vendredi 26 mars 2010

Thomas : Jean 20:19-29 dimanche 11 avril




Jean 20:19-29

Le soir de ce jour-là, qui était le premier de la semaine, alors que les portes de l'endroit où se trouvaient les disciples étaient fermées, par crainte des Juifs, Jésus vint ; debout au milieu d'eux, il leur dit : Que la paix soit avec vous ! 20 Quand il eut dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples se réjouirent de voir le Seigneur. 21 Jésus leur dit à nouveau : Que la paix soit avec vous ! Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie. 22 Après avoir dit cela, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l'Esprit saint. 23 A qui vous pardonnerez les péchés, ceux-ci sont pardonnés ; à qui vous les retiendrez, ils sont retenus. 24 Thomas, celui qu'on appelle le Jumeau (Dydime), l'un des Douze, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint. 25 Les autres disciples lui dirent donc : Nous avons vu le Seigneur. Mais lui leur dit : Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous et ma main dans son côté, je ne le croirai jamais !

26 Huit jours après, ses disciples étaient de nouveau dans la maison, et Thomas avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient fermées ; debout au milieu d'eux, il leur dit : Que la paix soit avec vous ! 27 Puis il dit à Thomas : Avance ici ton doigt, regarde mes mains, avance ta main et mets-la dans mon côté ! Ne sois pas un incroyant, deviens un homme de foi ! 28 Thomas lui répondit : Mon Seigneur, mon Dieu ! 29 Jésus lui dit : Parce que tu m'as vu, tu es convaincu ? Heureux ceux qui croient sans avoir vu !

Aujourd’hui encore, nous allons partir à la recherche de la vérité sur notre âme. Il va être à nouveau question de résurrection, d’éternité et d’au-delà. Chaque fois, sans doute que ces questions sont abordées, nous ressentons des impressions contradictoires. Nous avons à la fois peur d’être ébranlés dans nos convictions et nous sommes désireux d’être confrontés dans nos constructions intellectuelles au sujet de ce fondement de notre foi qui est la résurrection. Nous ne nous lassons jamais d’aborder cette question, comme si elle n’était jamais un acquis définitif et comme si elle était toujours plus ou moins remise en cause par les événements de notre existence.

Nous ne pouvons pas non plus ne pas nous interroger sur le lourd silence de Dieu qui semble se taire et ne jamais répondre à nos questions angoissées sur l’avenir du monde et celui de nos personnes. Las de nous questionnements, nous avons parfois l’impression d’être bien seuls dans la cour des grands. On pourrait se demander si ce n’est pas parce que nous sommes si peu sûrs de nous que nous abordons si souvent la question de l’au-delà.

En fait la question du sens ultime de notre vie est au cœur de nos préoccupations, mais si nous y revenons aussi souvent ce n’est pas par inquiétude, c’est pour notre confort et notre plaisir car il nous est agréable et réconfortant d’entendre une fois de plus que nous sommes aimés de Dieu. C’est notre plaisir et notre joie de nous identifier à Dydime qu’on appelle aussi Thomas, ce nom signifie jumeau, mais jumeau de qui ? Il est le héros de cette histoire, c’est pour lui que le Seigneur revient tout spécialement du néant pour l’aider à structurer sa foi. N’est-il pas gratifiant de nous dire que le Seigneur revient spécialement du néant pour chacun de nous et qu’il s’intéresse à nous comme à la brebis perdue ou comme à cet incrédule de Thomas dont nos sommes la copie conforme. C’est notre plaisir de nous sentir cajolés par Dieu, car il y a un aspect confortable dans la foi chrétienne, celui de nous savoir dans une profonde relation d’amitié avec Dieu.

Nous allons donc aujourd’hui, nous promener avec délice sur les chemins du salut, comme on le ferait dans un jardin dont on connaît tous les recoins mais que l’on s’émerveille de retrouver différent à chaque promenade que nous y faisons. Rien n’est vraiment semblable à la visite précédente car chaque fleur, chaque brin d’herbe est une réalité vivante, et parce qu’elle est vivante la vie lui donne un aspect toujours changeant, ce qui fait que le jardin ravissant n’est jamais le même. Il en va de même pour le mystère de notre foi en la résurrection. Elle est certes, toujours la même, mais elle prend des colorations et des nuances différentes suivant les tonalités sur lesquelles il nous est proposé d’insister. Chaque lecture nous apporte un nouvel éclat, chaque commentaire un nouveau parfum et chaque fois notre relation à Dieu s’en trouve grandie, et notre foi n’en devient que plus vivante.

