dimanche 29 mars 2009

Croire et douter tout à la fois Jean 20:19-31 dimanche 19 avril 2009


Jean 20/19-31 19 pour le dimanche 19 avril 2009


Le soir de ce jour-là, qui était le premier de la semaine, alors que les portes de l'endroit où se trouvaient les disciples étaient fermées, par crainte des Juifs, Jésus vint ; debout au milieu d'eux, il leur dit : Que la paix soit avec vous ! 20Quand il eut dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples se réjouirent de voir le Seigneur. 21Jésus leur dit à nouveau : Que la paix soit avec vous ! Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie. 22Après avoir dit cela, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l'Esprit saint. 23A qui vous pardonnerez les péchés, ceux-ci sont pardonnés ; à qui vous les retiendrez, ils sont retenus.


24Thomas, celui qu'on appelle le Jumeau, l'un des Douze, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint. 25Les autres disciples lui dirent donc : Nous avons vu le Seigneur. Mais lui leur dit : Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous et ma main dans son côté, je ne le croirai jamais !


26Huit jours après, ses disciples étaient de nouveau dans la maison, et Thomas avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient fermées ; debout au milieu d'eux, il leur dit : Que la paix soit avec vous ! 27Puis il dit à Thomas : Avance ici ton doigt, regarde mes mains, avance ta main et mets-la dans mon côté ! Ne sois pas un incroyant, deviens un homme de foi ! 28Thomas lui répondit : Mon Seigneur, mon Dieu ! 29Jésus lui dit : Parce que tu m'as vu, tu es convaincu ? Heureux ceux qui croient sans avoir vu !


30Jésus a encore produit, devant ses disciples, beaucoup d'autres signes qui ne sont pas écrits dans ce livre. 31Mais ceux-ci sont écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et que, par cette foi, vous ayez la vie en son nom.




Ce n’est pas parce que la résurrection de Jésus est incroyable qu’il ne faut pas y croire et en rejeter le principe !

Qui es-tu Thomas pour décider à l’avance que tu ne croiras seulement que si Jésus procède selon les conditions que tu lui imposes et que tu détermines à l’avance ? Tu ériges ta capacité à nier les choses au rang de vérité absolue. Tu pourrais avoir un peu de modestie et penser que Dieu peut emprunter, pour venir à toi, des chemins que tu n’as pas prévus. Peut-être Dieu peut-il susciter une vérité là où tu as placé le déni ? Thomas se drape dans le vêtement de son bon sens et sans doute souffre-t-il de voir le fossé se creuser entre les autres qui sont joyeux de leurs certitudes et lui qui doute. Ce n’est pas rare de rencontrer des situations semblables où nous voyons les croyants sûrs de leur foi, parfois arrogants, témoignant des bienfaits que leur procure leur rencontre avec le Christ, face à des sceptiques qui en rajoutent à leur tour, en les traitant d’illuminés ! Ce n’est certainement pas une telle situation que Jésus souhaite provoquer en apparaissant à ses apôtres en l’absence de Thomas.

Ce n’est pas parce que l’on ne croit pas, pour le moment que l’on doit s’enfermer dans le refus de croire. Ainsi, pour emprunter un exemple dans un autre domaine, nous pouvons dire qu’il est difficile de croire que la terre est une boule qui tourne toute seule dans l’espace sans tomber et pourtant c’est vrai ! Et des hommes sont morts pour l’avoir affirmé. Pour que ce fait devienne une certitude, il a fallu que les hommes acceptent de ne plus s’invectiver mais décident de faire fonctionner leurs connaissances et leur raison. Il y a des défis plus complexes que celui-là où la science et la raison n’arrivent pas à établir des preuves, il faut alors que Dieu s’en mêle pour apporter une réponse. Thomas se trouve dans cette situation, mais par avance il a fermé la porte à Dieu en lui imposant une manière de procéder.

Thomas n’est pas seul dans cette situation, il a de nombreux frères et sœurs qui partagent ses refus de croire et ses incertitudes. La foi du charbonnier est devenue une denrée rare dans nos sociétés et les croyants sont souvent habités par des doutes qui remettent leur foi en cause. Aujourd’hui, il y a tant de raisons de douter que l’on se demande si ce ne sont pas les sceptiques ou les athées qui ont raison face aux croyants.

Ce texte peut-il apporter un peu d’eau au moulin de notre scepticisme ? Certes, il n’apporte nullement la preuve de la résurrection de Jésus, mais il sollicite notre entendement pour préparer notre esprit à croire au mystère de la résurrection. Cela se produira quand il plaira à Dieu de nous visiter. Cependant notre impatience à vouloir tout savoir tout de suite, va à l’encontre de la sagesse de Dieu. Un simple survol de ce texte nous apporte deux informations qui pourront nous aider : Tout d’abord, Jésus ne répond pas immédiatement. Il laisse Thomas dans son questionnement pendant huit jours. On ne nous dit pas quelle a été l’attitude de Thomas pendant cette semaine d’attente, sans doute a-t-il campé sur ses positions en s’enfermant dans son refus de croire. Sans doute aussi s’est-il senti lâché par les siens.

Dans une telle situation, celui qui doute ne peut être aidé que s’il s’ouvre aux autres, ou que s’il crie à Dieu dans la prière. Ce ne fut sans doute pas le cas de Thomas. Jésus quant à lui a attendu le moment propice pour venir à lui. Quand ce moment se produisit, et c’est la deuxième information que donne ce texte, tout ce que Thomas avait élaboré comme conditions indispensables pour croire s’effondre. Pourtant Jésus était entré dans son jeu. Il avait offert ses mains et son côté pour qu’il les touche. Mais il n’a ni touché ses mains ni mis ses doigts dans son côté. Il n’a pu qu’exprimer la foi qui jaillit en lui dans un souffle : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

Mais avant que cet événement se produise, si Thomas s’est enfermé dans son scepticisme, c’est qu’il voulait croire, mais il n’en avait pas les moyens en lui, c’est pourquoi il a mis la barre très haute. Il voulait un contact physique avec le ressuscité sans quoi il se refusait à croire. Inconsciemment, il nous donne une leçon en matière de foi. Il justifie ses doutes par des arguments logiques : toucher, mettre ses doigts. Le doute met notre esprit en mouvement et nous fait trouver des arguments. C’est ainsi que notre pensée peut progresser, car c’est ainsi que nous sommes conçus. Quand Jésus se manifeste à Thomas, c’est dans un esprit en pleine ébullition qu ‘il intervient et il qu’il met à bat tous les arguments qu’il a élaborés.

L’Epoque que nous vivons nous met dans une situation comparable à celle de Thomas. Elle nous incite continuellement à douter. Cette situation est sans doute inconfortable mais en même temps elle est, stimulante pour notre foi. De toute part les principes sur lesquelles est établie notre foi sont ébranlés. Nous sommes sollicités par toutes sortes de média qui nous entraînent à douter des fondement même des Ecritures en mettant en doute l’historicité, des écrits bibliques. Selon ces détracteurs, ces récits ne seraient pas le reflet d’événements historiquement établis, mais ils seraient le rassemblement de traditions éparses réunies par les savants juifs de l’époque de l’exil.

Il nous faut donc mettre notre esprit en mouvement afin d’imaginer le défi que devaient relever les Scribes de l’exil. Le Temple était détruit, le roi était prisonnier en exil, il n’y avait plus rien pour donner confiance à un peuple vaincu. L’Ecriture n’existait que sous forme de traditions liées aux légendes propres à chaque tribu. Ils entreprirent alors une oeuvre colossale pour rassembler par un travail minutieux de rédaction et de compilation, les textes qu’ils avaient trouvés. En reconstituant des événements qui n’avaient pas forcément existés, ils ont redonné foi a un peuple qui redécouvrait son passé commun et la fidélité de son Dieu.

