vendredi 28 septembre 2012

Marc 10:17-31


Marc  10/17-31 : « le jeune homme riche » dimanche 14 octobre 2012
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17 Comme il se mettait en chemin, un homme accourut et se mit à genoux devant lui pour lui demander : Bon maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? 18 Jésus lui dit : Pourquoi me dis-tu bon ? Personne n'est bon, sinon Dieu seul. 19 Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre ; ne commets pas d'adultère ; ne commets pas de vol ; ne fais pas de faux témoignage ; ne fais de tort à personne ; honore ton père et ta mère. 20 Il lui répondit : Maître, j'ai observé tout cela depuis mon plus jeune âge. 21 Jésus le regarda et l'aima ; il lui dit : Il te manque une seule chose : va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens et suis-moi.
 22 Mais lui s'assombrit à cette parole et s'en alla tout triste, car il avait beaucoup de biens. 23 Jésus, regardant autour de lui, dit à ses disciples : Qu'il est difficile à ceux qui ont des biens d'entrer dans le royaume de Dieu ! 
 24 Les disciples étaient effrayés par ses paroles. Mais Jésus reprit : Mes enfants, qu'il est difficile d'entrer dans le royaume de Dieu ! 25 Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu. 26 Les disciples, plus ébahis encore, se disaient les uns aux autres : Alors, qui peut être sauvé ? 27 Jésus les regarda et dit : C'est impossible pour les humains, mais non pas pour Dieu, car tout est possible pour Dieu.  
 28 Pierre se mit à lui dire : Nous, nous avons tout quitté pour te suivre. 29 Jésus répondit : Amen, je vous le dis, il n'est personne qui ait quitté, à cause de moi et de la bonne nouvelle, maison, frères, sœurs, mère, père, enfants ou terres, 30 et qui ne reçoive au centuple, dans le temps présent, maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres — avec des persécutions — et, dans le monde qui vient, la vie éternelle. 31 Beaucoup de premiers seront derniers, et les derniers seront premiers. 
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Qu’on le veuille ou non,  nous sommes tous des chercheurs de Dieu. Que l’on se  positionne clairement comme croyant ou que l’on se classe parmi les esprits forts qui prétendent ne pas avoir besoin de soutien spirituel, on se pose   toujours à un moment ou à un autre de notre vie les questions fondamentales qui nous poussent à mettre en cause nos propres certitudes. La question de l’influence de Dieu sur nos vies a toujours effleuré un moment  ou un autre notre réflexion.

Ne soyons donc pas surpris si ce récit de l’Evangile nous relate l’histoire d’un homme qui,  bien qu’apparemment sûr de lui, s’adresse à Jésus en exprimant ses doutes :   «  Que dois-je faire pour hériter de la vie éternelle ? » Voilà la bonne question qui est celle de chacun de nous. Dans le bref dialogue qu’il a avec Jésus, nous découvrons qu’il est un croyant pratiquant. Il fait apparemment partie de  ces fidèles dont les certitudes théologiques sont tellement ancrées en eux, qu’ils ne sauraient émettre aucune réserve  sur leur foi ! Mais qu’on ne s’y trompe pas,  l’ombre du doute plane déjà  dans son esprit.

Quand nos certitudes sont ébranlées, il est bon d’en parler. Jésus s’offre à lui comme un interlocuteur de choix. Il est perçu pour le moment comme une référence spirituelle fiable, c’est pourquoi il l’appelle « Maître » (rabbi).  Il ne croit pas que Jésus  le désavouera. Au contraire il s’attend à être montré en exemple, mais déjà un doute le taraude. Ce doute dont il n’est pas encore vraiment conscient, lui vient peut-être de quelque chose de profondément enfoui  en lui qui pourrait bien être Dieu. Dieu chercherait ainsi à le faire évoluer dans sa foi en  ébranlant ses certitudes.  Il l’amène à  comprendre que les apparences ne sont qu’illusion si sa piété ne repose que sur sa situation matérielle.

