mardi 24 octobre 2017

Matthieu 23/1-12 "indignez-vous" dimanche 5 novembre 2017



Pour le  5 novembre 2017. Reprise de « Indignez-vous » du  dimanche 30 octobre 2011
Matthieu 23 :1-12

Jésus met en garde contre les scribes et les pharisiens

1 Alors Jésus dit aux foules et à ses disciples : 2 Les scribes et les pharisiens se sont assis dans la chaire de Moïse. 3 Faites et observez donc tout ce qu'ils vous diront, mais n'agissez pas selon leurs œuvres, car ils disent et ne font pas. 4 Ils lient des charges lourdes, difficiles à porter, pour les mettre sur les épaules des gens, mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. 5 Toutes leurs œuvres, ils les font pour être vus des gens. Ainsi, ils élargissent leurs phylactères et ils agrandissent les houppes de leurs vêtements ; 6 ils se plaisent à avoir la première place dans les dîners et les premiers sièges dans les synagogues, 7 être salués sur les places publiques et être appelés Rabbi par les gens.
8 Mais vous, ne vous faites pas appeler Rabbi ; car un seul est votre maître, et vous, vous êtes tous frères. 9 Et n'appelez personne sur la terre « père », car un seul est votre père, le Père céleste. 10 Ne vous faites pas appeler docteurs, car un seul est votre docteur, le Christ. 11 Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. 12 Qui s'élèvera sera abaissé, et qui s'abaissera sera élevé.

Indignez-vous, tel semble être le mot d’ordre que le philosophe Stéphane Hessel ait lancé à l’intention de la jeunesse en révolte sur tous les continents du monde en ce début de vingt et unième siècle. Il s’agit de s’indigner parce qu’on n’y trouve pas son compte et parce que l’on ne trouve pas sa place en ce monde en cours de mutation. Il s’agit de s’indigner parce que les vraies valeurs sont bafouées, que les jeunes diplômés ne trouvent pas d’emplois à la mesure de leurs études, et que les classes privilégiées continuent à l’être au détriment de celles qui ne le sont pas.

Ce mouvement des indignés a fait tâche d’huile et continue à se répandre sur toute la planète, il a provoqué des mouvements contestataires et s’en est  pris  pacifiquement aux gouvernements en place qui s’en sont émus. Ce mouvement a déclenché la sympathie des uns et inquiété les autres.

 Très vite il nous vient à l’idée de créer un amalgame entre le mouvement que Jésus a suscité il y a vingt siècle et celui dont je viens de parler. On imagine volontiers Jésus, descendant dans les rues, occupant pacifiquement l’espace publique et dénonçant comme il avait l’habitude de le faire l’attitude insupportable des privilégiées de son temps. N’était-ce pas d’ailleurs ce qu’il était en train de faire quand il s’en prenait aux pharisiens qui se prévalaient de leurs privilèges pour donner des leçons aux autres.

Jésus s’indignait au nom de préceptes divins dont les directives étaient malmenées par ceux là même qui étaient chargés de les enseigner et de les faire respecter. Il proclamait haut et fort que la justice était dans son camp et s’attirait de nombreuses sympathies.

Mais avant de vous indigner à votre tour à la suite de mon propos à cause des libertés que je m’autorise à prendre en ce début de sermon, prenez quelques instants pour savourer les propos de Jésus. Vous constaterez sans doute, avec le décalage nécessaire du temps qu’ils collent à l’actualité. Il s’en prend aux pharisiens et aux scribes qui sont les intellectuels de cette époque qui ont accaparés des privilèges et qui se justifient du droit, en cours à l’époque, pour les conserver. Ils ne se rendent pas compte que c’est le droit qu’ils utilisent pour se légitimer qui les condamne.

Certes le droit est de leur côté en dépit des sarcasmes de Jésus. Ils payent l’impôt ecclésiastique sans rechigner. Ils sont moralement vertueux. Ils respectent tous les préceptes religieux. Tout en s’opposant au pouvoir de l’occupant romain, ils ne font cependant pas de troubles dans les rues, si bien qu’un semblant de paix a cours dans leurs cités. Citoyens soumis et contestataires à la fois, ils vivent assez mal le procès d’intention que leur fait Jésus.

