samedi 30 mai 2009



Dieu et la création

ou les incohérences des premiers chapitres de la Bible

Il y a des réalités dans ce monde que l’esprit humain ne peut pas concevoir, telles l’éternité ou l’infini. Les humains fabriquent et emploient des mots pour les désigner car leur logique les amène à les concevoir, mais leur cerveau n’a pas la possibilité d’en faire la synthèse pour se les représenter. Il en va de même pour la notion de Dieu

Mais les hommes se croient quand même capables de le concevoir. Ils croient même être capables d’avoir une emprise sur lui. Ils pensent même avoir la possibilité d’édicter les règles qui établiraient les relations de Dieu avec l’univers. De là découlent nos théories sur la création ! Que l’homme soit un peut modeste et qu’il accepte de ne pas avoir le ridicule d’expliquer ce qu’il ne peut comprendre ! Malgré les précautions que j’ai prises en commençant, je risque à mon tour d’avoir l’outrecuidance d’expliquer l’inexplicable. Au risque de me rendre critiquable je vais quand même essayer de me situer par rapport à ces mystères.


C’est en partie dans le livre de la Genèse que l’on trouve les textes concernant la création. Ces récits, bien que placés en tête de la Bible ne sont pas très anciens dans la littérature biblique. Ils sont le résultat du choc des cultures qui se produisit au moment de l’exil à Babylone. Les intellectuels juifs confrontés aux mythes des traditions babyloniennes (Guilgamesh etc. )ont cherché à les intégrer à leur propre tradition pour mieux les critiquer et asseoir leur théologie du Dieu unique qu’ils étaient en train de formuler. Plusieurs approches de la création telle qu’elle est perçue dans la Bible sont possibles.


Nous commencerons par celle qui n’est pas retenu par les théologiens chrétiens, mais qui est très en vogue aujourd’hui, surtout depuis la vulgarisation des textes apocryphes de la Bible. Elle trouve ses racines dans le gnosticisme, et le manichéisme, elle a été retenue par les Cathares et les Rosicruciens, elle est en faveur dans les courants du New-âge. Selon elle le monde aurait été crée par un Démiurge, un Dieu imparfait, voire même méchant, Eloïm qui aurait enfermé l’homme dans la matière en le créant. Face à cela, l’homme doit chercher à se libérer de la matière pour rejoindre le Dieu bon, Yahwé. Jésus se serait donné pour tâche de faciliter la libération des hommes de la matière et de leur permettre de rejoindre Dieu.


La tradition chrétienne classique, pour sa part a retenu une autre approche. Elle part de l’affirmation selon laquelle Dieu (le Dieu unique) serait l’auteur de toute chose. Il a créé le ciel et tout ce qui s’y trouve ainsi que la terre et tout ce qu’elle contient. L’homme fait partie de ses créatures. Pour faire bref, disons que dans la Bible Dieu porte plusieurs noms suivant les traditions d’où sont issus les récits rapportés par le texte sacré. On a bien sûr Eloïm, et Yawhé, mais on a aussi EL, El Shadaï, ou El Elion, Dans la pensée sémitique la matière et l’esprit sont étroitement mêlés et l’un n’est pas supérieur à l’autre. L’homme qui est une créature de Dieu, est conçu par lui avec la possibilité de s’opposer à lui. - Pourquoi ? Nul ne le sait. A partir de ce fait s’engage une relation curieuse et ambiguë entre Dieu et sa créature dans le style : « je t’aime, moi non plus ». La nature de cette relation occupe les théologiens depuis toujours, et cela n’a pas cessé. Naturellement, Saint Augustin et une certaine tradition chrétienne en ont rajouté. C’est ainsi qu’a été élaborée la théorie du péché origine qui donne de la cohérence à tout ce système mais qui a pour défaut de conférer à Dieu une humeur changeante. Il ne cesse de vouloir le bien de l’homme, mais toujours il le menace de châtiment s’il ne marche pas droit.


L’homme ne marche pas droit et Dieu ne châtie pas toujours comme il l’a dit. ( voir le récit du déluge) Il y a dans tout cela un aspect pervers qui ne convient pas à l’idée de Dieu. On peut proposer une autre approche, c’est celle-là qui aura ma préférence. On partira de l’idée du monde telle que la science nous donne de l’approcher. Nous devrons tenir compte de la théorie du Big-bang, de la théorie de la relativité selon Einstein, de celle de l’évolution selon Darwin et de toutes les théories que les savants formulent et que je suis incapable de rapporter.


Face à toutes ces théories on se posera la question de Dieu. Il ne fait partie d’aucune d’entre elles. Il est extérieur à tout cela. Il est extérieur au temps et à l’espace, mais malgré tout nous formulerons l’hypothèse de son existence, même s’il est une réalité extérieure à tout cela. Les expériences de la foi nous permettent cependant de dire la réalité de Dieu comme si, venu d’ailleurs, il cherchait à nous rejoindre. Mieux, cherchant à nous rejoindre, il viserait à pénétrer le système où nous sommes pour modifier le cours de son évolution qui se fait selon les règles que l’on connaît, en vertu desquelles la raison du plus fort est toujours la meilleure.


- Pourquoi modifier la règle ? Nous ne le savons pas, mais les expériences de la foi semblent nous dire que c’est comme cela qu’il veut procéder. Dans tout ce qui va suivre nous n’avons que ce que j’appelle les expériences de la foi pour étayer notre thèse. Ce qui va suivre est donc indémontrable et totalement subjectif.


Dieu donc, se prend d’affection pour l’homme dont il veut se servir pour faire évoluer les choses. C’est ce que les partisans de la théologie du « process » appellent le « souffle créateur » Ce souffle créateur prend le parti du plus faible dans cette lutte pour le pouvoir à laquelle se livrent les êtres et les choses.


Avec cette clé de lecture une partie des incohérences de la Genèse trouvent des réponses. Ainsi Adam et Eve représentent l’humanité qui œuvre pour son mieux être. Ils cherchent donc avec intelligence à évoluer. Tout élément nouveau qui se présente à eux peut les aider. Le serpent représente le mauvais choix, il met Adam en rivalité avec Eve, il oppose les humains entre eux. Quand Dieu, dont ils ont peur intervient, ce n’est pas en tant qu’accusateur, mais en tant que facilitateur. C’est alors que :


- Adam et Eve trouvent une réponse aux conséquences de leur mauvais choix : L’humain se découvre mortel dans un monde hostile, mais Dieu qui le cherche lui donne immédiatement les signes de sa protection.


