samedi 20 juin 2015

Romains 8:28. La vie n'est pas un long fleuve tranquille



Romains  8/28 - Juges 6 :14

Nous savons,  suivant l’affirmation de  l’apôtre Paul que toute choses concourent  au bien de ceux  qui aiment Dieu ! Ce n’est pourtant pas  une raison pour  imaginer que la vie qui s’ouvre devant nous se déroulera comme le cours  d’un un long fleuve tranquille. Une telle  affirmation tant de fois répétée et reprise dans un film qui fut célèbre en son temps,  fait figure de parole phare dans notre existence, comme si elle véhiculait une vérité dont on ne pouvait pas échapper.  Elle nous conforte dans l’idée que nous subissons notre vie plus que nous  en sommes  les acteurs. Pourtant l’évocation d’une existence paisible  en suivant les fluctuations d’une rivière a de quoi nous séduire mais est-ce toujours le cas ?

Les cours d’eaux ne suivent jamais le même rythme.  Ils prennent parfois l’allure que se donnent les grands fleuves  sauvages, majestueux, sillonnés d’embarcations de toutes sortes suggérant la prospérité. Une telle évocation  laisse entendre  une vie faite d’aisance et d’abondance.  Mais souvent les eaux s’agitent, cascades et rapides  mettent en danger celui qui les parcourt au point qu’il éprouve du mal à garder le cap et il se demande même s’il survivra.  Pourtant, avant que les choses aillent plus mal encore, les eaux redeviennent plus calmes et se prélassent au milieu des marais  plongeant le passager embarqué sur quelque gabarre,  dans une profonde nostalgie jusqu’à ce que l’estuaire lui ouvre l’immensité de l’océan où s’achèvera  sa  vie.

Qui n’a pas rêvé parcourir de la sorte son existence au fil de  l‘eau, confiant au hasard ou au « Tout-Puissant »  le soin d’en décider  les orientations. Pour beaucoup en effet, leur existence serait liée à la fatalité. C’est la chance qui aurait donné le  coup d’envoi à leur vie en l’orientant au gré de vents plus ou moins favorables. L’observateur de sa propre existence aurait alors à faire face à des situations contradictoires sans qu’il puisse faire de choix.  Il pourrait soit se  réjouir du sort qui l’aurait embarqué dans une bonne direction, soit  maudire le destin qui l’aurait  placé sous un vent contraire.

Mais quel qu’il  soit,  le passager de la vie,  croit-il  vraiment  être né pour subir les caprices d’un sort qu’il  ne maîtrise  pas ? Si fatigué par une vie sans cesse agitée par le ressac des flots ou les tourbillons des vents, il s’avisait de prendre  du temps, à l’abri d’une crique en eaux calmes,  il pourrait écouter  tout ce qui se murmure en lui. Avec le temps et la patience ces murmures finiraient par devenir en lui des pensées audibles. Il  découvrirait alors grâce à elles que la vie n’est pas, comme il le croit, un long fleuve dont il subirait les caprices du parcours.

Il entendrait cette voix, venue de je ne sais où,  qui a traversé les âges et qui un jour a frappé les tympans d’un jeune chef  en proie aux questionnements de sa vie. Il était question pour lui de savoir s’il devait-il subir ou agir ?  Allait-il suivre le courant pour se laisser emporter par une volonté qui n’était pas la sienne ? Allait-il changer de direction au risque de briser sa vie et celles de ceux qui lui étaient confiés. La  voix intérieure  se fit plus claire et précise : «  Va avec la force que tu as,  c’est moi qui t’envoie ». Il s’appelait Gédéon  et la voix était celle de Dieu. Dieu n’était pourtant pas  celui qui décidait pour lui.  Il  était caché dans cette force  qui l’invitait à agir. L’histoire  de ce jeune héro a été retenue par la Bible et se trouve  au livre des  Juges, chapitre 6.