S’ils sont hypocrites, ils le sont honorablement. Ils acceptent de se mettre en cause si on le leur fait remarquer courtoisement selon les règles qui ont cours dans les débats rabbiniques de leur temps. Mais ils n’acceptent pas les provocations telles que Jésus les pratiquait en les interpelant dans les lieux publiques. Si tout bon lecteur de l’Évangile prend ici partie pour Jésus, il doit se méfier de ne pas mettre en cause tous les indignés de notre temps et tout ceux qui se réclament de leur bon droit en se drapant dans le respect des droits de l’homme.

En effet, nous nous indignons volontiers contre ceux qui abusent de la situation qui les favorisent. Nous souhaiterions que les privilégiés le soient moins et surtout que d’autres soient reconnus à leur tour, quand ils ne le sont pas, dans les privilèges qu’ils ont acquis. Nous voudrions que les diplômes ouvrent la voie à des professions qui leurs correspondent. Nous voudrions que l’on reconnaisse aux indignés les privilèges auxquels ils n’ont pas encore accès mais auxquels ils aspirent justement croient-ils.

Privilégiés avons-nous dit, serviteurs répond Jésus. L’’image du service est au cœur même de son Évangile et prend la place centrale de son propos que nous recevons aujourd’hui, « car le plus grand parmi-vous sera votre serviteur ».

Qu’on ne se méprenne cependant pas, Jésus parle bien de service et non d’esclavage. Ce n’est pas le même mot et Jésus ne pratique pas la confusion des genres. Il utilise bien le mot de serviteur et il fait référence à une fonction de service pour porter son indignation. En dépit de ce que les grammairiens ou les linguistes pourront dire, il y a une distinction qu’il faut faire entre serviteur et esclave. Nous n’envisagerons pas ici le problème des esclaves, nés comme tels, ni des mauvais maîtres qui les maltraitent, c’est un autre sujet contre lequel Jésus nous laissera le soin de nous indigner plus tard. Nous mettrons 17 siècles à le faire.

Nous nous écarterons aussi de la notion moderne du service, selon laquelle nous ne devrions être en tant qu’hommes et femmes libres les serviteurs de personne, alors que nous sommes tous au service de quelqu’un ou de quelque chose.

Nous resterons un peu sur une notion archaïque du service. Le serviteur a passé un contrat avec celui qui l’emploie. Les clauses de ce contrat peuvent se résumer en une seule. Le serviteur est embauché pour que le patron trouve dans son service un mieux être. Plus le patron trouve de satisfaction dans le service donné, mieux il se porte. Si Jésus envisage pour nous la fonction de serviteur, c’est pour que celui au service duquel nous sommes attachés se porte mieux.

Il s’agit maintenant de savoir de qui on est appelé à être le serviteur. De Dieu, allons-nous dire ! Jésus dit bien que ce n’est pas le cas. C’est ce que croyaient les pharisiens, il leur donne tort. Il s’agit ici d’être le serviteur des autres. C’est à n’y rien comprendre. Si Jésus participe à notre indignation face aux injustices qui nous sont faites, pourquoi nous ramène-t-il dans une nouvelle situation de dépendance et de service ? Sommes-nous installés par lui dans la fonction de serviteurs de la cause pour laquelle nous contestons ?

Mais quelle cause défendons-nous donc ? Défendons-nous la cause de ceux qui n’ont pas de privilèges mais que nous cherchons à acquérir pour eux. Dans ce cas nous acceptons que le fait d’être privilégiés est un principe incontournable puisque nous nous efforçons d’y faire entrer ceux qui n’y sont pas encore

Vu sous cet angle là l’Évangile ne nous paraît-il pas un peu réducteur? J’ai fortement l’impression que Jésus ne nous suivrait pas dans cette voie. En fait Jésus ne précise pas au service de quelle cause nous sommes appelés, car nous sommes les serviteurs des autres, c'est-à-dire de l’humanité. En effet, nous est-il venu un jour à l’idée que si Dieu a été reconnu comme le créateur de l’humanité, c’est pour le bonheur des hommes et pour leur bien être. Si nous reconnaissons que Dieu donne du sens à l’humanité, ce n’est pas pour établir des catégories parmi les êtres humains, ni pour créer des castes de privilégiés en fonction de leurs diplômes ou de leurs lieux d’origine, mais pour établir un mouvement général selon lequel tous les hommes ont droit au bonheur. C’est pour accomplir ce projet que nous sommes embauchés par Dieu comme serviteurs.

Sans doute le bonheur se définit-il différemment suivant les lieux où l’on habite ou selon la culture à laquelle nous appartenons, mais tous les humains ont droit au bonheur et à la satisfaction de vivre. Si ce n’était pas le cas, Dieu n’aurait plus sa place parmi nous en tant que créateur.