- De la même façon Dieu prend la même attitude en face du monde en perdition dans l’histoire de Noé.


- Dans l’histoire de Caïn, il se range du côté du meurtrier.


- Il a encore la même attitude pour le peuple des Hébreux captifs en Egypte. Dieu se présente à eux comme un « sauveur ». Pourtant, il n’intervient pas directement mais il suscite un homme qui par son action agit de telle sorte qu’il devient la cause de leur libération. Si les Hébreux se sont alors considérés comme le peuple choisi, ou le peuple élu, c’est sans doute parce qu’ils se sont laissés aller au penchant naturel de tous les hommes, ils se sont cru privilégiés parce qu’ ils ont fait le constat de la présence bienveillante de Dieu à leurs côtés. Mais tout peuple opprimé, toute personne en état de faiblesse qui se sent aidé peut faire le même constat à son tour et se trouver privilégié ou « élu » à un moment quelconque de sa vie. C’est le sort de tous ceux qui reconnaissent l’action de Dieu en eux. Mais le fait de reconnaître le bienveillance de Dieu à leur égard, ne les fait pas différents pour autant.


L’histoire biblique est le récit de toutes ces tentatives de Dieu de pénétrer au cœur des hommes par la puissance de son esprit novateur qui les pousse à l’altruisme. Il n’est pas dit qu’il n’ait pas fait d’autres tentatives qui ne sont pas consignés ou qui sont consignés ailleurs, dans d’autres traditions.


Face à cette action constante de Dieu sur eux, les hommes s’opposent et résistent selon leurs penchants naturels. Face à cette puissance bienveillante ils opposent une autre image de Dieu dont ils font leur idole et la confondent avec la précédente. Cette image de Dieu forgée par les hommes le représente sous les traits d’un despote autoritaire qui privilégie son peuple élu qui doit lui obéir en tous points. Dans le récit de la Genèse et dans tout le Pentateuque d’ailleurs, les auteurs confondent en un seul ces deux aspects de Dieu : le Dieu qui se révèle à eux et le Dieu dont ils se sont forgés une image.


A l’opposé les livres des prophètes tentent plutôt de favoriser l’image du Dieu bienveillant. Ils rétablissent ainsi une vérité qui les mettra en opposition constante avec leur peuple. Dans toutes les tentatives de description de Dieu, c’est celle de Jésus qui semble être la plus fidèle à ce que nous avons essayé de dire. Jésus demandent à ceux qui croient en lui d’oublier toutes les représentations de Dieu à l’exception de celle de Père. Toutes les autres représentations ne sont pas forcément mauvaises mais elles sont toutes liées à une forme de la pensée humaine qui met en valeur l’individu au détriment de ses semblables.


Aucune ne permet à l’humanité de progresser, si non l’image du « Père ». Cette image, mais ce n’est qu’une image et on peut trouver mieux, est la seule qui permet à l’humanité d’évoluer en harmonie avec la nature et de favoriser la vie sous toutes ses formes. Cette approche ignore le démiurge créateur, elle ignore même la création, elle se situe dans le mouvement du big-bang à l’extérieur duquel se situerait Dieu.


On peut alors se demander si Dieu lui-même ne serait pas seulement une idée géniale et non pas une réalité. Je ne le crois pas pour ma part, car l’esprit de Dieu agit sur nous quand on se laisse pénétrer par lui au point de provoquer ce que la Bible appelle « des miracles » . C’est l’expérience religieuse ou spirituelle dont je parlais plus haut. Tout cela ne nous dit pas alors ce qu’est l’homme. Est-il une étincelle du divin , comme beaucoup le pensent? Les récits de la Genèse ne le disent pas et ne le laissent même pas entendre, et cela à juste raison puisqu’à l’origine Dieu serait ailleurs.


(1) L’homme serait-il seulement le fruit de l’évolution qui serait visité par une force venue d’on ne sait où, qui le rejoint et qui de fusion en confusion l’entraîne vers l’éternité ? La sagesse serait alors d’accepter de savoir que nous ne savons rien ( Socrate) (1) Les rabbins expliquent cette réalité de Dieu à partir des subtilités du texte biblique lui-même. Le premier mot de la Bible est Bereshit. La Bible commence donc par un B, en toute logique elle devrait commencer par un A ( Aleph). Cela signifie qu’avant même le commencement, il y avait quelque chose, quoi donc si non Dieu ? En plus la lettre B (Beth) est une lettre qui tourne le dos, comme si elle cachait un mystère dont la réalité serait avant que le monde soit. Nos Bibles en français sont mal traduites parce qu’elles commencent par : Au commencement. Il faudrait faire commencer la traduction par un mot commençant pas B…

mercredi 27 mai 2009

intrigue policière à Jérusalem Marc 14-12-26 dimanche 14 juin 2009


Pour avoir un autre sermon plus récent  sur ce texte cliquer sur l'intitulé du  blog  indiqué juste au dessus à gauche et chercher sur le même texte : " àa propos de  Judas."


Evangile de Marc :14

12 Le premier jour des pains sans levain où l'on immolait la Pâque, les disciples de Jésus lui dirent : Où veux-tu que nous allions te préparer le repas de la Pâque ? 13 Il envoya deux de ses disciples et leur dit : Allez à la ville ; un homme portant une cruche d'eau vous rencontrera ; suivez-le, 14 et là où il entrera, dites au maître de la maison : Le Maître dit : Où est la salle où je mangerai la Pâque avec mes disciples ? 15 Et il vous montrera une grande chambre haute, aménagée et toute prête : c'est là que vous nous préparerez (la Pâque) . 16 Les disciples partirent, arrivèrent à la ville, trouvèrent les choses comme il le leur avait dit, et préparèrent la Pâque.



17 Le soir venu, il arriva avec les douze. 18 Pendant qu'ils étaient à table et qu'ils mangeaient, Jésus dit : En vérité, je vous le dis, l'un de vous qui mange avec moi me livrera. 19 Ils commencèrent à s'attrister et à lui dire l'un après l'autre : Est-ce moi ? 20 Il leur répondit : L'un des douze, celui qui met avec moi la main dans le même plat. 21 Le Fils de l'homme s'en va, selon ce qui est écrit de lui. Mais malheur à cet homme-là par qui le Fils de l'homme est livré ! Mieux vaudrait pour cet homme ne pas être né.