Il entendrait aussi cette autre voix qui lui donnerait du tonus pour avancer et qui a été celle de  l’apôtre Paul qui s’était donné pour vocation de défricher les chemins qui mènent à Dieu et qui  écrivait aux Romains  (8/28) : « Toutes choses concourent  au bien de ceux qui aiment Dieu. »  Paul ajoutait ainsi une parole forte à tout un chapelet d’autres  paroles qui viennent alimenter notre mémoire et que la Bible nous donne comme repères pour construire  notre vie telle que Dieu  souhaite que nous la menions

Chacun est ainsi amené à prendre  conscience qu’il n’est pas venu sur terre pour subir et qu’il  y a en lui une force qui lui permet d’envisager positivement  les événements qui se préparent.  Il réalise alors  que le cours de la vie n’est pas une fatalité sur laquelle il n’a pas prise, car nous sommes en effet  tous  habités par une force qui depuis toujours fait partie de nous-mêmes et qui nous  révèle  qu’il y a en nous une sagesse qui nous donne une capacité d’autonomie et d’espérance qui nous permettent d’orienter  notre vie.

Ainsi, tu es invité à te mettre  à la recherche de cette force qui est en toi. C’est elle qui maintient  tes mains sur la barre de ton embarcation et qui affermit  leur pression sur le gouvernail. Le parcours n’en sera pas forcément meilleur, les écueils n’en auront pas pour autant les arrêtes moins acérées, mais tu auras compris que désormais, tu n’es plus seul car tu sais l’origine de la fore qui est en toi. A mesure que tu avanceras, tu apprendras à mieux la connaître.

Mais quelle est cette force? Pourquoi ne t’est-elle pas révélée plus précisément et reste-t-elle dans  le secret de ta méditation ? Pourquoi ton Dieu, s’il s’agit de lui se cache-t-il  de la sorte?

Avant de te poser toutes ces questions, ne serait-il pas plus sage que  tu cesses de te tourmenter.  Avant-même de chercher à deviner d’où vient cette force qui met de l’audace en toi, rappelle-toi que si tu  ne comprends pas où t’entraîne la courent, Dieu te donneras toujours la possibilité d’orienter les événements que tu vivras pour le mieux être de ceux qui t’entourent. Si tu essayes d’écouter  en toi ce que Dieu te murmure à l’oreille tu seras surpris de   constater qu’il t’oriente toujours dans une direction où  le mieux être des autres prend toujours le pas  sur ton intérêt personnel. C’est ce constat que Dieu t’invite à faire et qui constitue la richesse de ta vie.

Nul ne peut prédire à l’avance ce que tu  entendras, car c’est Dieu dont tu es en train de discerner les secrets qui parle en toi d’une manière personnelle.  A coup sûr il te  surprendra, il te désignera d’autres visages que le tien,  il mettra en toi d’autres pensées qui ne sont pas les tiennes. Il viendra à toi sous le visage de Jésus que tu n’as encore  jamais vu  et qui prendra de plus en plus de relief. La voix que tu entendras se mêlera à la sienne et deviendra la sienne.  Sans doute t’invitera-t-il  à secouer la poussière que les siècles ont accumulés sur les Évangiles  qui, comme par miracle éclaireront ton voyage  jusqu’au port.

La force qui est en toi s’enrichira de tout ce que Dieu a inventé pour faire de toi la créature unique dans laquelle tu te  découvres  maintenant. Si Dieu s’est caché jusqu’alors, c’est pour que tu découvres le guide qu’il te donne en la personne de Jésus Christ, il te remplit de la force de son Esprit, et désormais,  quand tu te mettras à agir et  quoi que tu fasses, tu découvriras que tu as de la valeur à ses yeux. 

