mardi 29 mars 2016

Jean 14:23-29 : promesse du Saint Esprit - dimanche 1 mai 2016




Jésus répondit : Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera ; nous viendrons à lui et nous ferons notre demeure auprès de lui. 24 Celui qui ne m'aime pas ne garde pas mes paroles. Et la parole que vous entendez n'est pas la mienne, mais celle du Père qui m'a envoyé. 

25 Je vous ai parlé ainsi pendant que je demeurais auprès de vous. 26 Mais c'est le Défenseur, l'Esprit saint que le Père enverra en mon nom, qui vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que, moi, je vous ai dit. 

27Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Moi, je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre cœur ne se trouble pas et ne cède pas à la lâcheté ! 28Vous avez entendu que, moi, je vous ai dit : Je m'en vais et je viens à vous. Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais vers le Père, car le Père est plus grand que moi. 29 Je vous ai dit ces choses maintenant, avant qu'elles n'arrivent, pour que, lorsqu'elles arriveront, vous croyiez.

Que celui qui est triste et se sent abandonné, qui vit dans ce monde comme un prisonnier enfermé dans sa cellule, verrouillé à l’écart des hommes par des secrets de vie qui l’empêchent de communiquer  ne se désespère pas. Dieu est au courant de sa situation et lui envoie son Esprit afin que tout soit mis en œuvre pour qu’il soit libéré. Encore, faut-il qu’il y mette du sien.

Il n’y a pas de  honte à avoir des états d’âme, il n’y a pas de honte non plus à éprouver le besoin de sentir une présence à ses côtés, il n’y a pas de honte à sentir un cœur d’enfant battre dans nos poitrines d’adultes. Il n’y a pas de honte non plus à savoir que nous sommes des hommes et des femmes faits de chairs et de sentiments. Les épreuves du temps nous ont appris à nous blinder et à nous protéger d’un masque que nous sauvegardons au mieux pour ne pas laisser transparaître la réalité secrète de notre personnalité. Derrière  les murs de l’apparence, nous cultivons des jardins secrets où parfois nous nous sentons bien seuls. 


Dieu se propose de nous visiter dans les jardins secrets de notre histoire personnelle. Il se propose par cette visite  de produire en nous un effet bénéfique, de provoquer une sérénité nouvelle dont les effets sont inhabituels. «Je me tiens à ta porte et je frappe » dit le Seigneur et pour qu’il entre chez nous il a besoin qu’on lui ouvre la porte. C’est à cette démarche que, sur l’injonction de Jésus je vous propose ce matin. La porte ouverte, Dieu s’approche et nous offre les services de Consolation dont nous avons besoin.

Il n’est sans doute pas difficile d’ouvrir une porte dont on détient la clé, et pourtant à force de rester dans le secret, les mécanismes ont fini par se rouiller et  la serrure s’est complètement bloquée tant il est difficile de s’ouvrir, même à Dieu, et surtout à Dieu  dirai-je, tant  nous redoutons son  regard sévère et son  jugement. Cinq siècles de Réforme ne nous ont toujours pas libérés de cet aspect redoutable  dont les siècles antérieurs ont revêtu Dieu. Sa proximité fait encore peser sur nos consciences un sentiment de culpabilité dont nous avons du mal à nous sentir libérés.

Pour rétablir des chances  de dialogue avec lui, Dieu se propose de faire une démarche nouvelle en notre faveur, il irradie  vers nous un supplément de sa puissance divine qui nous est présentée ici comme le « Consolateur ». En lui,  nous reconnaissons l’action du Saint Esprit que le texte de l’Évangile de Jean appelle le « Paraclet »

Nous avons déjà, bien entendu, repéré l’œuvre du  Saint Esprit. C’est par son action, selon les Ecritures que Dieu  est intervenu, à l’origine des temps pour créer  le monde. Il est présenté comme la puissance créatrice de Dieu et il est sensé présider à la destinée du monde. Il  a  exploré l’immensité du cahot avant de l’organiser.  Il a permis à Abraham de parler  cœur à cœur avec Dieu. Il a parlé par les prophètes,  il est descendu sur Marie et s’est posé sur la poitrine du Messie. Il est enfin venu sur les apôtres le jour de la Pentecôte. Il continue son action en  provoquant le dynamisme de l’Église, il la rend active et missionnaire et la conforte dans sa fidélité. Nous le voyons  ainsi à  l’œuvre  et bien souvent ça nous suffit. Mais pour Jésus, ça ne suffit pas, c’est pourquoi il attire ici notre attention. Il nous demande de considérer que le rôle  du Saint Esprit ne s’arrête pas là. Il a pour mission d’établir un lien particulier entre Dieu et nous. Dans ce rôle là Jésus lui donne le titre de Consolateur, de « Paraclet ».

