vendredi 25 novembre 2011

Luc 1:26-38

Bien heureuse Marie

dimanche 18 décembre 2011

Evangile de Luc 1/26-38

Au sixième mois, l'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée du nom de Nazareth, chez une vierge fiancée à un homme du nom de joseph, de la maison de David; le nom de la vierge était Marie. Il entra chez elle et dit : je te salue toi à qui une grâce a été faite; le Seigneur est avec toi. Troublée par cette parole, elle se demandait ce que signifiait une telle salutation. L'ange lui dit : sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici, tu deviendras enceinte, tu enfanteras un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé fils du très Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père. Il régnera sur la maison de Jacob éternellement et son règne n'aura pas de fin. Marie dit à l'ange : Comment cela se produira-t-il, puisque je ne connais pas d'homme? L'ange lui répondit : Le saint Esprit viendra sur toi et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre. C'est pourquoi le saint enfant qui naîtra sera appelé Fils de Dieu. Voici qu'Elisabeth ta parente a conçu, elle aussi un fils en sa vieillesse, et celle qui était appelée stérile est dans son sixième mois. Car rien n'est impossible à Dieu. Marie dit : Voici la servante du Seigneur; qu'il me soit fait selon ta parole. Et l'ange s'éloigna d'elle.




Bien heureuse Marie! Nous la disons bien heureuse parce qu'elle a été choisie pour être la mère du Messie. Ce texte nous parle au plus profond de notre être et fait vibrer ce qu'il y a de meilleur en nous. il nous parle de cette jeune fille d'Israël dont la foi simple et naïve a été citée en exemple par tant de générations de fidèles que j'ai peur, en intervenant dans cette hagiographie d'égratigner des souvenirs qui vous sont chers. La tradition a brossé d'elle un tel portrait que l'Ecriture ne la reconnaît pas. On a tellement forcé le personnage qu'on a fini par faire d'elle la concurrente de son propre fils, l'initiatrice du saint Esprit, la mère de Dieu et la reine des cieux! Marie, que de folies en ton nom! Les hommes t'ont trahie en voulant faire de toi celle que tu n'es pas.

Marie, face a son destin a vécu une existence bien différente que celle que nous lui prêtons. Elle a une histoire tout à fait semblable à la nôtre. C'est à cause de ce destin, tellement proche de celui des petites gens que nous sommes et tellement merveilleux à la fois, qu'elle peut être pour nous un puissant relais sur le chemin de la foi. C'est à partir de cet instant que les hommes vont faire déraper l' l'histoire. Ils vont s'extasier devant le merveilleux, ils ne vont plus voir que l'ange et oublier tout le reste. Mais en fait d'une bonne nouvelle, c'est plutôt une mauvaise nouvelle pour elle, c’est un avenir de fille mère qui lui est offert. Pour que ça ne se passe pas trop mal, il faudra encore une fois que l'ange ou que le destin sen mêle pour forcer la main à Joseph qui finira par endosser une paternité qui n'est peut être pas la sienne. Il nous appartient à nous seuls de voir dans cet incident les effets d'un miracle ou tout simplement le processus humain de la procréation.


L'enfant qu'elle porte en son sein ne sera pas facile à élever. En forçant volontairement le trait nous retrouvons en lui des comportements qui le rapprochent des jeunes de notre temps. Si je me contente de suivre le déroulement de sa vie dans l'Evangile de Luc qui fait suite au texte de la nativité, nous allons découvrir un enfant fugueur à douze ans dont le comportement consterne ses parents qui n'y comprennent rien. A l'âge adulte il déserte l'échoppe paternelle et laisse sa mère et ses frères sans ressource. N'est-ce pas pour cela que sa mère et ses frères essayeront de le rencontrer, mais il refusera de les recevoir. Il contestera même que Marie puisse être réellement sa mère! "Qui est ma mère qui sont mes frères si non ceux qui font la volonté de mon Père?" leur fait-il répondre.

En faisant cela, il savait ce qu'il faisait, mais elle, elle ne le savait pas et elle en souffrit certainement. On la retrouvera au pied de la croix, mais nulle part, dans cet évangile ni dans un autre, on nous fait part ni de ses états d'âme ni de sa vie intérieure. Le chemin de Marie fut sans histoire, exemplaire dans sa simplicité, tellement exemplaire que nul n'en a parlé.

C'est à cause de ce qu'on n'a pas dit que Marie est un personnage intéressant. Bien que mère du Messie, bien que choisie par Dieu pour faire vivre son fils dans la société des hommes, son humble parcours n'a provoqué aucun émoi particulier. Et pourtant, sa tâche, faite d'une humble fidélité a été, oh combien nécessaire, et indispensable! le même constat peut être fait pour Joseph. Sa fidélité exemplaire n'a pas nécessité qu'on la raconte.