Pour le moment il veut bien laisser transparaître ses doutes, mais il veut surtout être conforté dans ses certitudes. Il vient vers Jésus, non pas pour que sa foi soit mise en cause mais pour être reconnu dans sa pratique. Il ne doute pas d’être conforté dans ses convictions profondes qui nous apparaissent cependant  comme déjà chancelantes, sans quoi il n’aurait pas interrogé  Jésus.  Mais, C’était mal connaître le maître qui met immédiatement le doigt là où ça fait mal.

Ce jeune homme se croit remarquable aux yeux  de ses contemporains. Il fait partie de la minorité qui se pose en exemple aux yeux des autres. Il croit sans doute que si ses semblables cherchaient à l’imiter, le monde irait beaucoup mieux. Apparemment ce jeune homme semble jouer le jeu, il s’offre à la critique en laissant Jésus intervenir dans sa vie. Il montre par son attitude son ouverture d’esprit et laisse entendre à ceux qui sont témoins de la scène qu’il n’est  pas enfermé dans ses certitudes. Il fait donc  une tentative louable auprès de Jésus, même si elle cache un malaise qu’il ne sait pas encore définir.

Si par la suite on a cru devoir le juger sur sa richesse, ce n’est pas elle qui lui pose problème. Il croit que la vérité est en lui et il voudrait l’imposer aux autres, c’est pourquoi il aimerait obtenir l’approbation de Jésus. En fait,  il veut compromettre Jésus en lui forçant  la main pour qu’il approuve sa démarche  car le  doute l’a effleuré. Et quand le doute nous effleure, il ne nous lâche plus.

Par son attitude, Jésus le déçoit parce qu’il ne reçoit pas auprès de lui l’accueil qu’il espérait. Le lecteur que nous sommes, ne comprend pas non plus  ce sur quoi Jésus veut attirer son attention en agissant comme il l’a fait, c’est pourquoi nous passons à côté du problème en glosant sur le mauvais usage des richesses. Curieusement, comme nous allons le voir, le problème n’est pas là.

En effet, je ne pense pas que  ce soit le mauvais usage des richesses qui est la leçon que l’on doit tirer de ce passage. Pour  rendre justice à la pédagogie de Jésus, je vais me risquer à  mettre en accusation l’Evangéliste Matthieu et l’Evangéliste Luc  qui  ont rapporté le même événement dans leur Evangile respectif. Ils ont apporté  quelques variantes, mais c’est sans importance. Pourtant, ils ont  passé sous silence un détail, qui à mes yeux est la clé de l’énigme.

Nous savons que le plus ancien évangile est celui de Marc, celui que nous avons lu et que les deux autres évangélistes l’ont utilisé comme référence pour écrire le leur. Ils ont généralement amplifié les récits avec des détails que Marc ne connaissait  pas, sauf dans ce récit. Ils y  ont retiré une petite phrase qui me semble être la clé de l’énigme et je les interroge pour savoir pourquoi ils l’ont enlevée. Naturellement, je n’aurai pas la réponse, mais nous la chercherons cependant. Marc a glissé une petite phrase qui est la suivante : « Jésus ayant fixé son regard sur lui l’aima »

C’est dans cette petite phrase que se trouve, selon moi, la bonne réponse. A celui qui cherche Dieu, Jésus exprime que l’amour de Dieu est premier par rapport à toute autre chose. Il  affirme que tous les individus, quels qu’ils soient  sont d’abord et avant tout  placés sous le signe de l’amour de Dieu. L’amour de Dieu est premier en toute chose, si bien que rien de grave ne peut nous arriver de sa part. Si l’amour de Dieu est premier, Dieu ne peut exercer sur nous aucune condamnation définitive.
 
Celui qui se sait ainsi aimé ne peut répondre à l’amour que par l’amour. Si  le jeune homme riche perçoit cet amour, il pourra entendre avec intérêt ce que Jésus a à dire sur les richesses, et par amour il fera à son tour ce qu’il croit bon de faire. Et même s’il ne peut se résoudre à se séparer de ses richesses, il  saura qu’il est aimé, et cela change complètement les conclusions  que l’on pourrait apporter à  l’histoire.