Le Paraclet, ou le Consolateur, c’est donc ce supplément d’Esprit que Dieu nous envoie pour nous convaincre de l’efficacité de I' œuvre de Jésus Christ en  nous. C’est grâce à lui que nous croyons  que Jésus Christ nous a réconciliés avec Dieu. Il nous a révélé l’immense amour de son Père pour  chacun de nous  et pour le monde aussi. Nous savons que par sa mort il a vaincu notre mort. Mais ces arguments intellectuels, s’ils sont nécessaires à notre compréhension des choses ne remplacent pas notre conviction intérieure. C’est pour accomplir cette fonction que le Seigneur envoie sur nous ce supplément de son Esprit. C’est par lui que tous les acquis de la foi en Christ deviennent certitude et nous transforment en profondeur.

Il nous faut donc être prêt à accueillir le « Consolateur » en nous. Il nous faut prendre du temps pour travailler sur nous même par la méditation et la prière. C’est ainsi qu’il aura la possibilité de pénétrer en nous et  de faire sa demeure en nous.  Naturellement, quelques uns parmi-vous vont considérer que je fais peu de cas de la grâce en évoquant cette nécessité de travailler sur nous et de faire des efforts sur nous-mêmes. Ils vont penser  que je la renvoie au rayon des accessoires inutiles en préconisant d’une manière subtile le retour au salut par les œuvres.

Qu’on ne se méprenne pas. Le salut nous est acquis par grâce, nous n’y avons aucun mérite. Dieu, par une décision dont le secret n’appartient qu’à lui a décidé de ne pas tenir compte de nos péchés avoués ou pas et de nous ouvrir tout grands ses bras de Père. Cela n’est nullement remis en cause. Ce que je dis simplement, c’est que pour prendre conscience de cette grâce et de l’immense privilège qu’elle révèle et  pour vivre pleinement du bonheur de se sentir sauvés, il faut accueillir ce supplément d’Esprit que Dieu nous donne. 

 Pour  l’accueillir, il faut s’y  préparer. Pour s’y préparer il faut  en faire l’effort. Il faut d’abord désirer qu’il s’installe en nous pour participer à notre vie intérieure. Il se comporte  alors comme un baume bienfaisant qui oriente toutes nos pensées pour qu’elles se mettent en harmonie avec celles du Père. C’est alors que les consolations que nous espérons pourront se produire. Un supplément de vie prendra  alors place en nous pour alimenter nos désirs car nous avons besoin que nos frustrations soient prises en compte, qu’elles soient dépassées et qu’elles ne  fassent plus frein à toutes nos entreprises.

Si on cherche l’étymologie du mot « Paraclet » que l’on traduit par « consolateur » mais aussi par défenseur ou avocat, nous découvrons en nous appuyant sur le mot hébreu qui le désigne qu’il vaudrait mieux traduire par « supplément de vie ».  Vous avez sans doute remarqué que c’est sur ce sens particulier que je me suis appuyé tout au cours de mon propos.  Si toutes les fois que vous lisez dans la Bible le mot « consoler », vous le remplacez par l’expression « donner un supplément de souffle » vous verrez alors quel dynamisme il y a dans ce mot.

Le supplément de souffle se comporte comme une bouffée d’oxygène que l’on fait respirer au malade pour le ranimer. Nous sommes des êtres en manque de souffle, et Dieu nous envoie gracieusement et généreusement ce souffle qui vient de lui. Il nous appartient maintenant d’utiliser ce supplément d’énergie pour surmonter ce qui entrave nos désirs, c’est ainsi que nous verrons se cicatriser nos plaies intérieures. Ce supplément d’énergie nous permet de sublimer nos frustrations et de nous projeter sereinement dans l’avenir.