22 Pendant qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain, et après avoir dit la bénédiction, il le rompit et le leur donna en disant : Prenez, ceci est mon corps. 23 Il prit ensuite une coupe, et après avoir rendu grâces, il la leur donna, et ils en burent tous. 24 Et il leur dit : Ceci est mon sang (le sang) de l'alliance, qui est répandu pour beaucoup. 25 En vérité, je vous le dis, je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu'au jour où j'en boirai du nouveau, dans le royaume de Dieu.
26Après avoir chanté (les psaumes), ils se rendirent au mont des Oliviers.






Marc 14/12-26


Que peut bien faire là, tout seul cet homme avec une cruche ? Il est d'un aspect assez banal pour qu’on ne fasse pas attention à lui mais assez insolite pour que quiconque correctement averti puisse le repérer. En effet, l’usage voulait que ce soit plutôt les femmes qui portent les cruches d’eau, c’est pourquoi les deux compères envoyés par Jésus n’ont aucun mal à le repérer. Pas un seul mot n’est échangé. Ils le suivent vers une demeure dont l’hôte est resté anonyme. Cependant tout a été préparé. Ces quelques constatations suffisent pour que l’on sente peser l ’atmosphère de suspicion dans laquelle se déroule le récit qui va suivre. Jésus craint les espions qui peuvent venir de l’extérieur, c'est-à-dire de ceux qui sont envoyés par les autorités pour repérer où il se cache. Peut-être la trahison viendra-t-elle de l’intérieur de sa propre communauté, peut être le sait-il déjà ?


Nous comprenons que Jésus n’est pas un naïf, il a tout un réseau d’amis fidèles qui se sont mobilisés pour que tout se passe bien et que les choses se fassent comme il les a prévues. Ici, quatre personnes au moins se sont compromises pour se mettre à son service dans une ville où le danger le guette à chaque coin de rue.

Le soir, quand tout est prêt le maître n’a plus qu’à se mettre à table avec les douze. Les autres ont disparu. Le repas pascal peut avoir lieu. Dernier repas de Jésus, première Sainte Cène que préside le Christ entouré de ceux qui constituent l’embryon de la première église. Faut-il rappeler à votre mémoire la scène de Léonard de Vinci avec les douze qui s’interrogen
t par groupes de trois pour savoir lequel d’entre eux trahira le maître.

Les paroles ambiguës de Jésus à propos d’une éventuelle dénonciation les consternent. « Est-ce moi ? Est-ce un autre ? » Se demandent-ils, alors que vraisemblablement, ils savent tous déjà qui va trahir. Avec la tradition et provoqués par l’actualité nous nous demandons s’il faut le considérer comme un abominable traître ou comme un héros. Même si certains penchent pour la thèse du héros, sans pour autant avoir recours à cet apocryphe qui a défrayé l’a chronique, il y a quelques années, il n’en reste pas moins vrai que dans l’Evangile, c’est une atmosphère d’angoisse de suspicion et de trah
ison qui plane.

Indépendamment du rôle tenu par Judas, nous savons qu’aucun des onze autres ne va jouer un rôle remarquable. Chacun, à sa façon va trahir, et aucun n’aura l’excuse que l’on prête à Judas qui aurait trahi soi par ordre du maître, soi par une décision à caractère politico-religieux visant à contraindre Jésus à se révéler comme Messie, soi tout simplement par intérêt personnel, parce qu’il était avide. Les autres sont tout simplement des couards, ils ont eu peur, ils se sont sauvés comme des lapins, et Pierre lui-même a fait pire, il a dit des paroles inadmissibles de reniement. V
oila une belle brochette d’anti-héros qui deviendront tous, par la suite les chefs de l’Eglise.

Ses amis, car ce sont ses amis entourent le maître qui va faire les gestes que l’on sait et prononcer les paroles que l’on sait. Pauvre Jésus, savait-il qu’il jetait là une pomme de discorde entre les futures églises, si bien que les traîtres de jadis n’étaient pas meilleurs que les traîtres d’aujourd’hui ? On a depuis passé au crible chaque geste de Jésus pour en trouver la signification. On a étudié chacune de ses paroles dont on a cherché le sens caché qu’elles pouvaient avoir en hébreu ou en araméen et même en copte ancien. Chaque fois ces arguments ont servi à diviser les hommes entre eux, à dresser des barrières entre les églises et à répandre la haine, alors qu’il s’agissait de rendre compte de l’acte d’amour le plus sublime que Jésus ait accompli ce soir là.

Jésus a tout simplement tenté d’expliquer que ce repas, qu’ils étaient appelés à célébrer à nouveau en mémoire de lui, garderait à tout jamais l’empreinte de sa vie alors qu’il ne serait plus là. La mort cruelle vers laquelle il s’acheminait était un défi que Jésus relevait pour révéler que Dieu restait présent dans la vie des hommes quand bien même la mort les engloutirait

L’acte le plus sublime de la vie de Jésus se déroulait ce soir là au milieu d’hommes apeurés qui ne comprenaient pas que leur maître accomplissait un enseignement en actes, qui allait être déterminent pour la compréhension du salut de toute l’humanité. Ils étaient invités à comprendre dans ces simples gestes que le pardon l’emportait sur le péché et que la vie aurait le dernier mot sur la mort. Plus tard, leurs successeurs manifesteront la même incompréhension en introduisant la haine et la discorde dans les propos qu’ils échangeront au sujet d
e ces paroles.

Au lieu de m’attrister, ces réflexions m’encouragent à porter les regards au-delà du cercle des douze. Elles nous invitent à nous intéresser à ceux qui sont restés à l’écart et qui ont dressé la table. Sans eux la célébration dont les autres ont eu tant de mal à saisir le sens, n’aurait pas eu lieu. Pour que nous comprenions que la mort de Jésus portait en elle un baume de guérison contre le péché, il a fallu qu’il y ait un porteur de cruche, il a fallu qu’il y ait un propriétaire de maison qui se soit affairé en secret pour tout préparer. Il a fallu aussi qu’il y ait deux disciples anonymes qui fassent une course relais dans les rues de la ville et déjouent les pièges des tueurs. Combien de fidélités non dites a-t-il fallu encore pour, apporter les provisions, aller chercher le pain et le vin. Qui a cuit le mouton ? Qui a fait et agi de telle sorte que tout soit prêt ? Nous ne le savons pas.

C’est intentionnellement que j’attire votre attention sur ces quatre hommes. Leur présence ici dans ce récit nous apprend, mieux qu’ailleurs que les limites de l’Eglises sont bien plus vastes que la communauté visible rassemblée autour du maître. Elle est bien plus vaste que le nombre de ceux qui sont recensés sur nos listes et que ceux que nous accueillons à la table que le Seigneur préside. Serviteurs zélés, nous organisons l’Eglise avec nos propres critères, nous regardons les hommes avec nos yeux d’humains et nous avons tendance à fermer les portes de nos sanctuaires pour que ceux qui sont sur le seuil ne perturbent pas la sainte assemblée.