Pourtant, si Marie Madeleine découvre le ressuscité dans un jardin, les disciples apeurés le découvrent eux, dans une maison qu’ils ont transformée en un tombeau qu’ils ont refermé sur eux-mêmes. La nuit les environne et le lieu où ils se sont réfugiés est colmaté de l’intérieur pour les protéger contre tout danger pouvant venir du dehors. Pour eux le danger ne peut venir que de dehors et la sécurité ne peut être que dedans, même si ce dedans ressemble à une tombe, un lieu de néant et de déstructuration de l’individu. Nos protections humaines sont bien souvent dérisoires, mais nous avons confiance en elles. Pourtant, comme on va le voir, la vérité est tout autre. La vérité apparaît comme si les choses étaient inversées. La vie vient de l’extérieur que les apôtres redoutent tant, et la protection qu’ils se sont donnés ne peut que les enfermer dans la mort.

Dans cette tombe organisée par leurs soins pour se protéger, Jésus vient. Il bouscule leurs défenses. Il vient de dehors, là où ils croient qu’il y a du danger et il apporte la vie là où règne la crainte de la mort. Il nous est redit ici, que l’homme n’est pas capable de créer la vie et quand il veut l’organiser pour se rassurer, il ne fait que gérer un espace de mort, car la vie vient d’ailleurs et l’homme ne la maîtrise pas. La vie vient d’ailleurs d’une manière surprenante. C’est ce Jésus qu’ils ont déposé mort dans sa tombe, qui apporte la vie en pénétrant vivant dans leur tombe à eux. Comment s’y prend-il ? Personne ne s’en soucie mais tous en éprouvent de la joie. Pour participer à cette vie qui vient d’ailleurs, il faut d’abord identifier celui qui la donne : Jésus !

Il se fait reconnaître comme celui qui a dépassé la mort (Il montre ses mains et son côté). Nous sommes dans un processus de dépassement que seul Jésus peut réaliser pour nous, en notre présence. Thomas qui n’est pas là ne peut ni ne veut participer à leur expérience. Il ne partage ni leur joie ni leur certitude. Il est en dehors de l’espérance parce qu’il lui faut faire l’expérience de la rencontre.

La foi ne se communique pas d’homme à homme. Les certitudes qui font vivre les uns ne peuvent faire vivre les autres tant qu’ils n’ont pas fait leur propre expérience spirituelle et leur propre rencontre avec Dieu. Certainement les apôtres savaient tout sur la résurrection. Depuis longtemps, il était acquis que Dieu ne pouvait pas abandonner ses fidèles dans le séjour des morts, mais cela ne leur servait à rien. Cette certitude ne leur était pas d’un grand secours dans le drame qu’ils vivaient. Les choix intellectuels ne peuvent remplacer les certitudes de la foi. Des livres ont été écrits, des débats télévisés ont été organisés, des cafés philo ou des cafés théo ou des cafés psycho se tiennent régulièrement pour parler des mystères de l’au-delà. Certains même cherchent des preuves évidentes de la survie de l’âme voire même de son immortalité. Et certains croient même apporter des preuves. Et après?

Les convictions des uns aident certainement les autres à forger les leurs, et c’est bien. Elles sont parfois en opposition et curieusement ont arrive à construire des systèmes avec des éléments qui se contredisent. Certains expliquent par exemple d’une manière qui leur parait logique qu’il n’y a ni opposition ni contradiction entre métempsycose et résurrection? Bien que cela semble surprenant, est-ce que cela dérange quelqu’un? Chacun a le droit de se promener dans les méandres des Ecritures et d’y trouver ce qu’il a envie d’y trouver. Mais cela ne remplace pas la rencontre qui suscite la foi. L’événement fondateur de la foi reste la rencontre avec le ressuscité quelle que soit la forme que prend cette rencontre.