Nous sommes donc mis par Dieu au service du mieux être de l’humanité, et si cela passe par la défense des privilèges de certains non reconnus pour le moment, ce ne peut être que provisoire, car tout ne peut être fait en un seul mouvement, mais il faut donner du temps au temps pour que le vaste monde se mette à l’unisson de Dieu qui réclame nos services pour que l’harmonie du monde s’approche le plus possible de sa perfection.

vendredi 13 octobre 2017

Exode 22/20-26 Dieu est-il un Dieu interventionniste? dimanche 29 octobre 2017



Exode 22/20- 26 

20Tu n'exploiteras pas l'immigré, tu ne l'opprimeras pas : vous avez été des immigrés en Égypte.
21Vous n'affligerez jamais la veuve ni l'orphelin.
22Si tu les affliges et qu'ils crient vers moi, j'entendrai leurs cris ;
23je me mettrai en colère, et je vous tuerai par l'épée : vos femmes seront veuves, et vos enfants orphelins.
24Si tu prêtes de l'argent à quelqu'un de mon peuple, au pauvre qui est chez toi, tu ne te comporteras pas à son égard comme un prêteur sur gages : tu n'exigeras pas de lui un intérêt.
25Si tu prends en gage le manteau de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil ;
26car sa seule couverture, c'est le manteau qu'il a sur la peau : dans quoi coucherait-il ? S'il crie vers moi, je l'entendrai, car je suis clément.

 Voir aussi le fils prodigue Luc 15 :11-32





Le Livre de l’Exode mériterait qu’on s’y attache davantage, car placé en deuxième position des livres de la Bible, son message est perçu par ceux qui nous l’ont transmis comme essentiel pour nous dire la révélation de Dieu. Il nous le présente comme un Dieu qui  libère les hommes de leurs oppresseurs. ( Nous en éclairerons la lecture du fragment proposé pour ce jour par la parabole du fils prodigue dont nous garderons les péripéties présentes à  l’esprit.) En fait ce n’est pas Dieu qui libère vraiment,  comme ce n’est pas le Père du fils prodigue qui rend son fils libre,  mais il lui en offre la possibilité. Ainsi Dieu  pousse les hommes à se libérer eux-mêmes et il les accompagne dans cette entreprise.

Sous son impulsion, les hommes deviennent les instruments de leur propre destin  et sous l’inspiration de Dieu ce destin leur devient favorable.  Ainsi, ceux qui nous ont transmis ces récits ont cherché à nous dire que l’esprit des hommes était habité par le désir de ne pas vivre captifs des autres quels qu’ils soient, et que Dieu se trouvait sur le chemin de ceux qui veulent  œuvrer à réaliser par eux-mêmes leur propre histoire. Dieu  n’est  sans doute pas un Dieu interventionniste qui  agirait avec puissance dans le cours des événements, il  se contenterait d’intervenir  auprès des hommes par la puissance de son esprit qui sans cesse les pousse à se prendre eux-mêmes en charge et à construire leur avenir.

Bien évidemment, les Hébreux qui sont les héros  de cette histoire vont refuser cette image de Dieu, ils vont même le provoquer pour qu’il intervienne et Dieu, pour que l’histoire ait du  sens accepte d’être perçu comme tel. Il affirme sa puissance devant le pharaon.  Il écarte la mer  pour rendre possible le passage des fugitif vers une terre de liberté, il couvre les buissons de substance nourrissante pour que le peuple en fuite ne meure pas de faim, il cache des sources sous les rochers pour qu’il n’ait plus soif.  Cette image de Dieu qui intervient quand on le supplie cache  l’autre image de Dieu, celui qui inspire, qui donne espoir et montre la route à suivre


Ainsi, deux images de Dieu rivalisent-elles sous nos yeux alors que nous parcourons ce livre. Il est bien évident que c’est l’image de Dieu qui intervient qui a la faveur des auteurs de ce récit mais que notre raison récuse. Ces deux images de Dieu correspondent aussi aux aspirations profondes de l’humanité.  En effet,  si les humains aspirent à être pris par la main pour avancer, s’ils aspirent à être protégés quand ils se sentent  menacés et s’’ils espèrent  que Dieu fera face pour eux  aux adversités,  leurs pensées profondes  s’opposent  aussi à ce Dieu auquel ils aspirent mais qui  les place sous la dépendance de ses interventions, comme par magie.