Exemplaire avons-nous dit? Si cela ne l'avait pas été on en aurait parlé! Si Marie et Joseph avaient été de mauvais parents, s'ils avaient mal aimé leur fils, on en aurait parlé. S'ils l'avaient battu ou privé de nourriture, on en aurait parlé, s'ils l'avaient abandonné à son triste sort lors de sa fugue à Jérusalem, ça se saurait. Ils ont fait ce qu'ils devaient faire, et Jésus est devenu un homme en qui on a reconnu le Messie. A quoi bon s'émerveiller de ce que ses parents aient fait ce qu'ils devaient faire?

C'est alors que je me tourne vers vous et vous dis les mêmes choses. Je vous dis qu'en faisant normalement ce que vous faites vous êtes comparables à Marie. En essayant d'être fidèlement membres de l'Eglise comme vous le faites, vous édifiez le corps spirituel du Christ, puisque l'Eglise, c'est son corps. Vous agissez ainsi à la suite de Marie qui en nourrissant son fils contribuait à faire grandir son corps de chair. Pour nous, l'ange a le même message que pour Marie. Il nous dit, à nous aussi qu'une grâce nous a été faite, il nous dit que le Seigneur Dieu est avec nous et qu'il a besoin de nous pour édifier le corps spirituel du Christ, le fils de Marie. C'est dans cette société des hommes où nous sommes que Dieu a voulu s'incarner, il a voulu être partie prenante de ce que nous vivons chaque jour. Devant Dieu, ce n'est pas ce qui se voit qui a de l'importance, c'est ce qui arrive.

Ce qui arrive est fait de mille choses insignifiantes qui mises bout à bout font l'événement et écrivent l'histoire. Ce ne sont pas les puissants, ceux dont le nom fait la une des journaux qui font avancer le monde, en dépit des apparences, c'est la multitude des hommes et des femmes au milieu desquels Dieu habite qui dessinent l'avenir. Bien qu'ils tiennent en apparence le premier plan, ce ne sont ni Hérode, ni César Auguste qui ont marqué leur siècle, ce sont les peuples qui ont vécu, qui ont bougé, qui se sont révoltés, ce sont les esclaves qui ont construit les monuments qui subsistent encore et c'est au sein de ce peuple que Dieu a pris forme humaine en Jésus Christ.

Au risque de vous troubler, je dirai que ce ne sont pas les dirigeants du monde, ni les autorités politiques qui jouent le premier rôle, dans le conflit que nous connaissons ce sont les peuples qui descendent dans la rue, ce sont les indigents de tout bord, ce sont les peuples qui souffrent, qui n'arrive pas à se révolter et qui agonisent sous la botte. C'est au sein des peuples que Dieu prend visage humain. Aujourd'hui, comme demain Dieu accompagne chacune et chacun de ceux qui modestement, sans se faire remarquer participent à la grande aventure humaine commencée il y a 2 000 ans.

Cette aventure consiste à savoir que Dieu se tient parmi les hommes pour construire un monde nouveau, fait d'amour, de fraternité et d'espérance.

Quant à Dieu, il ne se contente pas d'être l'observateur céleste de nos bonnes œuvres. Il n'est pas au ciel où les hommes sont absents, il est au cœur de la mêlée de leur histoire. Il ne se tient pas plus du côté de ceux qui ont le pouvoir que de ceux qui le subissent. Il est au milieu des hommes d'où il bouleverse les enjeux de l'histoire en inspirant aux uns et aux autres des projets novateurs. Nous avons beau imaginer que les choses sont autrement, l'Evangile nous ramène toujours à redécouvrir cette proximité de Dieu qui se soucie plus du sort des opprimés que de sa gloire céleste.

Nous avons toujours du mal à admettre qu'il prend en charge l'intérêt de tous les hommes et en particulier de ceux que l'on a l'habitude de considérer comme les petits, les obscures, les sans grade. Pour lui, ce qui a de l'importance n'est pas forcément visible, car c'est caché au cœur de la vie du monde. Si les hommes ont fait de Marie, car il faut bien revenir à elle, ce que la tradition nous a rapporté, c'est que là encore les hommes ont refusé les contraintes de l'incarnation. Ils ont fait de la mère de Jésus la reine du ciel qui rassure par ses apparitions régulières. Les hommes la placent dans les lieux célestes aux côté de Dieu, mais Dieu n'y est pas! Le ciel où Dieu réside est au cœur de l'humanité. Tant que nous refuserons cette présence de Dieu au milieu de nous, nous continuerons à mettre Marie dans le ciel et à croire que Dieu intervient par des prodiges pour rassurer le monde. Il n'en est rien. C'est au cœur des hommes où il a fait sa résidence que Dieu sollicite leur collaboration pour construire un monde nouveau et fraternel qu'il se plaît à appeler son Royaume.



