jeudi 30 juin 2016

Luc 10:25-37 Le bon Samaritain - dimanche 10 juillet 2016



Luc 10 : 25-37 Le bon Samaritain

25 Un spécialiste de la loi se leva et lui dit, pour le mettre à l'épreuve : Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? 26 Jésus lui dit : Qu'est-il écrit dans la Loi ? Comment lis-tu ? 27 Il répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain, comme toi-même. 28 Tu as bien répondu, lui dit Jésus ; fais cela, et tu vivras. 29 Mais lui voulut se justifier et dit à Jésus : Et qui est mon prochain ?  

30 Jésus reprit : Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba aux mains de bandits qui le dépouillèrent, le rouèrent de coups et s'en allèrent en le laissant à demi-mort. 31 Par hasard, un prêtre descendait par le même chemin ; il le vit et passa à distance. 32 Un lévite arriva de même à cet endroit ; il le vit et passa à distance. 33 Mais un Samaritain qui voyageait arriva près de lui et fut ému lorsqu'il le vit. 34 Il s'approcha et banda ses plaies, en y versant de l'huile et du vin ; puis il le plaça sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie et prit soin de lui. 35 Le lendemain, il sortit deux deniers, les donna à l'hôtelier et dit : « Prends soin de lui, et ce que tu dépenseras en plus, je te le paierai moi-même à mon retour. » 36 Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé aux mains des bandits ? 37 Il répondit : C'est celui qui a montré de la compassion envers lui. Jésus lui dit : Va, et toi aussi, fais de même.


Qui est mon prochain ? Autrement dit : l’étranger peut-il être mon prochain ? Nous allons bientôt le savoir en grinçant des dents.

Qu’a-t-il  donc  pu passer dans la tête de Jésus  pour qu’il  raconte à des gens qui lui étaient déjà opposés cette histoire qui met en scène un étranger, voyageur solitaire en terre hostile et fait monter la colère contre lui. Pourtant dans ce texte admirablement bien construit, rien n’est laissé au hasard. Jésus met au centre de son propos un étranger bien imprudent car il se déplace seul dans un endroit où les bandits abondent. Il est d’autant plus en danger qu’il est riche. Il est non seulement riche et étranger, mais il est samaritain, c’est dire qu’il offense les coutumes religieuses du pays qu’il traverse par sa  propre pratique religieuse. Il a tout contre lui. Il est donc bien imprudent  de se déplacer ainsi dans ce lieu solitaire. On pourrait s’attendre à ce que dans un tel contexte  il lui soit arrivé un mauvais coup. C’est même ce qu’aurait pu  espérer l’auditeur juif de Jésus qu’il semble viser dans ce propos.  Mais ce ne sera pas le cas. L’auditeur juif sera bien dépité pour la grande joie des disciples, car Jésus en fera un héro. Mais ne riez pas trop vite.

Sous les traits de ce Samaritain généreux et débonnaire, n’est-ce pas Jésus lui-même qui trace le portrait d’un personnage qui lui ressemble, fortune en moins? Il nécessiterait sans doute quelques retouches pour être exact, mais si peu !  Jésus ne fait-il pas lui-même  figure de redresseur de tort  et de donneur de leçon. Lui, qui prétend enseigner les juifs n’est-il pas un demi-étranger ? Il vient de Galilée, une mauvaise terre habitée par des sangs-mêlés,  des juifs mâtinés de païens. Comment  se sent-il autorisé à donner des leçons de vertu à des juifs de pure souche  et en les offenser en tournant en dérision le clergé local qu’il ridiculise dans une histoire  hautement improbable ?  

Jésus, est un  en habile narrateur  et il sait dans quelle direction  il entraîne ses auditeurs, c’est pourquoi il attend prudemment que l’intrigue du récit soit vraiment nouée, pour introduire le Samaritain  sur les lieux du drame. Mais cette situation  du blessé, laissé  sur le carreau par deux membres du clergé, n’est pas très vraisemblable.  Pas plus vraisemblable d’ailleurs,  sera l’attitude de ce riche samaritain qui donne la bonne réponse à la question  posée à l’origine  «  Qui est mon prochain ? »