Je crois qu’aujourd’hui en 2016 nous ne prenons pas assez de temps de nous laisser habiter par ce supplément d’esprit. Nous sommes avides de connaissances, nous prenons du temps pour nous cultiver, ou pour nous divertir, mais nous ne prenons pas assez de temps pour reprendre souffle comme le coureur sur le bord de la piste. Nous ne prenons pas le temps de  descendre en nous-même pour y saluer Dieu  qui habite déjà en nous et qui nous attend patiemment. C’est alors que nous pourrons  lui dire notre amour et nos inquiétudes. Nous devons nous ouvrir sans crainte à notre Dieu et il fera le reste. C’est en agissant ainsi que nous faciliterons l’accès   en nous au Saint esprit.  Prenez le temps de vous laisser bercer et cajoler par votre Dieu qui ne demande que cela. En acceptant cela vous découvrirez qu’il vous en donne encore  bien davantage.

vendredi 25 mars 2016

Jean 13:31-35 le commandement nouveau 24 avril 2016



31 Lorsque Judas fut sorti, Jésus dit : Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié en lui. 32 Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui, il le glorifiera aussitôt. 33 Mes enfants, je suis avec vous encore un peu. Vous me chercherez ; et comme j'ai dit aux Juifs : « Là où, moi, je vais, vous, vous ne pouvez pas venir », à vous aussi je le dis maintenant.
34 Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres ; comme je vous ai aimés, que vous aussi, vous vous aimiez les uns les autres. 35 Si vous avez de l'amour les uns pour les autres, tous sauront que vous êtes mes disciples.

Quand la foi des disciples se met à basculer à l’annonce d’un événement auquel ils n’étaient pas préparés, quand la suspicion s’empare de leur esprit et que la colère monte en eux, quand Jésus lui-même se trouble et ne contrôle pas les émotions de ses amis, quand enfin Judas sort pour faire son œuvre et trahir son maître, le seul message que Jésus leur transmet  c’est qu’ils doivent donner priorité à l’amour. Après le départ de Judas, tout se passe comme s’il n’avait pas existé, sans qu’on  remarque à peine son départ. 

Ce n’était pas la joie qui présidait à  ce dernier repas que Jésus avait voulu partager avec les siens. C’était un repas d’adieu  et personne ne s’en doutait, si non Judas  dont l’action nous sidère encore  et provoque en nous une profonde incompréhension.  Pourtant, Jésus n’avait rien improvisé. On nous raconte que  tout  avait été prévu  à l’avance. Le repas avait été préparé selon les prescriptions de Jésus, et  même le rôle terrible que va jouer Judas avait été peut-être été prévu par le maître. 

L’Evangile de Jean est le plus radical des quatre évangiles. Pour expliquer le geste de Judas il  a retenu la thèse de la cupidité. Mais la comparaison avec les autres évangiles fait vaciller nos convictions et les arguments ont du mal à s’imposer. Nous avons retenu qu’il aurait trahi pour de l’argent, mais la somme était bien faible, 30 deniers nous dit Matthieu. Pourtant, l’actualité récente nous a appris que l’argent pouvait être à l’origine de beaucoup de trahisons,  encore faut-il que l’enjeu en vaille la peine. Examinons la situation d’un peu près.

 Il était possible que Judas  soit arrivé à la conclusion selon laquelle le ministère de Jésus  était  voué  à l’échec et  qu’il n’allait pas s’en sortir sans y laisser sa vie. Autant en profiter aurait-il pu penser  et  profiter de la situation. Cette interprétation est cependant  difficile à soutenir si on considère que personne ne l’a empêché de sortir à l’annonce de sa trahison, d’autant plus que nous savons par l’Évangile de Luc qu’il y avait deux épées en leur possession (Luc 28 :38) et qu’un des apôtres  s’en serait servi, par la suie, lors de l’arrestation (Matthieu 26 :52) .

On a aussi vu dans Judas un idéaliste, qui ne voyant pas venir  le Royaume annoncé aurait voulu provoquer un événement céleste et  forcer Jésus à se révéler comme Fils de Dieu.  En le livrant aux  forces de l’ordre il aurait espéré que  l’archange Michel serait venu avec ses légions pour le défendre. Judas se serait trompé sur toute la ligne et se serait suicidé de désespoir. Là encore l’argument tient mal, car le récit évangélique laisse entendre que Jésus était au courant du projet, et ne l’approuvant pas, il n’aurait pas laissé faire.  Au contraire, Il se serait lui-même identifié, par avance à l’agneau que l’on sacrifiait à l’occasion de la Pâques et aurait choisi de mourir au moment où au temple on immolait les agneaux. La théologie chrétienne retiendra cette interprétation, mais est-il possible d’en trouver l’origine dans Jésus lui-même ?