Le jeune homme pourra distribuer ses biens aux pauvres ou les garder pour lui et en faire tout usage qu’il croit devoir en faire, cela ne relève que de lui. Si Jésus lui demande de donner ses biens aux pauvres c’est qu’il a voulu  le rejoindre dans sa manière légaliste d’exprimer sa foi. Puisqu’il croit que le salut s’obtient par ses mérites qui sont grands, Jésus  va jusqu’au bout de sa logique. Il lui dit ce que le droit devrait réclamer de lui, à savoir  se séparer de ses biens en faveur des plus démunis.

Le regard d’amour  que Jésus pose sur lui montre que Jésus  autre chose à lui dire. Il espère qu’il cherchera à l’égard  de Dieu une autre relation que celle du légalisme. Il souhaite une relation basée sur le sentiment et non sur l’intérêt. Entre lui et Dieu il ne devrait être question ni d’argent, ni de respect de la loi mais d’une relation où le sentiment a priorité, car c’est l’amour qui doit être au centre de nos relations avec Dieu et avec les hommes.

Dans ces conditions, l’évocation de l’argent et de toutes nos vertus ne prend d’intérêt que si on se situe d’abord dans une relation d’amour avec Dieu.

En gommant le détail sur l’amour, Matthieu et Luc ont mutilé ce texte en donnant priorité à la morale sur l’amour. Il leur était sans doute impossible de concevoir que Jésus puisse aimer quelqu’un qu’il rejetait, c’est pourquoi ils auraient  supprimé cette petite phrase sur l’amour, mais Jésus ne le rejetait pas, il lui montrait qu’amour et légalisme étaient incompatibles. En fait  c’est le jeune homme qui part, ce n’est pas Jésus qui le chasse.


C’est à nous  maintenant d’imaginer la suite, avec toutes les variantes que l’on veut. Il n’est pas impossible que ce jeune homme se soit enfermé dans son légalisme et que l’histoire se soit arrêtée là.  Il n’est pas impossible non plus, que nous ayons là le récit de la conversion difficile  d’un croyant de la première génération qui après cet événement soit revenu vers Jésus et dont l’histoire était connue des membres de la première église, c’est pourquoi l’évangéliste a tu son nom par simple pudeur.

La fin de cette histoire nous appartient, parce qu’elle cesse maintenant d’être celle du jeune homme riche pour devenir la nôtre. C’est nous maintenant que Jésus regarde avec amour. Il regarde ainsi  chacun de ceux  qui après avoir eu un premier contact avec Jésus reste dubitatif sur la suite à donner. Va-t-il  retourner à ses anciennes occupations, comme si de rien n’était, ou va-t-il penser sa vie autrement  à cause du regard  brûlant d’amour de Jésus  qui pèse sur lui ?

Les illustrations viennent  du retable de la chapelle diocésaine de Bayonne par Sœur Mercédès
"Jésus vient de bénir et d'embrasser les petits enfants qui se suspendent à lui familièrement... Le jeune homme survient... Pourquoi ne pas penser qu'en les voyant, il comprend que pour être avec Jésus, il faut devenir un enfant."

vendredi 21 septembre 2012

Marc 10:1-16


Marc 10 :2-16 - le divorce  
 dimanche 7 octobre
                              

2 Des pharisiens vinrent lui demander, pour le mettre à l'épreuve, s'il est permis à un mari de répudier sa femme. 3 Il leur répondit : Que vous a commandé Moïse ? 4— Moïse, dirent-ils, a permis d'écrire une attestation de rupture et de répudier. 5 Jésus leur dit : C'est à cause de votre obstination qu'il a écrit pour vous ce commandement. 6 Mais au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme ; 7 c'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme, 8et les deux seront une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. 9 Que l'homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni !
10 Lorsqu'ils furent à la maison, les disciples, à leur tour, se mirent à l'interroger à ce sujet. 11 Il leur dit : Celui qui répudie sa femme et en épouse une autre commet l'adultère envers la première, 12 et si une femme répudie son mari et en épouse un autre, elle commet l'adultère. 