Il y a donc un autre aspect du divin auquel nous aspirons. Il correspond  à ce moment où quittant l’enfance, nous cherchons à rejeter la tutelle de nos parents pour  se laisser habiter par des idées nouvelles  et  prendre en charge notre vie nous-mêmes.  Apparemment c’est cet aspect de Dieu qui  nous pousse à  devenir responsables de nous-mêmes, qui prend le pas sur cet autre aspect de Dieu dans cette histoire.  Mais ces forces qui émanent de Dieu rivalisent entre elles et nous préférons que Dieu réalise nos désirs de vie plutôt que de les réaliser nous-mêmes sous son inspiration. Malgré le désir d’indépendance que Dieu nous inspire, malgré le désir d’assumer nous-mêmes nos responsabilités,  nous n’osons pas le mettre en pratique  et   nous cherchons  quand même à nous réfugier  sous la protection de ce Dieu que nous aimerions voir agir à notre place.

C’est dans  cette double tension vis-à-vis de Dieu que nous nous réfugions aujourd’hui. Nous refusons ce Dieu interventionniste au nom de nos philosophies contemporaines et au nom de la science qui a lentement  édulcoré  cette image de Dieu.  Mais nous refusons aussi l’autre image de Dieu, car nous voulons être maîtres de notre destin en contestant le fait que Dieu puisse nous inspirer ce que nous devrions faire ou penser. Nous pensons  qu’il peut y avoir des idées nouvelles qui font l’économie de Dieu. Nous voila dans la situation du fils prodigue qui veut faire sa route tout seul et qui se croyant capable de diriger sa vie  tout seul se prive de son père et se trouve très vite en situation d’échec. Il se précipite alors dans les bras paternels  espérant que celui-ci interviendra, comme quand il était  un petit enfant.

Les peuples et les individus en passent tous par là et Jésus a bien vu la situation quand il raconte cette parabole célèbre du fils prodigue. La parabole s’achève sur un question ouverte et on ne sait pas comment elle peut finir.   Mais le livre de l’Exode ne s’arrête pas sur une interrogation comme la parabole, au contraire il s’achève sur l’espérance d’une marche en avant en compagnie de l’Eternel dans le respect  de sa volonté.

Mais en quoi consiste la volonté de Dieu ? Elle réside dans la découverte d’un  secret concernant le mieux vivre ensemble  dont dépend la réussite de toute entreprise humaine.  Ce secret, chacun devra le découvrir  mais aura du mal à l’accepter. Il  réside dans la manière dont chaque individu et chaque peuple se comportera vis  à vis de l’autre.  L’autre, le prochain le frère, doit avoir priorité dans toutes nos actions.

C’est ce que  le frère du fils prodigue n’a pas compris quand  il reste à la porte du jardin pour bouder au lieu d’accueillir son frère.  Cette découverte de la valeur de l’autre doit triompher de notre égoïsme et contient le secret de la vie, car  l’amour qui lui donne sa valeur est la définition même que Jésus donne à Dieu. Ce Dieu cesse alors d’être le  Dieu interventionniste pour devenir celui  qui nous pousse à vivre en compagnie des autres car c’est la seule manière d’accomplir heureusement son destin

Encore une remarque avant de clore cet entretien.  Si dans le commentaire qui est fait de la loi dans les versets qui ont été lus pour soutenir ce sermon les écrivains bibliques  ont laissé planer l’idée de mort contre ceux qui ne la respecteraient pas, il ne s’agit pas d’une mort due à la condamnation des transgresseurs par Dieu, bien que cela soit suggéré, mais il s’agit là de la conséquence  inéluctable du manque d’amour à l’égard de l’autre, du prochain, ou  du frère. En fait ce n’est pas Dieu qui punit mais c’est la conséquence de nos comportements  discriminatoires à l’égard des autres que  l’on voudrait faire endosser à Dieu mais qui découle  tout naturellement du mauvais  comportement que nous pourrions avoir avec les autres. 








mardi 10 octobre 2017

Esaïe 45/1-6 Dieu dans l'histoire dimanche 22 0ctobre 2017



Esaïe 45 :1-6
 

Chapitre 45

1 Voici ce que dit le SEIGNEUR à l'homme qui a reçu son onction, — à Cyrus, que j'ai saisi par la main droite, pour terrasser devant lui des nations, pour détacher la ceinture des rois, pour ouvrir devant lui les deux battants, et que les portes des villes ne soient plus fermées :

2 Je marcherai moi-même devant toi, j'aplanirai les pentes, je briserai les battants de bronze et je casserai les verrous de fer.