Une troisième hypothèse, plus invraisemblable et plus choquante que les autres, mais envisageable tout de même peut être avancée. Elle est  conforme au récit des Évangiles. Elle  laisse entendre que ce serait Jésus lui-même qui aurait organisé sa propre arrestation avec la complicité du plus courageux de ses disciples. En effet, nous avons vu que Jésus avait tout prévu et tout calculé pour cette soirée. Il aurait compris  que son ministère, pour témoigner de la vérité qu’il prêchait depuis trois  ans  ne pouvait  s’achever que  par sa mort. Il aurait alors prévu de mourir dans le cadre de la fête juive, de la Pâque, au moment où on immolait les agneaux au Temple. C’est ce qui se produisit.  Mais pour que cela puisse se faire, il fallait que son programme soit bien réglé et que  l’arrestation ait lieu au bon moment ainsi que le procès  qui s’en suivit, afin que  sa mort coïncide avec celle des agneaux. C’est difficile à envisager. 

La  théologie chrétienne retiendra cette interprétation des événements, mais est-il possible d’en trouver l’origine dans les propos de Jésus ? Pour qu’un tel projet réussisse, il fallait que  Jésus se  soit assuré des   services d’un  complice  solide qui ne broncherait pas au dernier moment. Jésus connaissait chacun de ses amis et il savait que seul sans doute, Judas avait la capacité d’assumer ce défi. C’est ce projet que Jésus aurait révélé ce soir-là aux siens atterrés. 

N’oublions  pas que ces événements ont été reconstitués après coup par les évangélistes qui ont murement réfléchi à la cohérence théologique de ce qu’ils rapportaient. En prolongement de cette remarque, ne pourrait-on pas penser que le portrait de Judas lui-même serait une création des auteurs évangéliques qui auraient emprunté une partie de son personnage à  Juda, fils de Jacob, frère de Joseph qui a eu l’idée de vendre son frère aux Égyptiens pour duper son père. Ainsi pourrait se comprendre la disparition de Judas du récit sans que personne n’intervienne pour le retenir.( Genèse 37:26-28)

Judas serait sorti du récit  emportant avec lui le doute des uns, le soupçon des autres et l’incompréhension de tous, c’est alors que le maître livra à ses disciples son testament spirituel sans nullement faire allusion à l’événement qui était sensé  s’être produit  l’instant auparavant.

 On  aurait pu s’attendre à ce qu’il élabore une théorie sur le salut. C’est ce  que l’Église a fait après lui à propos de cet événement. Il n’en fut rien. Il leur  parle d’amour. On aurait pu s’y attendre car l’amour était au centre de son enseignement. Mais  en cas de crise, alors que tout s’effondre autour de ses amis et qu’un de  ses collaborateurs l’aurait trahi ignoblement , ce mot  avait de quoi les surprendre, était-il encore valable ? Il parlait de l’amour des uns pour les autres. Au moment où l’idée de mort entrait dans leur âme,  où la notion d’échec et de trahison  commençait à faire son chemin dans leur esprit et que la peur les saisissait, c’est d’amour que Jésus les entretenait.

Alors que les  théologiens, quelques années plus tard en commentant ce même événement diront des choses hautement spirituelles sur  l’attitude admirable de Jésus, celui-ci, résuma ce soir-là, tout ce qu’ils devaient retenir en un seul mot celui d’amour. Par la suite  les commentateurs de l’événement parleront de sacrifice pascal et d’agneau immolé pour le péché du monde, on oubliera que Jésus  avait laissé entendre que l’amour, que les hommes partageront entre eux sera l’élément essentiel pour  manifester la gloire de Dieu. Si  la  gloire de Dieu, réside dans le fait que Dieu met tout en œuvre pour le salut des hommes, Jésus précise que c’est  l’amour qui sera plus efficace  que tous les discours pour la mettre en valeur.

Contrairement à ce que les autres évangélistes ont écrit et à ce que nous avons retenu de l’événement, nous réalisons que l’épisode concernant Judas est un épiphénomène qu’on pourrait ne pas retenir car il n’intervient nullement dans le dernier message de Jésus.