L'annonciation de Fra Angelico

mercredi 23 novembre 2011

Luc 1: 46-56


Le cantique de Marie Luc 1 :46-56
dimanche 11 décembre 2011

46 Marie dit alors :
« De tout mon être je veux dire la grandeur du Seigneur, 47 Mon cœur est plein de joie à cause de Dieu, mon Sauveur ;
48 Car il a bien voulu abaisser son regard sur moi, son humble servante.
Oui, dès maintenant et en tous les temps, les humains me diront bienheureuse,
49 Car Dieu le Tout-Puissant a fait pour moi des choses magnifiques.
Il est le Dieu saint,
50 Il est plein de bonté en tout temps pour ceux qui le respectent.

51 Il a montré son pouvoir en déployant sa force :

Il a mis en déroute les hommes au cœur orgueilleux,
52 Il a renversé les rois de leurs trônes
et il a placé les humbles au premier rang.
53 Il a comblé de biens ceux qui avaient faim,
et il a renvoyé les riches les mains vides.
54 Il est venu en aide au peuple d'Israël, son serviteur :
Il n'a pas oublié de manifester sa bonté 55 envers Abraham et ses descendants, pour toujours,
comme il l'avait promis à nos ancêtres. »
56 Marie resta avec Élisabeth pendant environ trois mois, puis elle retourna chez elle.


Quand Dieu donne des rendez-vous aux humains, il est bien rare que ceux-ci s’en rendent compte. Ce n’est qu’après coup et beaucoup plus tard qu’ils réalisent qu’un temps fort de leur histoire était en train de se vivre et que personne ne s’en est aperçu. Qui se douterait que ce récit de la visite de Marie à Elisabeth, dans sa naïveté et sa tendresse marque un de ces moments de l’histoire ? Bien évidemment 2000 ans d’histoire chrétienne se sont chargés d’aiguiser notre regard en le pointant vers Marie dont les religions feront le personnage que l’on sait. Mais pour l’instant on n’en est pas là, et l’historiographie chrétienne n’a pas encore glosée sur cette jeune fille.

Pour l’instant Marie suit le chemin qui la mène dans les montagnes de Judée à la rencontre du passé. Elle va rencontrer Elisabeth sa parente, la future mère de Jean Baptiste. On nous a dit qu’il était le dernier prophète de l’ancienne Alliance et qu’il avait ouvert le chemin à Jésus. C’est pourquoi on peut dire que Marie, avant même de rentrer dans l’histoire a rendez-vous avec son passé, celui dont Jean est le dernier témoin. Les paroles qu’elle va prononcer vont faire d’elle un témoin de l’espérance dont son peuple a toujours vécue. Elle reproduit dans son discours les paroles des prophètes, çà et là dispersées, qu’on a recueillies pour établir son témoignage.

Ils avaient semé l’espérance quand personne n’espérait plus, ils avaient parlé de vie alors que la mort les cernait, ils avaient dit comment Dieu partageait la souffrance de ceux qui étaient opprimés. Personne n’avait pu étouffer la voix de Dieu quand la tentation du désespoir s’emparait des hommes. Quand les armées des Babyloniens suivies par celles des Perses avaient anéanti toute liberté, quand les armées d’Alexandre suivies par les légions romaines avaient occupé tout ce territoire, qui aurait osé dire que l’espérance n’était pas morte ? Pourtant, il y a toujours eu un prophète pour relever la tête et donner des possibilités d’espérer, car rien ne peut mettre un terme à cet élan de vie que l’esprit de Dieu répand autour de lui.

Marie montait sur ce chemin pierreux foulé jadis par tant de ses ancêtres. Elle allait à la rencontre d’Elisabeth sa parente. Deux femmes allaient vivre ainsi une rencontre qui fera date dans l’histoire de la révélation de Dieu aux hommes. L’une était trop jeune et l’autre est trop vieille pour enfanter. Mais les propos qu’elles ont échangés prendront une valeur considérable, car c’était la première fois que la parole concernant Dieu avait été prononcée par des femmes. Si vous vous en souvenez, le seul homme qui ait tenté de parler depuis le début de l’ Evangile de Luc était devenu muet, c’était Zacharie, le prêtre, le mari d’Elisabeth. C’était maintenant dans la bouche de Marie, une fille trop jeune pour parler en Israël, que l’Evangéliste Luc déposait les paroles d’espérance que nous nous proposons de méditer.