 13 Des gens lui amenaient des enfants pour qu'il les touche de la main. Mais les disciples les rabrouèrent. 14 Voyant cela, Jésus s'indigna ; il leur dit : Laissez les enfants venir à moi ; ne les en empêchez pas, car le royaume de Dieu est pour ceux qui sont comme eux. 15 Amen, je vous le dis, quiconque n'accueillera pas le royaume de Dieu comme un enfant n'y entrera jamais. 16 Puis il les prit dans ses bras et se mit à les bénir en posant les mains sur eux.

Nous vivons avec en tête,  la vision  d’un monde désenchanté car,  notre perception de l’espèce humaine est souvent négative.  Nous voyons les humains comme des gens qui s’agressent entre eux, plus enclins à se quereller  et à se jalouser qu’à s’entraider. Ceux qui nous dirigent  visent plus à nous prémunir contre les actions hostiles des autres contre nous qu’à  nous stimuler pour aller vers eux en vue de les aider. Le vieil adage selon lequel il faut se préparer à la guerre si on veut vivre en paix relève plus que jamais de la sagesse des peuples et continue à être la règle de conduite de ceux qui désirent diriger les nations.

C’est surtout quand les relations humaines  sont mauvaises qu’elles suscitent notre intérêt et personne n’est vraiment intéressé  quand les choses  vont bien et que tout   se  passe sans heurt.

Ne soyons donc pas étonnés  si, ici la question du mariage est envisagée sous l’angle négatif du divorce. Dans notre monde, les démons ne restent pas inactifs, le démon de midi en particulier est toujours à l’œuvre,  celui de l’ennui et de  l’habitude, comme celui de la jalousie et du  désir d’aller voir ailleurs lui tiennent compagnie, et tous conjuguent leurs efforts pour détruire les foyers.

La longue histoire de l’humanité a estimé que le divorce était la solution la moins douloureuse pour régler les conflits conjugaux trop graves.  Plutôt que de s’accrocher à recoller les morceaux d’une union détruite il vaut mieux tout recommencer.  Connaissant Jésus comme nous croyions le connaître nous sommes surpris par sa réaction plutôt rigide, face aux pharisiens, ses habituels contradicteurs, qui se montraient plus permissifs en la matière.  Ils prêtaient même à Moïse une permissivité que la loi à proprement parler ne reconnaissait pas vraiment : celle de la lettre de divorce. En effet, qui à l’époque de Moïse aurait-il été capable d’écrire une telle lettre ?

Mais dira-t-on, le droit avait évolué depuis Moïse, c’est vrai, mais si c’était le cas, ce n’était plus Moïse qui l’aurait prescrit, mais les juristes qui au cours des siècles auraient assoupli les règles du divorce, là où Moïse lui-même n’avait rien prévu.

Pourquoi alors Jésus durcit-il le ton là où les successeurs de Moïse avaient assoupli la règle ?  Depuis le début de son ministère, on avait cru comprendre que Jésus prenait volontiers des libertés par rapport aux prescriptions de Moïse et qu’il en atténuait généralement la rigueur en préférant la souplesse de l’amour à la rigidité  de la loi. Quand il n’y avait plus d’amour entre deux personnes n’était-il pas  plus charitable de leur rendre leur liberté plutôt que de les contraindre à vivre ensemble une vie commune qui n’avait plus d’intérêt pour eux ?

 On aurait pu penser que la rigidité de Jésus visait à protéger la femme rejetée qui se retrouvant seule dans la nature n’avait d’autre solution que de retourner chez ses parents. Mais ses parents étaient-ils encore de ce monde et pouvaient-ils la recevoir ? Dans le cas contraire,  elle était destinée à la prostitution et on pensait que Jésus aurait voulu la préserver de ce sort peu enviable, mais ici, ce n’était pas le cas. Jésus ne fait aucune allusion à une telle situation. Contrairement à notre attente Jésus défend une solution radicale que l’on a de la peine à expliquer.


