprit critique. Il achève la plus part du temps ses récits sur une question ou sur un commentaire qui sollicite la réflexion de celui qui l’écoute. Ici ce n’est pas le cas. L’histoire s’achève sur une affirmation bien nette. Le péager est justifié, notre opinion n’est pas sollicitée et le contexte semble donner tort au pharisien.

Si l’opinion de l’auditeur n’est pas sollicitée, c’est qu’il a fort peu de chance de croiser  l’une ou l’autre de ces  personnages  en fréquentant  Jésus. Le pharisien ici est caricaturé d’une manière telle qu’il ne se serait pas approché de Jésus parce qu’il qu’il l’aurait considéré comme un provocateur infréquentable qui passerait son temps à mettre à mal la Loi de Moïse.

Le péager quant à lui aurait plus de chance de rencontrer Jésus, mais celui-ci est un cas particulier. Il fréquente le Temple et se réfugie dans la pratique religieuse pour trouver une solution à ses problèmes spirituels. Il n’aurait sans doute pas choisi Jésus comme conseiller. Le disciple de Jésus que nous sommes n’a que peu de chance de lui ressembler. Nous pensons donc n’avoir rien à recevoir de cette histoire, mais attendons la suite et faisons quand même un effort pour essayer de nous reconnaitre dans l’un ou dans l’autre de ces individus.


A défaut d’être des pharisiens promis au salut par leur pratique rigoureuse de la religion, certaines personnes se croient cependant favorisées par Dieu. EIles profitent des avantages de la vie comme s’ils leur étaient acquis à juste droit par la naissance ou par le destin. Favorisés par une brillante intelligence ces gens s’estiment supérieurs aux autres et s’installent dans leur situation dont ils remercient le ciel. D’autres personnes, sont nées dans un pays où la vie est plus facile qu’ailleurs, elles ont la bonne couleur de peau, elles sont issues du bon milieu social et elles estiment devoir ces avantages à la providence divine. Il ne nous est donc pas si difficile de rejoindre le pharisien, parce que nous avons tous des avantages à faire valoir et nous n’oublions pas d’en remercier Dieu. Pour nous en convaincre,  Il nous suffit de prêter attention aux nombreuses  fois où nous entendons l’expression «grâce à Dieu» utilisée autour de nous pour nous rendre compte du fait que beaucoup de gens se considèrent comme bénéficiaires de d’une grâce particulière. Le phénomène est récurent. Nous cherchons tous à un moment ou à un autre à faire partie des privilégiés de Dieu à qui la vie a réservé un meilleur sort qu’aux autres.

C’est maintenant au tour du péager de retenir notre attention. Sa situation sociale le classe parmi les gens infréquentables. «Argent mal acquis ne profite jamais » disons-nous!  En quoi pourrions-nous lui ressembler? Il n’est pas étonnant qu’il ne se sente pas en règle avec Dieu. Bien qu’il ait notre réprobation, nous sommes touchés en le voyant chercher refuge dans la prière pour donner du sens à sa vie. Il considère qu’il n’a aucun droit de chercher refuge en Dieu car il est exclu par ses comportements, de l’univers de la religion. L’argent qui le fait vivre provient des impôts  prélevés par l’occupant romain. A ce titre son argent fait figure d’argent sale. Situation aggravante, les pièces de monnaie qu’il manipule sont frappées à l’effigie de l’empereur, ce qui est contraire à la Loi de Moïse. Si on considère le milieu d’où il vient, il a peu de chances d’être circoncis, et même s’il l’est, il lui est impossible de pratiquer les règles alimentaires qui n’ont pas cours dans le monde païen  que son métier l’oblige à fréquenter. Il n’a même pas sa place pour prier dans ce lieu saint.