Ce Dieu qu’ils découvraient se révélait à eux dans une Ecriture qu’ils étaient en train de découvrir et d’écrire tout à la fois. C’est par elle désormais que Dieu leur parlait. Il était perçu comme un Dieu bon qui intervenait dans l’histoire des hommes pour provoquer leur libération quand ils étaient opprimés. Cette provocation des chercheurs modernes qui bousculent les traditions et qui déstabilise les croyants en mettant en cause l’authenticité des Ecritures révèle qu’à l’origine, cette aventure a permis de mettre en forme le texte de la Bible que nous avons aujourd’hui et de nous permettre de prendre à notre compte l’aventure spirituelle de ces hommes qui sont devenus nos ancêtres dans la foi.

La redécouverte de leur Dieu a permis aux exilés de retrouver espoir. Il les engageait à espérer et à aller de l’avant sur le chemin de la vie. Grâce à lui ils ont pu construire leur identité culturelle face aux divinités païennes qui semblaient triomphantes.

Que ceux qui se sentent déstabilisés par ces affirmations que les historiens et archéologues déversent sur notre société chrétienne, utilisent le doute qui surgit en eux pour construire leur foi sur ces nouvelles données. Qu’ils se tournent aussi vers Dieu lui même pour lui demander de manifester sa fidélité à chacun de nous comme il l’a fait pour son peuple quand les événements de l’exil avaient mis à bas tous les éléments de leur foi.

Nous sommes aussi tentés de perdre la foi parce que, aujourd’hui journalistes et philosophes se mettent d’accord pour décrier les 20 siècles d’histoire du christianisme qui viennent de s’écouler. Des croisades jusqu’aux missions modernes tout semble contestable à leurs yeux, et les chrétiens d’aujourd’hui mal à l’aise se prennent à douter des fondement de leur religion.

Mais si on peut douter de l’engagement dans la foi de ceux qui ont écrit l’histoire de ce pays, on ne peut douter de la Bible elle-même qui reste le ferment de notre foi. Doutant de l’histoire, on retrouve alors les Ecritures purifiées de l’histoire humaine. Elles retrouvent une fraîcheur toute nouvelle qui donne envie d’ aller de l’avant avec ce Dieu qui l’a inspirée et Jésus qui l’a enseignée.

Si nous avons été tentés de rejoindre Thomas dans son scepticisme, il nous faut agir comme lui pour faire face aux tentations modernes. Il nous faut maintenir notre esprit en mouvement pour que Dieu se serve de notre dynamisme afin de construire avec nous et en nous une foi plus solide et plus forte qui nous aidera à être forts dans un monde moderne désorienté.

mardi 24 mars 2009

Il entra, il vit et il crut. Jean 20/1-10 Dimanche 13 avril 2009







Jean 20:1-10 Résurrection de Jésus-Christ



1Le premier jour de la semaine, Marie-Madeleine se rendit au tombeau dès le matin, comme il faisait encore obscur ; et elle vit que la pierre était enlevée du tombeau. 2 Elle courut trouver Simon Pierre et l'autre disciple que Jésus aimait, et leur dit : On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où on l'a mis.

3 Pierre et l'autre disciple sortirent pour aller au tombeau. 4Ils couraient tous deux ensemble. Mais l'autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau ; 5 il se baissa, vit les bandelettes qui étaient là, pourtant il n'entra pas. 6 Simon Pierre qui le suivait, arriva. Il entra dans le tombeau, aperçut les bandelettes qui étaient là 7 et le linge qu'on avait mis sur la tête de Jésus, non pas avec les bandelettes, mais roulé à une place à part. 8 Alors l'autre disciple, qui était arrivé le premier au tombeau, entra aussi ; il vit et il crut. 9 Car ils n'avaient pas encore compris l'Écriture, selon laquelle Jésus devait ressusciter d'entre les morts. 10 Et les disciples s'en retournèrent chez eux.







Textes Jean 20/1-10 « L’autre disciple qui était arrivé le premier entra dans le tombeau, il vit et il cru. »


Ce sermon va être un sermon sportif. Nous allons passer tout ce temps à courir avec deux hommes dans un marathon spécial vers la vie. Nous les rejoignons alors qu'ils cherchent leur chemin dans l’obscurité. Obscurité du matin qui est en train de naître, obscurité aussi qui emplit leur esprit désemparé, comme elle emplit le nôtre face à ce mystère.

Pourquoi ces deux là courent-ils ? Où vont-ils alors qu’il ne fait pas encore jour ? Un bruit s’est fait entendre dans la nuit, une rumeur est parvenue jusqu’à eux : le tombeau est ouvert. Les voilà partis, l’un à la suite de l’autre, l’un devançant l’autre et l’autre se faisant rattraper pour être devancé à son tour. Course de deux hommes qui cherchent à échapper à leur propre nuit. Deux hommes qui cherchent à comprendre l’incompréhensible.

Leur course dans la nuit de l’incompréhension est aussi la nôtre. Nous allons, nous aussi, courir avec eux à la recherche de la vérité sur la vie, car la mort n’est plus à sa place, la mort n’est plus ce que nous croyions. Le mort n’était plus à sa place car la mort telle qu'on la croit n’a plus de place. Nous jouons sur les mots pour dire encore aujourd’hui nos interrogations sur le vrai sens de la mort et corollairement pour nous interroger sur le sens de la vie ?

Ces deux hommes courent à la recherche de ce qu’ils ne savent pas formuler. Ils espèrent une réponse à une question qu’ils ne savent pas poser. Quand ils arrivent au tombeau, là où habite la mort, il n’ y a plus de mort. L’un entre et l’autre n’entre pas. La situation est cependant la même pour l’un, comme pour l’autre. Le premier voit les bandelettes et n’entre pas et Simon qui le suivait entra et vit les bandelettes. Il y a absence du mort aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du tombeau. La mort est ailleurs. Pour l’instant la mort est dans leur âme, dans leurs questionnements et dans leurs inquiétudes. C’est alors que l’autre, celui que Jésus aimait, entre dans le lieu où était la mort et" il vit et il crut", est-il dit ! Puis ils s’en retournent chez eux.

Ainsi en est-il de nous tous en ce matin de Pâques. On est venu à l’Eglise parce que l’on croit. On est venu pour conjuguer encore une fois tous ensemble ce même verbe croire : je crois, tu crois, nous croyons, puis on retournera chez soi. Telle sera la journée du croyant en ce jour là : une commémoration du jour où la mort a cessé d’être le terme de la vie. Mais Pâques est-ce seulement cela ?

Sans doute, comme le Bien Aimé, nous sommes heureux de croire. Mais croire qui ? Ou croire quoi ou croire en quoi? La plus part du temps on n’ en dit pas plus. On se contente d’affirmer que l’on croit ? Il est important de croire, dit-on, comme si le verbe croire était une fin en soi.


Le mot croire correspond à une adhésion personnelle à une vérité qui nous dépasse. Mais de quelle vérité s’agit-il ? Cette vérité peut d’ailleurs en contenir plusieurs qui peuvent même se contredire. « Je crois en Dieu, je crois en la vie après la mort, je crois en la résurrection, je crois à la vie éternelle. » Toutes ces affirmations recouvrent des démarches intérieures qui sont le fruit de notre réflexion ou de notre tradition, ou de notre culture. Il n’est pas rare que dans leurs conversations avec les uns et les autres les pasteurs s’entendent interpeller sur ce qu’il est correct de croire pour un protestant: « nous les protestants, qu’est-ce que nous croyons sur tel point ou sur tel autre ? » Ce type de question semble dire que pour beaucoup, le fait de croire est lié à un certain nombre d’affirmations auxquelles nous nous devons d’adhérer pour faire partie d’un groupe particulier.