 Curieusement cette position  est restée la règle dans beaucoup d’églises qui veulent ainsi marquer leur fidélité à Jésus. En fait cette rigidité qui rend tant de gens malheureux aujourd’hui était-elle vraiment l’expression de la volonté du Seigneur ? Nous allons essayer de suivre sa logique  au risque de trouver l’expression d’une attitude  plus nuancée voire même très différente de celle que le texte laisse entendre

Avez-vous remarqué que Jésus parle de la dureté du cœur, c’est-à-dire du péché pour justifier la nécessité de  l’assouplissement de la loi de Moïse revendiquée par les pharisiens. C’est par là que j’ai commencé ce sermon. J’ai dit que les hommes avaient une fâcheuse manière de voir le monde, car ils le voyaient sous un angle négatif. Ils considéraient que leur révolte contre Dieu était de l’ordre du normal, et que les humains étaient des rebelles à Dieu par nature.

Il est donc normal pour nous de considérer que les humains aient exclu l’amour des comportements qu’ils ont entre eux. En affaire, par exemple, on ne fait pas de sentiment, et on met ce principe scrupuleusement en pratique.  Jésus quant à lui voit les choses autrement. Il ramène ses interlocuteurs au « commencement », au début de la création, dans un monde encore enchanté ou le péché n’avait pas encore fait son apparition. Ce monde avait été conçu par Dieu pour le bonheur des peuples. Au centre de ce monde, l’homme et la femme devenaient par l’amour qui les unissait un seul corps  et une seule âme.  Quand Jésus parle du Royaume qu’il nous invite à construire c’est cette image qu’il a en tête, et  il essaye de provoquer en nous  le  désir de retrouver cette période idyllique où les mythes  bibliques ont placé l’origine de l’humanité. Il nous entraîne à réfléchir au problème du divorce avec cette vision des choses à l’esprit.

Bien évidemment une telle approche  échappe totalement aux adversaires de Jésus et sans doute aussi à nous-mêmes. Car Dieu a totalement été  écarté du problème. Les adversaires de Jésus  parlent de loi et de règlement et  se demandent comment  appliquer la loi, et surtout comment la contourner. Ce faisant, Ils  espèrent que Dieu cautionnera  leurs arguments. Mais ni Dieu qu’on ne consulte pas vraiment,  ni l’amour qui préside à toutes les manifestations divines n’entrent ici  en ligne de compte. Curieusement, ceux qui sont les gardiens de la Loi et qui prétendent guider les peuples sous le regard de Dieu ont totalement omis Dieu dans leur manière d’aborder les problèmes qui concernent le couple humain quand celui-ci est en état de dysfonctionnement.

Jésus pour sa part réintroduit la présence de Dieu dans le problème. Il rappelle que l’enchantement du monde par la présence de Dieu est toujours d’actualité, mais il dit aussi que la dureté du cœur des hommes, fait continuellement déraper les projets de Dieu qui ne peuvent aboutir que par le pardon et l’amour. Il précise que dans l’intention créatrice de Dieu la rupture entre deux êtres qui s’aiment était  impossible, car l’amour est un ciment qui devrait résister à toute attaque hostile, c’est pourquoi, Jésus affirme qu’il est impossible qu’une rupture  se produise. C’est dans ce contexte idyllique de la création qu’il  place  son argumentation face à ses opposants.

Mais l’impossible se produit parfois. L’amour peut  s’affadir. L’homme et la femme conçus  pour s’aimer  se séparent, s’isolent l’un de l’autre, deviennent indifférents l’un à l’autre et finalement en arrivent à se détruire mutuellement. Quand le  péché a fait son œuvre, seul Dieu peu alors gérer le problème. Le péché est une atteinte à Dieu et ses effets ne peuvent en être corrigés que par lui, qui en prodiguant son pardon permet de tout recommencer quand tout a été détruit.

 Le tort des adversaires de Jésus  est d’avoir voulu tenir Dieu à l’écart du problème, alors que le problème ne peut trouver de solution sans Dieu. C’est parce qu’ils avaient exclu Dieu que Jésus s’est montré sévère car pour lui, sans Dieu rien n’est possible.  Comme il le fait dans toutes les situations où il croise des humains en souffrance, Jésus  va donc aider chacun à se  reconstruire. 