Ces paroles ont pour but de dire la foi nouvelle telle qu’elle va advenir. Il ne faudrait cependant pas fausser la portée de ces propos en insistant sur le fait qu’elle est la Vierge Marie, celle qui pèsera par la suite, si lourdement sur la piété de tant de croyants. Elle ne joue aucun rôle dans cet Evangile, elle n’est même pas mentionnée parmi les femmes au tombeau, c’est dire qu’au moment de la rédaction de ce texte, Marie ne suscite aucune piété particulière.

Ce qui la met en joie, c’est que Dieu l’a regardée. Elle ne se réjouit pas parce qu’elle est la future mère du Messie. Elle se réjouit parce qu’en la regardant Dieu a adopté une attitude nouvelle à son égard. Sa conception de Dieu va en être bouleversée.

Si elle utilise encore le langage traditionnel selon lequel Dieu se comporte comme un vaillent guerrier qui détrône les tyrans, aucun événement significatif ne vient étayer son propos. L’efficacité dont elle fait état est prophétique et n’a qu’une valeur spirituelle. Elle ne décrit pas un Dieu qui opère des miracles. Il ne fait pas de prodiges. Il se contente d’exister. Les événements dont elle parle ne se sont pas réellement produits. Elle mêle dans une même image ce qu’elle espère et ce qui se passera dans les siècles suivants. Elle parle des choses qui ne se produiront que plus tard, quand les hommes auront intégré le message que Jésus leur apportera. Marie se contente de dire ce qui se produira dans le futur quand les hommes, transformés par l’Evangile de son fils se mettront à agir. Ce n’est pas Dieu qui agira en vertu de sa toute puissance, c’est la puissance de son Esprit qui agira dans les hommes et les transformera.

Marie a esquissé dans son propos le portrait de Dieu que Jésus révélera au monde comme étant son Père. Dieu apparaît alors comme une force bienveillante qui transforme les hommes et qui stimule la bonté qui est en eux pour en faire une règle de vie. L’Evangile est en marche et Marie est la première à en témoigner. Il appartient désormais à chacun d’opérer sur lui-même une conversion pour comprendre que Dieu agit efficacement sur chacun de ceux qui comptent sur lui, pour mettre en valeur le meilleur d’eux-mêmes.

Nous avons dit au début de notre propos qu’après que les hommes aient été privés de parole, c’était aux femmes de la prendre. Ce changement est révélateur de la nouveauté qui est en train de se mettre en place dans notre rapport à Dieu. Depuis toujours c’est la parole des hommes qui a porté les vérités sur Dieu. Naturellement ils ont utilisé les notions de forces, de supériorité, de violence même. Ainsi Dieu était-il, selon leur témoignage, le Dieu des armées, triomphant de tous ses ennemis. On ne pouvait voir en lui que le dépositaire de la toute puissance par laquelle il s’imposait à tous les peuples, même ceux qui ne se réclamaient pas de lui.

De tels propos ne pouvaient plus être tenus par des femmes. Si Marie parle encore de la force de son bras, c’est pour s’attaquer aux idées orgueilleuses des hommes violents. Par ailleurs elle décrit un Dieu attentif aux petites gens dont elle fait partie, il est miséricordieux et soucieux de ceux qui sont frappés d’injustice et plein de tendresse. Dans ces propos on découvre un Dieu qui inspire plus qu’il n’agit, qui est attentif plus qu’il n’intervient. En privant l’homme de parole et en la confiant à une femme, Luc change du même coup la nature de Dieu si bien qu’en changeant le discours sur Dieu on découvre la possibilité d’une autre relation avec lui.

S’ils perçoivent désormais Dieu comme celui qui n’intervient plus mais qui inspire les hommes pour qu’ils agissent, les humains découvrent qu’ils sont libres désormais et responsables de leur sort. Pour que cette avancée ait pu se faire, l’Evangile a donné la parole à une femme, Marie.

Ce n’est cependant pas une nouveauté, tout son discours était déjà contenu dans celui des prophètes dont elle s’inspire. Mais sa sensibilité féminine était nécessaire pour amorcer le changement que Jésus allait apporter. Elle transmet ainsi un nouveau concept sur Dieu sans qu’on en ait même pris conscience. Quand Marie se met à parler, elle nous prépare à être accueillis par un autre Dieu que celui auquel nous sommes habitués. Elle nous prépare à découvrir celui que Jésus s’attachera à présenter comme un Père bienveillant. Dieu devient alors un activateur de vie, sa présence n’est plus intervenante mais motivante. Dieu ne prend plus les choses en main, mais il stimule nos mains pour qu’elles agissent.

