samedi 28 décembre 2013

Actes 10: 34-38



Actes 10 : 34-38  un autre sermon pour le dimanche 12 janvier 2014

Pour la commodité du lecteur, nous publions la totalité du récit  alors que le texte concernant le sermon va du verset 34 à 38 que nous avons reproduits en gras

Chapitre 10

Pierre appelé chez Corneille

1 Il y avait à Césarée un homme appelé Corneille, qui était capitaine dans un bataillon romain dit « bataillon italien ». 2 Cet homme était pieux et, avec toute sa famille, il participait au culte rendu à Dieu. Il accordait une aide généreuse aux pauvres du peuple juif et priait Dieu régulièrement. 3 Un après-midi, vers trois heures, il eut une vision : il vit distinctement un ange de Dieu entrer chez lui et lui dire : « Corneille ! » 4 Il regarda l'ange avec frayeur et lui dit : « Qu'y a-t-il, Seigneur ? » L'ange lui répondit : « Dieu a prêté attention à tes prières et à l'aide que tu as apportée aux pauvres, et il ne t'oublie pas. 5 Maintenant donc, envoie des hommes à Jaffa pour en faire venir un certain Simon, surnommé Pierre. 6 Il loge chez un ouvrier sur cuir nommé Simon, dont la maison est au bord de la mer. » 7 Quand l'ange qui venait de lui parler fut parti, Corneille appela deux de ses serviteurs et l'un des soldats attachés à son service, qui était un homme pieux. 8 Il leur raconta tout ce qui s'était passé, puis les envoya à Jaffa.

9 Le lendemain, tandis qu'ils étaient en route et approchaient de Jaffa, Pierre monta sur le toit en terrasse de la maison, vers midi, pour prier. 10 Il eut faim et voulut manger. Pendant qu'on lui préparait un repas, il eut une vision. 11 Il vit le ciel ouvert et quelque chose qui en descendait : une sorte de grande nappe, tenue aux quatre coins, qui s'abaissait à terre. 12 Et dedans il y avait toutes sortes d'animaux quadrupèdes et de reptiles, et toutes sortes d'oiseaux. 13 Une voix lui dit : « Debout, Pierre, tue et mange ! » 14 Mais Pierre répondit : « Oh non ! Seigneur, car je n'ai jamais rien mangé d'interdit ni d'impur. » 15 La voix se fit de nouveau entendre et lui dit : « Ne considère pas comme impur ce que Dieu a déclaré pur. » 16 Cela arriva trois fois, et aussitôt après, l'objet fut remonté dans le ciel.

17  Pierre se demandait quel pouvait être le sens de la vision qu'il avait eue. Or, pendant ce temps, les hommes envoyés par Corneille s'étaient renseignés pour savoir où était la maison de Simon et ils se trouvaient maintenant devant l'entrée. 18 Ils appelèrent et demandèrent : « Est-ce ici que loge Simon, surnommé Pierre ? » 19 Pierre était encore en train de réfléchir au sujet de la vision quand l'Esprit lui dit : « Écoute, il y a ici trois hommes qui te cherchent. 20 Debout, descends et pars avec eux sans hésiter, car c'est moi qui les ai envoyés. » 21 Pierre descendit alors auprès de ces hommes et leur dit : « Je suis celui que vous cherchez. Pourquoi êtes-vous venus ? » 22 Ils répondirent : « Nous venons de la part du capitaine Corneille. C'est un homme droit, qui adore Dieu et que tous les Juifs estiment. Un ange de Dieu lui a recommandé de te faire venir chez lui pour écouter ce que tu as à lui dire. » 23 Pierre les fit entrer et les logea pour la nuit. Le lendemain, il se mit en route avec eux. Quelques-uns des frères de Jaffa l'accompagnèrent. 

24  Le jour suivant, il arriva à Césarée. Corneille les y attendait avec des membres de sa parenté et des amis intimes qu'il avait invités. 25 Au moment où Pierre allait entrer, Corneille vint à sa rencontre et se courba jusqu'à terre devant lui pour le saluer avec grand respect. 26 Mais Pierre le releva en lui disant : « Lève-toi, car je ne suis qu'un homme, moi aussi. » 27  Puis, tout en continuant à parler avec Corneille, il entra dans la maison où il trouva de nombreuses personnes réunies. 28 Il leur dit : « Vous savez qu'un Juif n'est pas autorisé par sa religion à fréquenter un étranger ou à entrer dans sa maison. Mais Dieu m'a montré que je ne devais considérer personne comme impur ou indigne d'être fréquenté. 29 C'est pourquoi, quand vous m'avez appelé, je suis venu sans faire d'objection. J'aimerais donc savoir pourquoi vous m'avez fait venir. » 30 Corneille répondit : « Il y a trois jours, à la même heure, à trois heures de l'après-midi, je priais chez moi. Tout à coup, un homme aux vêtements resplendissants se trouva devant moi 31 et me dit : “Corneille, Dieu a entendu ta prière et n'oublie pas l'aide que tu as apportée aux pauvres. 32 Envoie donc des hommes à Jaffa pour en faire venir Simon, surnommé Pierre. Il loge dans la maison de Simon, un ouvrier sur cuir qui habite au bord de la mer.” 33 J'ai immédiatement envoyé des gens te chercher et tu as bien voulu venir. Maintenant, nous sommes tous ici devant Dieu pour écouter tout ce que le Seigneur t'a chargé de dire. »

Le discours de Pierre chez Corneille

 34 Pierre prit alors la parole et dit : « Maintenant, je comprends vraiment que Dieu n'avantage personne : 35 tout être humain, quelle que soit sa nationalité, qui le respecte et fait ce qui est juste, lui est agréable. 36 Il a envoyé son message au peuple d'Israël, la Bonne Nouvelle de la paix par Jésus-Christ, qui est le Seigneur de tous les hommes. 37 Vous savez ce qui est arrivé d'abord en Galilée, puis dans toute la Judée, après que Jean a prêché et baptisé. 38 Vous savez comment Dieu a répandu la puissance du Saint-Esprit sur Jésus de Nazareth. Vous savez aussi comment Jésus a parcouru le pays en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui.