3 Je te donnerai des trésors enfouis, des richesses cachées, afin que tu saches que c'est moi, le SEIGNEUR (YHWH), qui t'appelle par ton nom, et que je suis le Dieu d'Israël.

4 A cause de Jacob, mon serviteur, d'Israël, celui que j'ai choisi, je t'ai appelé par ton nom ; je t'ai paré d'un titre, sans que tu me connaisses.

5 Je suis le SEIGNEUR (YHWH), et il n'y en a pas d'autre, à part moi il n'y a pas de Dieu ; je t'ai préparé au combat, sans que tu me connaisses,

6 afin que l'on sache, du soleil levant au couchant, qu'en dehors de moi il n'y a que néant : je suis le SEIGNEUR (YHWH), et il n'y en a pas d'autre.




Sans le savoir, Cyrus est entré dans le projet de Dieu.  Ce roi  païen est devenu à son insu un des héros de l’histoire d’Israël  et il a été perçu par le prophète Esaïe comme un instrument dans la main de Dieu  pour que s’accomplisse le destin du peuple juif. Par le truchement du prophète il a été inscrit sur  la liste de ceux que Dieu auraient  mis à part pour que l’histoire d’Israël s’accomplisse  heureusement. Il  serait  ainsi  entré dans le  projet  divin sans s’en apercevoir. Il y a même fort à parier que cette révélation d’Esaïe n’a jamais  été portée à sa connaissance. Si le prophète le revêt ici du titre de Messie, le roi des Perses n’en a sans doute  jamais  rien su.

Après ces quelques paroles d’introduction, il n’est pas inutile que nous nous interrogions sur la manière dont Dieu intervient dans l’histoire  et comment il se servirait des puissants, bien malgré eux pour que s’accomplisse l’histoire.  N’a-t-il pas été dit que pour libérer les Hébreux  captifs en terre D’Égypte, Dieu endurcit le cœur de pharaon  et qu’il fut ainsi manipulé par Dieu?  Ici, on nous laisse entendre que Cyrus bénéficia de la sympathie de Dieu afin d’entrer dans son projet libérateur des Hébreux captifs à Babylone. Dieu l’aurait-il manipulé à son tour comme il le fit du pharaon ?

Ceux qui ont raconté l’histoire d’Israël telle qu’on la trouve dans les Livres historiques de la Bible, ont tenté de chercher  des constantes  pour découvrir comment  Dieu se servait du caractère et de l’action des rois pour  provoquer des événements conformes à sa volonté divine. Il est habituellement admis  que Dieu utilisait la puissance des armées des ennemis d’Israël pour punir  le peuple   de ses mauvais comportements ou de son manque de foi. Si Israël se montrait docile à la volonté de Dieu, s’il obéissait à ses commandements, si  ses dirigeants respectaient les consignes de la loi de Moïse, si les solennités liturgiques manifestaient un respect de la Loi divine, tout allait bien.  Dans le cas contraire, ce qui était fréquent, les ennemis d’Israël auraient été utilisés par Dieu, comme le bâton dont il se serait servi pour corriger son peuple. On retrouve ce principe dans les nombreux enseignements des prophètes, mais s’ils l’enseignaient, y croyaient-ils vraiment ?


Certains événements ont démenti de telles assertions, en particulier l’épisode concernant le roi Josias. Il a été considéré comme un roi pieux parmi les rois pieux. On lui a attribué la réforme du culte et la promulgation du Deutéronome, mais le sort lui fut contraire. Il périt sur l’intervention du pharaon Nékao. Sa mort sonna le glas de l’indépendance d’Israël et  déclencha le mouvement qui entraîna sa perte et l’exil. Compte tenu de cet exemple, il ne parait pas possible de retenir la thèse selon laquelle Dieu écrirait l’histoire en réagissant d’une manière positive ou négative face aux comportements  du peuple d’Israël et des autres, car en rien Josias n'avait démérité. Cet  exemple suffit à démontrer que Dieu n’écrit pas l’histoire en faisant châtier les uns par les autres suivant son bon vouloir.