mardi 16 juin 2015

Jean 6:1-15 Encore une multiplication des pains Dimanche 26 juillet 2015



La Multiplication des pains Jean 6/1-15 - dimanche 26 juillet 2015

Jean 6/1-15

1 Après cela, Jésus s'en alla sur l'autre rive de la mer de Galilée, la mer de Tibériade. 2 Une grande foule le suivait, parce qu'elle voyait les signes qu'il produisait sur les malades. 3 Jésus monta sur la montagne ; là, il s'assit avec ses disciples. 4 Or la Pâque, la fête des Juifs, était proche. 5 Jésus leva les yeux et vit qu'une grande foule venait à lui ; il dit à Philippe : Où achèterons-nous des pains pour que ces gens aient à manger ? 6 Il disait cela pour le mettre à l'épreuve, car il savait, lui, ce qu'il allait faire. 7 Philippe lui répondit : Deux cents deniers de pains ne suffiraient pas pour que chacun en reçoive un peu. 8 Un de ses disciples, André, frère de Simon Pierre, lui dit : 9 Il y a ici un jeune garçon qui a cinq pains d'orge et deux poissons ; mais qu'est-ce que cela pour tant de gens ? 10 Jésus dit : Faites installer ces gens. — Il y avait beaucoup d'herbe en ce lieu. — Ils s'installèrent donc, au nombre d'environ cinq mille hommes. 11 Jésus prit les pains, rendit grâce et les distribua à ceux qui étaient là ; il fit de même pour les poissons, autant qu'ils en voulurent. 12 Lorsqu'ils furent rassasiés, il dit à ses disciples : Ramassez les morceaux qui restent, pour que rien ne se perde. 13 Ils les ramassèrent donc ; ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d'orge qui restaient à ceux qui avaient mangé. 14 A la vue du signe qu'il avait produit, les gens disaient : C'est vraiment lui, le Prophète qui vient dans le monde. 15 Jésus, sachant qu'ils allaient venir s'emparer de lui pour le faire roi, se retira de nouveau sur la montagne, seul.





Reprise du sermon publié le 26 juillet 2009
Nombreuses sont les religions qui invitent leurs adeptes à participer à un banquet à la fin des temps. Ceux qui auront le privilège d’y participer partageront avec la divinité les mets les plus raffinés. Mais avant d’entrer dans la salle du banquet, il faudra pour chacun franchir avec succès les dures étapes que la vie leur réserve avant d’avoir le droit de figurer au nombre des invités. La vie terrestre est ainsi conçue par elles comme un parcours  qu’il faut accomplir pour entrer  dans la béatitude éternelle.

Jésus, ne semble pas avoir échappé à la règle. Cependant à la différence des religions animistes Jésus ne conçoit pas l’existence terrestre  comme un parcours initiatique. Au contraire, pour lui, c’est Dieu qui vient à la rencontre des hommes. Il participe avec eux à la longue marche de leur existence. Il se propose de les assister pour qu’ils surmontent leurs angoisses et maîtrisent les obstacles que la maladie, la faim et les oppressions dressent devant leurs pas. C’est ce qui se répète régulièrement depuis  que sous la conduite de Moïse  il a organisé la fuite hors d’Égypte du peuple des Hébreux.

Notre existence est ainsi remplie de moments où nous devons apprendre à voir Dieu agir en notre faveur. Jésus nous promet alors qu’au  terme de notre vie, l’action libératrice de Dieu ne nous fera pas défaut. Il a raconté cette action de Dieu  dans plusieurs     paraboles qu’il situe dans des banquets et même dans des banquets de noce signifiant la fin heureuse qui nous est  réservée.

Jésus a participé à de nombreux repas au cours desquels il n’a pas manqué de  donner un enseignement sur la fin des temps. Dans l’épisode de la multiplication des pains, il apporte un élément supplémentaire. Il établit un lien entre le repas ordinaire de tous les jours qui est une nécessité de la vie avec le repas mythique de la fin des temps. Tout cela évidemment ne prend vraiment de sens que si on se souvient qu’au dernier soir de sa vie il partagea le pain qui devint pour ses apôtres un don de vie et signifia pour eux l’invitation qui leur était faite d’entrer dans le Royaume.


Contrairement au banquet final que les peuples celtes, partageaient avec le Dieu Odin qui les récompensait en buvant avec eux de la cervoise tiède dans le crane de leurs ennemis, Jésus n’attend pas la fin de la vie des hommes pour leur signifier la réalité de leur salut. Ce salut devient effectif dans la vie même des participants. Il les nourrit alors qu’ils ne demandent rien et il leur apporte le salut sans,     qu’ils ne s’en soient rendus dignes. Jésus transforme le mythe en réalité. Il rend le salut présent sans tenir compte des péchés et ceux qui participent à l’événement n’ont pas besoin d’attendre leur mort,  pour savoir que Dieu les aime.