Heureusement la résurrection permettra de mettre à nouveau les choses au point. Quelques jours plus tard, nous rapporte ce même évangile, Pierre fut pris à part par le ressuscité pour entendre à nouveau Jésus parler d’amour : «  Pierre m’aimes-tu ? »  Jésus revenu de la mort confirme la priorité de l’amour sur toute autre attitude. Avec Jésus, c’est cette notion de l’amour qui a survécu à la mort. Ce sentiment ne peut donc être la norme de notre vie désormais, que si  l’Esprit qui a arraché Jésus à la mort ne prend le dessus sur notre âme et mobilise nos actes et nos pensées. Nous retiendrons alors que l’intérêt du prochain doit toujours être  premier dans toutes les situations que nous sommes appelés à vivre.

Bien évidemment nous serons en butte aux railleries des hommes quand nous essayerons de donner priorité à ce sentiment, alors que les hommes  en suggèrent d’autres. Ils l’associeront à de la lâcheté et au refus d’agir, mais  c’est parce que nous lui donnerons priorité que certains s’ouvriront à Dieu et qu’ils accepteront de croire qu’une force de vie, capable de transformer les hommes habite le monde, car seule cette force d’aimer que Dieu met en nous est capable d’ouvrir le monde à l’avenir.

Le baiser de Judas : la sagrada familia - Barcelone

lundi 21 mars 2016

Jean 21:1-19 Jésus apparait au bord du lac - dimanche 10 avril 2016



1 Après cela, Jésus se manifesta encore aux disciples, à la mer de Tibériade. Voici comment il se manifesta. 

2 Simon Pierre, Thomas, celui qu'on appelle le Jumeau, Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples étaient ensemble. 3 Simon Pierre leur dit : Je vais pêcher. Ils lui dirent : Nous venons avec toi, nous aussi. Ils sortirent et montèrent dans le bateau ; cette nuit-là, ils ne prirent rien. 

4 Le matin venu, Jésus se tint debout sur le rivage ; mais les disciples ne savaient pas que c'était Jésus. 5 Jésus leur dit : Mes enfants, avez-vous quelque chose à manger ? Ils lui répondirent : Non. 6 Il leur dit : Jetez le filet à droite du bateau, et vous trouverez. Ils le jetèrent donc ; et ils n'étaient plus capables de le retirer, tant il y avait de poissons. 7 Alors le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : C'est le Seigneur ! Quand Simon Pierre eut entendu que c'était le Seigneur, il attacha son vêtement à la ceinture — car il était nu — et il se jeta à la mer. 8 Les autres disciples vinrent avec la barque, en traînant le filet plein de poissons, car ils n'étaient pas loin de la terre, à deux cents coudées environ. 

9 Lorsqu'ils furent descendus à terre, ils voient là un feu de braises, du poisson posé dessus, et du pain. 10 Jésus leur dit : Apportez quelques-uns des poissons que vous venez de prendre. 11 Simon Pierre monta dans le bateau et tira à terre le filet, plein de cent cinquante-trois gros poissons ; et quoiqu'il y en eût tant, le filet ne se déchira pas. 

12 Jésus leur dit : Venez déjeuner. Aucun des disciples n'osait lui demander : Qui es-tu, toi ? Car ils savaient que c'était le Seigneur. 13 Jésus vient, prend le pain et le leur donne, ainsi que le poisson. 14C'était déjà la troisième fois que Jésus se manifestait à ses disciples depuis qu'il s'était réveillé d'entre les morts. 

15 Après qu'ils eurent déjeuné, Jésus dit à Simon Pierre : Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ? Il lui répondit : Oui, Seigneur ! Tu sais bien, toi, que je suis ton ami ! Jésus lui dit : Prends soin de mes agneaux. 16 Il lui dit une deuxième fois : Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? Pierre lui répondit : Oui, Seigneur ! Tu sais bien, toi, que je suis ton ami ! Jésus lui dit : Sois le berger de mes moutons. 17 Il lui dit pour la troisième fois : Simon, fils de Jean, es-tu mon ami ? Pierre fut attristé de ce qu'il lui avait dit pour la troisième fois : « Es-tu mon ami ? » Il lui répondit : Seigneur, toi, tu sais tout ! Tu sais bien, toi, que je suis ton ami ! Jésus lui dit : Prends soin de mes moutons. 18 Amen, amen, je te le dis, quand tu étais plus jeune, tu passais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et un autre te passera ta ceinture pour te mener où tu ne voudras pas. 19 Il dit cela pour signifier par quelle mort Pierre glorifierait Dieu. Après avoir ainsi parlé, il lui dit : Suis-moi.