Si nous faisons partie de ces gens là, nous rejoignons dans la peine-ombre Pierre et l’autre disciple qui courent en quête d’un signe qui leur permettra de formuler leur foi. Avez-vous remarqué que c’est la première fois depuis le début de mon propos que j’utilise le mot foi. En effet dans notre cheminement spirituel, pour avancer, nous devons opérer un glissement nécessaire qui va de la notion de croire à la notion de foi. C’est autour de cette notion de foi que va s’articuler tout le mystère de notre vie intérieure. Derrière le mot foi se cache une autre dimension de la spiritualité, à savoir que nous ne sommes pas maîtres de ce que nous croyons, car la foi dépasse notre raison.

Les deux hommes qui courent dans la nuit sont dépassés par leur raison. S’ils vont à la tombe en pleine nuit c’est à la suite des propos d’une femme dont tout le monde sait qu’elle est dérangée. S’ils ont réagi ainsi, c’est que leur raison a été ébranlée par quelque chose qui ne leur vient pas d’eux-mêmes. A l’énoncé de la parole de Marie Madeleine l’espérance fait surgir comme une lumière dans leur nuit. Bousculant ce qui est rationnel en eux, ils se mettent à espérer en quelque chose d’irrationnel.

Ces deux hommes savent bien que le Dieu de leurs Pères, que le Dieu de Jésus, est maître de tout, qu’il a tout pouvoir et qu’il peut faire surgir la vie là où la mort a fait son œuvre. On a beau le savoir, c’est quand même du jamais vu ! L’espérance faisait son chemin en eux et ils ne le savaient pas encore.

Il y a des passages obligatoires sur le chemin de la foi. L’espérance en est un. C’est le moment où notre âme est travaillée à l’intérieur de nous-mêmes par une proposition que notre raison réfute, mais qui provoque un sursaut d’énergie en nous. Cette proposition se heurte à notre intelligence qui développe toute sorte d’arguments raisonnables pour nous dire que ça ne tient pas la route, que ça ne peut être vrai et que ça relève de l’absurde ou du rêve.

Ceux qui vivent ce type d’expérience disent qu’ils sont ébranlés. Le disciple que Jésus aimait en est là. Il est ébranlé, il constate que la mort n’est pas ce qu’il pensait, il constate que rien ne correspond à sa logique. Ici, il est dit qu’il croit. En fait, il ne croit pas vraiment car il ne sait pas en quoi il est sensé croire, il est ébranlé. L’espérance a fait son chemin en lui, mais il n’est pas arrivé au terme de sa course ni de son expérience religieuse.

Le phénomène de la foi relèverait-il alors d’une simple expérience, fut-elle religieuse ? Tout cela ne serait-il que le fruit de notre pensée que nous libérerions pour un temps pour qu’elle produise des fantasmes qui nous donneraient des sensations fugitives qui permettraient à notre esprit de se décharger des angoisses métaphysiques qui nous stressent profondément ? C’est en tout cas le souhait de beaucoup. Ils désirent seulement être libérés de l’angoisse, mais ils ne désirent pas aller au de là...

Si nous avons déjà atteint ce point là, ce n’est déjà pas si mal. Mais on peut encore aller plus loin. C’est sans doute parce qu’on ne veut pas aller plus loin que nos églises demeurent aujourd’hui dans un immobilisme consternant.

En fait nous aimerions garder le contrôle de nos émotions, même de nos émotions religieuses et en limiter la portée. Mais nous ne sommes pas maîtres de la situation. Si notre raison a été ébranlée, si l’espérance nous a provoqués, si nous y avons pris de l’intérêt c’est que cette puissance qui a surgi en nous et qui a bousculé notre manière de comprendre est à l’œuvre en nous. Elle ne nous lâchera pas à moins que nous résistions trop fort. Car nous ne sommes pas encore arrivés au terme de notre course.

Dieu, qui a mis tout cet émoi en éveil a l’intention d’aller plus loin et de venir réguler le cours de notre vie. Il désire habiter nos pensées et inspirer nos projets. Pour cela il nous réserve encore, l’expérience d’un face à face personnel. Ce sera la suite de l'Evangile. Ainsi contrairement à ce qui est écrit, après cela ils ne retournent pas tranquillement dans leur maison. Dieu, en la personne de Jésus, va s’imposer à eux comme une vérité insoupçonnée. Cela aussi ils devront l'accepter. C’est alors qu’ils feront, et nous avec eux, l’expérience de la résurrection.



Chaque année à Pâques nous refaisons ensemble cet itinéraire de la foi, nous nous souvenons que Dieu habitait en Jésus Christ et qu’il se propose encore d’habiter en nous pour que toutes choses deviennent nouvelles. A Pâques, c’est le moment où chacun prend conscience que Dieu habite en lui et qu’il est devenu le partenaire incontournable de sa vie.

lundi 16 mars 2009

Une farce pour révéler l'espérance Dimanche des Rameaux 5 avril 2009


La vérité peut prendre des chemins bien étranges.




Evangile de Marc Chapitre 11/1-11

Entrée de Jésus à Jérusalem

1Lorsqu'ils approchèrent de Jérusalem, de Bethphagé et de Béthanie vers le mont des Oliviers, Jésus envoya deux de ses disciples en leur disant : 2Allez au village qui est devant vous ; dès que vous y serez entrés vous trouverez un ânon attaché, sur lequel aucun homme ne s'est encore assis ; détachez-le et amenez-le. 3Si quelqu'un vous dit : Pourquoi faites-vous cela ? répondez : Le Seigneur en a besoin. Et à l'instant il le laissera venir ici. 4Ils s'en allèrent, trouvèrent un ânon attaché dehors près d'une porte dans la rue, et le détachèrent. 5Quelques-uns de ceux qui étaient là leur dirent : Que faites-vous et pourquoi détachez-vous cet ânon ? 6Ils répondirent comme Jésus l'avait dit. Et on les laissa aller. 7Ils amenèrent à Jésus l'ânon sur lequel ils jetèrent leurs vêtements, et Jésus s'assit dessus. 8Beaucoup de gens étendirent leurs vêtements sur le chemin, et d'autres des rameaux qu'ils coupèrent dans les champs. 9Ceux qui précédaient et ceux qui suivaient (Jésus) criaient : Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !
10Béni soit le règne qui vient, le règne de David, notre Père ! Hosanna dans les lieux très hauts !


RAMEAUX Dimanche 5 avril 2009

Marc 11/1-11

Jésus a-t-il décidé d’offrir un moment de récréation à ses amis? Pour une fois, il donne dans la liesse et dans la joie sans retenue. Il se prête à une mascarade de Carnaval dont il accepte de tenir le premier rôle. Pendant le Carnaval, tout est permis. On tourne en dérision le pouvoir, on s’amuse à singer les grands et on transgresse à plaisir les règles de la société. Dans cette histoire de mascarade, c’est à nous de trouver la vérité.

Pour bien signifier que la chose est de l’ordre du jeu et de la mascarade, Jésus n’hésite pas à forcer la dose en caracolant sur un ânon, le petit de l’ânesse, c’est à dire une monture impropre à être montée par un adulte qui juché sur son dos a les pieds qui traînent par terre. Ce petit de l’âne n’a rien de la monture prestigieuse que chevauchaient jadis les rois d’Israël, dit-on. En effet, il paraît que David lui-même caracolait sur un superbe âne de Palestine: poil gris, garrot élevé, oeil vif, sabot luisant. David avait des régiments d’ânes, qui mieux que les chevaux avaient le pied sûr et étaient les montures idéales pour les combats en montagne. C’est grâce à eux qu’il aurait pu s’emparer de la ville de Jérusalem. Mais pour qu’il n’y ait pas de qui pro quo, Jésus utilise ici un animal trop petit pour le porter. Pas d’étendards mais des rameaux, pas de tapis, mais quelques manteaux. On imagine facilement l’escorte formée par la populace excitée s’amusant de la situation.