39 Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu'il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. On l'a fait mourir en le clouant sur la croix. 40 Mais Dieu lui a rendu la vie le troisième jour ; il lui a donné d'apparaître, 41 non à tout le peuple, mais à nous que Dieu a choisis d'avance comme témoins. Nous avons mangé et bu avec lui après que Dieu l'a relevé d'entre les morts. 42 Il nous a commandé de prêcher au peuple et d'attester qu'il est celui que Dieu a établi pour juger les vivants et les morts. 43

43Tous les prophètes ont parlé de lui, en disant que quiconque croit en lui reçoit le pardon de ses péchés par le pouvoir de son nom. »
Des non-Juifs reçoivent le Saint-Esprit
44 Pendant que Pierre parlait encore, le Saint-Esprit descendit sur tous ceux qui écoutaient son discours.




Notre regard se porte en arrière, sur l’année à peine écoulée. C’est avant tout, les moments heureux que   nous retiendrons, mais pas seulement. Nous nous efforcerons d’y découvrir la trace de Dieu dans les différents moments  de notre existence passée. Nous n’avons pas forcément  discerné sa présence au moment où se produisaient les événements, mais maintenant il nous est donné de faire le point sur ce qui a eu lieu, et pour être honnêtes avec nous-mêmes nous nous devons de réaliser que l’esprit de Dieu a soufflé sur nous, peut-être à notre insu.

Nous n’oublierons pas non plus les événements douloureux qui nous ont fait souffrir et qui ont attristé notre âme. Dans ces événements aussi,  nous n’omettrons pas de repérer que le souffle de l’esprit divin ne nous a pas fait défaut.

Forts de ces réflexions, tournons-nous vers le futur pour y faire le même constat, car nous savons que l’esprit de Dieu y travaille déjà. Dieu travaille ainsi en nous pour que cette année qui vient soit heureuse. Et elle le sera, car l’Esprit de Dieu qui a travaillé en nous pour que nous franchissions les étapes du passé, travaille déjà en nous pour que nous réalisions sous son inspirations les diverses étapes du futur. L’année qui vient sera donc  riche de tout ce que nous  y apporterons.  Les événements qui se réaliseront demain  trouvent déjà leur origine et leur source d’inspiration dans l’esprit qui déjà habite en nous.


Ces quelques réflexions vont nous aider  à comprendre ce passage du livre des Actes proposé pour ce jour car le Saint Esprit y  joue un grand rôle. Il y prend même la première place. Il se présente à nous à la manière d’un conte de Noël, c’est pourquoi il nous faut lire tout le texte et non pas seulement les quelques versets choisis pour aujourd’hui.  Ce  passage commence par le récit d’un événement qui se produit dans la maison d’un officier romain tout proche de se convertir. Il reçoit la visite d’un ange qui lui donne l’adresse de Pierre afin de l’aider à s’affermir  dans la foi. Il l’envoie chercher.  Pierre, quant à lui est mystérieusement averti  et accepte d’accompagner  ceux qui lui sont envoyés. Arrivé chez son hôte, Pierre commence à s’entretenir avec lui.

Nous pourrions largement commenter ce texte en constatant qu’il a certainement été recomposé par l’auteur afin de démontrer à ceux qui le liront que les païens sont au même bénéfice des merveilles de Dieu que les juifs. Tous sont appelés à  rejoindre les disciples de Jésus  indépendamment de leurs origines.  On pourrait dire aussi qu’à la manière des  historiens de l’antiquité, Luc a écrit le discours de Pierre pour la circonstance. Nous aurions sans doute raison. Mais ce qu’il est important de souligner, c’est la place que tient le saint Esprit dans  le discours de Pierre.

Il ne cherche pas à frapper l’opinion par le récit des merveilles opérées par Jésus tout au long de son existence et il  ne fait pas état de la puissance de Dieu pour capter l’attention de son public. Il y viendra après, avec beaucoup de discrétion et de réserve. Ce sur quoi, il insiste, c’est sur l’action du Saint Esprit que Dieu a fait descendre sur Jésus lors de son baptême et qui va décider de la suite de son ministère. C’est d’abord l’esprit qui l’accrédite auprès des hommes comme porteur et révélateur de la présence de Dieu dans son œuvre. Ce n’est ni Jésus lui-même, ni Dieu qui valorise Jésus, mais c’est l’Esprit qui descend sur lui et qui donne du sens aux événements qui se produiront par la suite. C’est donc l’esprit  qui joue un rôle premier dans notre relation à Dieu


Ainsi, alors que les jours suivent leur cours, alors que les hommes vaquent à leurs occupations, alors que Dieu lui-même semble être ailleurs ou absent, c’est le saint Esprit qui commence à accomplir son œuvre sans que personne ne puisse encore pressentir sa présence.

Les hommes seraient-ils habités par l’Esprit sans qu’ils le sachent ? Un esprit qui n’est pas le leur agirait-il en eux jusqu’au jour où s’éveillant à la réalité de Dieu, ils découvrent que depuis toujours, ils sont préparés à cette rencontre ? L’Esprit agirait-il en nous comme un ambassadeur de Dieu qui s’installerait en nous sans dire son nom ? Ces questions auxquelles certains d’entre nous ont déjà les réponses, serviront sans doute à  accompagner la réflexion des autres quand ils s’interrogeront sur  Dieu et sur la relation qui s’établit entre lui et eux. Dès que l’un d’entre nous découvre la réalité de Dieu c’est que l’esprit agissait en lui depuis longtemps. Il agissait secrètement   jusqu’à ce qu’un événement provoque son propre esprit et qu’il découvre   Dieu.