Au regard de ce texte on s’interroge pour savoir qui est concerné par le mystère qui est ici raconté. Est-ce seulement les 12 rassemblés autour du maître et qui dans quelques instants le trahiront ? Qu’en est-il du porteur de cruche qui, sans doute au risque de sa vie a guidé les deux anonymes vers la maison d’un troisième qu’on ne connaît pas mais qui avait déjà tout préparé. Lui aussi a risqué sa vie en hébergeant dans sa maison celui que la police recherchait pour le traîner devant le tribunal qui déciderait de sa mort ?

Curieusement, sur le fronton des églises, on représente traditionnellement le Ch
rist, les apôtres, et tous ceux dont la tradition a retenu les noms. Y a-t-il une seule Eglise au monde qui ait osé mettre sur son tympan ou tout simplement à l’entrée de son sanctuaire l’image d’un homme portant une cruche ? C’est pourtant grâce à un tel homme que Jésus a pu accomplir ce geste que nous répétons tant de fois et par lequel nous redécouvrons chaque jour que dans la mort du Christ se trouve une espérance de vie pour toutes les nations.

Si quelqu’un voulait reconstituer l’intrigue policière dans laquelle ce drame s’est joué, si quelqu’un voulait inventer l’histoire de cet homme pour lui redonner vie, peut être ferait-il de lui un nouvel apôtre et peut être ferait-il du récit de ce compagnon anonyme de Jésus un best seller.





jeudi 21 mai 2009

Et si le paradis était pour demain? Romains 8/11-17 dimanche 7 juin 2009








Romains 8/11-17




11Et si l'Esprit de celui qui a réveillé Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a réveillé le Christ d'entre les morts fera aussi vivre vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.
12Ainsi donc, mes frères, nous sommes bien débiteurs, mais non pas envers la chair — pas pour vivre selon la chair. 13En effet, si vous vivez selon la chair, vous allez mourir ; mais si par l'Esprit vous faites mourir les agissements du corps, vous vivrez. 14Car tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu. 15En effet, vous n'avez pas reçu un esprit d'esclavage, qui ramène à la crainte, mais vous avez reçu un Esprit d'adoption filiale, par lequel nous crions : Abba ! — Père ! 16L'Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. 17Or si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers : héritiers de Dieu, et cohéritiers du Christ, s'il est vrai que nous souffrons avec lui pour être aussi glorifiés avec lui
.





C'est le printemps et le moment des piques niques champêtres. Ce sermon est proposé pour une journée paroissiale à la campagne.








Qui ne s’est pas pris à rêver d’un monde où tout irait selon son goût ? L’idée que la vie pourrait être un long fleuve tranquille en dépit de ce qu’en a dit le cinéma ne nous a-t-elle jamais effleurés, ne serait-ce qu’un instant ? Mais bien vite l’idée plus réaliste selon laquelle la vie ressemblerait à une tartine d’épreuves dont il faudrait manger, une bouchée chaque jour s’impose à notre raison.

Pourtant l’image d’une société idéale évoluant dans une oasis de délice d’où serait bannie toute idée de rivalité et de violence reste en arrière plan des textes bibliques et laisse subsister en nous l’idée d’un paradis perdu dont on pourrait encore retrouver le chemin, mais par quel moyen ?

Jésus lui-même n’a-t-il pas saupoudré son Evangile d’images bucoliques à souhait, propres à nous faire rêver d’un monde nouveau qui ressemblerait à des vacances sans fin dans une palmeraie idyllique parfaitement sécurisée à l’image des villages de vacances du Club-Med, le prix en moins. Parlant des Ecritures nous nous prenons à évoquer la parabole du bon berger qui nous entraîne vers des pâturages d’herbe grasse où folâtrent des brebis qui ne seront ni mangées par les loups, ni mangées par les mauvais bergers ni égorgées par quelques bouchers faisant leur office de sacrificateurs sur l’autel du Temple. C’est aussi la réminiscence des psaumes qui nous visitent et nous nous plaisons à réciter leurs prières avec dévotion : « L’Eternel est mon berger, je ne manquerai de rien, il me fait reposer dans de verts pâturages… »


Mais ce n’est pas tout, les livres des prophètes nous apportent leur lot de sérénité et nous disent que ces rêveries sont conformes au message des Ecritures. C’est alors l’image de l’ours qui mange de la paille en compagnie du bœuf qui vient à notre esprit, et c’est aussi l’image du petit garçon qui met ses doigts là où il ne faut pas sans que le serpent ne le morde qui nous attendit.

La Bible nous réserve donc ces images fortes pour nous inviter à rêver quand par un beau jour de printemps, il a été prévu de consacrer la journée à un pique nique paroissial où chacun aura à cœur de partager ses provisions avec les autres. Nous comprenons alors que sans qu’ils le sachent eux-mêmes, cette journée a été prévue par ses organisateurs, comme le sont souvent nos sorties paroissiales au mois de juin, comme une anticipation de ce paradis que l’on aimerait retrouver pour jouer à cache-cache avec Eve et Adam et refaire le monde à l’image de toutes nos illusions.

On se croit en droit de cultiver ce mythe et d’inviter nos amis à le faire avec nous car même les philosophes, à l’image de Rousseau l’ont également fait. On s’y adonne d’autant plus volontiers que d’autres cultures que la nôtre cultivent ce même désir de retrouver un monde oublié que l’on croyait à jamais perdu. Les Inuits en voyant fondre les glaces, ne rêvent-ils pas de chasses éternelles où les phoques abonderaient sur une banquise toujours solide. L
e Coran lui-même ne promet-il pas aux héros de la foi, un paradis qui prend l’aspect d’ un harem plein de jeunes vierges prêtes à se donner pour être consommées ( Sourates 3,15 et 52/24). Toutes ces cultures, celle de la bible comprise laisse entendre que ces délices aujourd’hui confisqués relèveront de l’ordre du possible demain, s’il plait à Dieu, si bien que, dans l’inconscient collectif, ce monde n’est pas voué au malheur, mais qu’il peut y avoir au bout du chemin une réalité voulue par Dieu et destinée à nous combler.