 S’il a déclaré que le couple uni devant Dieu ne pouvait pas être détruit, c’est qu’il voulait rappeler la force du principe créateur de Dieu. Quand  ce principe est attaqué par le péché au point de le détruire, Dieu seul peut nous prendre en charge en nous aidant à construire à nouveau l’avenir sans  jamais regarder en arrière. Une autre vie peut alors devenir possible, une autre forme d'amour peut alors trouver a place, mais le principe d'amour doit toujours rester premier, aussi bien dans le cas de la rupture que dans celui d'une nouvelle union.

Jésus n’a donc nullement l’intention d’enfermer ceux qui ne s’aiment plus dans une attitude impossible à tenir mais il demande d’œuvrer de telle sorte que le principe d'amour reste le premier dans tous les cas et de tout mettre en œuvre pour trouver des solutions qui  remettront  les ex-époux debout, et les rendront capables de participer à nouveau  à l’enchantement créateur de Dieu, qui pour un temps les avait quitté.

samedi 15 septembre 2012

Marc 9:38-48


 

Dimanche 30 septembre 2012 Jésus et les petits

Marc 9:38-48

 

38  Jean lui dit : Maître, nous avons vu un homme qui chasse les démons par ton nom et nous avons cherché à l'en empêcher, parce qu'il ne nous suivait pas. 39 Jésus répondit : Ne l'en empêchez pas, car il n'y a personne qui puisse parler en mal de moi tout de suite après avoir fait un miracle en mon nom. 40 En effet, celui qui n'est pas contre nous est pour nous.

41 Et quiconque vous donnera à boire une coupe d'eau parce que vous appartenez au Christ, amen, je vous le dis, il ne perdra jamais sa récompense.
Les causes de chute

42 Mais si quelqu'un devait causer la chute de l'un de ces petits qui mettent leur foi en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attache autour du cou une meule de moulin et qu'on le lance à la mer. 43 Si ta main doit causer ta chute, coupe-la ; mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie que d'avoir tes deux mains et d'aller dans la géhenne, dans le feu qui ne s'éteint pas  . 45 Si ton pied doit causer ta chute, coupe-le ; mieux vaut pour toi entrer infirme dans la vie que d'avoir tes deux pieds et d'être jeté dans la géhenne. 47Et si ton œil doit causer ta chute, arrache-le ; mieux vaut pour toi entrer borgne dans le royaume de Dieu que d'avoir deux yeux et d'être jeté dans la géhenne, 48 où leur ver ne meurt pas, et où le feu ne s'éteint pas.


Si on voulait construire une société idéale en fonction de nos critères humains, pour tenter d’établir le Royaume de Dieu sur terre,  nous ferions certainement de grosses erreurs, car  nous inventerions des règles à respecter et des lois contraignantes. Sous prétexte de créer une société idéale, on finirait par réaliser une société invivable. De nombreux exemples par le passé à commencer par celui de Genève ; ont montré combien il est difficile, voire même impossible de réaliser un tel projet. Combien de communautés religieuses, animées par des prédicateurs pétris de bonnes intentions n’ont-elles pas cherché à créer des sociétés de ce type. Dans l’ancien monde, où elles ont souvent pris naissance au moment de la Réforme, elles ont été rejetées. Il s’agissait surtout de communautés mennonites et anabaptistes. Beaucoup d’entre elles, fuyant les persécutions se sont ensuite établies dans le nouveau monde où les vastes espace ont permis qu’elles s’installent sans se gêner les unes les autres.

Si Jésus avait pu prendre la parole quand ce mouvement a pris naissance, il aurait sans doute dit avec humour qu’on ne peut rien faire sans une totale liberté. Comme on va le voir par la suite, il ne s’agit pas d’un peu de liberté, mais d’une totale liberté.

Cette vertu est nécessaire pour que s’établisse durablement une société vivable qui aurait l’amour pour règle première, car l’amour récuse toute forme de contrainte. S’il y a liberté, il ne peut y avoir de contrainte et s’il y a contrainte, aussi limitée soit-elle, il ne peut y avoir de liberté, sans quoi une telle société idéale, basée sur le seul enseignement de Jésus s’effondrerait.