Pas d’inquiétude à avoir de la part du pouvoir officiel. Il ne s’agit vraiment pas d’une émeute. La dignité du tétrarque qui présidait habituellement aux cérémonies religieuses n’est pas en cause, ni celle du procurateur qui représentait l’autorité romaine, ni celles des grands prêtres. Bien que l’on soit selon la tradition à quelques jours de la fête de Pâques, on est plutôt dans, l’ambiance de la fête de Pourim, le carnaval juif qui se déroulait un mois plus tôt. Au cours de cette fête on commémorait l’histoire d’Esther. Y a-t-il une relation entre le spectacle qu’offre Jésus et cette fête si non l’ambiance? Je ne le sais pas, mais pourquoi ne risquerai-je pas une comparaison? Grâce à Esther un pogrom, un massacre à grande échelle, des juifs exilés en Assyrie a été évité. Dans l’antique Assur, une intrigue de cour avait mis en cause le portier du palais royal: un juif du nom de Mardochée, et qui était l’oncle de la reine Esther. Haman, le premier ministre avait décidé sa perte et obtint du roi un édit d’extermination des juifs. La reine Esther au risque de sa vie déjoue le complot, obtint la faveur royale et renverse la situation. Le Premier ministre est exécuté et Mardochée prend sa place.

Les apparences sont trompeuses et la Vérité se cache bien souvent là où on ne la cherche pas. Dieu est toujours du côté de la vérité si bien qu’on ne le trouve pas toujours là où on l’espère. Dans cette parodie de procession royale que Jésus identifie volontairement à un jeu, que cherche-t-il réellement à dire? Il veut dire que les hommes sont sensibles aux apparences, mais que la vérité n’est pas forcément du domaine du sensible. Ce qui flatte les yeux et les sens a bien souvent plus d’attrait que ce qui ne se voit pas. Jésus ne nous a-t-il pas dit que c’est dans l’intimité de sa chambre que l’on pratique le dialogue en vérité avec Dieu? Dans l’Evangile, Jésus s’en est pris parfois à ceux qui extériorisaient trop leur foi. Il a mis en cause les rites provocateurs. Il a contesté ceux qui priaient en vêtements à franges à l’extérieur pour montrer leur foi et il a retenu la piété de celui qui discrètement dans l’ombre se frappait la poitrine parce qu’il se reconnaissait pécheur devant Dieu.

Tout cela n’empêche pas que nous sommes sensibles aux choses qui ont de l’apparence. Le prédicateur éloquent, qui porte un vêtement bien propre a bien plus de chance de séduire que celui qui a une élocution laborieuse et dont le vêtement n’est pas net. Pascal en a longuement parlé dans son traité sur le pari

Dieu écrit droit avec des lignes courbes et les événements qui marquent ou qui, marqueront l’histoire des hommes ne sont pas ceux qui sont repérés ou orchestrés. Les grands hommes ne sont pas toujours ceux que l’on inhume au Panthéon. Dieu s’ingénie à écrire l’histoire d’une manière et les hommes s ‘évertuent à la lire autrement. Je n’essaye cependant pas minimiser le rôle des gens qui sont en vue ni de tout affadir en dénonçant les grands et je ne dis pas que les vraies valeurs sont toujours invisibles. J’essaye à travers l’événement des Rameaux de valoriser nos personnes et nos actions en disant que Dieu sait trouver dans les gestes les plus modestes que nous faisons pour lui plaire, les vraies valeurs de l’avenir.

Dieu n’utilise pas forcément les autoroutes de la communication pour se révéler. Le saint Esprit emprunte des itinéraires secrets et bien souvent modestes. A notre tour, il nous faut faire preuve de modestie pour nous mettre au bénéfice de ce souffle.

Les chemins sur lesquels nous marchons ne sont pas construits avec de grosses pierres, sans quoi on ne pourrait pas circuler. Les grosses pierres que sont les bornes, sont placées au bord du chemin comme signe de repère, mais elles ne servent pas à grand chose, si non à indiquer que l’on a parcouru mille mètres. Tout le monde les voit mais peu les utilisent. Par contre ce sont les millions de petits cailloux, les millions de gravillons de la route agglutinés les uns aux autres qui en font la qualité du revêtement et sont utiles à tous. Nous savons bien que les gravillons sont utiles et servent à tous et c’est nous qui les constituons, quant aux bornes kilométriques, nous l’avons dit, elles ne servent pas à grand chose, si non a être vu, et c’est leur rôle. Ce sont les grands de ce monde qui les constituent, et comme elles ils servent de point de repère et pas dava
ntage. Leurs noms servent à marquer les dates de l’histoire.

La route qui plaît à Dieu et sur laquelle Jésus fait avancer sa monture c’est celle qui est constituée par les milliards de petites pierres que nous sommes et dont le rôle est de crier et de révéler la gloire de Dieu.

J’aimerais encore tirer une autre leçon de cet événement, c’est celle de la joie que procure Dieu. Il n’y a aucune raison d’être joyeux dans cette histoire. Elle est plutôt dérisoire et le dérisoire n’est pas forcément drôle. On nous a fait même remarquer dans un autre Evangile, c’est celui de Luc, qu’il y avait des gens pour qui ne trouvaient pas ça drôle du tout. Ils souhaitaient plutôt qu’on se taise plutôt que de crier.

Il est curieux de constater que ceux qui se croient importants font exactement le contraire de ce qu’il faudrait faire. Ils réclament de se taire quand il faut crier et ils parlent quand il faut se taire. Ils veulent codifier la spontanéité et ils veulent provoquer des temps festifs. En fait, ils veulent décider de tout, mais ce serait compter sans Dieu. Ni les émotions, ni le saint Esprit n’obéissent à ce genre de règle.

Pour Jésus, par contre, nous sommes engagés dans une marche vers le Royaume. Cette marche est joyeuse, même si on n’a pas de raisons d’être joyeux. Ce roi loqueteux dont Jésus prend les traits est la figure du roi sans pouvoir, qui demain sera maître du monde. Il sera comme l’un de nous, il sera l’un de nous, il sera nous tous ensemble. Dès maintenant il s’avance vers une société égalitaire où les hommes n’auront plus de raisons de rivaliser entre eux, ni de s’envier, ni de se faire du mal. Il n’y aura plus ni justes ni injustes, ni pauvres ni riches, ni compétition ni concurrence, ni nord ni sud, ni vaincu ni oppresseur. Nous devons chaque jour joyeusement déposer une pierre sur le chemin où marche l’ânon divin pour que cette promesse d’un monde nouveau s’inscrive dans l’ordre des réalités en devenir.

mardi 10 mars 2009

Les réalités de la foi sont de l'ordre de l'invisible Jean 12/20-26 Dimanche 29 mars






Jean 12/20-26




20 Il y avait quelques Grecs qui étaient montés pour adorer à l'occasion de la fête. 21Ils s'adressèrent à Philippe qui était de Bethsaïda de Galilée et ils lui firent cette demande : « Seigneur, nous voudrions voir Jésus. » 22Philippe alla le dire à André, et ensemble ils le dirent à Jésus. 23Jésus leur répondit en ces termes : « Elle est venue, l'heure où le Fils de l'homme doit être glorifié. 24En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, il reste seul ; si au contraire il meurt, il porte du fruit en abondance. 25Celui qui aime sa vie la perd, et celui qui cesse de s'y attacher en ce monde la gardera pour la vie éternelle. 26Si quelqu'un veut me servir, qu'il se mette à ma suite, et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu'un me sert, le Père l'honorera.