Dans ce passage le ressuscité force les préventions des hommes apeurés. Il ne se préoccupe pas de leurs a priori théologiques. Il souffle la vie sur eux. Il organise pour ceux qui sont là un projet de vie qui les provoque et nous provoque aussi d’une manière surprenante. C’est comme s’ils étaient déjà ressuscités. La rencontre avec le ressuscité est tellement forte qu’elle supprime par avance l’épisode douloureux de la mort de chacun. C’est comme s’ils ne devaient pas mourir. Tout en étant toujours ici bas, ils sont déjà ressuscités. Cet événement se produit chaque fois que quelqu’un, est confronté avec la résurrection.

Huit jour après ce sera Thomas, qui en fera l’expérience, et puis après lui, il y en aura des milliers. Il ne sera même plus besoin de voir le ressuscité, il suffit de recevoir d’une manière ou d’une autre l’intime conviction de sa présence. Il nous appartient alors de construire notre existence terrestre en tenant compte de cet acquis que Jésus ne remet pas en cause. Bien que vivant dans ce monde, nous sommes déjà au bénéfice de la résurrection.

On devrait bien évidemment s’arrêter là, et c’est ce que je vais faire. La promenade que nous avons commencée dans le jardin des Ecritures doit s’arrêter, car nous n’avons pas encore fini de le visiter. Il faudra y faire d’autres parcours, car il reste des zones d’ombres, des sentiers inexplorés. Il y a toujours et encore des résistances en nous. Si nous sommes ressuscités, nous ne le sommes qu’en devenir, si nous devons devenir parfaits, nous ne le sommes pas encore, ça se verrait. Nous ne pouvons pas ignorer qu’il y a encore des mauvaises herbes qui encombrent les parterres. Ce sont les doutes de notre vie. Nous ne pouvons pas non plus ignorer les pierres du chemin qui nous font tomber au risque de nous blesser profondément. Les handicaps de la vie et les provocations de l’histoire ne sauraient cependant altérer la conviction que la partie est gagnée. Cela ne peut pas remettre en cause la beauté du jardin divin où j’ai essayé de faire quelques pas avec vous. Cela vous invite simplement à faire chaque jour une nouvelle promenade en compagnie de celui qui vous a déjà ressuscité, car plus vous vous y promènerez, plus vous trouverez que ce jardin est joli, plus les mauvaises herbes disparaîtront et mieux vous saurez contourner les pierres du chemin. Amen.


mardi 16 mars 2010

Emmaüs Luc 24:13-35 Dimanche de Pâques 4 avril 2010


Sur le chemin d'Emmaüs

Luc 24: 13-35
Or, ce même jour, deux d'entre eux se rendaient à un village du nom d'Emmaüs, à soixante stades de Jérusalem, 14 et ils s'entretenaient de tout ce qui s'était passé. 15 Pendant qu'ils s'entretenaient et débattaient, Jésus lui-même s'approcha et fit route avec eux. 16 Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. 17 Il leur dit : Quels sont ces propos que vous échangez en marchant ? Ils s'arrêtèrent, l'air sombre. 18 L'un d'eux, nommé Cléopas, lui répondit : Es-tu le seul qui, tout en séjournant à Jérusalem, ne sache pas ce qui s'y est produit ces jours-ci ? 19 — Quoi ? leur dit-il. Ils lui répondirent : Ce qui concerne Jésus le Nazaréen, qui était un prophète puissant en œuvre et en parole devant Dieu et devant tout le peuple, 20comment nos grands prêtres et nos chefs l'ont livré pour qu'il soit condamné à mort et l'ont crucifié. 21 Nous espérions que ce serait lui qui apporterait la rédemption à Israël, mais avec tout cela, c'est aujourd'hui le troisième jour depuis que ces événements se sont produits. 22 Il est vrai que quelques femmes d'entre nous nous ont stupéfiés ; elles se sont rendues de bon matin au tombeau et, 23 n'ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire qu'elles avaient eu une vision d'anges qui le disaient vivant. 24 Quelques-uns de ceux qui étaient avec nous sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses tout comme les femmes l'avaient dit ; mais lui, ils ne l'ont pas vu.