Mais ce chemin n’est pas sans embûches, il y a des pierres sous les pas de ceux qui le suivent ! C’était prévisible, et vous saviez bien qu’à un moment quelconque j’allais interrompre ces rêveries qui n’avaient que trop duré, pour vous faire replonger dans la réalité de ce monde qui ne nous invite pas à avancer sur des routes bien asphaltées. Il était facile à deviner que j’allais faire ressortir les pierres du chemin. Ce sont les propos de Paul que nous avons lus en commençant qui m’invitent à porter un autre regard sur les chemins de l’espérance.

Pourtant il entre bien dans cette même vision des choses que nous avons évoquée. Il nous invite à nous laisser saisir par l’esprit de Dieu, à devenir ses enfants et à le rejoindre dans un autre monde. Mais sans qu’on s’y attende, en tout cas pour ceux qui n’ont pas lu le début du passage, nous découvrons que Paul a introduit le mot de « souffrance » dans son propos, ce qui semble tout remettre en cause et notre belle utopie s’effondre devant la fatalité du mal.

Mais cette évocation de la souffrance va avoir pour effet de nous faire rebondir, car elle aura le mérite de placer notre relation à Dieu au sein de la réalité que nous vivons chaque jour. Nous sommes alors amenés à considérer que si Dieu est présent avec nous dans ce monde, il nous donne la possibilité de dépasser tout ce qui nous éprouve si bien qu’il nous propose quand même, d’inscrire l’espérance dans nos projets de vie.

Avant de parler de souffrance au sujet de laquelle il va bien falloir que nous nous arrêtions, Paul nous laisse entendre qu’il y a en nous des possibilités de dépassement qui nous permettrons de surmonter tous les obstacles qui nous font souffrir, même les plus féroces, si nous acceptons de faire l’effort de devenir les intimes de Dieu. Le premier signe de cette intimité avec lui, consiste à ne plus l’appeler par son nom de Dieu mais à se référer à lui comme à un père qui dépose en nous toute sa tendresse au point que le regard que nous portons sur notre vie en est transformé.

Il ne s’agit pas de notre vie future imaginée par nos désirs en quête d’évasion. Il s’agit de la vie bien réelle du quotidien de notre existence. Il ne s’agit plus de rêveries champêtres que l’on pourrait faire un jour de sortie paroissiale. Il s’agit de notre existence que nous devons assumer avec son lot de souffrances, de provocations, d’incertitudes. La réalité que nous propose Paul serait de pratiquer l’art de ne pas s’évader dans le rêve, mais de prendre en compte la réalité quotidienne. La présence de Dieu dans l’intimité de notre vie nous rend capables de maîtriser les obstacles en les surmontant. Nous devons faire confiance à celui qui se tient si près de nous et qui nous invite à le tutoyer en l’appelant papa. Abba

Tout cela est bien séduisant, mais pour y parvenir, il faudrait comprendre comment ça marche ! C’est pourtant simple. A la suite de Jésus, Paul nous demande de changer notre regard sur Dieu. Avant d’être Dieu, il est d’abord Père, et comme tous les Pères aimants, il ne tient aucun compte de nos fautes ou de nos erreurs, ou plus exactement il ne les utilise pas pour exercer sur nous une forme de pression quelconque. Sa main ne s’appesantit jamais sur nous, c’est pourquoi nous ne pouvons jamais cesser de l’aimer.

Il vient habiter dans nos vies au point d’assumer toutes nos morts et de permettre que toutes nos souffrances, même les plus terribles ne nous anéantissent pas mais s’ouvrent toujours sur l’espérance.


Cette nouvelle vision de Dieu implique de notre part une nouvelle relation avec lui. Nous devons assumer notre situation d’enfants bien aimés en comprenant qu’il n’est jamais l’auteur de nos malheurs et qu’il ne nous accorde pas ses faveurs en fonction des séductions que nous pourrions exercer sur lui.

En entrant ainsi dans l’intimité de Dieu, nous devenons selon sa volonté les héritiers de toutes ses grandes ambitions qu’il formule pour l’humanité en matière de justice, égalité, bonheur. Il fait de nous les acteurs de toutes les actions qu’il faut entreprendre contre la souffrance, et détruire tous les visages que prend le mal quand il s’en prend à l’intégrité de nos personnes par les injustices de toute sorte, la méchanceté sous toutes ses formes, les maladies, même les plus sournoises. Dans tous ces domaines. Dieu a besoin de nous pour rendre le monde de plus en plus viable jusqu’à le rendre parfait.

mardi 12 mai 2009

La révolution dans le monde des religions commence à Pentecôte : Actes 2:1-11 dimanche 31 mai 2009

Actes Chapitre 21/11 dimanche 31 mai 2009

La Pentecôte

1Lorsque le jour de la Pentecôte arriva, ils étaient tous ensemble dans le même lieu. 2Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d'un souffle violent qui remplit toute la maison où ils étaient assis. 3Des langues qui semblaient de feu et qui se séparaient les unes des autres leur apparurent ; elles se posèrent sur chacun d'eux. 4Ils furent tous remplis d'Esprit Saint et se mirent à parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer.
5Or il y avait en séjour à Jérusalem des Juifs pieux venus de toutes les nations qui sont sous le ciel. 6Au bruit qui se produisit, la multitude accourut et fut bouleversée, parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue. 7Ils étaient hors d'eux-mêmes et dans l'admiration, et disaient : Voici, ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? 8Comment les entendons-nous chacun dans notre propre langue maternelle ? 9Parthes, Mèdes, Élamites, ceux qui habitent la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont, l'Asie, 10la Phrygie, la Pamphylie, l'Égypte, le territoire de la Libye voisine de Cyrène, et ceux qui sont venus de Rome, Juifs et prosélytes, Crétois et Arabes, 11nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu !

On lira aussi avec intérêt Actes 2/12-2116


Dans leur perplexité ils se disaient les uns aux autres : « Qu'est-ce que cela veut dire ? » 13D'autres s'esclaffaient : « Ils sont pleins de vin doux. »
14Alors s'éleva la voix de Pierre, qui était là avec les Onze ; il s'exprima en ces termes : « Hommes de Judée, et vous tous qui résidez à Jérusalem, comprenez bien ce qui se passe et prêtez l'oreille à mes paroles.15Non, ces gens n'ont pas bu comme vous le supposez : nous ne sommes en effet qu'à neuf heures du matin ; 16mais ici se réalise cette parole du prophète Joël :
17Alors, dans les derniers jours, dit Dieu,
je répandrai de mon Esprit sur toute chair,
vos fils et vos filles seront prophètes,
vos jeunes gens auront des visions,
vos vieillards auront des songes ;
18oui, sur mes serviteurs et sur mes servantes
en ces jours-là je répandrai de mon Esprit
et ils seront prophètes.
19Je ferai des prodiges là-haut dans le ciel
et des signes ici-bas sur la terre,
du sang, du feu et une colonne de fumée.
20Le soleil se changera en ténèbres et la lune en sang
avant que vienne le jour du Seigneur, grand et glorieux.
21Alors quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.