Il y a un art de voir qui ne relève pas du bon fonctionnement de nos yeux mais qui relève de notre âme. Il y a une faculté de sentir les choses qui ne relève pas de nos sens mais d’une perception intérieure de tout notre être qui nous met en contact avec des réalités que nous ne soupçonnons pas. La réalité de Dieu s’impose à nous sans qu’il soit nécessaire d’entendre quelque chose ou de voir quoi que ce soit. Les certitudes qui nous habitent ne viennent pas de ce nous voyons, mais de ce que nous croyons. Les mystères de l’âme humaine n’ont pas encore vraiment été explorés, car ils ne relèvent d’aucune investigation scientifique. Ils relèvent de l’expérience que chacun fait avec Dieu. Il ne faut pas entendre par le mot âme un principe surnaturel et éternel qui serait la partie noble de notre être en en communication avec Dieu et opposition à tout ce qui est matériel et sensible. Il faut comprendre par cette expression tout ce qui recouvre notre vie intérieure et qui reste inaccessible aux techniques d’investigation des hommes.

Celui qui cherche Dieu pense cependant qu’il pourra le rencontrer par le moyen de ses sens. Il se tient en alerte pour écouter afin d’entendre. Il s’imprègne de musique suave et croit alors qu’il entendra peut être Dieu dans le jeu sublime des instruments et des interprètes. Il contemple le soleil qui se couche sur l’océan et croit comprendre par ce spectacle tout le mystère de la création et de la grandeur de Dieu ! En fait, il n’en est rien, cela ne relève que des techniques que l’expérience humaine a déjà éprouvées depuis longtemps. Elles nous prédisposent sans doute à une ouverture à Dieu, mais elle ne nous révèlent pas Dieu.

Un tel comportement rejoint celui de ces grecs qui dans notre passage veulent voir Jésus et que Jésus laissent sans réponse. Ils espèrent se rapprocher de Dieu en le voyant mais Jésus les détourne de ce projet. Il ne se montre pas à eux car le fait de voir ou de ne pas voir n’éclairera en rien leur demande de foi. Sans doute font-ils une démarche louable, et ils s’y prennent bien. Ils s’adressent à Philippe, puis à André dont les noms révèlent qu’ils sont eux aussi, sans doute d’origine grecque. Ils viennent de Bethsaïda, de l’autre côté du lac qui est perçu comme une terre païenne. Ils sont les plus qualifiés pour les introduire en présence du Seigneur, mais Jésus ne permet pas à la démarche d’aboutir et nous restons, comme eux sur notre faim.

Les gens qui cherchent à développer leur spiritualité croient bien souvent qu’en essayant de voir, ils parviendront à croire. « Montre-nous le Père » dira un peu plus loin Thomas, et Jésus le renverra à sa vie intérieure : « Il y a si longtemps que je suis avec vous et tu n’as toujours pas compris ! » Ni Thomas, ni nous-mêmes n’avons compris que nos sens nous trahissent et nous entraînent à croire ce qui n’a pas lieu d’être. La foi n’est pas de l’ordre de ce qui se voit.

Jésus fait dire à ces amis grecs qui cherchent à le voir, que s’ils veulent comprendre quelque chose à son message, c’est dans ce qui ne se voit pas qu’ils le trouveront, car c’est dans la mort de Jésus que se trouve tout le mystère de la vie en Dieu. Ce mystère oriente nos regards vers l’événement de Pâques qui contient en lui tout ce qu’il nous faut savoir pour comprendre Dieu.

Le récit de l’événement de Pâques occupe plus du 1/4 de chaque évangile. On y trouve le récit d’un non-événement, car la résurrection est un événement qui ne se voit pas. C’est un non-événement puisque le récit est présenté comme s’il n’avait pas eu lieu. Les gardes dormaient devant le tombeau et ne s’aperçurent de rien, les disciples qui se terraient dans leurs maisons n’étaient pas là et n’ont donc rien vu, les femmes affairées dès le petit matin arrivèrent trop tard et ne découvrirent que le tombeau vide. Ce vide n’est pas le vide du néant sans quoi on aurait trouvé un corps pour attester qu’il était bien mort. L’absence du corps se constate, mais ne se voit pas, elle est beaucoup plus troublante que sa présence. S’il y a quelque chose à comprendre, ce n’est pas dans ce qu’il y a à voir que cela se situe, puisqu’il n’y a rien à voir.

Mais le ressuscité lui-même ils l’ont bien vu par la suite ! Sans doute, mais dans un premier temps, quand ils l’ont vu, ils n’ont pas cru que c’était lui. Marie Madeleine le prend pour le jardinier et les disciples d’Emmaüs réalisent que c’est lui quand il est parti et qu’ils ne le voient plus. Bien sûr, plus tard, ils le verront tous, à l’exception de Thomas, mais ce sera trop tard car la réalité de la résurrection s’était déjà imposée à eux dans le non-événement qui constitue l’épisode du tombeau vide, car la résurrection ne se voit pas. C’est à cause de cela que les peintres n’ont jamais pu en rendre vraiment compte. Ils trahissent d’ailleurs le message de la résurrection en représentant le ressuscité qui bien que visible reste insaisissable.

Même une réalité aussi nécessaire à notre foi que la résurrection ne parvient pas à nous par les sens. Cette réalité parvient à nous par des itinéraires intérieurs qui nous bousculent. L’individu que nous sommes n’entre pas dans le mystère de Dieu par des moyens humains, c’est Dieu qui vient vers nous par des itinéraires divins. Cela n’est pas réservé à quelques initiés, cela est le fait de tout un chacun. Dieu se rend disponible à tous. Mais nous ne pourrons pas comprendre Dieu si nous occultons les manifestations de son esprit par toutes sortes d’artifices humains qui au lieu de le révéler risquent de lui barrer le chemin.

Nous devons prendre en compte qu’il existe en nous une autre dimension de l’individu qui n’est pas faite de chair et de sang mais qui est faite d’esprit et de sentiments, et c’est là que Dieu se plaît à venir habiter. C’est au niveau de ce qui est insaisissable en nous que Dieu révèle à chacun le mystère d’une vie qui nous dépasse et qui reste insaisissable par les sens. Cette vie dépasse ce qui est matériel et nous révèle qu’au-delà de l’être physique que nous sommes, il y a une réalité profonde que beaucoup ne soupçonnent même pas mais à qui Dieu confère une valeur d’éternité.

Jadis, dans une société aujourd’hui révolue, on disait de celui dont la vie intérieure était perceptible à l’extérieur qu’il était une belle âme. Cette réalité ne se voyait pas mais elle se percevait. Il en va de même pour la réalité de Dieu, elle ne se voit pas mais elle se perçoit et cette perception s’impose à nous comme une conviction. Celui qui prétend chercher Dieu et qui se plaint de ne pas le trouver se trompe car en fait Dieu est déjà installé en lui depuis longtemps et il n’attend pour se manifester que l’on se rende disponible. Il attend que l’on cesse de s’agiter et de faire des expériences spirituelles pour découvrir au fond de nous-mêmes ce Dieu qui est déjà au rendez-vous.

C’est alors qu’il nous sera possible non pas de voir Dieu mais de le percevoir. Sa Parole, sans faire vibrer les ondes sonores deviendra clairement perceptible dans les Ecritures qui nous parlent de lui et où les propos de Jésus prennent du sens. Cette Parole retentit en nous comme un encouragement à vivre avec intensité la vie présente puisque cette vie s’enrichit déjà de l’éternité. Pour en arriver là il faudra que chacun prenne sur lui de considérer que la vraie vie en Dieu n’est perceptible que pour ceux qui acceptent d’orienter leur méditation vers ce lieu de mort qu’est la croix et ce lieu de vide qu’est le tombeau. La vérité sur Dieu se fera alors manifeste au fond de nous pour nous révéler que la mort est dépassée par la vie qui repose déjà en nous et que Dieu concrétise en nous par la foi.

samedi 7 mars 2009

Appel à collaboration pour actes 27

Ce texte présente une difficulté d'interprétation pour laquelle j'aimerais l'avis des lecteurs. Merci d'intervenir.

Chapitre 27 T.O.B.