25 Alors il leur dit : Que vous êtes stupides ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce qu'ont dit les prophètes ! 26 Le Christ ne devait-il pas souffrir de la sorte pour entrer dans sa gloire ? 27 Et, commençant par Moïse et par tous les Prophètes, il leur fit l'interprétation de ce qui, dans toutes les Ecritures, le concernait. 28 Lorsqu'ils approchèrent du village où ils allaient, il parut vouloir aller plus loin. 29 Mais ils le pressèrent, en disant : Reste avec nous, car le soir approche, le jour est déjà sur son déclin. Il entra, pour demeurer avec eux. 30 Une fois installé à table avec eux, il prit le pain et prononça la bénédiction ; puis il le rompit et le leur donna. 31 Alors leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent ; mais il disparut de devant eux. 32 Et ils se dirent l'un à l'autre : Notre cœur ne brûlait-il pas en nous, lorsqu'il nous parlait en chemin et nous ouvrait le sens des Ecritures ? 33 Ils se levèrent à ce moment même, retournèrent à Jérusalem et trouvèrent assemblés les Onze et ceux qui étaient avec eux, 34qui leur dirent : Le Seigneur s'est réellement réveillé, et il est apparu à Simon ! 35 Ils racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin, et comment il s'était fait reconnaître d'eux en rompant le pain.
Nous connaissons tous l’histoire de ce pilote perdu dans un désert de sable après une avarie de moteur. Sa vie n’avait plus beaucoup de sens, son avenir était compromis quand un enfant, débarqué d’une planète inconnue vint lui expliquer le sens des choses en lui parlant d’un mouton, d’une rose et d’un renard et de mille autres choses apparemment sans importances, mais capitales pour cet enfant qui analysait les problèmes des grands avec sa candeur innocente.

La plupart de ceux qui habitent notre planète sont agités par tant de questions vitales auxquelles on ne donne que des réponses contradictoires qu’ils se découvrent à leur tour comme des naufragés dans un désert sans Dieu en quête d’un petit Prince qui leur expliquerait simplement les mystères de la vie. Nous aimerions nous arrêter un instant dans cette course insensée pour dire au petit Prince : « parle-nous de Dieu ! » Peut-être bien que par des évidences toutes simples, il pourrait nous dire ce qui concerne l’infini de notre âme ? Mais déjà s’installe en nous un doute : le mystère de Dieu est-il aussi simple à résoudre que le problème qui consiste à protéger une rose contre les dents acérées d’un mouton vorace.

Pour les deux hommes qui marchent devant nous sur le chemin qui les mène à un village inconnu le mystère de Dieu reste opaque.  Ce chemin vers l'inconnu, c'est l'histoire de leur vie. Ils sont persuadés que le Dieu auquel ils croyaient les a abandonné si bien que le projet de vie qu’ils avaient élaboré à son sujet s’est effondré, ils marchent vers un village que personne ne connaît et où sans doute personne ne les attend. Ce village va prendre pour nous une valeur symbolique, il désigne notre avenir, tel un lieu où nous dirigerions nos pas et que nous ne connaissons pas. Les informations que nous percevons à son sujet sont contradictoires et souvent inquiétantes. Mais nous allons découvrir que sur ce chemin qui y mène, Celui qui désormais est vivant chemine aussi. Il est Dieu, il est homme, il habite notre avenir.

Il est certain que les questions que l’on se pose sur Dieu ne sont pas sans intérêt dans cette recherche que nous menons sur l’avenir, mais qui s’intéresse à Dieu ? En fait, ceux qui s’intéressent à Dieu et qui ne tarissent pas d’éloge à son sujet cherchent à nous entraîner dans un programme récupérateur qui placerait les hommes et Dieu dans un monde hors de la réalité et nous n’avons pas envie de plonger dans l’univers glauque des sectes irréalistes. En tout cas ce n'est pas dans cette direction que l'Evangile nous entraîne.

Par contre, si nous interrogeons, nos voisins, nos amis, nos compagnons de travail sur ce même sujet nous les verrons opérer une forme de repli, et leurs réponses nous rapprocheront de ces deux compagnons dont nous suivons la trace. Comme eux ils vont évoquer un passé décevant. Ils vont nous dire que jadis, ils allaient à l’Eglise, qu’ils fréquentaient le catéchisme ou l’école du dimanche, ou même qu’ils ont été enfant de chœur. Puis, tout s’est arrêté.