On lira aussi Exode 19/16-19




16Le troisième jour au matin, il y eut du tonnerre, des éclairs et une épaisse nuée sur la montagne ; le son du cor retentit fortement ; et tout le peuple qui était dans le camp se mit à trembler. 17Moïse fit sortir le peuple du camp à la rencontre de Dieu et ils se placèrent au bas de la montagne. 18Le mont Sinaï était tout en fumée, parce que l'Éternel y était descendu au milieu du feu ; cette fumée s'élevait comme la fumée d'une fournaise, et toute la montagne tremblait avec violence. 19Le son du cor retentissait de plus en plus fortement. Moïse parlait, et Dieu lui répondait à haute voix.







Après la mort de Jésus, chacun de ses disciples a bénéficié d’une apparition du ressuscité dont Luc va tenir compte, sans le dire vraiment, pour nous raconter l’événement de Pentecôte. Cette apparition a laissé en eux une trace indélébile qui marquera leur vie à tout jamais. Elle a mis en eux la certitude que rien désormais ne serait plus comme avant et leur relation à Dieu s’est trouvée transformée à tout jamais. En soufflant sur eux, comme il est dit dans l’Evangile de Jean, le ressuscité leur a permis de comprendre les mystères de la foi restés inexpliqués jusqu’alors.

Luc quant à lui a bien saisi, en écrivant le Livre des Actes, que la résurrection avait provoqué un changement radical en eux et il a raconté l’événement de Pentecôte de telle sorte que ses lecteurs devaient être persuadés qu’une nouvelle manière d’être avec Dieu venait de s’imposer au monde.

Par la suite, nombreux furent les hommes et les femmes qui firent des expériences de foi bouleversantes au cours desquelles leur esprit fut visité par celui de Dieu. Tout leur être est alors passé par un processus de conversion qui les a inscrits dans une toute nouvelle relation avec Dieu.

La résurrection de Jésus s’est manifestée dans la société de son temps, comme si Dieu avait entrepris de faire lui-même le ménage dans sa propre maison, c’est pourquoi la description de l’événement de Pentecôte va prendre une telle ampleur sous la plume de Luc. Il est conscient du fait que désormais le culte tel qu’il était célébré par la légion de prêtres qui opéraient des sacrifices dans le Temple pour apaiser le Très Haut n’avait plus cours. Il comprend aussi que le méticuleux travail des scribes chargés d’interpréter les 626 articles de la loi n’aura plus cours. Désormais Dieu ouvre toutes grandes, les portes de son cœur pour que ceux qui ont compris l’enseignement de Jésus puissent jouir d’une relation directe avec Dieu.

Désormais chaque croyant, saisi par le souffle de l’esprit peut être personnellement en contact avec Dieu et recevoir directement les instructions du Seigneur. L’avenir s’ouvre sur une nouvelle manière d’être avec Dieu. Ce n’est pas une nouvelle religion qui est en train de naître, mais c’est l’ancienne religion qui éclate dans ses structures et qui fait place à une relation d’intimité avec Dieu que plus rien ne pourra altérer.

L’enthousiasme que ressent Luc en écrivant le livre des Actes, se mesure à l’ampleur dramatique que prend son texte qui décrit l’événement de Pentecôte. La réalité même de l’événement disparaît tant la description qu’il en fait est grandiose.

Luc dispose de deux récits pour mettre en œuvre son propre récit. Tout d’abord il garde en mémoire la vision de Joël qu’il place dans la bouche de Pierre :

"Dans les derniers jours dit, Dieu je répandrai mon esprit sur toute chair.
Vos fils et vos filles prophétiseront, vos vieillards auront des songes…
Je ferai des prodiges du haut du ciel et des signes en bas sur la terre…."

Cette citation nous est donnée dans le suite du texte que nous avons lu et lui est inséparablement liée. Hélas, la présentation des textes par les éditeurs a mis une coupure entre le récit de Pentecôte et l’explication qu’en donne Pierre et nous ne percevons pas immédiatement que les deux textes font corps. Le deuxième élément dont Luc dispose pour rédiger son récit, c’est l’évocation de la fête de Pentecôte telle qu’elle était célébrée dans le judaïsme du premier siècle.

La fête de Pentecôte était à l’origine une fête évoquant les récoltes mais elle avait évoluée pour devenir la Commémoration de l’Alliance scellée entre Dieu et son peuple sur le mont Sinaï. Le texte biblique qui rapporte l’événement ne manque pas de panache. Il y est question de fumée et de feu, il y est aussi question du bruit des trompettes qui ébranlent jusqu’au fondement de la montagne ( Exode 19/16-20). Luc emprunte une partie des détails de son récit au texte de l’Exode
et les incorpore à son tour à son propre récit. Mais à la différence avec le récit du Sinaï où seul Moïse est invité à monter sur la montagne avec quelques notables, ici c’est l’ensemble des habitants de Jérusalem qui font une expérience spirituelle. Cette expérience s’étend même jusqu’aux frontières du monde connu. C’est ce sens qu’il faut donner ici aux 15 nations mentionnées dans le récit. Juifs, prosélytes et aussi les païens ont droit à cette même expérience spirituelle et peuvent entrer dans une nouvelle relation avec Dieu. Luc emprunte aussi la description des langues à certains commentaires rabbiniques faisant état de langues pour décrire la voix de Dieu.

Tout se passe dans son récit comme si un nouveau big-bang était en train de redonner à la création toute entière une nouvelle dimension. Tout ce qui avait été altéré par l’action des hommes se trouvait renouvelé. Même l’événement de Babel où Dieu avait confondu les langues a été repris et réactualisé pour signifier que la nouvelle relation avec Dieu déborde maintenant les dimensions de la langue et de la culture. Une nouvelle relation s’installe donc entre Dieu et son peuple qui englobe désormais tout l’univers créé.