Si l’esprit divin travaille en nous sans que nous le sachions, qu’en est-il alors de notre liberté personnelle ? C’est la grande question du moment. L’homme que nous sommes se croit libre de croire ou de ne pas croire et d’orienter sa vie comme il l’entend.  Il veut être libre d’avoir ses propres  opinions politiques, il  revendique cette même liberté sur le plan éthique et il pense aussi  que la même chose est  possible sur le plan religieux.  C’est ainsi qu’il aimerait construire sa religion à sa guise. Il accepterait volontiers l’enseignement de l’Evangile de Jésus Christ mais contesterait le  rôle que Dieu pourrait avoir dans son élaboration. L’idée même que Dieu aurait pu prendre ses quartiers en son esprit sans qu’il le sache  lui paraît en complet désaccord avec l’esprit de liberté qui souffle sur nos sociétés occidentales.

En réagissant ainsi, il oublie qu’il est le produit d’une longue série d’événements qui prennent leurs racines dans la préhistoire et qui l’ont marqué des traces que ses ancêtres ont laissé en lui.  L’Esprit de Dieu pourrait-il faire, lui aussi  partie de toutes ces traces secrètement ancrées en lui,  qui détermineraient  aujourd’hui ses choix ? Nul ne le sait vraiment, mais ce que l’on sait, c’est que depuis toujours on a repéré, dès les origines de l’homme des traces de spiritualité, qui pourraient bien être héréditaires en lui.  L’Esprit  qui serait en nous depuis bien longtemps nous invite  sans doute, à rejoindre les  idées porteuses d’avenir qui se sont manifestées  en nous par l’action de Jésus.

L’esprit qui plonge ses racines au plus profond de notre histoire personnelle fait croître en nous des sentiments qui semblent contraires à nos comportements naturels. Alors que nous cherchons à tout ramener à nous-mêmes pour satisfaire nos pulsions égoïstes, nous découvrons que nous sommes habités par des désirs qui nous poussent vers les autres, que nous nous mettons à aimer sans raison ou à aider sans aucun intérêt. Serait-ce la trace de ce Dieu que Jésus décrit comme le « Tout amour »  dont il sera l’émanation ?


Ce sermon a ouvert devant nous  beaucoup de questions qui reposent sur la  certitude que Dieu a besoin des hommes pour conduire le monde dans une direction qu’il a déterminée à l’avance et  dont le sens repose en nous depuis nos origines. C’est ainsi que Dieu a mis son empreinte en nous au moyen de son esprit qui crée en nous une attirance vers Dieu. L’esprit tourne alors nos yeux en direction de Jésus Christ qui nous  révèle  Dieu non seulement comme son père et notre père, mais aussi comme celui qui seul peut donner du sens à notre existence. Notre vie trouve son accomplissement en lui et nous ouvre à l’espérance dont le dont le fondement se  trouve dans la résurrection.



La création par Marc Chagall

jeudi 26 décembre 2013

Matthieu 3:13-17



Matthieu 3/13-17 Le Baptême de Jésus
dimanche 12 janvier 2014

13 Alors Jésus vint de la Galilée au Jourdain vers Jean, pour être baptisé par lui. 14 Mais Jean s'y opposait en disant : C'est moi qui ai besoin d'être baptisé par toi et c'est toi qui viens à moi ! 15 Jésus lui répondit : Laisse faire maintenant, car il est convenable que nous accomplissions ainsi toute justice. Alors Jean le laissa faire. 16 Aussitôt baptisé, Jésus sortit de l'eau. Et voici : les cieux s'ouvrirent, il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. 17 Et voici qu'une voix fit entendre des cieux ces paroles : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection.


Nous avons périodiquement besoin de nous rappeler que nous ne sommes pas seuls sur cette terre. Nous ne sommes pas seulement le résultat de l’évolution des espèces qui en se spécifiant ont donné l’homo sapiens dont nous sommes tous les ultimes produits. L’être humain n’est pas seulement une merveilleuse combinaison de neurones qui feraient de lui la plus merveilleuses des machines à penser qui ait foulé le sol de notre planète. Il y a hors de nous  et en nous, un esprit créateur qui nous enveloppe de sa présence et qui fait de nous des êtres à part. Nous avons la possibilité d’être habités par lui, de l’accueillir en nous et de progresser grâce à lui sur les chemins de la perfection.

Qu’en est-il alors de notre liberté vont s’écrier les humanistes pointilleux ? Si nous avons la possibilité d’être habités par un esprit supérieur à nous-mêmes, nous ne sommes plus libres de nos initiatives et de nos mouvements. Nous ne sommes plus libres de gérer la terre comme nous voudrions le faire. Nos prétentions à développer notre intelligence par nous-mêmes jusqu’à l’infini est-elle vaine ?

Dès que l’on émet l’hypothèse d’un Dieu qui interviendrait dans notre évolution et qui orienterait nos actions, il se trouve toujours quelqu’un pour protester. Il est de bon ton de revendiquer ses droits à une totale liberté et d’accuser les tenants des religions de vouloir dominer les masses et de les empêcher de penser par elles-mêmes.  Il est vrai qu'au cours des siècles elles ont cherché à réguler le cours des choses, sur la face du monde, en fonction de leurs a-priori. 

Qu'il nous soit permis de jeter un œil critique sur la planète pour y vérifier si l’homme  aujourd'hui libéré du fardeau des religions  a su se mettre  en harmonie avec tout ce qui existe.