Déçus par Dieu ou par les hommes, ils ont suivi le penchant ordinaire de ce siècle, ils ont cessé de croire et se sont mis à vivre comme si ce monde avait été déserté par Dieu. Ils prétendent, en tout cas c’est ce qu’ils disent, que l’existence qu’ils mènent sans Dieu n’est pas plus mauvaise que celle qu’ils menaient avant. Ils suivent leur chemin sans se douter que sur la route qui les mène nulle part, quelqu’un marche à leurs côtés.

Ils croient suivre une route solitaire, mais il n’en est rien. Ils croient même avoir perdu la foi, mais il n’en est rien. La seule chose qui ne va pas en eux c’est qu’ils ont perdu leurs repères. C’est pour cette même raison que les deux pèlerins que nous suivons ont quitté Jérusalem. Pourtant la suite de l’histoire va nous montrer que la vérité était à Jérusalem qu’ils viennent de quitter et qu’ils vont désormais vers l’inconnu où la vérité est absente.

Pour nos contemporains qui suivent des itinéraires parallèles, peut-on dire que le passé vécu dans une foi chancelante contient plus de vérité que le présent où il n’y a plus apparemment de manifestation de la foi ? C’est sans doute là que se situe le problème.

Les deux hommes sur le chemin d’Emmaüs entrent facilement en conversation avec l’inconnu qui marche à leur côté tant il est vrai que l’on se confie facilement quand on a une détresse à partager. C’est même une bonne manière d’exorciser son chagrin. Ils ouvrent leur cœur à l’inconnu, ils parlent de leurs déceptions, du prophète assassiné qui a emporté dans la mort tous leurs projets. Ils rapportent aussi tous les signes d’espérance qu’ils avaient reçus avant leur départ, les propos des femmes, le tombeau vide. Ils savaient tous ça, mais ils n’avaient rien compris. Ils avaient maintenant besoin qu’on leur parle de ce qu’ils savaient déjà mais cette connaissance n’avait encore produit aucun effet en eux.

Ils étaient le portrait type de ces hommes et de ces femmes d’aujourd’hui qui ont rejeté Dieu parce qu’ils n’ont pas su en repérer la trace dans leur vie. Sans doute ont-ils été choqué par un détail qui avait heurté leur logique ou parce que Dieu ne leur apparait pas comme ils se l’imaginent. Ils ne savaient pas et ils ne savent toujours pas que Dieu lui-même est un infatigable compagnon de marche. Il accompagne les hommes sans obéir à leur volonté. Il donne volontiers des explications si on ne lui impose pas ce qu’on croit être les bonnes solutions. Il ne nous impose pas de croire ce que notre raison refuse d’admettre. Il se tient dans le silence de notre être.

Il est toujours accessible à toute forme de contact avec nous, dans la mesure où nous acceptons de nous laisser accompagner par lui sans lui dire ce qu’il doit être ni ce qu’il doit faire.

L’Evangile ne s’arrête pas le jour de Pâques. La bonne nouvelle de la résurrection n’est pas seulement un événement que l’on commémore à date fixe. Ce n'est pas une façade qui ne recouvre aucune réalité. La résurrection, c’est aussi lune fenêtre ouverte sur une autre vie possible. Cela signifie que Dieu chemine avec nous sur cette terre et qu’il nous mobilise dans toutes sortes de projets qui donneront vie aux hommes.

Mais comment Dieu se fait-il connaître ? Comment sait-on qu’il est là ? Dans le récit que nous en a fait Luc. L’inconnu entre dans l’auberge avec eux et il s’assoit. Il rompt le pain et dit la bénédiction. Ce sont là les gestes de la vie quotidienne, ce sont les gestes de la vie sociale, de l’amitié partagée. Il n’y a aucun prodige dans ces gestes, pas de miracle non plus. Mais toutes les fois que quelqu’un les fait en notre présence, cela nous rappelle que Jésus est mort en les accomplissant et qu’en les faisant, il rendait visible la présence de Dieu au cœur de tous les hommes.