L’écrivain biblique mesure bien la dimension de la révolution qui était en train de se produire. Le discours tenu par Jésus alors qu’il était encore sur terre et qui deviendra l’Evangile, était devenu la seule norme qui devait régler les relations des humains entre eux et avec Dieu. Cette norme, nous le savons bien est a deux caractéristiques. Selon la première, les relations entre les hommes ne pourraient désormais être réglées que par l’amour. Selon la deuxième, plus difficile à admettre, Dieu se révèlerait désormais en quittant définitivement sa glorieuse divinité pour ne plus être désormais reconnu que comme un Père bienveillant.

Luc a bien mesuré le poids de l’enjeu, c’est pourquoi il a insisté sur l’aspect extraordinaire de l’événement. Le bouleversement cosmique qu’il décrit ici ne concerne pas particulièrement un événement plus ou moins spectaculaire, dont nous ne savons rien d’autre puisque Luc est le seul à le rapporter, mais le bouleversement qu’il décrit caractérise surtout le mode de penser des hommes qui voient s’effondrer une à une toutes les barrières que les hommes avaient dressées entre eux et Dieu. Pour que le lecteur ne s’attache pas à la matérialité du prodige, il utilise le mot "comme" pour caractériser les manifestations de l’événement : le bruit est "comme" celui d’un vent violent, les langues sont "comme du feu". Il insiste de cette manière sur l’aspect symbolique de l’événement qu’il rapporte et non sur sa matérialité.

Si Dieu est désormais accessible à tous, si les péchés pardonnés n’entravent plus les relations des hommes avec Dieu, il n’y aura plus besoin de clergé pour opérer les sacrifices, si l’amour devient la seule règle possible dans les relations humaines, il n’y aura plus besoin de structures autoritaires pour administrer la libre communauté des croyants.

Mais Luc n’est pas dupe. Cette réalité est plus facile à dire qu’à faire. Il sait qu’il lui faudra insister avec force sur ces vérités et les marteler à l’infini car les hommes auront du mal à les vivre en totalité. Bien qu’il insiste avec force sur le caractère irréversible de cette révolution spirituelle, il sait que très vite on rétablira une autre forme de religion avec son clergé et ses contraintes. On verra apparaître de nouvelles hiérarchies autoritaires et la libre foi fera lentement place à une religion plus ou moins contraignante. Il racontera avec tristesse et résignation comment ces réalités s’imposeront à l’Eglise naissante dans les chapitres suivants.

Mais rien ne devrait pouvoir altérer les principes acquis par cette révolutio
n spirituelle. Elle aurait du mettre un point final à toute prétention humaine de régler les problèmes du monde et même les problèmes spirituels à la place de Dieu. Ce ne fut évidemment pas le cas, et ce ne l’est toujours pas. Ce récit du livre des Actes nous permet pourtant de croire qu’il est possible d’espérer qu’un jour cette utopie d’un monde meilleur géré par l’amour de Dieu se réalisera et que les hommes enfin convertis au projet de Dieu pourront pratiquer l’amour des uns pour les autres en toute sérénité.

mardi 5 mai 2009

En Jésus les drames peuvent se revêtir d'espérance Jean 17/11-26 pour le dimanche 24 mai 2009






Jean 17/11-26

Je ne suis plus dans le monde ; eux sont dans le monde, et moi, je viens à toi. Père saint, garde-les en ton nom, ce nom que tu m'as donné, pour qu'ils soient un comme nous. 12Lorsque j'étais avec eux, moi, je les gardais en ton nom, ce nom que tu m'as donné. Je les ai préservés, et aucun d'eux ne s'est perdu, sinon celui qui est voué à la perdition, pour que l'Ecriture soit accomplie.
13Maintenant, je viens à toi, et je parle ainsi dans le monde pour qu'ils aient en eux ma joie, complète. 14Moi, je leur ai donné ta parole, et le monde les a détestés, parce qu'ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde. 15Je ne te demande pas de les enlever du monde, mais de les garder du Mauvais. 16Ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde. 17Consacre-les par la vérité : c'est ta parole qui est la vérité. 18Comme tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde. 19Et moi, je me consacre moi-même pour eux, pour qu'eux aussi soient consacrés par la vérité.

20Ce n'est pas seulement pour ceux-ci que je demande, mais encore pour ceux qui, par leur parole, mettront leur foi en moi, 21afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient en nous, pour que le monde croie que c'est toi qui m'as envoyé. 22Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, pour qu'ils soient un comme nous, nous sommes un, 23— moi en eux et toi en moi — pour qu'ils soient accomplis dans l'unité et que le monde sache que c'est toi qui m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé.

24Quant à ce que tu m'as donné, Père, je veux que là où, moi, je suis, eux aussi soient avec moi, pour qu'ils voient ma gloire, celle que tu m'as donnée parce que tu m'as aimé avant la fondation du monde. 25Père juste, le monde ne t'a jamais connu ; mais moi, je t'ai connu, et eux, ils ont su que tu m'as envoyé. 26Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître, pour que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux, comme moi en eux.






Michael D. O Brien


Par l'espérance qu'il puise dans l'Ecriture, Jésus se fait si proche de Dieu qu'il se fond en lui.



Seule la foi en Jésus Christ peut nous permettre de comprendre que l’espérance peut jaillir au cœur d’un échec total. Seul Jésus peut dire un échec en termes positifs et dire l’espérance au cœur des drames. Mais est-il toujours possible de voir la main de Dieu agir quand tout s’effondre autour de nous? Qui saura faire avec sagesse le bilan positif d’une vie anéantie? Tout cela nous pose vraiment question, cependant notre existence n’aurait aucun sens si Dieu ne venait accompagner par sa présence les drames de notre vie. Mais comment voir cette présence quand nous sommes aveuglés par ce qui devient incompréhensible à notre raison? Pourquoi Dieu semble-t-il absent quand nous souffrons le plus ? A travers l’expérience de Jésus nous espérons trouver une réponse, car nous savons que Dieu agit même si le malin nous cache sa présence.

Dans ces paroles de la prière sacerdotale, que l’Evangéliste Jean place dans la bouche de Jésus, nous avons la réponse de Dieu à tous les drames vécus par les hommes. Jésus se trouve dans une situation d’échec total et la mort en est la seule issue. Plus rien ne devrait avoir de sens pour lui. Ses amis qui sont encore autour de lui ne comprennent rien à sa situation et chacun à son tour va l’abandonner à la nuit du désespoir. Il va mourir d’une mort qu’il a choisie mais que personne ne comprend, et cela ne fait qu’accroître le sentiment d’abandon qu’il ressent. Le traître est déjà en train de faire son œuvre.