Non, la page n’était pas tournée. La mort de Jésus n’avait pas effacé le terrible remord qui hantait la vie de Pierre. Le rôle du  traître ne lui allait pas et il ne pouvait pas s’y habituer. Après l’épisode du tombeau vide, la vie de Pierre aurait dû prendre un tournent nouveau dont il n’avait pas encore mesuré toute la portée. Mais il ne s’était encore rendu compte de rien. Rien n’avait encore réellement changé en lui et il était retourné à la pêche comme par le passé. La mort du Seigneur l’avait enfermé dans ce sentiment de culpabilité qui l’obsédait. Parfois le poids du remord ou les souvenirs d’un passé impardonnable nous écartent de Dieu. Pierre nous précède sur le chemin d’une telle aventure et son histoire va nous aider à affronter nos propres mystères. 

Habituellement  la mort nous permet de résoudre  plus facilement nos cas de conscience. Le néant  referme ses portes sur   les remords  qui finissent par s’atténuer. Pour Pierre, la résurrection était venue redonner vie à ce que la mort devait ensevelir lentement dans l’oubli. La  résurrection du Seigneur  rendait  vie à ce passé qu’il aurait voulu chasser loin de lui. Il ne savait pas encore que la résurrection allait opérer en lui  une transformation personnelle dont il ne se doutait pas encore. La résurrection allait devenir vraiment effective  pour lu, à mesure qu’il découvrirait l’action bénéfique de Jésus en lui. La résurrection  n’était  donc pas un savoir, ni une croyance, mais c’était un état de fait qui transforme l’existence.

C’est Jésus qui revient de l’éternité pour le rencontrer et qui  l’interpelle. Il est désormais vivant pour toujours et  lui rafraichit la mémoire. Il rappelle d’abord à son souvenir les événements qui l’obsèdent. Il le fait avec tendresse  et lui dit pas trois fois « m’aimes- tu  plus que tous ceux- là? » Et Pierre entend « m’aimes-tu plus que tous ceux-là qui n’ont ont pas trahi » C’est à nouveau le chant du coq qui réveille le passé. Jésus encore une fois lui fait sentir qu’il est un traître, indigne de se tenir devant lui. Il a renié  son maître au moment où celui-ci avait besoin de lui. Il a le sentiment d’avoir  indirectement participé à sa crucifixion, c’est comme si lui-même avait enfoncé les clous.

La  résurrection maintient vivant tout ce qui devrait être anéanti par la mort, si bien qu’à cet instant précis elle n’est pas perçue par Pierre comme une «bonne nouvelle ». La faute qu’il aurait aimée voir  entrer dans l’oubli, reprend  place dans sa conscience avec une acuité douloureuse !  Mieux aurait valu pour Pierre, en cet instant que Jésus l ne ressuscitât point.

Pourtant si cette scène nous est racontée de la sorte en pesant fortement sur les sentiments de Pierre, ce n’est pas pour l’enfoncer et lui fermer le ciel à tout jamais, c’est au contraire pour qu’il perçoive le profond pouvoir de guérison qu’il y a dans  la résurrection. Dieu le prend en charge tel qu’il est, avec ce profond dégoût de lui-même, pour le transformer et le faire entrer comme un homme nouveau dans l’éternité. C’est Pierre qui initie ce processus de transformation, mais ce même processus  est promis à tous ceux qui entrent dans la même démarche que lui. 

Il y a des gestes, ou des paroles ou de pensées dont le seul souvenir nous pourrit la vie. Quand nous y pensons, tout cela  nous obsède et rien ne peut nous en libérer, pas même la promesse du pardon. Comme Pierre, il faut que nous soyons pris en charge, là où ça nous fait mal.

Pierre finira par comprendre que la résurrection a pouvoir d’effacer tout ce qui est irréparable, mais elle n’agit pas forcément sur l’instant. Elle agit comme un lent processus qui prend du temps pour faire effet en nous.  Ce processus  est le résultat de l’action de Dieu. Il relève de cette pulsion de vie nouvelle qui se produit en nous et qui puise son origine en Dieu quand  nous acceptons d’intégrer la réalité de la résurrection.