C’est là le premier enseignement qu’il faut tirer de cet épisode : le salut n’est pas le résultat d’une longue pratique, il n’est pas la récompense d’une vie méritoire. Il est à l’évidence la conséquence de la présence de Jésus parmi les hommes. La présence de Jésus, à elle seule suffit, à nous assurer que Dieu a prévu l’éternité pour que les hommes s’y accomplissent. Ainsi Dieu s’installe pour toujours dans notre vie.

Cet épisode de la multiplication des pains en est un signe tellement significatif qu’il sera rapporté 5 fois dans les Évangiles. Jésus en confirmera la portée un peu plus tard, lors du repas de Pâques qu’il partagera au soir de sa vie avec les siens. Ce repas final sera compris  comme le don total de sa vie à la cause des hommes.

Mais si tel est l’enseignement de Jésus, on ne peut s’empêcher de lui opposer tous les démentis que l’histoire des hommes nous a fait connaître. On a vu trop de peuples laminés par la disette et la famine. On a vu trop d’humains mourir de faim ou de maladie sans qu’aucun miracle ne vienne les secourir malgré leurs prières incessantes. L’apparente surdité de Dieu  aux détresses humaines laisse Jésus mourir avec nos illusions. Pourquoi le Seigneur n’a-t-il donné qu’une seule fois ce signe et ne l’a-t-il  pas répété à l’infini?  Ainsi on aurait pu dire qu’il avait réellement changé le monde?

En fait, rien n’a changé. Le monde reste désespérément mauvais. Pourtant cela  n’empêche pas  Jésus  de   nous affirmer que l’éternité de Dieu nous appartient. C’est à partir de cette certitude qu’il recrute des hommes et des femmes de bonne volonté pour que sous son impulsion et à son instigation ils se mettent à leur tour à transformer le monde et à le faire évoluer pour que les promesses du Christ annonçant un changement radical se réalisent. Le but de Jésus est donc que nous organisions nous-mêmes, à l échelle de la planète le partage initié ce jour là.

L’Écriture n’a jamais caché que l’humanité avait été mise à part par Dieu pour organiser le monde afin qu’il  reste (ou qu’il devienne) un paradis. Ce paradis est présenté comme un projet formulé par Dieu à l’origine et que le péché des hommes s’évertue à faire échouer. La crise mondiale qui s’aggrave montre que les hommes continuent par leur égoïsme à détruire le projet divin. Les pays nantis réduisent aujourd’hui leur participation au développement. Notre pays pour ce qui le concerne a baissé sa participation de 0,7% à 0,39% contribuant ainsi à plonger les pays les plus pauvres dans une détresse qui grandit davantage alors qu’ils ne sont responsables, ni de la crise financière, ni des émissions de gaz   à effet de serre qui demain les rendra encore plus vulnérables.

C’est dans ce contexte qu’il faut recevoir le récit de la multiplication des pains. Il nous ramène dans le droit fil du projet divin. Les participants à ce repas partagent tous les maigres provisions qui passent par les mains de Jésus. Ils sont tous rassasiés. Nous ne voyons personne en train de faire bombance en tirant de son propre panier des suppléments de victuailles. Nous ne voyons pas  non plus, les gros bras faire usage de leur puissance physique pour accaparer plus de nourriture que nécessaire et faire des provisions pour les négocier plus tard.  La nécessité que Jésus leur impose de partager collectivement les modestes vivres qu’il leur offre montre clairement que quand ça se passe mal, c’est le péché qui   est à l’œuvre et qu’il empêche la vie des hommes d’évoluer harmonieusement.

Sans le péché   qui fausse tout, les hommes deviendraient  capables de remplir leur vocation d’hommes, c’est à dire qu’ils seraient  capables de gérer le   monde tel que Dieu l’avait prévu. Or Jésus ne cesse de dire que le péché a été détruit par Dieu. Il     laisse   donc miroiter la possibilité  que le monde pourrait évoluer autrement qu’il ne le fait.