Ce décor d’angoisse que je viens de décrire a été planté par les autres Evangiles, mais il reste en toile de fond de cette ultime prière que Jésus prononce pour nous. Dans ce décor de cauchemar, jaillit la plus forte protestation d’espérance que peut proférer un humain. L’Evangéliste nous montre que Dieu peut être présent dans les drames de la vie, même si ce n’est pas cette présence que nous souhaitons. Nous comprenons qu’il peut donner du sens à l’aventure humaine, même quand elle n'en a plus. Nous pouvons alors actualiser tous nos échecs dans ce récit et entendre Jésus dire pour chacun de nous: « Père, je veux que là où je suis ceux que tu m’as donnés soient aussi... ». Mais si nous comprenons que Dieu est présent et donne du sens à ce qui n’en a pas, nous ne comprenons pas pourquoi il reste impuissant à modifier le cours des choses et à faire simple alors que tout nous paraît si compliqué.

Jésus se situe dans ce monde-ci, celui où nous sommes, mais il se tient à la frontière d’un autre monde que nous ne connaissons pas encore mais où se situe la réalité de Dieu. Le monde où nous sommes avec ses drames et ses échecs fait écran et nous empêche de voir une autre vérité qui est tout aussi réelle que celle du monde où nous sommes. Jésus nous permet d'entrevoir cette nouveauté et crée de la sérénité là où nous ne voyons que tristesse et souffrance. Il ne puise pas sa sérénité dans une sagesse spéciale qu’il serait le seul à connaître. Il la puise dans sa compréhension des Ecritures où il trouve un motif d'espérance. Il intègre complètement cette espérance et nous la rend possible. A son contact elle devrait devenir nôtre. Il l’intègre tellement qu’il finit par s’identifier à Dieu au point d’être confondu avec lui. C'est par l'espérance qu'il puise dans l'Ecriture qu'il se fait si proche de Dieu qu'il se fond en lui.

Jésus ne devient pas alors fils de Dieu par une naissance miraculeuse qui l'aurait mis à part, mais il le devient parce qu'il se fait porteur de l'espérance qu'il puise dans les Ecritures au point qu'il se trouve absorbé dans la divinité de Dieu. Etant de même nature que Jésus, nous avons accès au même sort que lui. Il nous devance seulement sur le chemin de la connaissance du salut. Tous nos désespoirs et tous nos échecs trouvent alors leur aboutissement en Dieu. Jésus s’avance sur le chemin de la connaissance de Dieu aussi démunis que nous le sommes, mais il nous encourage à le suivre et à l’imiter. C'est ainsi qu'en partageant son espérance nous devenons comme lui, un enfant de Dieu.

Le chemin qu'il propose est celui que peut suivre tout individu, s’il est guidé correctement. Jésus nous donne l’exemple et se propose d’être notre guide, tel Virgile dans la divine comédie guidant les pas de Dante ou tel l'ange guidant les pas de Jean dans l'Apocalypse. Rien ne se fait sans peine et sans
effort.

Tout a commencé à l’origine du monde. Pour comprendre cela il va falloir que nous fassions un long retour en arrière jusqu’aux temps de la création comme Jésus nous y invite quand il dit : « Tu m’as aimé dès avant la fondation du monde » Il nous ramène à l’origine de toute chose, quand après que le monde ait surgi hors du néant Dieu s’est intéressé à lui. Jésus a compris, le premier avant tous, qu’avant même que le monde soit, Dieu qui était déjà amour, se préparait à animer de cet amour les êtres pensants qui allaient devenir ses vis à vis et qu'il commençait déjà à aimer.

Autrement dit, avant même que ne retentisse dans l’univers qui n’existait pas encore, le fracas du big bang qu’aucune oreille n’avait pu entendre puisqu’il n’y en avait pas une seule, avant même que ce moment mythique ne se produise, existait déjà une pulsion d'amour qui allait animer ce qui n'était pas encore créé. Mais cela ne voulait pas dire que l’évolution du monde ne se ferait pas sans souffrance. Il n’était pas dit que malgré l’amour que Dieu allait prodiguer aux hommes, ceux-ci échapperaient aux difficultés de l’existence qu’ils allaient mener. Il n’était pas dit non plus que les hommes par leur péché allaient en rajouter.

Jésus a fait de la notion d'amour le code de lecture indispensable pour lire les Ecritures. C'est avec cette intuition, que Jésus a décrypté les Ecritures pour nous. Il a compris que cet amour était présent à chaque étape de la révélation. Ce n'était pas seulement une idée sublime, capable de nous faire rêver, il a découvert que l’amour pouvait se matérialiser. Toute sa personne a rendu compte de cette réalité et il est devenu dans sa personne l'expression de l'amour tel que Dieu l’avait conçu.

On aurait pu penser que s'étant approché de Dieu jusqu'à ce point, il allait entrer tout vivant dans le mystère de Dieu. Il n’en fut rien. Il aurait pu être comme ces grands sages de l’Inde qui à force d’ascèse et d’abstinence arrivent à s’identifier au divin si bien que leur apparence physique tend à s’estomper jusqu’à disparaître. On aurait pu croire que Jésus allait vivre la même initiation et que sa vie allait se terminer en étant absorbé par le divin.

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Mais il en a été autrement. Pour entraîner tous les hommes à sa suite il a consenti à aller jusqu' aux portes du néant pour que le néant s’ ouvre sur l’Eternité pour tous ceux qui le suivraient. Tout cela ne pouvait s’achever dans une pirouette où on aurait vu Jésus disparaître dans le divin. Il fallait que son action concerne aussi la matière. L’affrontement avec la mort devenait inévitable. Il fallait que le divin s’empare du néant et de la mort. La fin de Jésus telle que nous la connaissons devenait désormais inévitable. C’est donc porteur des promesses déjà contenues dans tout ce qui a préludé à la création que Jésus a vu venir la mort vers lui et qu’elle est devenue vie et éternité. La victoire sur la mort signifie donc qu’il n’y a désormais aucun lieu d’exclusion, aucune situation d’échec irrémédiable où Dieu ne puisse apporter une note d’espérance.


Tout cela en termes clairs signifie que depuis toujours Dieu s’efforce d’intégrer tous les drames humains, qu’il n’est indifférent à aucun échec. Jésus a montré que par sa mort le désespoir n’a aucune place dans les projets de Dieu pour les hommes. Bien entendu, le malin s’acharne à brouiller les cartes et à projeter sur nous la perturbation, mais il ne peut anéantir l’espace d’éternité que Dieu a inscrit en chacun de nous.
Doug Young (sculpteur de Caroline du Sud)