Ce n’est pas une notion simple à acquérir. Regardons comment Pierre se comporte ce matin-là dès qu’il a compris que  le Seigneur était vivant.  Il s’est mis à agir à contre temps. Il s’est jeté à l’eau alors que les autres avaient peine à amener la barque au rivage.  Il s’est habillé alors qu’il allait mouiller son vêtement. Il ne peut oublier que quelques jours au paravent, c’est le Seigneur qui avait enlevé ses vêtements pour lui laver les pieds. Il en avait fait toute une histoire avant de se laisser faire.  Maintenant, Il  laisse les autres ramener les filets sans lui, mais au lieu de se précipiter aux pieds du Seigneur,  il revient sur ses pas pour  tirer les filets  tout seul. Il a cherché à garder une contenance devant  Jésus et il l’a  totalement perdu. Il a tout faux. Son comportement révèle  son inconfort intérieur qu’il a du mal à dissimuler. C’est pour qu’il redevienne rapidement  comme avant que Jésus le prend personnellement en charge.

Bien sûr le Seigneur  n’ignore rien de tout ce que Pierre aurait aimé  lui cacher. Il n’ignore pas les torts qu’il a   envers lui.  C’est pour cela qu’il va tout mettre en œuvre pour que Pierre réagisse, car il doit  provoquer en lui une profonde transformation. Elle s’opère du fait  que la notion de vie a pris un sens nouveau.

Jésus l’appelle « Simon », du nom qu’il avait jadis, avant qu’ils ne se connaissent. Il évoque ensuite ce moment  douloureux de son passé, où par trois fois Pierre l’a renié. Il ne pourra  dépasser  ce souvenir qui l’accable que s’il accepte d’aller de l’avant  en laissant définitivement le passé derrière lui. Tout ce  qui encombre notre passé et nous empêche de vivre le présent ne peut être dépassé  que  si nous  entrons dans une dynamique de vie dont Dieu est partie prenante. C’est alors que Jésus le charge de mission : « prends soin de mes brebis ! » lui dit-il.

Certes, le pardon de Dieu est total et Jésus n’aurait pas besoin d’évoquer le passé douloureusement coupable de Pierre, si Pierre n’avait pas besoin d’assumer lui-même son passé pour le dépasser. C’est seulement après cette conversation avec Jésus que Pierre acceptera que sa vie prenne une nouvelle dimension et que la résurrection jouera son plein effet sur lui. Tant que nous n’aurons pas nous-mêmes vécu un tel moment  d’intimité avec Jésus, nous n’aurons pas  vraiment assumé la vraie dimension de la résurrection.

Nous connaissons tous des frères et des amis qui se sont éloignés de Dieu parce qu’ils n’acceptaient pas que le Seigneur porte un regard apaisant sur leurs fautes commises. «  Ma faute est trop grande pour que je puisse subsister devant Dieu » avait dit Caïn. Pire que cela, nous connaissons tous des situations où se sont les hommes eux-mêmes  qui  font peser lourdement sur les coupables le poids de leurs fautes, si bien  qu’ils leur refusent ainsi toute possibilité de repentir. Ils  leur ferment  alors la porte à une possible  résurrection, ce qui rendra encore plus difficile au Seigneur la possibilité de les atteindre.

Le message que  Jésus adresse aujourd’hui à tous ces ressuscités potentiels que nous sommes, c’est de rester attentifs cette dimension de la résurrection.  C’est un supplément de vie que Dieu donne à tous,  quand ils lui expriment leur besoin de pardon et d’espérance. Il nous  charge ensuite de mission auprès de tous ceux qui se  sont écartés de Dieu ou que les hommes ont écartés de Dieu. C’est de pardon que nous devons parler, d’espérance aussi, mais surtout de vie. Nous restons conscients du fait que  Dieu pourra quand même les rejoindre sans notre aide, mais ce sera beaucoup plus facile si nous lui apportons notre collaboration.  Notre vocation est donc de devenir des agents efficaces de la résurrection auprès de ceux  qui n’ont pas encore compris qu’elle faisait partie de ce supplément de vie que Dieu  donne à tous eux qui croient.

Aquarelles de Madeleine Diener