Mais apparemment, ça ne marche pas et le monde où nous sommes semble courir inéluctablement vers sa perte. Beaucoup de croyants qui ne supportent pas   l’accroissement des injustices auxquelles il serait   possible de remédier, se réfugient dans l’attente d’une intervention de Dieu qui détruirait le monde des incrédules et donnerait aux fidèles l’éternité promise.

Ils n’ont pas tort, mais ils s’arrêtent à mi-chemin. Ils attendent au lieu d’agir. C’est bien souvent l’attitude qui est également celle de leurs églises. Elles ont prêché le salut, elles ont enseigné aux hommes la morale pour s’y maintenir.   Mais elles aussi se sont arrêtées là en attendant que Dieu fasse le reste, elles ont figé l’histoire du salut dans l’événement de la conversion de chacun. Elles réactualisent continuellement       cet événement dans les sacrements qu’elles pratiquent fidèlement, mais elles semblent ignorer l’étape suivante. Elles la rejettent dans le camp de Dieu.   Pourtant Dieu compte sur elles    pour  réaliser  cette dernière étape.
 
Il s’agit maintenant du salut du monde dont nous sommes chargés par vocation divine.  Les hommes qui   ont fait l’expérience du salut dans leur foi sont maintenant appelés par Dieu à gérer le monde  pour qu’il devienne ce monde nouveau symbolisé par la multiplication des pains.

Il y a donc deux étapes dans l’histoire du salut. Il y a le salut individuel qui est une chose acquise. Il reste la deuxième étape, celle du salut du monde qui est confié de toute éternité aux hommes qui doivent inlassablement donner des signes d’espérance et de vie là où le péché tend à répandre la mort.

Le miracle de la multiplication des pains est porteur en lui de cette double espérance. L’espérance du salut de chacun que Jésus prend en charge et l’espérance du monde pour laquelle Jésus renvoie la balle dans notre camp. Pour cela nous devons apprendre à jouer dans la société des hommes avec les règles que Dieu nous a données dans l’Écriture.

Les illustrations sont de Laurent Lombard  ( 1506-1566)

mercredi 10 juin 2015

Marc 6:30-34 - La multiplication des pains - 19 juillet 2015




Marc 6 / 30-34 
 La Multiplication des  pains - dimanche 19 juillet 2015

30Rassemblés auprès de Jésus, les apôtres lui racontèrent tout ce qu'ils avaient fait et tout ce qu'ils avaient enseigné. 31Il leur dit : Venez à l'écart, dans un lieu désert, et reposez-vous un peu. Car beaucoup venaient et repartaient, et ils n'avaient pas même le temps de manger.
32Ils partirent donc dans le bateau pour aller à l'écart, dans un lieu désert. 33Beaucoup les virent s'en aller et les reconnurent ; de toutes les villes, à pied, on accourut et on les devança.
34Quand il descendit du bateau, il vit une grande foule ; il en fut ému, parce qu'ils étaient comme des moutons qui n'ont pas de berger ; et il se mit à leur enseigner quantité de choses.

35Comme l'heure était déjà tardive, ses disciples vinrent lui dire : Ce lieu est désert et l'heure est déjà tardive ; 36renvoie-les, pour qu'ils aillent s'acheter de quoi manger dans les hameaux et les villages des environs. 37Mais il leur répondit : Donnez-leur vous-mêmes à manger. Ils lui disent : Irons-nous acheter deux cents deniers de pains pour leur donner à manger ? 38Il leur demande : Combien de pains avez-vous ? Allez voir. Après s'être informés, ils répondent : Cinq, et deux poissons. 39Alors il leur ordonna de les installer tous en groupes sur l'herbe verte, 40et ils s'installèrent par rangées de cent et de cinquante. 41Il prit les cinq pains et les deux poissons, leva les yeux vers le ciel et prononça la bénédiction. Puis il rompit les pains et se mit à les donner à ses disciples, pour qu'ils les distribuent. Il partagea aussi les deux poissons entre tous. 42Tous mangèrent et furent rassasiés, 43et on emporta douze paniers de morceaux de pain et de poisson. 44Ceux qui avaient mangé les pains étaient cinq mille hommes.