Certes, les hommes retrouveront la parole. Zacharie, le père de Jean Baptiste parlera dès que son fils sera né, mais ce qui était nouveau avait déjà eu lieu et plus rien ne serait comme avant. La révolution spirituelle était donc en marche, mais il faudra du temps pour y arriver. Jésus lui-même n’y réussira que partiellement, car nous sommes, nous aussi encore tentés de demander à Dieu d’agir à notre place. Nous subissons toujours la tentation de l’idolâtrie qui consiste à conférer à Dieu une toute puissance magique pour nous sortir d’affaire. Cette tentation est si fréquente que Jésus en a fait la dernière demande du Notre Père « Ne nous induits pas en tentation, mais délivre nous du mal ». Autrement dit cette dernière demande dénonce l’idolâtrie comme le forme la plus sournoise du mal dont Dieu nous protège par sa seule présence dans notre vie.



Les images sont de Macha Chmakoff

vendredi 18 novembre 2011

Marc:1:1-8


Dimanche 4 décembre 2011

La prédication de Jean-Baptiste 1 Ici commence la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, le Fils de Dieu. 2 Dans le livre du prophète Ésaïe, il est écrit : « Je vais envoyer mon messager devant toi, dit Dieu, pour t'ouvrir le chemin. 3 C'est la voix d'un homme qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, faites-lui des sentiers bien droits ! »
4 Ainsi, Jean le Baptiste parut dans le désert ; il lançait cet appel : « Changez de comportement, faites-vous baptiser et Dieu pardonnera vos péchés. » 5 Tous les habitants de la région de Judée et de la ville de Jérusalem allaient à lui ; ils confessaient publiquement leurs péchés et Jean les baptisait dans la rivière, le Jourdain. 6 Jean portait un vêtement fait de poils de chameau et une ceinture de cuir autour de la taille ; il mangeait des sauterelles et du miel sauvage. 7 Il déclarait à la foule : « Celui qui vient après moi est plus puissant que moi ; je ne suis pas même digne de me baisser pour délier la courroie de ses sandales. 8 Moi, je vous ai baptisés avec de l'eau, mais lui, il vous baptisera avec le Saint-Esprit. »


Un désir de nouveauté sommeille au cœur de chaque homme. En effet, à mesure que les époques succèdent aux époques, le temps lui-même paraît s’être usé à force de se répéter sans changement apparent. Il semblerait même que Dieu reste figé à force d’être immuable et perde toute valeur. Quand L’usure du temps prend place dans notre âme, même la religion ne nous apporte plus le réconfort qu’elle apportait aux générations passées. On s’épuise à vouloir la rajeunir et à innover de nouveaux rites. Rien n’y fait, il y a en nous comme une atmosphère de lassitude que rien ne semble devoir améliorer. Le constat en devient plus évident chaque jour. Pourtant le désir de nouveauté reste tenace.

Ce ne sont pas les liturgies nouvelles qui changent quoi que ce soit, ni la musique, ni nos chorales superbes, elles donnent, tout au plus, une illusion de changement, mais elles n’apportent pas de nouveauté en profondeur. La jeunesse insatisfaite des spiritualités anciennes en invente de nouvelles qui sont vite supplantées par d’autres, plus nouvelles encore. Là aussi, il n’y a rien de vraiment neuf. Tout n’est que vanité et poursuite du temps, rien ne semble y remédier. Toute formule nouvelle est dépassée avant même d’avoir été expérimentée. Là n’est donc pas la formule d’avenir.

C’est dans ces conditions que nous nous prenons à rêver aux temps où Jean Baptiste drainait les foules dans le désert en prêchant la venue d’un temps nouveau. Il instaurait une nouvelle route pour mener à Dieu qui consistait simplement à se laisser immerger dans l’eau en signe de purification des péchés. Il annonçait que Dieu allait se faire plus proche. Enfin l’espérance renaissait. Mais son discours était-il si différent des discours anciens ? Il savait bien, que différent dans la forme, son discours ne changeait rien dans le fond. La distance qui séparait les hommes de Dieu s’amenuisait mais restait bien réelle.

En fait Jean Baptiste n’apportait rien de vraiment nouveau et il le savait. Vêtu du même vêtement qu’Elie, le célèbre prophète de jadis, il redisait les mêmes paroles qu’autrefois : « Repentez-vous !» Il empruntait son discours à Esaïe, à Jérémie et à ceux qui avant lui avaient ressenti ce même besoin de nouveauté, mais malgré eux, les peuples étaient restés attachés aux rites anciens et les prophètes s’étaient trouvés les uns après les autres persécutés pour leurs audaces. Jean allait-il subir le même sort ?