Tout au cours du parcours qu’ils ont suivi avec Jésus, les deux hommes ont bien senti que quelque chose brûlait à l’intérieur d’eux-mêmes quand ils marchaient avec l’inconnu. Le saint Esprit était à l’œuvre alors qu’ils marchaient. Il en va de même pour chacun de nous. Dieu nous réserve des instants d’émotion et des moments où l’on sent vibrer des sensations au fond de nous-mêmes. C’est dans ces moments là qu’il faut apprendre à écouter ce qui se passe en nous.

C’est alors que Jésus se laissera connaître et que nous pourrons comprendre  qu'il agit en nous au nom de Dieu. C’est alors que les choses prendront du sens, nous découvrirons que tout ce que nous devons savoir sur Dieu est déjà en nous comme un gisement encore inexploitée. Il suffit de prêter attention à celui qui crée des émotions en nous pour que nous sachions, sans le savoir vraiment que ce que nous pressentons devient réalité en nous.

La découverte de l’action de Dieu en nous relève donc de la même logique que celle du Petit Prince qui ne comprenait pas pourquoi les adultes rendaient si complexe ce qui était si simple pour l’enfant. Dieu ne nous a pas abandonnés sur les chemins du monde sans aucune provision pour la route et sans compagnon pour marcher avec nous. Il nous demande quand même de faire un effort pour le remarquer. Dieu a tout mis en nous, le savoir et le dynamisme, mais c’est à nous qu’il appartient de nous mettre en route. C’est ce que font alors nos deux amis qui cessent de diriger leurs pas vers le village inconnu mais qui tournent leurs regards vers le lieu de vie qui est ici représenté par Jérusalem.




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mardi 9 mars 2010



Dimanche 28 mars 2010, les Rameaux
L'entrée de Jésus à Jérusalem Luc 19 :28-48 28
Après avoir ainsi parlé, il partit en avant et monta vers Jérusalem. 29 Lorsqu'il approcha de Bethphagé et de Béthanie, près du mont dit des Oliviers, il envoya deux de ses disciples, 30 en disant : Allez au village qui est en face ; quand vous y serez entrés, vous trouverez un ânon attaché, sur lequel aucun homme ne s'est jamais assis ; détachez-le et amenez-le. 31 Si quelqu'un vous demande : « Pourquoi le détachez-vous ? », vous lui direz : « Le Seigneur en a besoin. » 32 Ceux qui avaient été envoyés s'en allèrent et trouvèrent les choses comme il leur avait dit. 33 Comme ils détachaient l'ânon, ses maîtres leur dirent : Pourquoi détachez-vous l'ânon ? 34 Ils répondirent : Le Seigneur en a besoin. 35 Et ils l'amenèrent à Jésus ; puis ils jetèrent leurs vêtements sur l'ânon et firent monter Jésus. 36 A mesure qu'il avançait, les gens étendaient leurs vêtements sur le chemin. 37 Il approchait déjà de la descente du mont des Oliviers lorsque toute la multitude des disciples, tout joyeux, se mirent à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu'ils avaient vus. 38 Ils disaient : Béni soit celui qui vient, le roi, au nom du Seigneur ! Paix dans le ciel et gloire dans les lieux très hauts ! 39Quelques pharisiens, du milieu de la foule, lui dirent : Maître, rabroue tes disciples ! 40 Il répondit : Je vous le dis, si eux se taisent, ce sont les pierres qui crieront !
Jésus pleure sur Jérusalem
41 Quand, approchant, il vit la ville, il pleura sur elle 42en disant : Si toi aussi tu avais su, en ce jour, comment trouver la paix ! Mais maintenant cela t'est caché. 43 Car des jours viendront sur toi où tes ennemis t'entoureront de palissades, t'encercleront et te presseront de toutes parts ; 44 ils t'écraseront, toi et tes enfants au milieu de toi, et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n'as pas reconnu le temps de l'intervention divine.
Jésus chasse les vendeurs du temple
45 Entré dans le temple, il se mit à chasser les marchands 46 en leur disant : Il est écrit : Ma maison sera une maison de prière. Mais vous, vous en avez fait une caverne de bandits.
- Dans votre enfance, n’étiez-vous pas fascinés par les aventures des Trois mousquetaires ou de Robin des bois? Si bien sûr! Et puis un jour, les personnages ont perdu leur attrait et vous n’avez plus du tout rêvé en pensant à eux, c’est que vous aviez grandi. Si vous êtes devenus moins sensibles c’est que vous avez perdu vos illusions et que votre faculté de rêver s’est affadie. Pour comprendre toute cette histoire que nous avons lue, il va falloir que nous fassions un effort sur nous-mêmes pour revenir à l’époque candide de notre enfance et retrouver en d’Artagnan et Robin des bois les héros qui nous avaient fascinés.