Tout sonne faux dans ce récit si on l’approfondit quelque peu. Les  auditeurs de Jésus l’ont sans doute bien compris. En effet il semblait évident que la route empruntée par  les 3 personnages  et qui traversait un lieu désert était mal fréquentée. Le blessé de l’histoire en a fait les frais. Mais le Samaritain qui  était vraisemblablement  riche car il la manière dont il débourse par la suite une forte somme le montre bien.  Il n’aurait sans doute pas couru l’imprudence de voyager seul si l’histoire était crédible. S’il  avait voyagé en groupe avec d’autres personnes, comme  la prudence le recommandait,  son geste  aurait perdu une partie de sa valeur, c’est pourquoi Jésus l’a campé dans une histoire  invraisemblable où en tant que voyageur solitaire et vulnérable il s’aventurait sans escorte.  Cependant la remarque faite au sujet du danger encouru par le Samaritain est valable aussi pour le prêtre et le lévite qui sont peut être critiquables, mais pas idiots. Par  mesure de prudence  et dans leur propre intérêt, ils auraient sans doute voyagés ensemble, en tout cas pas seuls.  Ils n’auraient sans doute pas eu l’imprudence de  s’aventurer seuls sur une route dangereuse. Dans ce cas, le regard de leurs  compagnons de route les auraient l’un et l’autre invités à la charité et ils n’auraient pas passés leur chemin. Mais le récit n’aurait d’intérêt que si le prêtre et le lévite ont un mauvais rôle. Mais pourquoi Jésus affiche-t-il une telle hostilité à l’égard des prêtres ? A qui cherche-t-il à plaire et qui est visé par un tel discours ? Patience !

En attendant, écoutons  les propos qui se murmurent, sans doute, dans le dos de Jésus et qu’il a sciemment provoqués. Ce n’est pas  dit d’une manière audible, car le narrateur  garde le dénouement pour la fin, mais chacun de nous peut facilement trouver des arguments pour alimenter la critique. « C’est bien connu, susurre-t-on, que  Jésus était  anticlérical et qu’il Il préconisait une autre forme de  religion, une religion sans clergé, sans scribes  sans docteurs de la loi, sans Loi et sans Temple. » C’est sans doute pour accréditer ces critiques qu’il introduit dans son récit deux religieux qu’il  accable en les mettant dans une situation improbable et particulièrement désobligeante.  Cette rumeur,  on l’entendra clairement plus tard lors du procès de Jésus au Sanhédrin, mais elle  avait déjà pris naissance en Galilée, souvenez-vous,  lors du fameux sermon à Nazareth à l’issue duquel il faillit se faire lyncher. La rumeur, comme toute rumeur a tendance à s’amplifier, c’est ce qui se passe sans doute,  alors que Jésus approchait  de Jérusalem. Les disciples n’en perdent pas une miette.

 Mais ce ne sont pas les seules critiques que l’on pourrait adresser à Jésus. On pourrait lui reprocher encore d’avoir mis en scène un aubergiste  qui accepte de faire crédit  à un étranger, ce que personne n’aurait fait et ne ferait encore, ni vous, ni moi. Ça ne tient pas ! Toute l’histoire est  construite sur des impossibilités, mais sa conclusion,  allons-nous la récuser aussi  puisqu’elle nous paraît invraisemblable et qu’elle est la conclusion d’un récit invraisemblable ? 

En fait, il est bien plus facile pour tout auditeur de ce récit de le  décrédibiliser, plutôt que d’écouter ce qu’il dit. Si nous estimons que  l’histoire n’est pas crédible, c’est qu’aucun des auditeurs, ni vous ni moi n’est capable de se comporter comme devrait le faire celui qui  cherche vraiment à être  attentif à son prochain. Jésus pointe ici la  rudesse de notre cœur qui nous avons dénoncé tous les arguments qui rendent cette histoire impossible, et nous l’avons fait avec complaisance, parce que les arguments ultimes de Jésus nous gênent. Je parle  ici pour moi, bien entendu. Mais ce n’est pas fini.