Chaque génération avait apporté sa réponse et chaque génération avait fait le même constat. Les projets novateurs étaient rejetés tandis que Dieu semblait s’éloigner toujours un peu plus loin. Tous l’avaient constaté et tous s’étaient heurtés à ce refus du changement, comme si Dieu devait se confondre à jamais avec les rites immuables du passé.

Comme ses prédécesseurs, Jean Baptiste proposait un changement radical. Il proposait de dépasser les rites anciens pour faire place à autre chose. Mais en proposant cela, il savait qu’il ne faisait pas mieux que ceux qui étaient venus avant lui. Il savait qu’il était dans le provisoire et que le mouvement qu’il allait instaurer n’allait pas durer. A peine séduites par ses propos, les foules qui l’avaient suivi allaient se fatiguer. Il savait à l’avance que tout cela ne durerait qu’un temps, à moins que ce ne soit Dieu lui-même qui prenne les choses en main, c’est ce qu’il espérait.

Ce n’étaient pas les rites qui devaient changer, ce n’était pas un discours nouveau qui allait modifier les choses en profondeur. La nouveauté allait se faire dans un changement radical de relation avec Dieu. En fait Jean, comme les prophètes avant lui, comme la religion traditionnelle avait toujours conservé le même message. Son message contribuait à maintenir les hommes dans une relation de culpabilité avec Dieu. Ils devaient se repentir avant de songer à aller plus loin. Il était inhérent à chaque être humain de se sentir en faute vis-à-vis de Dieu et quoi que l’on fasse c’est ce sentiment qui toujours prévalait. Chacun de ceux qui avaient voulu changer les choses n’avait jamais osé dire autre chose.

Jean pressentait que c’était à ce changement qu’ il fallait désormais consacrer tous ses efforts. Mais il ne se sentait pas la capacité de le faire. Pourtant, il savait que c’est dans ce sens que Dieu voulait qu’aillent les choses. Il avait très vite réalisé qu’il devait préparer la voie à celui qui allait venir après lui, et qui avec audace proposerait un changement radical dans la relation des hommes avec Dieu.

Il avait touché du doigt le fait que la notion de culpabilité avait altéré depuis toujours la relation des hommes avec Dieu. C’était sur ce point que les choses devaient changer. Mais pour cela il fallait de l’audace. Il fallait laisser la place à Dieu lui-même, c’est pourquoi Jean a annoncé que c’est le saint Esprit qui allait désormais s’installer dans le cœur des hommes et agir en eux par l’intérieur. Mais comme Dieu ne parle pas sans que ce soit un homme qui porte sa parole, comme Dieu n’agit pas sans qu’un homme le fasse pour lui, Jean savait bien que ce serait un autre homme que lui qui serait chargé de déclencher cette révolution.

Jean Baptise avait compris que tout discours sur la repentance était dépassé avant même qu’il soit prononcé, il savait donc que le mouvement qu’il avait instauré n’allait pas durer mais qu’il serait bien vite obsolète. Une ère nouvelle s’ouvrait devant les hommes car Dieu leur parlerait cœur à cœur. Dieu ne tiendrait plus compte de leurs fautes pour se rendre accessible. Tant que les hommes se maintiendraient en face de Dieu dans une relation de pécheur en manque de pardon, ils resteraient dans l’insatisfaction d’eux-mêmes et les choses ne changeraient pas.

La faute commise, le sentiment de culpabilité, la sensation de ne jamais être capable de faire quelque chose de valable ne pouvait qu’altérer leur relation à Dieu. Ce sentiment d’insatisfaction rendait la religion triste et pesante. Il n’y aurait aucune possibilité de transformer la morosité des humains tant que ce lourd sentiment de la faute pèserait sur eux. Sans vraiment formuler toutes ces choses là, Jean Baptise avait bien senti qu’il fallait aller dans ce sens. Seul Dieu lui-même pouvait mener à bien une telle révolution et donner aux hommes la possibilité de vivre en vérité avec eux.

Le chemin était désormais ouvert à celui qui serait porteur d’une parole radicalement nouvelle, Il verrait en chaque homme un être aimé de Dieu sans tenir compte du poids de ses fautes, car Dieu aime les humains avant même qu’ils aient pris conscience de leurs erreurs. La certitude de son amour suffit à les disculper et à leur faire changer d’attitude, car l’amour supprime à lui seul les effets de la faute. Celui qui continue à penser que sa faute a plus de poids que l’amour de Dieu, sera toujours en manque. Il sera insatisfait de lui-même et ne pourra pas trouver la paix en lui, car en agissant ainsi il s’éloigne de Dieu.