1Quand notre embarquement pour l'Italie a été décidé, on a remis Paul et d'autres prisonniers à un centurion nommé Julius, de la Cohorte Augusta. 2Nous sommes alors montés à bord d'un bateau d'Adramyttium en partance pour les côtes d'Asie et nous avons pris la mer. Il y avait avec nous Aristarque, un Macédonien de Thessalonique. 3Le lendemain, à l'occasion d'une escale à Sidon, Julius, qui traitait Paul avec humanité, lui a permis d'aller trouver ses amis et de profiter de leur accueil. 4De là, reprenant la mer, nous avons fait route sous Chypre, car les vents nous étaient contraires. 5Ce fut alors la traversée de la mer qui borde la Cilicie et la Pamphylie, et nous avons débarqué à Myre, en Lycie. 6Le centurion, trouvant là un bateau d'Alexandrie en route vers l'Italie, nous y a fait embarquer. 7Durant quelques jours notre navigation a été ralentie et c'est à grand-peine que nous sommes arrivés à la hauteur de Cnide. Comme le vent nous contrariait, nous sommes passés sous la Crète, vers le cap Salmonè 8et, après l'avoir doublé de justesse, nous sommes arrivés à un endroit appelé Beaux Ports, près de la ville de Lasaïa.
9Mais un certain temps s'était écoulé, et il devenait désormais dangereux de naviguer, puisque le Jeûne était déjà passé. Paul a voulu donner son avis : 10« Mes amis, leur a-t-il dit, j'estime que la navigation va entraîner des dommages et des pertes notables non seulement pour la cargaison et le bateau, mais aussi pour nos personnes. » 11Le centurion néanmoins se fiait davantage au capitaine et au subrécargue qu'aux avertissements de Paul. 12Comme le port, en outre, se prêtait mal à l'hivernage, la majorité a été d'avis de reprendre la mer ; on verrait bien si l'on pouvait atteindre Phénix, un port de Crète, ouvert au sud-ouest et au nord-ouest et y passer l'hiver.
La tempête
13Une petite brise du sud s'était levée, et ils se sont imaginé que ce projet était réalisable ; ayant donc levé l'ancre, ils ont tenté de border la côte de Crète. 14Mais presque aussitôt, venant de l'île, un vent d'ouragan, qu'on appelle euraquilon, s'est abattu sur eux ; 15le bateau fut emporté, incapable de remonter au vent, et, laissant porter, nous allions à la dérive. 16Filant sous le couvert d'une petite île appelée Cauda, nous avons pourtant réussi, de justesse, à maîtriser le canot. 17Après l'avoir hissé à bord, on a eu recours aux moyens de fortune : ceinturer le bateau de cordages et, par crainte d'aller échouer sur la Syrte, filer l'ancre flottante ; et l'on a continué ainsi de dériver. 18Le lendemain, comme nous étions toujours violemment secoués par la tempête, on jetait du fret 19et, le troisième jour, de leurs propres mains les matelots ont affalé le gréement. 20Ni le soleil ni les étoiles ne se montraient depuis plusieurs jours ; la tempête, d'une violence peu commune, demeurait dangereuse : tout espoir d'être sauvés nous échappait désormais.
21On n'avait plus rien mangé depuis longtemps quand Paul, debout au milieu d'eux, leur a dit : « Vous voyez, mes amis, il aurait fallu suivre mon conseil, ne pas quitter la Crète et faire ainsi l'économie de ces dommages et de ces pertes. 22Mais, à présent, je vous invite à garder courage : car aucun d'entre vous n'y laissera la vie ; seul le bateau sera perdu. 23Cette nuit même, en effet, un ange du Dieu auquel j'appartiens et que je sers s'est présenté à moi 24et m'a dit : “Sois sans crainte, Paul ; il faut que tu comparaisses devant l'empereur et Dieu t'accorde aussi la vie de tous tes compagnons de traversée ! ” 25Courage donc, mes amis ! Je fais confiance à Dieu : il en sera comme il m'a dit. 26Nous devons échouer sur une île. »
Sauvés du naufrage
27C'était la quatorzième nuit que nous dérivions sur l'Adriatique ; vers minuit, les marins ont pressenti l'approche d'une terre. 28Jetant alors la sonde, ils ont trouvé vingt brasses ; à quelque distance, ils l'ont jetée encore une fois et en ont trouvé quinze. 29Dans la crainte que nous ne soyons peut-être drossés sur des récifs, ils ont alors mouillé quatre ancres à l'arrière et souhaité vivement l'arrivée du jour. 30Mais, comme les marins, sous prétexte de s'embosser sur les ancres de l'avant, cherchaient à s'enfuir du bateau et mettaient le canot à la mer, 31Paul a dit au centurion et aux soldats : « Si ces hommes ne restent pas à bord, vous, vous ne pourrez pas être sauvés. » 32Les soldats ont alors coupé les filins du canot et l'ont laissé partir.
33En attendant le jour, Paul a engagé tout le monde à prendre de la nourriture : « C'est aujourd'hui le quatorzième jour que vous passez dans l'expectative sans manger, et vous ne prenez toujours rien. 34Je vous engage donc à reprendre de la nourriture, car il y va de votre salut. Encore une fois, aucun d'entre vous ne perdra un cheveu de sa tête. » 35Sur ces mots, il a pris du pain, a rendu grâce à Dieu en présence de tous, l'a rompu et s'est mis à manger. 36Tous alors, reprenant courage, se sont alimentés à leur tour. 37Au total, n
ous étions deux cent soixante-seize personnes à bord. 38Une fois rassasiés, on a allégé le bateau en jetant le blé à la mer.
39Une fois le jour venu, les marins ne reconnaissaient pas la terre, mais ils distinguaient une baie avec une plage et ils avaient l'intention, si c'était possible, d'y échouer le bateau. 40Ils ont alors filé les ancres par le bout, les abandonnant à la mer, tandis qu'ils larguaient les avirons de queue ; puis, hissant au vent la civadière, ils ont mis le cap sur la plage. 41Mais ils ont touché un banc de sable et y ont échoué le vaisseau ; la proue, enfoncée, est restée prise, tandis que la poupe se disloquait sous les coups de mer. 42Les soldats ont eu alors l'idée de tuer les prisonniers, de peur qu'il ne s'en échappe à la nage. 43Mais le centurion, décidé à sauver Paul, les a empêchés d'exécuter leur projet ; il a ordonné à ceux qui savaient nager de sauter à l'eau les premiers et de gagner la terre. 44Les autres le feraient soit sur des planches soit sur des épaves du bateau. Et c'est ainsi que tous se sont retrouvés à terre, sains et saufs.






Actes 27 nous relate un des naufrages célèbres de Paul. Selon 2 Corinthiens 11/25 il en aurait fait trois autres, ce qui lui donne une certaine compétence sur laquelle s’appuie l’auteur de ce chapitre.

La plupart des exégètes autorisés font confiance à ce texte et ne mettent pas en doute le bien fondé de l’attitude de Paul. On peut cependant se poser la question pour savoir si la vérité n’est pas différente. Dans ces quelques lignes nous allons tenter de faire une autre approche, mais nous allons avoir besoin de vous pour vérifier nos thèses.

Paul a-t-il sauvé les passagers du bateau ainsi que l’équipage par sa clairvoyance, comme le dit le Livre des Actes au chapitre 27 ou au contraire précipite-t-il la perte du navire par son interventionnisme inopportun en poussant les soldats à couper les cordes qui retiennent la chaloupe à bord du navire? La réponse que nous apporterons à cette à cette question aura des conséquences importantes sur la nature de ce texte.

Pour trancher entre ces deux thèses il faudra vérifier, entre autres, si au verset 32 et 33 la perception de Paul est la bonne. Il faudra savoir si les marins sont en train de s’échapper du bateau avec la chaloupe ou s’ils se préparent à opérer une manœuvre particulière pour déplacer les ancres et permettre au bateau d’être en situation favorable pour accoster.