Mis à l’écart de la religion par sa situation, il espère cependant profiter de la miséricorde de Dieu. Il se repent du fait que son comportement le tienne à distance du Seigneur, mais contrairement à toute attente il place en lui une confiance  injustifiée. C’est ce petit détail, lié au fait qu’il espère malgré tout ne pas être séparé définitivement de Dieu, qui permet à Jésus de dire qu’il est justifié plus que l’autre.

Que signifie le mot justifié utilisé ici en conclusion par Jésus? En quoi selon lui quelqu’un peut-il être juste devant Dieu quand il porte en lui le fruit de tant d’injustices et qu’il jouit de privilèges bien mal acquis? La réponse semble claire : « est    juste» celui qui ouvre sa vie à l’espérance et qui considère qu’il n’y a aucune situation définitivement bloquée aux yeux de Dieu. La parabole  s’arrête là.

Mais si la parabole s’arrête là, elle n’est pas finie. Jésus envoie la balle dans notre camp. C’est à chacun de nous de découvrir la suite que l’on peut donner à ce récit. Pour le pharisien, enfermé dans ses certitudes, sa religion et son bon droit, il n’y a pas d’issue. Dieu lui-même ne trouve pas sa place dans cet univers clos qu’il a refermé sur lui-même. Est-ce à dire que Jésus le rejette? Non pas. Ce n’est pas Dieu qui l’a enfermé dans sa situation, en tout cas pas le Dieu dont Jésus se réclame. La main de Dieu tendue vers lui, est toujours tendue. Il peut toujours descendre en lui-même et aller à la rencontre de son Seigneur qui l’enverra vers les autres et l’entrainera à sortir de son milieu fermé dont lui seul possède la clé. Il lui est encore possible de se convertir et de faire place à l’espérance. Le fera-t-il? La réponse devient alors la nôtre. Sommes-nous, comme lui  bloqués par nos conditions privilégiées dans des situations où l’avenir des autres n’a pas vraiment sa place ? Même  Dieu ne se permettrait pas de répondre pour nous.

Si parfois nous pouvons ressembler au pharisien, qu’en est-il du péager? L’espérance a fait son entrée dans son univers. Il a compris que Dieu frappait à sa porte et il l’a entrouverte. Mais il n’est pas arrivé au bout de la route, un long chemin lui reste à faire. Il est sur la bonne voie car la main de Dieu a saisi la sienne. Va-t-il comprendre maintenant que Dieu ne lui réclame pas de s’enfermer dans l’univers clos de la religion, comme il semble vouloir le faire? De toute façon il n’y aura pas accès, nous l’avons vu et pourtant le contexte nous a montré qu’il est tenté de se risquer sur cette voie-là.

Descendu au plus profond de lui-même va-t-il en même temps que Dieu rencontrer aussi tous ces prochains dont Dieu ne peut se passer de la compagnie ?


Ce petit texte nous pose donc beaucoup de questions dont nous trouvons des échos en nous-mêmes. Pour ne pas les laisser sans réponse, je vous propose de tourner la page de ce même évangile de Luc pour trouver quelques lignes plus loin le récit d’un autre pharisien, bien réel celui-là. Il nous apparait sous les traits du jeune homme riche (1). Il n’a pas su rencontrer le prochain vers qui Jésus l’envoyait et il s’en va tout triste loin de Jésus pour s’enfermer dans son univers de religieux privilégié. Mieux encore, quelques lignes plus loin au chapitre suivant, c’est Zachée (2), un péager dont l’histoire pourrait être présentée comme conclusion à ce récit. Non seulement il se repent, il va vers Dieu et se met au service de tous ces prochains auxquels il a fait du tort.

J’ai pris la liberté de rapprocher ces deux derniers textes de celui que nous venons d’étudier, et de vous les présenter comme des conclusions possibles tant ils sont proches dans l’Evangile de Luc. C’était notre droit et nous en avons usé. On peut même se demander si l’Evangéliste Luc a voulu qu’il en soit ainsi? Pourquoi pas? Mais nous ne le savons pas!


(1) Luc 18:18-30
(2) Luc 19: 1-10