Ces héros avaient consacré leur vie à sauver l’honneur de leurs rois. Ils avaient accepté de tout sacrifier pour que Richard Cœur de Lion, redevienne roi d’Angleterre ou que le Roi Louis XIII ne perde pas son honneur face aux intrigues du Cardinal. Ils étaient liés corps et âme à la personne de leur roi. Jésus ranime en nous ces sentiments d’absolu que seuls les enfants du CM2 ont encore.

Il organise donc une parodie de procession royale au cours de laquelle il fait appel à nos sentiments les plus nobles. Il réclame de ceux qui participent à cette aventure qu’ils aient envers lui la même fidélité que celle que les partisans de Robin des Bois avaient pour Richard Cœur de Lion. les romanciers qui ont imaginé ces récits avaient inventé des hommes dont la grandeur d’âme était telle qu’ils s’engageaient à mourir si nécessaire pour leur roi. C’est cette loyauté là que Jésus revendique de notre part pour lui.

Il organise alors une saynète, dans laquelle il se donne le premier rôle et où il propose à ses amis de jouer le rôle des ses sujets. Bien sûr il pense aux rois David et Salomon. Pardonnez-moi si j’ai extrapolé en utilisant des héros d’un autres siècles pour introduire mon propos, mais ceux que j’ai choisis vous sont sans doute plus familiers. Jésus organise donc un jeu de rôle dont ses amis doivent tirer la leçon.

La Leçon dépasse bien sûr la fiction. Il appartient maintenant à chacun d’entre-nous de déterminer s’il accepte de se cantonner au niveau du jeu ou s’il court le risque de s’investir plus personnellement et de chercher à savoir ce que tout cela représente pour lui. Pour Jésus, on le sait, ce n’est pas seulement un jeu, il entend bien être roi, non pas roi de carnaval dont il joue le rôle ici, non pas non plus le roi politique dont Pilate cherchera à l’affubler du titre, mais il veut être le roi de nos vies intérieures, le roi qui gère notre avenir et notre devenir.

Nous seuls savons quel rôle nous décidons qu’il va tenir dans notre existence. Et si aujourd’hui, nous célébrons Jésus comme notre roi, ce ne sera pas pour le trahir demain en faisant comme s’il n’avait rien à voir dans notre existence.
Si cette histoire nous est rapportée dans l’Évangile, c’est que les évangélistes ont fort bien compris qu’il fallait proposer ce jeu de rôle à chaque génération de chrétiens. A chacun de nous, chaque année, à cette même époque, il nous est proposé de nous déterminer au sujet du pouvoir que nous laissons à Jésus le soin de prendre sur nous. Notre relation à Jésus est-elle seulement une relation de façade ou intériorisons-nous cette histoire? Acceptons-nous de rentrer dans le jeu et acceptons-nous de lui abandonner notre vie, notre âme et comme les mousquetaires acceptons-nous de mettre notre épée à son service pour le meilleur et pour le pire?

Notre épée, n'est pas pour nous une arme en acier, c’est tout ce dont nous disposons, c’est notre métier, nos capacités intellectuelles ou physiques, c’est tout ce qui nous rend forts aux yeux des hommes. Quand les mousquetaires mettaient leur épée au service du roi, ils n’en attendaient rien de lui,  leur seule récompense était la satisfaction du devoir accompli. Leur relation avec leur roi s’arrêtait là et ça leur suffisait. Quant à Jésus apparemment il ne nous en propose pas davantage, si non, et ce n’est pas rien, de remplir notre âme de paix et de sérénité. Mais le récit ne s’arrête pas là seulement.