Continuons. Portons notre attention sur ce samaritain qui ne tient compte ni de son temps, ni de son argent pour maintenir en vie le mourant.  Ce qui lui paraît plus essentiel que tout, même que ses soucis personnels, c’est que la vie du blessé soit préservée. Pour lui cette émotion qu’il ressent à la vue du blessé est plus forte que toutes les prescriptions de la religion, elle dépasse. Elle dépasse la rigidité de la loi écrite pour en faire la quintessence de la loi morale, celle à laquelle Jésus nous propose d’obéir d’instinct parce qu’elle provient d’une réaction du cœur. Mais la pointe du texte est peut être encore ailleurs

Jésus n’est pas un naïf. Au cours de ce voyage qui l’amène à Jérusalem, il a lui-même expérimenté la dureté des relations avec les étrangers et des Samaritains en particulier.  Il s’est trouvé lui, et  ses amis, en situation d’étranger rejeté  en traversant la Samarie. Le récit nous en rapporte l’épisode quelques lignes plus haut.  Il fut agressé à l’entrée d’un village samaritain ( Lc 9/53ss). Sans doute sa petite troupe était-elle  en nombre suffisant pour que l’incident soit sans conséquence, mais il dut passer son chemin ! De là découle la nécessité de voyager en groupe. Cependant  la rancune s’était  installée au cœur de ses proches qui lui proposèrent quand même de faire descendre le feu du ciel sur les agresseurs.


Cette parabole ne serait-elle pas la leçon que donnerait Jésus à  ses propres amis à la suite de cet incident et ne s’adresserait aux juifs qu’après coup ? Ce serait donc ses amis qui seraient d’abord visés ici. En effet, la leçon porte mieux si on donne l’impression de s’adresser à d’autres qu’à ceux qui sont réellement visés. Jésus a bien compris  quel sort il aurait eu lui-même s’il avait voyagé en solitaire, mais cela fait partie des aléas de la vie.  Il est alors montré que la générosité de cœur n’a pas de frontières  et que ce n’est pas le fait d’être étranger qui rend les hommes différents les uns des autres.

Il n’y a aucune frontière qui délimite le territoire où se trouve notre prochain,  les frontières sont construites par les hommes et non par Dieu  et c’est elles qui  fabriquent des étrangers.  Les frontières sont  des séparations de nature humaine  établies par les hommes pour des raisons économiques mais que Dieu n’a pas inventées pour  que les hommes établissent entre eux des différences d’ordre  morale raciales ou ethniques.

Illustrations:Henryk Stephan, A.N. Morot, E. Delacroix

mercredi 8 juin 2016

Luc 9:51-62 - l'espérance - dimanche 26 juin 2016



L'Espérance 

Comme arrivaient les jours où il allait être enlevé, il prit la ferme résolution de se rendre à Jérusalem 52 et il envoya devant lui des messagers. Ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains, afin de faire des préparatifs pour lui. 53 Mais on ne l'accueillit pas, parce qu'il se dirigeait vers Jérusalem. 54 Quand ils virent cela, les disciples Jacques et Jean dirent : Seigneur, veux-tu que nous disions au feu de descendre du ciel pour les détruire ? 55 Il se tourna vers eux et les rabroua. 56 Et ils allèrent dans un autre village. 57 Pendant qu'ils étaient en chemin, quelqu'un lui dit : Je te suivrai partout où tu iras. 58Jésus lui dit : Les renards ont des tanières, les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l'homme n'a pas où poser sa tête. 59 Il dit à un autre : Suis-moi. Celui-ci répondit : Seigneur, permets-moi d'aller d'abord ensevelir mon père. 60 Il lui dit : Laisse les morts ensevelir leurs morts ; toi, va-t'en annoncer le règne de Dieu. 61 Un autre dit : Je te suivrai, Seigneur, mais permets-moi d'aller d'abord prendre congé de ceux de ma maison. 62 Jésus lui dit : Quiconque met la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas bon pour le royaume de Dieu. ...

« Quiconque met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas bon pour le Royaume de Dieu »

C’est sans doute la seule fois dans l’Écriture que Jésus aborde un domaine qui relève de ses compétences professionnelles. Il parle en effet de ce qu’il connaît professionnellement. En tant que charpentier, il confectionnait la partie en bois des charrues et il savait qu’en appuyant plus fort sur un mancheron que sur l’autre on faisait dévier l’instrument. Ce mouvement provoquait un déséquilibre de la charrue qui traçait alors un sillon tordu. Le fait de se détourner pour regarder en arrière impliquait forcément une pression plus forte sur un mancheron que sur l’autre du fait du déhanchement que provoquait ce mouvement. Ainsi celui qui regarde en arrière en labourant est incapable de faire un travail correct et un sillon droit. Il doit donc rester l’œil fixé droit devant lui sur la lisière du champ pour faire du bon travail.