Ce qui semble plus vraisemblable, c’est que Dieu fasse connaître sa volonté  par l’enseignement des prophètes et des patriarches. Ils nous ont appris que  la volonté de Dieu était liée au respect de  l’amour du prochain à  la libération de l’opprimé et au secours de la veuve et de l’orphelin. C’est l’histoire de la sortie d’Égypte qui leur sert de norme en la matière. Mais la question reste de savoir comment Dieu s’y prend pour faire  respecter sa volonté  pour le mieux être des peuples. Nous avons du mal à retenir l’hypothèse selon laquelle Dieu endurcit le cœur du pharaon afin que celui-ci ne tiene pas compte des souffrances des Hébreux,  qu'il les chasse  d’Égypte et finisse par trouver la mort dans les eaux de la Mer Rouge. Cela ne semble pas compatible avec l’image que nous avons retenue de Dieu ni celle de l’enseignement que nous donnera Jésus Christ plus tard.

Nous allons essayer de comprendre comment Dieu fonctionne vis-à-vis des peuples en nous penchant sur l’histoire de Cyrus. Israël était alors un peuple en exil,  à des centaines de kilomètres de sa terre d’origine. Il était un peuple réduit en esclavage et opprimé par la main pesante des souverains successifs de Babylone. En devenant vainqueur de Babylone, le roi des perses Cyrus  proposa un autre destin à Israël.

 Pour des raisons propres à la politique qu’il appliquait à l’égard des peuples soumis, il décida du retour d’Israël sur sa terre d’origine. Ce projet correspondait bien à ce que nous supposons  du désir de Dieu. Mais si cela correspondait au désir de Dieu, cela ne voulait pas dire pour autant qu’il se servait de Cyrus  pour  faire sa volonté, ni même qu’il avait inspiré un projet libérateur à Cyrus.

 Cela voulait simplement dire que la politique de Cyrus allait dans le sens du désir de Dieu. Cela ne voulait pas dire  que Dieu était intervenu d’une manière ou d’une autre pour que l’histoire prenne le cours qu’elle avait pris même si Le prophète Esaïe a laissé entendre que l’action de Dieu allait dans ce sens et que Cyrus était un instrument dans sa main. Pour que ce fût le cas, il aurait fallu que Cyrus lui-même témoigne du fait qu’il avait compris la volonté de Dieu et que Dieu lui ait parlé dans ce sens. Ce ne fut pas le cas.

Que dire alors ?  Dieu est-il vraiment un Dieu libérateur et intervient-il d’une manière ou d’une autre pour que l’histoire aille dans le sens où il le désire ?  Il serait faux de dire que Dieu instrumentalise les hommes et qu’il les manipule pour que leuurs actions aillent dans le sens où il le désire. Mais on peut dire par contre que c’est l’Esprit de Dieu qui souffle sur le monde et sur ceux qui le  dirigent, et que de ce fait, ils  agissent dans le sens où l’esprit de Dieu les inspire. 

Dans de telles situations  on peut alors dire que Dieu prend à son compte les projets libérateurs des hommes pour les faire siens.  On peut même dire, comme ce fut le cas pour Cyrus que Dieu se reconnait dans un projet libérateur, même quand  le but du projet  n’est pas  la libération de ce peuple,  mais que malgré tout il va dans ce sens. C’est sans doute la lecture qu’Ésaïe a fait de cet événement.

Il n’est pas pour autant exclu que les dirigeants tournent leur coeur vers Dieu  qu'ils soient inspirés par sa loi et qu’ils cherchent le bien des peuples par obéissance à  cette loi. Mais dans l’histoire du monde ce fut rarement le cas. Il n’empêche cependant que la volonté de Dieu consiste à œuvrer  pour le mieux être de l’humanité. C'est pour cela que son esprit souffle sur le monde un esprit d'amour et de liberté. Pour cela, les croyants se  mobilisent et agissent.  Dieu  laisse  librement venir à lui tous les hommes qui ont compris sa nature divine et qui  se laissent influencer par son amour et  le désir de lui plaire.

Dieu diffuse ce désir de liberté sur les hommes, et ce sont les peuples influencés par Dieu qui font  pression sur leurs dirigeants  de telle sorte que ceux-ci sont contraints par l'action de leurs peuples de suivre leur instigation pour ne pas être chassés du pouvoir par eux. C'est là ce que préconise la théologie  dite de la libération en  affirmant que Dieu joue un rôle dans l'histoire en provoquant la libération des peuples. C'est ainsi me semble-t-il que Dieu agit sur l'histoire, toujours pour le bien des peuples et jamais pour les punir. Il se sert de chacune et  de chacun de nous pour mener cette action.