Pour en savoir plus, nous aurons besoin des compétences des lecteurs qui sont avertis sur les conditions de la navigation antique et qui savent comment on manœuvrait les bateaux à cette époque et peut être, encore à notre époque en Méditerranée. Donc n’hésitez pas à nous faire part de vos connaissances.

Il est clair que depuis le départ de Myra en Lycie les marins faisaient preuve de compétence. Les spécialistes l’attestent (1). La prudence des marins imposait au navire d’avancer lentement étant donné que la saison était avancée. Le jeûne était dépassé ( il s’agissait du Kippur) et la tradition maritime voulait que l’on arrête de naviguer quelques jours après, à la fête des Tentes. Le pilote maintenait son navire loin des côtes pour que l’embarcation ne soit pas poussée vers les rochers par gros temps. Le centurion, responsable des prisonniers manifesta sa confiance au pilote et au capitaine, plutôt qu’à Paul (v.11).Ce qui est un élément en faveur de l’équipage. En fait le centurion était seulement responsable des prisonniers et n’avait pas à intervenir sur la marche du bateau. Au moment où les circonstances l’exigèrent les marins hissèrent la chaloupe à bord et ceinturèrent le navire avec des cordages comme il est logique de le faire en pareilles circonstances (v. 17). La chaloupe était précieuse car c’est elle qui permettait de manœuvrer les ancres pour accoster. Les témoins de l’antiquité racontent aussi qu’il était normal, en cas de gros temps de jeter à la mer tous les objets qui étaient sur le pont et qui auraient pu nuire, par leur déplacement à l’équilibre du bateau et à la sécurité des passagers qui étaient au nombre de 276. (v.19) Là aussi l’équipage fit ce qu’il était normal de faire. Les marins, qui ont l’habitude de la mer, perçurent en pleine nuit la proximité d’une terre (v.27), c’est dire qu’ils étaient aguerris aux techniques de la navigation et qu’ils savaient percevoir à l’odeur ou au sens de la houle que la terre était proche.

Pourquoi, alors que l’équipage, le pilote et le capitaine sont perçus comme des gens compétents se produisit-il un retournement de situation sous l’impulsion de Paul qui prit autorité sur le centurions qui poussa ses soldats à couper les cordes de la chaloupe sans prendre l’avis de personne ? Comment, cet équipage apparemment bien commandé n’était-il pas capable de voir que quelques individus étaient en train de s’emparer de la chaloupe, qui est habituellement bien gardée, pour abandonner le navire ? Si c’était le cas, le capitaine n’était-il pas capable de percevoir plus vite que Paul, qui n’est pas marin, une situation qui échappait à tout le monde.

En fait, depuis le début de la nuit, la situation avait changé. Pour que l’on pressente en pleine nuit la présence d’une terre il fallait que la tempête se soit calmée et que le ciel laisse apparaître quelques étoiles pour que l’on puisse mettre la chaloupe à la mer et jeter la sonde. La situation était à l’optimisme et l’espoir renaissait.

Le jour n’allait pas tarder à poindre et il est logique de penser qu’on pouvait commencer à préparer la manœuvre qui consistait à déplacer les ancres à l’aide de la chaloupe pour orienter le navire afin qu’il soit dans la bonne position pour aborder. Une telle manœuvre délicate prend du temps, car les ancres sont lourdes, elles peuvent en effet peser une tonne, voire plus. Il était normal que l’on commence la manœuvre dès que possible en metant la chaloupe à la mer. En se privant de la chaloupe, le naufrage était assuré.

Se pose alors la question de savoir qui est le personnage qui raconte. et qui donne à paul le rôle du sauveur, alors qu'il serait par son intervention la cause du malheur. Ce personnage n’est jamais mentionné, pourtant ses connaissances en matière de navigation sont certaines. Ce texte fourmille de détails techniques pertinents et de termes propres à la navigation inconnus à la littérature du Nouveau Testament. Mais raconte-t-il la scène parce qu’il était présent sur le bateau ou la reconstitue-t-il sans l’avoir vécue ?

Tout plaide en faveur de la deuxième thèse car il semble que le texte soit raconté pour valoriser le personnage de Paul et lui donner raison contre tout le monde. Tout cela lui confère une haute stature qui aurait recueilli l’approbation de Dieu. Mais que penser alors du fait que Paul appuie ses dires sur une vision de Dieu qui lui fait prophétiser le drame, alors que le drame aurait été peut être pu être évité si on ne l’avait pas écouté ? Quelle peut bien être dans ces conditions l’autorité de la parole de Dieu, si elle est inventée pour justifier une situation ? Il ne m’appartient pas de répondre, mais de laisser au lecteur le soin de se faire une opinion personnelle.

Pour ma part, j’attends vos commentaires et vos interventions.


(1) Chantal Reynier : Paul de Tarse en Méditerranée, recherche autour de la navigation dans l’antiquité Actes 27 – 28, 16 Lectio Divina ed Cerf 2006.

1 commentaire

ACG 22 mars

ACG

Ac27,27-32 par ACG
- À nombre de questions simultanées élevé, réponse partielle.
Une description surprenante pour des marins :
a) manoeuvre risquée :
-tempête plus obscurité égale danger de mort
-élonger une ancre en pleine tempête est suicidaire
b) manoeuvre malvenue :
-ces marins seront irremplaçables une fois partis ou perdus
-ils sont probablement trop épuisés pour agir en sécurité
c) manoeuvre douteuse :
-peu à y gagner sauf mauvaises positions des ancres
-les ancres peuvent déraper d’elles-mêmes
d) à bord d’un navire le salut est rarement dans la fuite :
-une panique est imaginable mais il y a 276 âmes à bord !
-les gens de mer ne se laissent pas faire sans réagir !

Je ne crois pas à l’accusation de lâcheté;
éventuelle superstition des marins ou méprise des terriens;
le verset 30 souffrirait-t-il d’un mot mal choisi ?
Noter qu’un glissement par faute d’orthographe est plausible.
Les mots pour dire fuite et précaution étant très proches.
Hypothèse qu’il faudrait confier à un véritable spécialiste…

Je crois plus à l’attitude militaire : «_Tous ensemble et en-avant !_»;
celle qui sous-tend le conseil donné par Paul au verset 31,
et qui est confirmée par l’action décidée du verset 32.
Ajoutons-y le : «_Prenons des forces maintenant !_» du verset 33.

N’était-ce pas plus sensé et plus courageux ?
Cela va faire grimper Paul dans l’estime du centurion;
ce qui se vérifiera au verset 43.

Souvenons-nous aussi du verset 21 où avec sang-froid et détermination,
Paul est le seul debout dans la tempête, témoignant confiance en Dieu.

Mon analyse est naïve, mais j’ai frappé pour vous à la porte du texte…
Vous a-t-il répondu ?

PS
(v27 : «_…_», traduction à affiner, ne signifie pas accalmie, sauf omission répréhensible… )
( v37 : «_Nous étions…_», donc dit par un témoin physiquement présent sur les lieux… )

Bien à vous.
ACG 20100321

mercredi 4 mars 2009

L'amour peut-il faciliter l'évolution: Jean 3/16 dimanche 22 mars 2009

Ce sermon risque de vous surprendre. Je le propose à votre réfléxion afin de vous aider à vous situer dans le courant des idées actuelles au coeur des rivalités entre créationnisme et évolutionnisme.

Je vous propose quelques traductions différents de ce même verset Jean 3/16

Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son fils unique, afin que quiconque croit en lui, ne périsse pas, mais qu'il ait la vié éternelle. - Second (Colombe)

Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son fils unique afin que tous ceux qui s'en remettent à lui ne meurent pas et vivent la vie sans fin. - Bayard

Oui, Eloïm aime tellement l'univers qu'il a donné son fils unique afin que tous les hommes qui adhèrent à lui ne périssent pas mais aient la vie en pérénité. - Chouraqui

Oui, Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son fils unique. Ainsi, tous ceux qui croient en lui ne se perdront pas loin de Dieu, mais vivront avec lui pour toujours. - Bible en français fondamental.