« Ce projet est trop simpliste et trop facile ! » dira-t-on. Le croyez-vous ? Si Jean Baptise a vu la nécessité de le mettre en place, il a cependant compris que c’était au dessus de ses forces de le réaliser. Jésus, lui s’en est chargé. Pour le mettre en œuvre, il a compris qu’il fallait s’en prendre à la religion en place, elle promettait à ceux qui se repentaient de leurs fautes de leur ouvrir le chemin de Dieu. C’est encore ce que la plupart des religions proposent. Jésus proposait pour sa part, de mettre chaque homme en relation d’amour avec Dieu avant même de s’être repenti. Cette innovation était tellement révolutionnaire que Jésus en est mort pour l’avoir préconisée, et quiconque aujourd’hui la conteste contribue à le crucifier à nouveau.

mercredi 9 novembre 2011

Marc 13:33-37 -


Veillez : Dimanche 27 novembre 2011

Marc 13/ 34 Il en sera comme d'un homme qui, partant en voyage, laisse sa maison, donne autorité à ses esclaves, à chacun sa tâche, et commande au gardien de la porte de veiller. 35 Veillez donc, car vous ne savez pas quand viendra le maître de maison : le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou au matin ; 36 craignez qu'il n'arrive à l'improviste et ne vous trouve endormis. 37 Ce que je vous dis, je le dis à tous : Veillez.


Ecoutez : N’est-ce pas le pas d’un homme que l’on entend sur la route ? Il marche, indifférent aux paysages changeants qu’il traverse. Il trouve que tout est terne et monotone. Il n'entend pas le chant des oiseaux qui accompagnent ses pas et il maudit le vacarme qu’ils font et qui l’empêche de penser. Parfois son pied butte sur un des rares cailloux qui par hasard se trouve sur l’asphalte bien lisse ! Comment pourrait-il avancer sur ce mauvais chemin maugrée-t-il ? Où va-t-il ainsi, ce grincheux à l’humeur morose ? Il ne sait pas.

Il se croit placé là pour accomplir son destin en suivant le chemin de sa vie qui ne mène nulle part. Il n’a pas de véritable compagnon de route et cache son désarroi dans une indifférence affichée. Insensible à tout ce qui l’entoure, il s’appesantit sur lui-même et ne songe qu’à se plaindre. Mais cette indifférence aux événements cache son angoisse, car en fin de compte il a peur. Mais il ne se l’avoue pas car seuls les faibles et les enfants ont le droit d’avoir peur.

De quoi a-t-il peur ? Qui l’effraye ainsi ? Il ne saurait dire la nature du malaise qui l’étreint. Si d’aventure un compagnon de route règle ses pas sur les siens, c’est leurs angoisses qu’ils mettent en commun, et au lieu de s’exorciser mutuellement, elles ne font que s’accroître en se nourrissant l’une l’autre.

Ce phénomène de peur inavouée qui se cache derrière un marasme ostensible, n’est pas habituel. Il est exceptionnel. Mais périodiquement il s’impose aux masses qui en ressentent collectivement les symptômes. Il arrive que l’histoire des hommes soit traversée de moments où un tel état de déréliction (pour employer un mot savant) se généralise et n’épargne aucune couche sociale. Chacun pense la chose naturelle si bien qu’aucun ne s’interroge vraiment sur son origine. Une explication trop facile n’est sans doute pas la bonne : c’est la crise dit-on ! Comme si ce mot recouvrait à lui seul toutes les terreurs humaines.

Une autre explication facile que l’on entend souvent, est celle du manque de repères et de la perte du sens. Ceux qui éprouvent ce sentiment n’arrivent pas à trouver hors d’eux-mêmes, ou au fond d’eux-mêmes une explication plausible. Leurs références à Dieu se sont altérées, au point qu’ils ne font plus confiance à celui en qui ils croyaient encore il y a peu. Ils ont décidé, sans même en être conscients de se séparer de ce Dieu dont ils ne supportent plus les attributs autoritaires, velléitaires, coléreux et intolérants. Ils ne croient plus en celui en qui ils voyaient comme un divin compagnon de route. Leur parcours se fait désormais solitaire. C’est alors un silence consternant qui fait écho à la voix de ce Dieu qui jadis déplaçait des foules de fidèles par milliers.

Le vide ne se satisfait jamais du vide et bien vite ce sont d’autres formes de Dieu qui prennent la place de celui que l’on ne connaît plus. Ces nouvelles divinités sont différentes de ce Dieu désormais oublié. Comme toujours les hommes se construisent des idoles pour répondre à leurs manques et ils espèrent qu’elles donneront du sens à ce qui n’en a plus. C’est ainsi qu’ils conjurent leurs peurs. Ils ont agi ainsi de tout temps. Si les idoles ont changé de visage au cours des siècles, elles recouvrent toujours la même réalité, elles sont construites par les hommes pour répondre aux angoisses du moment, même s’ils savent pertinemment que ces angoisses, c’est eux qui les ont provoquées . Aujourd’hui elles portent le nom de consommation ou d’évasion, autrefois c’était industrialisation, collectivisme et bien plus tard encore c’était Zeus, Marduk et Jéhovah.