Or Jésus enseigne qu’on ne peut être utile pour le Royaume de Dieu que si on regarde en avant, car c’est l’avenir qui est important. C’est devant nous que se tient l’avenir à construire. Ce que l’on doit construire est forcément en face de nous. Ce qui est derrière est déjà passé et on ne peut plus rien faire pour le changer. Jésus se désolidarise ainsi de tous ces croyants qui croient bien faire et qui passent leur temps à se lamenter sur le passé, sur les fautes qu’ils ont commises et surtout sur celles que les autres ont commises. Ils insistent sur les conséquences qu’elles peuvent avoir, sur la nécessité du repentir et de changer de sentiments et d’attitude « Laissez au passé le soin du passé, » semble dire Jésus à ses disciples, « vous ne serez pas jugés sur la manière dont vous vous serez lamentés sur le passé, mais sur la manière dont vous allez participer à la construction de l’avenir »

Jésus n’ignore pas que le passé peut avoir de lourdes conséquences sur le comportement des individus. Il sait bien que le poids de la faute est parfois tel qu’on se refuse à pouvoir envisager de vivre normalement le futur. Il sait bien qu’il ne suffit pas de vouloir oublier le passé pour que cela se fasse. Il sait tout cela, c’est pourquoi il proclame très fermement le pardon de tous les péchés sans exception. Il prétend que Dieu se charge de notre passé pour nous permettre d’avancer vers l’avenir. Dieu se charge de gérer notre passé et nous rend responsables du futur que nous allons construire.

Pour ceux dont le passé est trop lourd à porter, c’est à dire pour la plupart des hommes, il leur propose d’opérer un transfert sur lui. Il décide donc d’assumer le poids de leurs fautes jusqu’à en mourir. Pour que les amis de Jésus puissent se sentir libérés de leur passé c’est lui qui le prend en charge et il en meurt, mais cela n’a vraiment d’effet que si on accepte de se déculpabiliser de son passé et de regarder vers l’avant. Ceux qui acceptent de relever ce défi doivent entreprendre de construire avec Jésus des œuvres qui sont porteuses de vie. Tel est le sens que Jésus dans son amour donne à sa mort. Il voulait qu’elle soit suffisamment exemplaire pour que nous puissions opérer sur elle nos transferts de responsabilité. La seule attitude qui nous est demandée c’est de croire que Dieu cautionne cet acte d’amour car ce transfert de notre culpabilité sur Jésus est pour lui la seule manière de libérer l’avenir, afin que le passé ne pèse plus sur nous. Celui qui n’accepte pas cela « n’est pas bon pour le Royaume de Dieu », car il ne pourra pleinement construire son avenir que s’il est libre d’exercer à nouveau sa faculté d’agir et d’aimer.

Quand nous saisissons les mancherons de la charrue pour tracer le sillon de la vie que Dieu nous propose, nous devons garder les regards fixés sur l’éternité qui se trouve à la l’orée du champ. L’avenir que nous construisons avec Dieu est porteur de la vie qu’il promet. Il a pour but l’amour du prochain et donc son mieux être. Ainsi nous sommes destinés à avancer sereinement à la rencontre d’un avenir heureux habité par Dieu.

Mais tout cela relève d’une utopie apparemment irréalisable, sommes-nous amenés à penser en regardant évoluer notre société. Chacun sait que les outils dont nous nous servons pour construire l’avenir sont le produit du passé. C’est avec des idées mille fois répétées et réactualisées que nous forgeons les idées nouvelles. Nous nous appuyons aussi sur des principes acquis, qui ont fait leurs preuves dans le passé pour entreprendre ce que nous construisons, si bien que nous puisons la nouveauté de nos entreprises sur le passé qui nous les a transmises..

De tout temps, les hommes ont construit le futur en rivalisant entre eux, si bien que les termes d’amour et de fraternité que nous empruntons à l’Évangile et que Jésus nous propose comme les éléments nouveaux pour édifier son Royaume semblent parfaitement obsolètes en matière de projets d’avenir. Ces termes ne semblent pas devoir être retenus par ceux qui font des projets sérieux. La compétitivité devient l’idée force pour entreprendre des projets porteurs.