Pour peu que l’on fasse une pause de quelques instants pour contempler ce monde dans lequel nous vivons, nous finirons bien vite par découvrir qu’il est surprenant. Il est surprenant par sa beauté et par sa variété, il est surprenant par sa complexité aussi. Pour s’en rendre compte, il suffit de songer au nombre des espèces qui cohabitent sur notre terre ? Il est fantastique. Le monde de l’infiniment petit est aussi stupéfiant que le monde de l’infiniment grand. Le microscope le plus sophistiqué n’arrive pas à rendre compte des structures les plus secrètes de la matière. Le télescope le plus puissant ne parvient pas non plus à atteindre les limites des galaxies. Que l’on s’émerveille ou que l’on s’en étonne, on aura cependant du mal à répondre à la question : à quoi tout cela sert-il ?

Si cela est le fruit du hasard, on peut considérer que c’est bien fait, et s’il y a un créateur à l’origine de tout cela on peut alors se demander quel intérêt il y trouve. Depuis toujours les êtres humains retournent ces questions sans vraiment trouver de réponse satisfaisante. Chose curieuse cependant, l’être humain est le seul à pouvoir se poser de telles questions. Cette simple remarque change-t-elle quelque chose au problème ?

Bien sûr que non répondent les uns, tandis que les autres, avec la même logique, affirment le contraire. En fait le seul fait de pouvoir s’interroger sur le sens des choses du monde suffit à justifier l’hypothèse selon laquelle tout cela a du sens. Il suffit qu’un seul être se mette à penser pour que tout ce système devienne cohérent. Ainsi, à peine l’esprit humain se me-il en mouvement que l’univers entier se met à prendre du sens , comme si notre pensée devait servir de moteur au monde.

L’univers serait absurde, s’il n’y avait personne pour prendre conscience de sa réalité. Mais une fois ce constat établi, peut-on aller plus loin ? Le monde est-il soumis au hasard d’une évolution complexe ou y a-t-il un être supérieur qui oriente son devenir ? L’harmonie de tout cet ensemble pourrait bien être alors lié au mélange des deux. L’observateur rationnel ne peut aller plus loin dans son constat. Mais sa pensée, toujours en mouvement le pousse alors à formuler des théories plus ou moins élaborées pour aller plus loin.

Pourtant, alors que les lois de l’évolution le poussent à constater que la raison du plus fort est toujours la meilleure et que c’est toujours le dominant qui a raison du plus faible, force est pour l’homme de réaliser qu’il est habité par un sentiment contraire. En effet, il est entraîné par une force mystérieuse à s’intéresser à ses semblables et, chose encore plus étrange, à prendre partie pour ce qui est faible et à protéger ce qui est vulnérable. Il a vite fait de constater que ce sentiment qu’on appelle l’amour et qui préside aux règles de la reproduction va plus loin encore. Il ne le porte pas à s’attacher aux autres seulement pour assouvir ses pulsions sexuelles. Là est peut être la clé de l’énigme.

Comment peut-on éprouver de l’intérêt pour les autres, si ce n’est pour assouvir ses instincts ? Ce sentiment n’étant pas naturel à l’homme, il lui vient forcément d’ailleurs ? C’est en creusant ce mystère que les hommes font la découverte selon laquelle il existe une réalité, au-delà d’eux-mêmes qui ne se confond pas avec le monde, puisqu’elle leur inspire des sentiments contraires aux règles de la survie des espèces. Il y a donc antagonisme entre cette réalité qu’ils découvrent peu à peu et les lois qui semblent présider à l’évolution du monde.

Dieu, puisqu’il faut bien l’appeler ainsi, ne se confond pas avec le monde, puisqu’il s’oppose à lui et semble vouloir le faire évoluer dans une direction qui ne lui serait pas naturel.

Depuis que les hommes ont développé leur capacité de penser, ils ont en même temps découvert qu’ils étaient habités par un sentiment qui ne leur était pas naturel et qui les poussait parfois à agir dans une direction qui ne servait pas leurs intérêts mais les intérêts des autres. C’est à partir de ce constat que certains ont compris le sens de leur présence au monde. Ils ont pris conscience qu’ils étaient des instruments que Dieu avait choisis pour infléchir le sens de l’évolution du monde et pour agir sur lui. Ils recevaient vocation de modifier les règles naturelles de l’évolution car à force de vouloir sans cesse dominer les plus faibles, les plus forts finiraient par détruire ceux qu’ils dominent et disparaîtraient à leur tour, faute d’avoir plus personne à dominer.

Arrivés à ce constat, nous recevons de l’Evangile cette affirmation selon laquelle Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son fils unique afin que quiconque croit en lui, ne périsse pas mais reçoive la vie éternelle.

Il a fallu des siècles, il a fallu des interventions multiples de Dieu dans le cœur des hommes, il a
fallu beaucoup d’incompréhensions, des erreurs nombreuses, des échecs de toutes sortes pour que l’espèce humaine comprenne que la règle qui doit présider à l’évolution est liée au respect de la vie des autres. Darwin, que l’on célèbre cette année, n’avait pas compris cela. C’était pourtant inscrit dans l’ordre de la révélation, mais les chrétiens l’ont combattu au lieu d’aller encore plus loin que lui dans ses déductions.

Aujourd’hui, a-t-on vraiment compris cela ? Un simple regard sur nos sociétés nous laisse comprendre qu’il y a encore un long chemin à faire, car une telle idée ne fait toujours pas partie du mode de pensée de la majorité des humains - de la majorité des chrétiens pourrais-je dire-. La logique, si non la vertu, semble nous dire que c’est dans ce sens qu’il faut aller sous peine de disparition de notre espèce. Si l’espèce humaine venait à disparaître, le monde n’aurait plus de sens, puisqu’il n’y aurait plus personne, en tout cas sur terre, pour penser à son sujet.

A la lumière de ce constat, l’Evangile nous laisse entendre que Dieu prend un gros risque en proposant une évolution de l’humanité en contradiction avec les règles du monde. Il se jette dans cette aventure sans avoir prévu de plan de sauvegarde en cas d’échec. C’est ce que veut signifier Jésus quand il dit que Dieu a donné son fils unique. Cela veut dire que Dieu s’est donné tout entier dans ce programme d’amour et qu’il n’y a pas d’autre solution au cas où l’amour ne permettrait pas une évolution harmonieuse de nos sociétés. Jésus montre par-là, la dimension de la confiance que Dieu fait aux hommes en faisant le pari de l’amour comme unique programme d’évolution possible pour l’humanité.

Dieu croit en l’homme au point de tout lui sacrifier, y compris l’avenir du monde. C’est à croire même, qu' en cas d’échec de l’humanité à réaliser une évolution harmonieuse, Dieu lui-même en pâtirait au point de ne plus exister. La fin de l’humanité signifierait du même coup la fin de Dieu, en tout cas tel que nous le connaissons, et par voie de conséquence ce serait vraiment la fin du monde.

Tout cela nous amène à nous situer d’une façon nouvelle par rapport à la théologie traditionnelle qui place en l’homme l’origine de tous les maux et qui fait du péché la rupture entre Dieu et l’humanité. Il a donc fallu a Jésus une audace considérable pour prendre à rebours la théologie traditionnelle de son temps et de lancer l’idée selon laquelle, Dieu ferait de l’homme son collaborateur pour donner du sens au monde. Selon cette approche, le péché n’est plus ce qui entraînerait le monde à sa perte, le péché serait désormais ce qui empêche l’homme d’entrer dans le programme que Dieu lui propose pour le salut du monde.

Dieu inscrit l’homme dans un projet de vie dans lequel il doit entrer pour que le monde soit sauvé. La condition essentielle pour que ce projet aboutisse est liée à l’amour que les hommes sauront se manifester les uns pour les autres. Dieu a fait le pari fou de croire que ce projet peut se réaliser.