Il faut avoir tout cela à l’esprit  quand on essaye de comprendre les propos de Jésus, car il savait bien  qu’une société idéale, construite sur des préceptes relevant de la seule piété ne pouvait aboutir. Jésus ne souhaitait  pas que ses adeptes quittent  le monde où ils vivaient. Il souhaitait  qu’ils cohabitent  au milieu de leurs semblables du mieux possible sans  chercher  à  ériger une société de parfaits. C’est dans ce monde où nous vivons,  où personne ne ressemble à son voisin, et où personne ne pense comme son voisin  que Jésus  se propose de nous accompagner.

Dans  ce passage,  Jésus n’est pas en train d’établir des règles contraignantes pour vivre  le Royaume qu’il promet. Il imagine avec humour ce que les hommes pourraient inventer comme société s’ils leur prenaient la fantaisie de se risquer   à construire  une société parfaite conforme aux règles qu’ils pourraient dégager de l’Evangile. Il les prévient qu’elle finirait vite par devenir une société d’inadaptés.

 Les uns   seraient  totalement    inutiles  puisqu’on les aurait jeté à la mer une meule de moulin attachée au cou ; quant aux autres, ils seraient infirmes à cause des contraintes qu’ils s’imposeraient à eux-mêmes. Comme ils se seraient eux-mêmes mutilés pour se punir d’avoir mal fait, Ils seraient  incapables d’être utiles à leur prochain, puisque ils seraient démunis de bras, de jambes et même de sentiments.  Ce serait exactement le contraire  de ce que l’Evangile préconise qui se construirait. En tout cas si une telle société de justes cherchait à  exister, elle ne fleurerait pas bon l’amour du prochain, mais serait liée à l’espionnage,  à la suspicion et  au jugement des autres. Cela aboutirait à une absence totale de  liberté.

On ne peut vivre les promesses de Jésus sans liberté. Cela  découle de son enseignement, c’est pourquoi  Jésus ne se présente pas comme un révolutionnaire briseur d’injustices et redresseur de torts. Il s’approche des hommes avec tendresse et les fait sortir de leur immobilisme contraignant. Il leur donne un seul objectif  comme  marche à suivre : l’amour du prochain.

 Ainsi, il commence  par prendre le parti de ceux qui prêchent sans autorisation dûment patentée ou qui enseignent sans diplôme. Pour lui,  ce n’est pas la qualification ou le diplôme qui donne de la valeur à ce que l’on dit.  Lui-même n’était sans doute pas diplômé. Cette question de la formation de Jésus  intéresse les théologiens et les historiens au plus haut point.  Etait-il  un dissident essénien formé à la dure école des ermites du désert ?  A-t-il étudié aux pieds des grands maîtres de la Loi  sous le portique de Salomon ?  N’a-t-il reçu  aucune formation et sa science lui venait-elle directement de Dieu sans intermédiaire humain ? Aucune réponse n’a jamais été apportée à ces questions. Il semblerait qu’il ait reçu son inspiration  de Dieu seul  qui se serait chargé de sa formation, autant dire qu’il ne pouvait  se prévaloir d’aucune autorité reconnue par les hommes.

Si Jésus n’avait aucune autorité légitime pour enseigner, comment aurait-il pu l’exiger des autres ?  C’est ce que l’on dit, qui a de la valeur, à condition que la parole prononcée soit porteuse de vie et d’espérance. Le bon prédicateur n’est pas celui qui sort des meilleures universités ou qui sait manier l’éloquence, c’est celui qui dit ce que Jésus aurait dit ou qui fait ce que Jésus aurait fait.  On a tendance à croire que c’est  la formation qui donne de la valeur aux gens. La formation n’est qu’un critère, sans doute nécessaire pour que celui qui enseigne la communauté soit reconnu, mais ce qui est important c’est ce qu’il dit, à condition que ses paroles soient le juste reflet de ce qu’aurait pu dire Jésus qui mettait l’amour en tête des critères à retenir.

Jésus proposera donc à chacun de ceux qui l’écoutent de devenir le compagnon de route de sa vie, non pas pour lui imposer des contraintes qui orienteraient son existence d’une manière ou d’une autre, non pas pour faire peser sur lui une morale rigide, mais pour l’aider à donner priorité à l’amour dans tous ses choix et toutes ses entreprises.