Quand on se présente devant un employeur, comment ne pas faire valoir ses capacités à faire mieux que les autres ? Comment ne pas faire état de ce que l’on a réussi par le passé ? Notre vie entière est organisée en fonction des expériences que la vie nous a apprises et ce sont les expériences du passé qui nous apprennent à ne pas trébucher à nouveau. Tout cela est plein de bon sens et Jésus ne le contesterait sans doute pas, mais ce qu’il nous demande d’intégrer, c’est une autre manière de voir les choses que nous appelons l’espérance.

L’espérance nous demande de refuser de croire que l’avenir sera la répétition du passé avec ses mêmes échecs, ses mêmes contraintes, ses mêmes rivalités, et que les générations futures serons dominées de la même manière que celles du passé par les castes privilégiées de ceux qui sont plus chanceux et plus intelligents que les autres. L’espérance nous invite à croire que l’indifférence au sort des autres ne sera pas toujours la règle générale et que les méchants et les égoïstes ne seront pas toujours les plus nombreux.

L’espérance consiste à croire qu’à force de se déverser sur le monde, l’amour, tel que Jésus nous l’a enseigné, finira bien par triompher. L’espérance consiste à regarder tout ce qui se fait et tout ce qui s’entreprend avec optimisme parce qu’une partie des hommes qui les mettent en œuvre est habitée par l’esprit de Dieu et que cette puissance de Dieu qui est en eux finira par influencer ce sur quoi ils agissent.

Plus le nombre des humains augmente sur notre planète, plus le nombre de ceux qui sont habités par l’esprit de Dieu augmente, si bien que nous devons renoncer à croire à la fatalité selon laquelle le côté négatif des choses sera toujours plus efficace que le côté positif, car si cela était vrai, il y a longtemps que l’humanité aurait cessé d’exister.

Si Dieu ne se voit pas dans des actions qui sont sensées manifester sa toute puissance, la présence de Dieu se voit dans l’acharnement que l’humanité exerce sur elle-même pour résister à toutes les forces mauvaises qui ne réussissent pas à l’entraîner vers sa perte. ainsi, celui qui est habité par l’esprit que Dieu met lui en peut-il saisir vigoureusement les mancherons de la charrue.

Il sait que les expériences de son passé ne peuvent servir qu’à lui permettre de regarder l’avenir avec intérêt. Il sait aussi, qu’en dépit des apparences, Dieu agit au cœur de l’humanité, pour que chaque jour, des humains souvent invisibles et anonymes soient visités par son esprit et se mettent à faire ce qu’il souhaite qu’ils fassent. Dieu s’appuie sur des gens qui construisent leur avenir en mettant en pratique toutes les dimensions du Royaume dont Jésus a ébauché les contours dans son Évangile. Ils croient qu’il se réalisera un jour par les mains entreprenantes de tant d’hommes et de femmes dont nous sommes.

jeudi 2 juin 2016

Luc 9: 18-24 : Et vous qui dites-vous que je suis? dimanche 19 juin 2016



Luc 9 :18-24  -  Pierre déclare que Jésus est le Christ  - dimanche 19 juin 2016

18 Un jour qu'il priait à l'écart et que les disciples étaient réunis auprès de lui, il leur demanda : Au dire des foules, qui suis-je ? 19 Ils répondirent : Pour les uns, Jean le Baptiseur ; pour d'autres, Elie ; pour d'autres encore, un des anciens prophètes qui s'est relevé. 20— Et pour vous, leur dit-il, qui suis-je ? Pierre répondit : Le Christ de Dieu. 21 Il les rabroua, en leur enjoignant de ne dire cela à personne, 22 ajoutant qu'il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu'il soit tué et qu'il se réveille le troisième jour.

23 Il disait à tous : Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge chaque jour de sa croix et qu'il me suive. 24 Car quiconque voudra sauver sa vie la perdra, mais quiconque perdra sa vie à cause de moi la sauvera. 25 Et à quoi sert-il à un être humain de gagner le monde entier, s'il se perd ou se ruine lui-même ? 26 En effet, quiconque aura honte de moi et de mes paroles, le Fils de l'homme aura honte de lui quand il viendra dans sa gloire, dans la gloire du Père et des saints anges. 27 Et je vous le dis, en vérité, quelques-uns de ceux qui se tiennent ici ne goûteront pas la mort avant d'avoir vu le règne de Dieu. 