Il est rare que l’on s’approche de Jésus tout ragaillardi, plein d’enthousiasme  et prêt à se mettre à son service sans discuter. Cela arrive, mais ce n’est pas le cas habituel. La plupart du temps nous  nous adressons à Jésus, quand  fatigués et inquiets, nous espérons de sa part,  un peu d’écoute et de compassion. C’est le cas de ses disciples ce jour là qui rentrent de leur première expédition missionnaire. Ils sont à la fois excités et en attente de compassion de la part du maître.

Jésus semble abonder dans leur sens, c’est pourquoi il les emmène en bateau pour prendre un peu de distance par rapport à la tous ceux qui le  sollicitent. Inutile ! La foule plus rapide qu’eux les a rejoints. On se reposera plus tard, on mangera à un autre moment, Jésus leur sacrifie sa disponibilité pour se consacrer à plus démunis qu’eux.

Ainsi en est-il de ceux qui ont choisi de mettre leurs  pas dans ceux de Jésus et de répondre à l’appel de Dieu. Ils sont sans doute fatigués, la mission a été rude mais Il leu faut aller de l’avant. Ils ont sans doute besoin  de nourriture matérielle, ils ont besoin de partager leur aventure et de dire leur chagrin à la suite de la mort de Jean Baptiste  que le souverain a lâchement fait exécuter, mais il y a autre chose à faire et Jésus.  Entraîne dans un nouveau projet.

Eux,  ils espéraient de la compassion pour eux  et c’est la foule qui y a droit. Mais si Jésus en éprouve pour la foule,  ce n’est pas pour s’attendrir sur son sort, et ce n’est pas non plus pour les  prendre  tous en charge individuellement. Il ne va pas non plus les mobiliser derrière lui pour en faire une armée de partisans qui s’opposeraient pacifiquement aux soldats  du tétrarque  et prépareraient une ère nouvelle  sur la terre de  Palestine. Le risque serait trop grand, la partie serait loin d’être gagnée, et surtout, ce  n’était pas l’ambition de Jésus.

Les gens de cette foule sont comme des brebis sans berger. Curieusement, Jésus ne se propose pas d’être leur berger. Au contraire il va les  préparer à retourner chez eux, pour  reprendre leur vie comme au paravent,  mais avec quelques choses qu’ils n’avaient pas en venant : L’espérance. Même  si dans un premier temps il semble jouer le rôle de berger, ce ne sera que provisoirement.  Il va  les aider  à affronter leur destin avec une force nouvelle qui est celle de l’esprit qu’il leur  communique par sa présence et par ses propos..

Ils doivent cesser de se comporter comme un troupeau à l’abandon.  Des brebis sans berger n’ont pas d’avenir, elles vont dans tous les  sens, ne savent pas où brouter et sont continuellement en danger d’être volées  ou d’être mangées par le loup. Avec ou sans berger les brebis restent des animaux dépendants.  Le berger leur permet de vivre. Mais Jésus va leur proposer mieux, même si c’est plus difficile.

Pour répondre à leur détresse, Jésus les enseigne. Celui qui enseigne n’est pas forcément celui qui prend en charge. On ne sait d’ailleurs pas ce qu’il leur dit, mais on peut le supposer. Il leur dit que s’ils suivent son enseignement, ils n’auront plus besoin de berger, l’enseignement  qu’il leur donne leur suffit pour qu’ils deviennent eux-mêmes leur propre berger.

Jésus les invite à cesser d’être des moutons imbéciles, qui attendent tout de celui qui veut bien les prendre en charge. Ils n’ont besoin ni de maître ni de gourou. Jésus leur indique la voie qui donne du sens à leur vie. En écoutant Jésus, ils sont remplis du désir de vivre. Ils reprennent goût à la vie, même si la vie qu’ils ont menée jusqu’à présent n’est pas très enviable. C’est aussi le but de l’Évangile pour tous ceux qui l’écoutent, c'est-à-dire nous.