Même  si la chasse à la baleine risque d'être interdite sur toute la surface du globe, on assiste cependant depuis toujours, et ce n’est pas fini, à une tentative des hommes à dominer le monde  pour le soumettre à leur seul  profit. Pire on assiste aussi à une  chasse à l’homme par l’homme. Les humains les plus nantis, tirent avantage de leur situation, ce qui a pour effet, d’asservir les autres en dépit des propos altruistes que profèrent les premiers. Ce n’est pas parce qu’un élan de générosité remarquable se produit parfois, grâce à l’insistance appuyée des chaînes de télévision que l’humanité entière s’est convertie à l’altruisme. Il faudrait analyser en profondeur cet élan qui, s’il témoigne de nos capacités à réagir face à la détresse des autres n’a encore, pour le moment rien changé à nos instincts dominateurs.

Ce  constat est trop succinct pour conclure que l’instinct naturel de chacun est de dominer son voisin. Mais je donnerai quand même quelque crédit à notre bonne vieille Bible qui rapporte dès sa deuxième page le récit du rapport de force entre deux frères au cours duquel le plus fort supplante le plus faible. Ce qui tendrait à dire, dès les première plages du saint Livre que l’homme naturel semble ne pas être un modèle d’altruisme. Le contraire n' pas encore été démontré.
 
Profitant de ce constat, les mouvements spirituels, érigés en religion ont tendance à dominer leurs adeptes et à prétendre orienter leurs modes de penser vers un peu plus de générosité.  Pour ce faire, ils  seraient  enclins à vouloir les priver de liberté. Toutes les religions sont tombées dans ce travers et continuent à le faire. Elles donnent prise à la critique de leurs adversaires, comme nous l'évoquions plus haut, mais nous verrons que c’est quand même eux qui sont dans l’erreur. Pourtant, si ce constat met en cause les religions, il ne met pas en cause l’aspiration à la spiritualité qui sommeille en chaque homme. La plupart des individus aspirent  à recevoir la visite d’un souffle venu d’en haut qui les  pousserait  hors d’eux-mêmes pour les aider à se mettre en harmonie avec tout ce qui les entoure. Ce sentiment est partagé par beaucoup d'humains sur terre qui, s'ils   cherchent à se libérer des religions,  ne cherchent pas à s'écarter de la spiritualité.

Forts de ces réflexions, somme toute bien banales, nous nous laissons saisir par le récit du baptême de Jésus tel que l’Évangéliste Matthieu nous le transmet. Il nous est dit que l’Esprit descendit sur Jésus et qu’une voix se fit entendre. Si c’est l’esprit qui descend, cela veut dire que ce n’est pas l’homme qui est à l’origine de ce mouvement. Les hommes ont tendance à croire qu’ils peuvent atteindre Dieu par leurs propres forces et qu’ils ont le pouvoir de pénétrer par leurs efforts personnels le mystère divin. Il n’en est rien.

Il nous est dit le contraire, l’homme reçoit la visite du divin qui vient habiter en lui et c’est le son de la voix de Dieu qui lui révèle la présence de l’esprit en lui. Cette voix ne se formule pas forcément de manière audible, mais elle se perçoit cependant à l’intérieur de la conscience de celui qui la reçoit. La présence de l’Esprit ne se cherche pas, elle se constate. Ici, dans le récit de l’Evangile, la voix venue d’ailleurs révèle ce qui se passe. Il en va de même dans nos expériences personnelles. L’esprit descend en nous et nous bouscule. Personne n’est sensé échapper à cette visite de l’esprit, mais tout le monde ne la constate pas et ceux qui ne le font pas pensent qu’ils ont été oubliés.

Ici l’Evangile nous explique que c’est la voix qui se fait entendre qui donne l’explication : « celui-ci est mon fils bien aimé ». Nous devons être attentifs à cela car dans l’Écriture c’est la parole de Dieu qui crée. Dieu crée en mettant de l’harmonie dans le chaos et c’est par sa voix qu’il le fait. Donc c’est en constatant qu’il se crée en nous un désir d’harmonie que nous savons que l’Esprit de Dieu nous a visités.

Allons nous résister et passer à côté ? Nous allons sans doute nous laisser séduire par ce sentiment, et si nous persévérons dans ce sens nous finirons par découvrir la réalité de celui qui nous le fait éprouver. Il est Dieu. C’est alors que sa Parole prend du sens et que l’Écriture résonne en nous comme l’expression de sa volonté. La Bible dans laquelle il se révèle devient alors parole de Dieu pour nous. Elle nous guide pour que nous entrions dans ce mouvement créateur de Dieu dont l’amour est  le moteur. Le résultat de son action se découvre dans l’harmonie qui s’installe dans nos pensées et nos comportements.


Quand nous sommes, visités par l’Esprit de Dieu, il subsiste encore en nous des zones de résistance qui nous poussent à douter. Il y a des éléments qui font obstacle à l’instinct d’amour qui cherche à s'emparer de nous. C’est pourquoi l’Esprit ne cesse de souffler sur nous. Il nous pousse à nous dépasser et à combattre contre ce qui nous retient. Il nous aide à devenir libres, puisque la liberté consiste à aider les choses à se faire pour, le mieux être du pus grand nombre.