Et vous, que dites-vous de Jésus?  Il est Dieu, fils de Dieu, Messie peu importe, chacun a sa réponse, chacun a sa relation personnelle à Dieu, mais, quoi qu’on en dise, on est obligé de reconnaître que Jésus est venu vers les hommes sous des apparences modestes. Il a tenu à rester humble. Il a choisi de nous présenter une image de Dieu que nous aurions plutôt tendance à réfuter. Il présente Dieu comme le Dieu de l’impossible. Il montre Dieu sous les traits de celui que l’on rejette. Le Dieu tel que Jésus le présente se plaît à ressembler à celui qui souffre, à celui qui est humilié ou incompris. Il s’identifie à celui qui est méprisé,  à celui que l’on abandonne quand la mort le menace. Il est aussi celui qu’on  ne reconnaît plus quand la résurrection le propulse dans notre existence d’humain. Jésus nous propose une image de Dieu qui nous provoque car elle ne correspond pas à nos désirs. Nous aspirons à reconnaître en Dieu une puissance qui se voit et qui intervient d’une manière manifeste dans la vie des hommes. Comme cela ne se voit pas d’une manière évidente,  Dieu semble absent de notre monde.

Sans vraiment vouloir être provoquant et en regardant simplement fonctionner notre société française, nous constatons que nous vivons dans un monde qui nie l’existence de Dieu ou plutôt qui se passe de lui. Notre référence à Dieu reste floue et on n’a pas l’impression de le voir intervenir dans le cours des choses. On le dit attentif aux hommes et pourtant cela ne se voit pas, cependant, cela n’empêche pas que beaucoup  parmi eux s’appliquent à lutter contre les souffrances et les exclusions, contre  les maladies et contre la mort même. Le  monde des humains,  si détaché de Dieu en apparence ne l’est pas tellement en profondeur. En effet,  les plus entreprenants parmi les humains s’appliquent à intervenir dans les lieux où Jésus a dit que Dieu se  cachait, c’est à dire les lieux de détresse. 

 A force d’intervenir là où Dieu se cache, on finira bien par le trouver, même si cela prend du temps. Jésus donc, nous présente l’image d’un Dieu qui se cache derrière tous les scandales humains qui nous provoquent et nous interpellent: Les guerres d’hégémonie qui oppriment les minorités ethniques, les enfants contraints au travail ou à la prostitution, les vieillards enfermés dans la solitude de l’oubli, les jeunes en quête d’espérance, les adultes dans leur combat contre le chômage, les immigrés dans leurs désirs de papiers régularisés, les femmes, dans leur provocation à l’égalité, autant de lieux où Dieu se cache. 

Mais pourquoi avoir choisi les misères humaines pour s’y dissimuler?  pourquoi avoir choisi l’inacceptable afin de se révéler?
Parce qu’il nous attend sur les lieux même où  son adversaire semble le plus fort et il veut l’affronter là où il nous opprime pour mieux le tourner en dérision. Son adversaire qui est-il? Le diable, le mal, la mort ou l’homme lui-même?

Certains, peut être, en entendant parler du diable commencent à se demander où je vais les embarquer; d’autres par contre se réjouissent en pensant que j’ai enfin compris les enjeux du monde de demain. Ils espèrent que  je vais vous enjoindre à vous retirer hors de ce monde pervers, et que je vais vous inviter à vous enfermer dans la bulle confortable d’une communauté toute attentive à la prière et à la morale. Et bien  non, je ne vais pas le faire parce que le texte que nous avons lu ne nous entraîne pas dans cette direction. Le texte nous dit simplement que la mort, sous tous ses aspects est un obstacle à la manifestation de Dieu et que Jésus nous attend dans les lieux où le pouvoir de la mort la rend insupportable. La mort est insupportable parce que ni elle, ni la souffrance qui l’accompagne, ni l’injustice ne font partie du programme de Dieu. En Jésus Christ, Dieu se désolidarise définitivement de tout ce qui porte atteinte à l’homme.


Mais s’il se désolidarise du mal et de la mort, il n’en ignore pas pour autant les effets, c’est pourquoi il se place  sur le terrain de la mort et du mal, non pas pour les anéantir mais pour les surmonter. Il semble que  le mal  et la mort ne soient pas voulu par Dieu,  mais ils font partie  du mystère du monde où nous vivons, même si cela dépasse notre compréhension, cela fait partie de notre monde ! Tout se passe comme si, Dieu, ayant maîtrisé le cahot au commencement de toute chose avait continué  son œuvre en libérant le monde. Pour participer à cette entreprise de libération il a  confié à « l’homme pensant » que nous sommes le soin de continuer son combat contre la mort et le mal. Le mal et la mort restent donc les ennemis à abattre. 