Pourtant, on sent poindre l’exaspération dans ses propos, parce que la société qui l’entoure a donné priorité à d’autres critères que les siens. Elle a fait de la  morale la règle essentielle de la religion. Jésus ne s’en prend pas à l’hypocrisie des pharisiens qu’il a déjà dénoncée par ailleurs. Ce qui l’exaspère, c’est la rigueur morale qu’ils enseignent ,  car ils enseignent que Dieu se cache derrière la rigidité de la Loi de Moïse et qu’il se contente du respect de la loi pour absoudre toutes les fautes.


Or pour Jésus c’est le manque d’amour à l’égard des petits qui est la cause de tous les troubles de la société. Pour lui,  Dieu se fait connaître  par l’amour que lui-même leur porte. Il ne vous a pas échappé que Jésus a mis les petits au centre de son propos. Mais bien vite vous allez oublier ce détail, qui n’en est pas un,  tant la violence  des propos de Jésus qui font suite  vont vous heurter.

Le lecteur un peu attentif, que vous êtes sans doute,  sera impressionné par la sévérité des paroles de Jésus.  Vous allez sans doute être portés à  considérer  que la dureté des attitudes  imposées par Jésus est  encore plus sévère que la loi imposée par les pharisiens et les  scribes. Ses exigences respirent une violence insupportable. Quand ce n’est pas la mort qu’il préconise, c’est la mutilation qu’il envisage. A l’entendre  on n’a plus qu’une seule envie, c’est celle  de tourner la page et de renvoyer Jésus  rejoindre  l’école de ceux qui préconisent que de telles pratiques soient encore appliquées, si bien qu’on ne désire plus l’avoir pour guide.

Je vous arrête ici dans vos pensées, car si elles étaient les vôtres vous auriez tout faux. En effet de tels propos s’accordent mal avec  l’attitude de tendresse  préconisée ailleurs par Jésus. En fait il ne préconise  pas  ces  pratiques  cruelles,  il  les mentionne seulement pour provoquer notre intelligence et nous forcer à réfléchir. Il veut nous dire  simplement  que notre attitude à l’égard des  petits,  pour lesquels nous n’avons pas grands soucis, est porteuse de mort, et que nous mériterions un châtiment  sévère de la loi  si on  considérait  que  telle serait la volonté de Dieu pour  se faire aimer. Loin de lui d’exiger que l’on noie ceux qui manquent de  respect aux petits ou qu’on se mutile soi-même pour toutes les formes de manquement à la  charité. 

 Autrement dit, Jésus  retourne contre nous les pratiques de la loi que nous souhaiterions  instituer, pour nous permettre de comprendre qu’un tel projet serait mortel pour nous.  En fait il ne parle pas de la Loi de Moïse, mais d’une loi que nous nous imposerions à nous-mêmes au cas où nous chercherions à être parfaits. Tout compte fait, Jésus nous laisse déduire logiquement de son propos qu’il serait plus avantageux pour nous de pratiquer l’amour plutôt que la loi.

Les petits ce sont ceux qui n’ont pas la parole, les enfants, bien sûr, mais aussi les malades, les infirmes, les réfugiés, les sans asile, les prisonniers, les vieillards. Tous ces gens  que notre société marginalise  et qui auraient besoin de toute notre attention et devraient mobiliser tous nos soins. Une société qui ne le ferait pas ne pourrait pas être porteuse de vie et d’espérance, car c’est à partir de gestes en faveur des petits que s’édifiera le Royaume de Dieu.

 Il n’est donc pas question de construire une société à part, faite de croyants qui fuiraient un monde aussi injuste que le nôtre. Il est question de se laisser immerger dans ce monde-ci  et de mettre nos propos et nos actions  au service de la cause de tous ces petits dont l’amour et la sollicitude des autres font tant défaut.

Aucune loi ne nous condamnera si nous ne le faisons pas, mais si nous ne le faisons pas, comment pourrons-nous encore  parler de l’amour de Dieu ?