Les projets que nous entreprendrons désormais seront forcément porteurs de l’empreinte de l’Esprit de Dieu qui nous anime désormais. Sans nous en rendre compte, ainsi guidés par lui , nous continuerons son œuvre de création en mettant un peu d’amour, là où il n’y en a pas. C’est ainsi qu’imperceptiblement le monde entre dans le programme créateur de Dieu qui ne peut se mettre en place que par des hommes et des femmes habités par son Esprit. Ce récit du baptême de Jésus nous invite donc à faire le point sur nous-mêmes, pour que nous découvrions notre vocation à nous mettre à l’œuvre dans ce monde, sous la conduite de Dieu, afin qu’il devienne conforme au projet qu'il a formulé pour lui.




dimanche 15 décembre 2013

Matthieu 2:1-12


La visite des mages  dimanche 3 janvier 2016

1 Après la naissance de Jésus, à Bethléem de Judée, aux jours du roi Hérode, .des mages d'Orient arrivèrent à Jérusalem 2 et dirent : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus nous prosterner devant lui. 3 A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. 4 Il rassembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple pour leur demander où devait naître le Christ. 5 Ils lui dirent : A Bethléem de Judée, car voici ce qui a été écrit par l'entremise du prophète :
 
6 Et toi, Bethléem, terre de Juda,
tu n'es certainement pas la moins importante
dans l'assemblée des gouverneurs de Juda ;
car de toi sortira un dirigeant
qui fera paître Israël, mon peuple.

7 Alors Hérode fit appeler en secret les mages et se fit préciser par eux l'époque de l'apparition de l'étoile. 8 Puis il les envoya à Bethléem en disant : Allez prendre des informations précises sur l'enfant ; quand vous l'aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que moi aussi je vienne me prosterner devant lui. 

9 Après avoir entendu le roi, ils partirent. Or l'étoile qu'ils avaient vue en Orient les précédait ; arrivée au-dessus du lieu où était l'enfant, elle s'arrêta. 10 A la vue de l'étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. 11 Ils entrèrent dans la maison, virent l'enfant avec Marie, sa mère, et tombèrent à ses pieds pour se prosterner devant lui ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors et lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la myrrhe. 12 Puis, divinement avertis en rêve de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
.
Nous rejoignons par l'imagination ces voyageurs d’Orient dont l’histoire a défrayé la chronique. A travers les embûches incompréhensibles que le hasard mettait sous leurs pas, les mages, les yeux dans les étoiles suivaient le chemin que le Tout Puissant traçait pour eux. Mais comment pouvaient-ils être sûrs de leur Dieu alors que la mort rodait autour d’eux, tel un chacal du désert ? Leur monde ne ressemblait pas à un conte oriental, même si le récit qui rapporte leur histoire en a pris la teinte. Ils cherchaient  un enfant livré aux caprices d’un tyran  et  leur monde ressemblait au nôtre. Notre monde est toujours  livré aux caprices d'autres tyrans pour qui la vie des enfants ne pèse pas très lourd.  Comment croire qu’un Dieu bienveillant guidait leurs pas, alors que plusiieurs d’enfants allaient être sacrifiés à la vindicte sanguinaire d’un despote ? Comment croire qu’un Dieu bienveillant habite notre monde alors que la mort continue à faire des ravages?  Telles sont les questions qui hantent tous les chercheurs de Dieu.

Aujourd’hui nous allons mettre nos pas dans ceux de ces illustres personnages. Nous rejoignons avec eux la longue caravane de ceux qui sont  marche  à la recherche de Dieu. Chacun va à la vitesse de sa propre monture. Les uns, juchés sur des voitures puissantes, gérées par des  ordinateurs  que  la technique moderne a rendu performante iront sans doute plus vite que les autres qui préfèreront le pas lent de leurs chameaux. Mais tous sont  invités en  ce lieu où  les légendes d’antan nous ont rapporté qu'on peut y rencontrer Dieu.

Ces  personnages mystérieux venus d’Orient suivirent le même chemin que celui suivi jadis par Abraham avant eux et que tout chercheur de vérité doit suivre. Il pense qu'il doit le chercher  ailleurs que dans son  univers personnel. On le cherche, dans le ciel, dans les étoiles, dans l’au-delà, dans les livres, dans son inconscient. Le marcheur  croit qu'il lui faut faire un parcours initiatique, au  cours du quel, à travers les déserts du monde ou tout simplement les méandres de la littérature, il arrivera forcément dans les hauts lieux de la spiritualité. Infailliblement ses pas le porteront dans les lieux saints que d’autres ont foulés avant lui et où on trouve encore la trace des mystères divins. C’est là également que les mages portent leurs pas. C’est dans cette direction que nous tournons nos regards. Mais Dieu ne se trouve pas forcément dans les lieux saints. Les mages en ont fait la triste expérience. Ils ne l’ont pas trouvé dans la ville sainte de Jérusalem où ils furent reçus avec méfiance et suspicion.

Combien parmi nous n’ont-ils pas butté sur les même pierres d’achoppement ? Ils sont allés chercher Dieu sur les sites où la tradition a conservé les traces de son passage et ils n’y ont rien trouvé. La trace indique le passage, elle nous laisse entendre que nous sommes dans la bonne direction, mais si celui que l'on cherche a laissé une trace, c'est qu'il est allé ailleurs, et qu'il est déjà plus loin. La réalité qu'ils cherchent est donc plus loin. Les hauts lieux de la tradition ne leur apportent que l'écho des grandeurs du passé, mais ne leur disent rien de la présence de Dieu.

Au  pied des cathédrales dressées par l’histoire, la tradition reste bien souvent vide d’espérance. Combien de chercheurs de Dieu, déçus par le voyage n’ont pas cherché plus loin et n’ont pas porté leurs regards ailleurs. A ce point de leurs recherches ils  n’ont pas compris que Dieu ne se laisse pas trouver dans l’expérience des autres, ni même dans l’évocation de la tradition, fut-elle hautement respectable. Il ne se laisse trouver que dans un face à face avec nous-mêmes

Qui es-tu, toi qui cherches Dieu ? Quel est le sens de ton histoire ? A quoi sers-tu sur cette terre ? Si tu trouves des réponses à ces questions, tu n’es pas très loin de Dieu. Le voyage initiatique ne se fait pas forcément par un déplacement dans l’espace, il ne se fait pas forcément en parcourant les traditions vénérables, il ne se fait peut être pas non plus en parcourant les écrits des penseurs. Il se fait dans la découverte  selon laquelle Dieu se tient dans notre intimité pour nous révéler à nous-mêmes ce que nous sommes. Il se fait dans la découverte du petit enfant que nous avons été et qui entre en dialogue avec  l’enfant de la crèche.