Depuis que l’homme existe, Dieu a passé avec lui un contrat de collaboration qui consiste à travailler en association avec lui afin d’organiser le monde pour qu’il évolue harmonieusement pour le mieux être des hommes. Dieu envoie au  combat tous ces hommes et toutes ces femmes  qui acceptent de faire  alliance avec lui.  Ils se mettent à l’œuvre pour que  sans relâche et avec ingéniosité ils repoussent l’adversaire. Ils deviennent ainsi les témoins d’ une vie qui dépasse la mort et que faute de mieux on appelle la résurrection.
 
En effet,  la résurrection fait partie du programme de Dieu, ce n’est pas un palliatif qu’il aurait inventé pour contrecarrer un dérapage  supposé de la création. La résurrection fait partie intégrante de la vie chrétienne et de l’espérance. Elle en est l’aboutissement normal, c’est pourquoi Jésus se situe là où elle risque d’être le plus contestée, c’est à dire au cœur  même de la violence et de la mort.

Jésus s’y trouve  et nous invite à l’y rejoindre afin que par la manifestation de notre espérance la fatalité du mal se trouve tellement contestée qu’elle finira par disparaît.
Après ces réflexions, la question posée au début « qui dites vous de Jésus » n’a plus de raison d’être.  Inutile de chercher à expliquer ou à justifier ou à démontrer la réalité de Dieu en Jésus Christ. Nous découvrons dans tout cela que Dieu ne s’invente pas et qu’il ne se démontre pas. Il se manifeste et ceux qui ont compris tout ça et qui  s’efforcent de le rejoindre là où il est le moins visible: dans les lieux de la souffrance et du rejet, dans les lieux de la provocation et du désordre afin que tout cela s’apaise.


On découvre,  encore une fois, que les autorités religieuses, contemporaines de Jésus, n’avaient rien compris. Elles avaient voulu enfermer Dieu dans des rites religieux, tels les sacrifices et les pèlerinages et même les prières rituelles alors  que lui, voulait se faire reconnaître en partageant la vie des hommes. N’ayant rien compris  ils ont réclamé la tête de Jésus, prenant ainsi le parti de la violence pour défendre la dignité d’un Dieu qui ne leur demandait  rien, si non de le suivre sur le chemin des hommes. Les Églises d’aujourd’hui l’ont-elles mieux compris?

Ainsi, ni la violence ni la haine, ni l’injustice ne sont des éléments que l’on peut faire valoir pour nier la réalité de Dieu. Combien de fois faudra-t-il entendre encore cette affirmation, tant de fois répétée qu’elle fait concurrences à l’Évangile: «puisqu’il y a tant de mal dans le monde, c’est que Dieu n’existe pas ». Bien au contraire, Dieu nous invite à le rejoindre sur les lieux de violence afin que la violence cesse, puisqu’elle est contraire à Dieu et que la résurrection apparaisse comme une réalité normale qui s’inscrit dans le cours des choses. Dieu l’ a créée  de toute éternité afin de nous en revêtir l’heure venue.

ILLUSTRATIONS :J'ai emprunté les images et le texte ci-dessous à G. Castelnau dans  son site "protestants dans la ville" comme si pour moi cette peinture donnait une réponse au sens de la vie que Jésus est venue établir sur terre.

Keith Haring est un jeune artiste américain au dessin vigoureux et expressif. dont toute la volonté, toute la passion, tout l’engagement s’est focalisé dans la lutte contre toutes les forces mauvaises oppressant, aliénant l’homme. Son art est populaire dans la mesure où, devant ses dessins, tout le monde se sent immédiatement concerné et interpellé par un message parfaitement clair et saisissant violent et sympathique, dans un humour décapant dont chacun saisit sans peine la vérité de l’humanisme. 

« L’Arbre aux Singes » qui est en exergue montre de petits êtres que le titre appelle des singes mais qui font penser à notre humanité, nombreuse, agitée, animée et gaie, avec les couples qui s’entraident, se caressent s’épouillent, s’accouplent sans complexe. Un monde heureux, coloré et bien vivant. Vision optimiste de la vie.