Régulièrement, comme si c’était un exutoire, des rumeurs venues des fins fonds du monde se répandent et contrarient la quiétude artificielle que se sont chèrement acquise les humains. On se souviendra des peurs de l’an mille qui n’avaient d’autres fondement que le changement de millénaire. Le Moyens âge terrorisé par l’idée de l’enfer a trouvé son apaisement dans la Réforme. Aujourd’hui c’est la rumeur concernant un calendrier Maya qui défraye la chronique. Il donne même une date précise, celle du 21 décembre 2012. Bien évidemment aucun homme intelligent, aucun esprit fort n’y donne foi !. Quoi que… ! Tout cela s’accorde bien avec ce décor de marasme où nous vivons et où nous avons peine à creuser notre sillon. Tout cela contribue à alimenter les peurs inconscientes.

Curieusement, la rumeur se répand, alors que ceux qui gèrent le monde sont en train d’en perdre le contrôle. Il est facile alors d’écrire ou de dire que c’était écrit, que le Tout Puissant l’avait prévu, que les voix du Seigneur sont impénétrables, et que tel est le destin du monde. Si telle est la clé de l’énigme, tout cela ne correspond pas à l’image de Dieu telle que Jésus Christ nous la donne.

Le Dieu de Jésus Christ cherche à nous libérer de nos peurs et non à les provoquer. Il agit avec amour et compassion. Il est lent à la colère et prompt à la miséricorde. Comment aurait-il pu décider à l’avance de ses moments de colère et les inscrire dans le marbre, comme s’il avait prévu ses mouvements d’humeurs des siècles en avance. Il n’est pas logique qu’il se mette en colère à jours et à heures fixes comme on pourrait le déduire des craintes inspirées par le calendrier Maya ou comme se l’imaginaient les contemporains de Jésus ou comme le pensent aujourd’hui ceux qui à partir du Livre de l’Apocalypse calculent la date où Dieu a prévu de se mettre en colère.

Dans ce long passage de l’Evangile de Marc dont nous n’avons retenu qu’un extrait, Jésus ne cache pas que des événements terribles peuvent se produire et se sont sans doute déjà produits, mais il n’accuse pas Dieu son Père de les provoquer, au contraire Jésus cherche à nous mobiliser pour que le jour où des événements dramatiques se produiront, nous ne soyons pas démunis et désemparés, car l’histoire des hommes est régulièrement traversée par des catastrophes dont ils ne sont pas forcément responsables

Si Jésus nous mobilise pour faire face au danger, c’est qu’ il est possible de le surmonter et qu’il ne vient pas de Dieu. Certainement il ne cautionne ni les événements programmés par ce fameux calendrier Maya, ni aucun autre, car Dieu ne programme ni ses moments de colère, nous l’avons vu, ni les malheurs qui s’abattent sur les hommes, mais il fait appel à leur sagesse pour les prévenir.

Si plus avant dans le même Evangile, Jésus fait état d’événements annonciateurs, ce n’est pas pour nous alarmer, mais pour que nous mettions notre sagesse en éveil pour interpréter ce qui se passe et prendre les dispositions appropriées.

Certains lecteurs de l’Evangile prétendent que dans de telles circonstances, la foi ne nous dicte qu’une seule attitude possible : celle de l’attente patiente dans la prière ! Mais tel ne semble pas être l’avis de Jésus. S’il n’exclut pas la prière, il la préconise même, il donne priorité à l’action de veiller. Pour lui l’attitude du croyant est d’abord dans l’agir et non pas dans le subir.

La sagesse consiste donc à savoir que Jésus nous entraîne à l’action, car c’est dans l’action que la vie se manifeste et prend ses droits. Dieu ne cherche pas à rassembler un peuple qui subit, mais qui agit, car ce sont les hommes d’action inspirés par Dieu qui ont en eux les solutions de l’avenir.

C’est par la prière qu’ils saisissent ce que Dieu leur suggère de faire. Car les mains des croyants sont les mains avec lesquelles Dieu agit. Dieu ne nous envoie pas son esprit pour que nous restions inactifs en attendant une délivrance qui ne viendra que si nous décidons d’entreprendre. Veillez donc nous dit Jésus afin de devenir les moteurs de ce monde que Dieu se plait à accompagner, car c’est ainsi qu’il nous aidera à conjurer nos peurs.