C’est dans cet enfant où Dieu se cache que le voyageur en quête de spiritualité doit se retrouver lui-même. Il est un être fragile lui aussi, et sa fortune, s’il en a une ne lui servira à rien. Plus besoin de myrrhe et d’encens, plus besoin de science ni de diplômes. Dieu est là dans la vérité toute nue de chacun. Dieu est présent en nous du simple fait que nous existons. Notre histoire personnelle ne trouve son origine que dans la découverte de Dieu qui habite déjà notre destin depuis notre enfance et lui donne du .sens. En se reconnaissant dans la fragilité d’un enfant,  chacun découvre que Dieu est à l’origine de sa propre vie et c'est   en sa compagnie qu'il poursuit maintenant sa vie d'adulte. Il continue sa route  riche de ce qu’il est devenu.

La rencontre avec Dieu se fait au fond de soi. Elle commence par une méditation  qui nous permet de comprendre que c’est Dieu qui donne du sens à tout ce que nous entreprenons. Cette découverte n’est cependant que le début du voyage. Nous devons maintenant suivre Jésus que l’histoire emporte vers la terre d’Égypte pour fuir la mort qui le guette. Notre itinéraire aurait pu s’arrêter là.  Il se poursuit  à travers les déserts de la vie où malgré notre foi  les obstacles qui  attendaient  Jésus bousculent nos certitudes.

La mort est la seule arme trouvée par Hérode pour s’emparer de la vie dérisoire d’un enfant devenu gênant. La mort est la seule arme dont disposent tous ceux qui veulent construire un monde sans Dieu et le régenter à leur façon. La mort est la négation de Dieu et elle rôde autour de chacun.

C’est pour cela que le récit insupportable de la mort des enfants innocents prend place ici dans l’Évangile. Il se présente à nous comme une question sans réponse, pour provoquer notre foi en recherche et alimenter nos questionnements : Pourquoi Dieu a-t-il permis cela ? Pourquoi n’a-t-il pas fait le miracle espéré pour sauver les enfants frappés par le glaive des  soldats  du roi? Pourquoi ne fait-il pas le miracle espéré quand les hommes de bonnes volonté proposent la paix-des-braves aux belligérants qui préfèrent s'entretuer plutôt que de céder?  Le doute vient alors s'opposer à Dieu dans notre désert intérieur. Il se nourrit de nos pourquoi et il désoriente notre pensée ? Il se dresse comme un défi à l’espérance.

La  mort est la dernière provocation sur le chemin de la découverte de Dieu. Elle nous amène à réaliser que la vie ne prend de sens que quand nous comprenons que Dieu en est l’origine et  qu'en lui, elle n'a pas de fin. Mais ce n'est pas si facile et malgré nos certitudes nos questions subsistent.  Malgré tout nos restons insatisfaits.

En effet, le plus grand obstacle à notre foi est constitué par toutes les frustrations que les hasards de l'existence provoquent en nous. Il s’agit non seulement de la mort qui nous attend à la fin de notre vie, mais aussi de toutes ces petites provocations que constituent autant de petites morts. Nous ne nous sentons pas pleinement satisfaits de nous-mêmes. Nous sommes insatisfaits de notre apparence. Nous nous  considérons comme trop grands ou trop petits. Le visage que nous renvoie notre miroir ne nous convient pas davantage. Nous tenons Dieu pour responsable de tout ce qui nous afflige. Pourquoi nous a-t-il fait comme nous sommes? Pourquoi a-t-il laissé s'embarquer ceux et celles que nous aimons sur des avions qui ont crashé ? Suprême réaction de l’adolescent que nous n’avons jamais cessé d’être, nous jetons à la face de ce Dieu toutes ces souffrances qui nous gâchent la vie et nous lui disons que nous n'avons pas demandé  à naître pour supporter  tous ces chagrins ! »

Et bien soit ! Accusons Dieu, car nos frustrations sont bien réelles puisqu’elles nous font souffrir. Mais Dieu où est-il? N'avons-nous pas découvert que sa trace nous conduisait eu fond de notre être?

Si  Dieu est en chacun de nous, toute chose prend un sens nouveau. Avec lui, les vides de notre vie s’habillent d’espérance et notre existence devient une oasis où il plaît à Dieu d’habiter. Et si la mort nous surprend quand on ne s’y attend pas, nous devons croire que Dieu est, lui aussi provoqué,  par elle et qu'il nous accompagne dans notre destin funeste. C’est là le mystère de l'espérance que Dieu habille de résurrection, c’est une autre aventure avec Dieu qui commence ici et maintenant. Tel est le projet que Dieu fait pour chacun quand il se laisse rencontrer dans l’enfant de la crèche.

Tout cela est bel et bien pour celui qui a fait le voyage jusqu'au bout, mais pour celui qui ne l'a pas fait, qu'en est-il?