Jésus poursuit sa montée vers le Temple dans lequel il va jeter le trouble. Il entraîne dans cette entreprise ceux qui le suivent. Là encore, dans ce Lieu Saint, il se livre à un nouveau jeu de rôle. Il bouscule les étales des commerçants et des changeurs de monnaie. Il met de l’ordre dans la maison de son Père, dit-il. Il se donne lui-même en spectacle et chacun doit en tirer la leçon en se demandant ce que signifie le fait qu’il est venu mettre de l’ordre dans le lieu de prière.

Si Jésus propose de se livrer dans le temple à un jeu de rôle, n’est-ce pas pour nous dire que notre âme est, elle aussi un temple dédié  à l’Éternel, un lieu où se formulent les prières qui lui sont adressées. L’apôtre Paul ne dira-t-il pas que notre corps est un temple pour Dieu et Jésus lui-même parlera du temple de son propre corps. Il faut donc, pour que Jésus soit parfaitement notre roi, qu’il s’empare de toute notre personne, qu’il y fasse le ménage et qu’il nous rende aptes à rendre un culte raisonnable au Seigneur.

La royauté de Jésus se fait donc en deux temps sur nous. Dans un premier temps nous l’acceptons pour roi, et dans un deuxième temps, il se met à régner en nous. Il me semble que dans ce passage pour lequel j’ai volontairement fait une lecture allégorique, il nous est suggéré que pour réaliser notre vocation de créature du Seigneur il nous faut accepter Jésus comme roi. Cela dépend de nous, de notre choix et de notre désir. Jésus ne s’impose nullement à nous, il s’offre à nous.

Si nous lui faisons allégeance, il nous, faut courir le risque d’être incompris des autres, d’être rejeté ou d’avoir l’air ridicule, l’allégeance à Jésus n’est pas gratifiante, elle n’apporte apparemment aucun avantage, mais elle fait naître en nous l’espérance et ouvre en nous une vie intérieure qui met notre âme en paix. Mais tout cela n’est que la première partie de l’opération, il faut maintenant que Jésus se mette à l’œuvre pour travailler notre âme de l’intérieur. Et c’est là que le bât nous blesse, c’est là que nous renâclons.

En effet, choisir Jésus pour roi correspond bien à notre libre choix. Et par ce libre choix, nous affirmons la gratuité du salut, le salut par la foi, "la sola fide," chère aux Réformateurs et nous nous en tenons là. Nous répugnons alors à laisser Jésus travailler en nous pour transformer notre être intérieur, afin que notre vie devienne conforme à la foi que nous professons. Nous répugnons à nous laisser manipuler par Jésus pour qu’il redresse ce qu’il y a de tordu en nous. Nous avons du mal à accepter Jésus dans le rôle de Kinésithérapeute de nos âmes. Pourtant, il faut que Jésus entreprenne un combat contre nous-mêmes pour que notre vie lui soit toute dédiée et que tout notre être devienne un Temple consacré à l’Éternel.

Cela ne peut être que le fruit d’un long combat que Jésus mène dans le cœur de tous les croyants pour qu’ils soient en accord avec la foi qu’ils professent. Ce combat provoque en nous la repentance qui entraîne le pardon et le pardon donné par Dieu approfondit l’amitié qui nous unit à lui. A mesure que Jésus s’empare de notre personne, à mesure que nous prenons conscience du pardon, à mesure que le Temple de notre corps s’ouvre aux exigences du Seigneur, s’établit en nous une sérénité qui nous fait entrer lentement dans la plénitude de Dieu. Cet effet est le fruit de la résurrection qui s’installe en nous.

Il est ainsi donné aux croyants que nous sommes de pouvoir vivre dès ici bas la réalité de la résurrection. C’est ce qui fait dire à Paul « si je vis, ce n’est pas moi qui vit, mais Christ qui vit en moi, » et Wesley de rajouter : « je sais que j’habite en Christ, je suis l’os de ses os et la chair de sa chair; »
La résurrection, on le sait, à demandé à Jésus de livrer combat contre les forces hostiles à Dieu, mais il prolonge ce combat en nous, pour que purifiés par lui , nous apportions à Dieu l’adoration qui lui est due et que nous jouissions dès maintenant de la sérénité que donne la résurrection. .