Il leur dit que Dieu vient jusqu’à eux et cela leur donne envie de se mettre debout  et d’aller plus loin. Il provoque en eux le désir de vivre malgré leur détresse, c’est pourquoi il les nourrit miraculeusement. Ici Jésus leur donne un coup de pouce, pour les lancer sur le chemin d’une autre vie. Ce coup de pouce prend alors figure de miracle. Le miracle, bien souvent réside dans le fait que les hommes qui ne peuvent plus avancer se mettent  quand même à avancer. Le miracle ici, comme ailleurs sert à faire jaillir le désir de vie. C’est le coup d’envoi pour eux d’une nouvelle existence que Dieu partage avec eux. Dieu est celui qui provoque le désir et le désir rend inventif.

Nul ne sait de quoi a été fait ce miracle. Beaucoup de propos ont été tenus et de nombreuses  d’explications  ont été données à ce sujet. On a dit  que  le fait de vouloir nourrir cette grande foule avec quelques pains et quelques poissons a dénoué les consciences et que chacun s’est mis à partager avec les autres le casse croûte qu’il avait emporté.  Quoi qu’il en soit l’espoir de vivre une nouvelle vie s’est transformé en espérance de vie et chacun a été rassasié autant de pain que d’espérance. Ils ont découvert qu’avec rien, on pouvait faire beaucoup.  Ils n’avaient pas  à attendre passivement  qu’on leur donne, mais ils  découvraient  qu’ils avaient en eux la possibilité d’avancer avec rien en poche

De moutons apeurés sans berger qu’ils sont, il s’est mis à les transformer en humains responsables. C’est pourquoi Jésus sollicite encore ses disciples. Même s’ils  sont fatigués,  il doit encore les mettre à contribution pour provoquer un désir de vivre chez chacun des membres de cette foule. Il les remet donc au travail, car le miracle, réside aussi dans le fait  que les disciples soient  capables de se mettre au service des autres  malgré leur fatigue.

On a pris l’habitude de considérer que les disciples de Jésus étaient des râleurs qui comprennent toujours trop tard ce que Jésus attend d’eux et qui se font prier pour accomplir les désirs du maître. Nous leur ressemblons  sans doute.  Il n’empêche que malgré leur indisponibilité, c’est quand même par eux que s’accomplit le miracle. Pourtant Jésus ne leur demande pas de faire un effort au-delà de leurs forces. S’ils sont épuisés, Jésus leur a quand même laissé un peu de temps pour se reprendre.


Jésus en effet n’est pas un bourreau de travail pour les autres. Il connaît parfaitement leurs limites et il prend soin de les ménager malgré l’urgence du moment. Ainsi celui qui nous guide sur les sentiers d’une vie nouvelle connaît parfaitement les gens auxquels il s’adresse, il sait jusqu’où ils peuvent aller. Mais il sait aussi quel est le but à atteindre et il fait le nécessaire pour qu’il se réalise.

Inutile de lui dire qu’il y a urgence. Il le sait. Le soir tombe, la nuit approche. C’est la nuit de l’angoisse et de l’incertitude. Nuit de ce jour qui s’achève, nuit aussi dans leur vie intérieure faite d’angoisses et de questionnements. Il faut que tout soit dit et que tout soit compris avant que les ténèbres ne surprennent tout le monde. Il faut que chacun reparte, animé d’une puissance de vie nouvelle qui lui permettra de franchir les obstacles que l’obscurité lui réserve. Si Jésus  a mis en eux l’espérance d’une autre vie il ne leur a cependant pas donné une potion magique qui déjoue tous  les obstacles. Il leur a donné une autre vision des choses qui les remplit d’énergie, mais les difficultés de la vie subsistent

Les chemins de la vie où ils s’engagent les mèneront sans doute vers le Royaume, mais chacun devra s’y employer, parfois au-delà de ses forces, comme ce fut le cas pour les disciples fatigués qui ont donné du sens au miracle par le dépassement qu’ils ont accompli sur eux mêmes


Illustrations issues des très belles heures du duc de Berry