Le mystère de Dieu se trouve dans la seule notion d'amour que nous partageons avec lui et c'est dans ce seul  mot que se rassemblent toutes les réponses à toutes nos questions.

samedi 7 décembre 2013

Matthieu 2:13-23

Matthieu 2: 13-23 Le massacre des innocents dimanche 29 décembre 2013 



Après le départ des mages, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, et dit : Lève-toi, prends le petit enfant et sa mère, fuis en Égypte et restes-y jusqu'à ce que je te parle ; car Hérode va rechercher le petit enfant pour le faire périr. 14 Joseph se leva, prit de nuit le petit enfant et sa mère, et se retira en Égypte. 15 Il y resta jusqu'à la mort d'Hérode, afin que s'accomplisse ce que le Seigneur avait déclaré par le prophète : J'ai appelé mon fils hors d'Égypte.

16 Quand Hérode se vit joué par les mages, sa fureur fut extrême, il envoya tuer tous les enfants de deux ans et au-dessous qui étaient à Bethléhem et dans son territoire, d'après l'époque qu'il s'était fait préciser par les mages. 1

17 Alors s'accomplit ce qui avait été annoncé par le prophète Jérémie :
18 Une voix s'est fait entendre à Rama, Des pleurs et beaucoup de lamentations : C'est Rachel qui pleure ses enfants ; Elle n'a pas voulu être consolée, Parce qu'ils ne sont plus.

19 Après la mort d'Hérode, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, en Égypte, 20 et dit : Lève-toi, prends le petit enfant et sa mère, et retourne dans le pays d'Israël, car ceux qui en voulaient à la vie du petit enfant sont morts. 21 Joseph se leva, prit le petit enfant et sa mère et rentra dans le pays d'Israël. 22 Mais quand il apprit qu'Archélaüs régnait sur la Judée à la place d'Hérode, son père, il craignit de s'y rendre, et, divinement averti en songe, il se retira dans le territoire de la Galilée, 23 et vint demeurer dans une ville appelée Nazareth, afin que s'accomplisse ce qui avait été annoncé par les prophètes : Il sera appelé Nazaréen.


Serait-il possible que Dieu sauve son fils des griffes du tyran Hérode, même au prix de l’exil et laisse les sbires du despote massacrer des enfants innocents ? On ne peut pas lire ce texte sans ce poser cette question. Même si la réponse qui nous vient tout de suite à l’esprit est que tout cela est bien conforme aux Ecritures, elle ne nous satisfait pas. Celui qui a une pratique régulière des Textes Bibliques, demande une  explication plus élaborée. Il semble évident que ces événements ont  été rapportés de la sorte  pour établir un un lien avec les événements qui ont forgé l’histoire d’Israël par le passé. Mais il n’empêche, que vrai ou faux, ce sont des innocents qui ont payé du prix de leur vie le maintien en vie de Jésus

En  effet, c’est par un massacre d’enfants innocents que commence l’histoire de Moïse qui est le Père fondateur du peuple d’Israël. Par ordre du pharaon régnant à cette époque, tous les jeunes enfants mâles devaient être jetés dans les eaux du Nil pour réduire la population des Hébreux qui devenaient trop nombreux. Moïse fut sauvé grâce à deux femmes, sa mère qui l’enferma dans un panier qu’elle confia aux eaux du fleuve et la fille du pharaon qui recueillit l’enfant et l’éleva comme son fils.

Dans cet évangile, il nous est dit que Jésus enfant fut sauvé par Joseph qui l’emmena en exil en Égypte, comme si le récit voulait nous suggérer qu’avec Jésus le peuple d’Israël allait revivre une nouvelle histoire de libération. Si cette explication donne un nouvel éclairage à ce récit en lien avec la tradition, elle ne justifie pas pour autant le massacre des enfants innocents, même si l’histoire d’un massacre d’enfants fait partie des récits fondateurs du peuple d’Israël.

On pourrait se sortir d’affaire en imaginant que cette histoire du massacre est un ajout que l’on aurait fait pour faire coller le texte, après coup, avec la tradition. Mais à la réflexion l’argument ne tient pas. En effet, quand d’habitude on rajoute des éléments au texte primitif, c’est plutôt  pour donner des détails qui donnent dans le merveilleux, mais pas dans le sordide.

On   a aussi dit que l’événement n’a pas eu vraiment lieu parce que les historiens, en dehors de l’auteur de l’Evangile de Matthieu ne le rapportent pas. Cela ne veut pas dire pour autant que le récit n’est pas historique, et le problème qu'il pose demeure. Hérode était un personnage assez cruel pour avoir ordonné un tel massacre, qui, compte tenu du petit nombre d’enfants victimes, aurait pu passer inaperçu au milieu des autres forfaitures commises par ce roi. Les historiens n'en auraient pas gardé mémoire. Mais pourquoi rapporter, voire même inventer, un récit où Dieu aurait exercé une discrimination en faveur de son fils ?

Il   n’y a donc pas d’arguments qui permettent d’élucider vraiment l’événement ou même de le nier. Si ce récit du massacre des petits enfants nous a été rapporté, c’est qu’il était bien dans l’intention de Matthieu de  provoquer notre réflexion. Il situe l’événement de la naissance de Jésus dans un monde de violence qui était celui dans lequel Jésus est venu au monde en dépit de tout le merveilleux que constitue la visite des mages.

Ce monde violent et injuste est également conforme au nôtre. Les exactions existent toujours et les gens innocents ne sont pas épargnés par la rudesse du moment. C’est donc dans un monde où la veuve et l’orphelin ne sont pas protégés et où les faibles sont victimes des plus forts que Matthieu entreprend de nous brosser l’histoire du salut. Il laisse Jésus partir comme tant d'autres vers une terre qu'ils croient plus hospitalière. Ce n’est pas l’acte cruel du roi qui ordonne que des enfants soient passés au fil de l’épée qui nous interpelle, mais c’est le fait que Jésus soit épargné grâce à la vigilance de Dieu, alors que cette vigilance ne s’est pas exercée pour sauver les autres enfants.

En  fait, si Jésus n’avait pas échappé, l’histoire de la rédemption n’aurait pas eu lieu. Si Jésus était mort dans la tourmente d’un pogrome, nous ne serions pas réunis dans ce lieu pour célébrer sa naissance ! Il n’empêche que la question posée dès le début de ce texte reste pertinente. Pourquoi Dieu n’a-t-il pas épargné les autres enfants ? Pourquoi n’a-t-il envoyé son ange que vers Joseph et non pas vers tous les pères des enfants concernés ? Ce même « pourquoi » se pose toutes les fois que dans une catastrophe, certains ont la vie sauve et d’autres la perdent. Dieu a-t-il des critères qui lui soient propres pour intervenir en faveur des uns et pas des autres ?

C’est sur ce point, qui ne peut pas être ici un point de détail, que nous nous arrêterons. Il a une importance déterminante et la réponse que nous lui apporterons éclairera sans doute notre foi. Ce récit prendra une valeur libératrice si nous savons le recevoir d’une manière constructive. Nous commencerons par nous souvenir que Joseph a bénéficié par trois fois de la visite de l’ange. Chaque fois cette visite se produisit de la même façon.

Chaque  fois Joseph s’est assoupi alors qu’il était tourmenté par la situation à laquelle il devait faire face, c’est alors qu’un ange, lui révèle ce qu’il doit faire. Lors de la première visite, Joseph venait d’apprendre que sa fiancée était enceinte et il se demandait comment il pouvait se séparer d’elle. Dans le deuxième cas, c’est celui qui nous pose problème ici, les mages venaient de repartir et Joseph s’interrogeait sans doute sur la tournure qu’allaient prendre les événements. Lors de la troisième visite, le roi Hérode venait de mourir et Joseph se demandait s’il ne devait pas revenir en Palestine.

Dans   l’Evangile de Luc l’ange qui visite Zacharie et Marie porte un nom, Gabriel. Il délivre un message à l’un comme à l’autre et entre en discussion avec eux. Il apparaît vraiment comme un personnage céleste et leur apporte un message de Dieu. Chez Matthieu, ce n’est pas le cas. L’ange n’a pas la même présence. Il intervient seulement pour guider Joseph  dans le choix de la bonne solution qu'il doit apporter à son problème. Il n’apporte pas un message de Dieu à proprement parler, mais il fait sienne la préoccupation de Joseph.

Tout se passe comme si Joseph, absorbé par son souci et son inquiétude était descendu en lui-même, dans une profonde méditation pour gérer sa réflexion face à lui-même et méditer sur la situation. C’est dans son fort intérieur, dans une méditation intense que Dieu se rend présent à lui sous la forme de l’ange. C’est alors que la réflexion de Joseph s’éclaire et qu’il prend la décision conforme à la sagesse divine.

Matthieu ne dit pas vraiment que Dieu se fait le partenaire de Joseph dans le combat intérieur qu’il mène avec lui-même, mais c’est cela quand même qui se passe. Dieu permet alors à Joseph de prendre la bonne décision. Joseph n’est pas resté passif attendant que Dieu fasse un miracle pour lui. L’intervention de Dieu a seulement servi à orienter sa décision pour qu’elle soit la bonne. Joseph était tellement absorbé par sa réflexion intérieure qu’il paraissait endormi tant il était concentré sur lui-même.

C'est  ainsi qu’après la première visite de l’ange Joseph décide sagement de ne pas se séparer de Marie. Lors de la deuxième visite, il est troublé par les conséquences de la visite des mages qui ne sont pas passés inaperçus au palais. Joseph redoute la colère d’Hérode. Persuadé qu’il y aura des représailles, il préfère partir en toute hâte en emmenant les siens.
Peut-on dire alors que c’est Dieu qui a sauvé Jésus et qu’il a laissé les autres enfants périr? Certainement pas. Si Dieu a joué un rôle dans l’histoire, c’est parce qu’il a aidé Joseph en prière à voir clair dans sa situation. Dieu n’a pas fait un miracle, il a aidé à la réflexion de Joseph.

Il  intervient de la même façon dans la vie de chaque croyant quand il prie Dieu pour qu’il l’aide à s’y repérer dans une situation confuse. Quand on fait ainsi confiance à Dieu on peut espérer qu’il mettra en nous assez de sagesse pour que la solution choisie permette à la situation d’évoluer ! Ainsi quand Joseph se questionne pour savoir ce qu’il doit faire après la mort du roi, Dieu l’aide à nouveau, par la troisième intervention de l’ange, à faire le point sur la situation politique et à prendre une décision de sagesse qui lui fait choisir la Galilée au lieu de la Judée comme terre de retour, car le roi y apparaît comme plus clément qu’en Judée. Le rôle de l'ange consiste ici à accompagner l'inquiétude de Joseph. Il  agit comme le saint Esprit le fait dans toutes nos prières quand nous demandons à Dieu de nous éclairer avant de prendre une décision.

On nous a décrit dans cette affaire comment la prière pouvait s’ouvrir sur un miracle, fait de main d’homme, quand celui qui prie met toute sa confiance en Dieu. C’est ainsi que Dieu éclaire les événements de sa présence et oriente les choix des hommes vers les bonnes solutions. Joseph nous est présenté ici, comme le type du croyant qui laisse Dieu guider sa réflexion afin qu’il fasse les bons choix. Dieu n’intervient pas dans le monde par des miracles spectaculaires, mais par l’action des humains qui savent trouver la sagesse de Dieu en se plaçant devant lui dans la prière. 

Cette explication apporte un éclairage sur la question que nous nous posions au début. Elle  n'éclaire cependant pas toutes les zones obscures du récit. 




Les illustrations proviennent du "massacre des innocents "  de Bruegel l'ancien